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Diagnostic et analyse des stratégies d'intervention des organisations humanitaires dans les zones à risque terroristes : cas des régions du Sahel, de l'Est, du Centre-Nord et de la Boucle du Mouhoun au Burkina Faso

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Fidèle Bakyono, 2021

Diagnostic et analyse des stratégies d'intervention des

organisations humanitaires dans les zones à risque

terroristes. Cas des régions du Sahel, de l'Est, du

Centre-Nord et de la Boucle du Mouhoun au Burkina

Faso

Mémoire

Fidèle Bakyono

Maîtrise sur mesure

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Diagnostic et analyse des stratégies d’intervention des

organisations humanitaires dans les zones à risque

terroristes.

Cas des régions du Sahel, de l’Est, du Centre-Nord et de la Boucle

du Mouhoun au Burkina Faso

Mémoire

Fidèle Bakyono

Sous la direction de :

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ii

Résumé

Depuis 2016, le Burkina Faso fait face à des conflits terroristes qui ont occasionné plusieurs victimes au sein des populations civiles et des forces armées républicaines. Cette crise qui sévit particulièrement dans les régions du Nord, du Sahel, du Centre-Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun a engendré une catastrophe humanitaire sans précédent. Environ un million de personnes se sont déplacées pour fuir les exactions commises par les groupes armés et les populations restées sur place manquent de tout et vivent dans une insécurité alimentaire sévère. Dans ce contexte, plusieurs organisations humanitaires s’organisent pour soutenir aussi bien les populations déplacées dans les camps de réfugiés que celles restées sur place. Cette étude menée auprès de dix-huit organisations a eu pour objectif d’identifier et analyser les différentes stratégies d’intervention des organisations en faveur des populations restées sur place, dans le domaine de la sécurité alimentaire. Les résultats des entrevues identifient principalement trois approches stratégiques : l’approche basée sur l’acceptation des populations bénéficiaires en développant des actions de renforcement des liens de confiance, l’approche de protection du personnel des organisations en développant les stratégies de gestion des programmes à distance à travers le système mobile money et l’approche dissuasive par l’utilisation d’escortes militaires pour la sécurisation des opérations à risques. Dans ce conflit non international, dans le sens où il n’oppose pas des groupes en conflit au sein du pays, ni international dans le sens où il n’oppose pas deux pays, mais met en jeux plusieurs groupes armés désorganisés, les organisations sont confrontées à de nombreux dilemmes : faut-il faire appel à des escortes militaires ? Comment respecter les principes humanitaires ? Quelle visibilité donner aux organisations? À ces dilemmes s’ajoutent des contraintes liées à la psychose des populations et les flux de déplacement qui impactent négativement les résultats des projets et l’arrêt de plusieurs programmes de développement.

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iii

Abstract

Since 2016, Burkina Faso has been facing terrorist conflicts that have resulted in several victims among the civilian population and the Republican armed forces. This crisis, which is particularly acute in the regions of the North, the Sahel, the Center-North, the East and the Boucle du Mouhoun, has resulted in an unprecedented humanitarian disaster. Approximately one million people have moved to flee the abuses committed by the armed groups and the populations who have remained behind lack everything and live in severe food insecurity. In this context, several humanitarian organizations are intervening to support both the displaced populations in the refugee camps and those who remained behind. This study of eighteen organizations aimed to identify and analyze the different intervention strategies of the organizations in the area of food security for the remaining populations. The results of the interviews mainly identify three strategic approaches: the approach based on the acceptance of the beneficiary populations by developing actions to strengthen the bonds of trust, the approach to protect the personnel of the organizations by developing strategies for managing the programs remotely through the mobile money system and the dissuasive approach by using military escorts to secure high-risk operations. This conflict is non-international in the sense that it does not pit groups in conflict within the country, nor international in the sense that it does not pit two countries against each other, but involves many of disorganized armed groups. Organizations face many dilemmas: should military escorts be used? How can humanitarian principles be respected? What visibility should be given to the organizations? To these dilemmas are added constraints related to the psychosis of the populations and the flow of displacement which negatively impact the results of projects and the halt of several development programs.

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iv

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures, tableaux, illustrations ... viii

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

Chapitre 1. Problématique ... 3

État des lieux de la sécurité alimentaire et nutritionnelle ... 3

1.1.1 Dans le monde ... 3

1.1.2 En Afrique ... 4

1.1.3 Au Burkina Faso ... 5

1.1.3.1 Les disponibilités alimentaires au Burkina Faso ... 6

1.1.3.2 Accessibilité et stabilité alimentaire au Burkina Faso ... 8

1.1.3.3 Utilisation des aliments au Burkina Faso ... 9

Les conflits en Afrique et leurs impacts sur la sécurité alimentaire. ... 9

1.2.1 Points sur les conflits en Afrique subsaharienne ... 12

1.2.2 Impacts des conflits sur la sécurité alimentaire ... 12

1.2.2.1 Cas du Mali ... 14

1.2.2.2 Cas du Nord-Est du Nigeria ... 14

1.2.2.3 Manifestation du conflit terroriste au Burkina et ses impacts sur la sécurité alimentaire ... 15

Politiques et Stratégies de réponse à l’insécurité alimentaire ... 18

Objectifs de recherche ... 19

Pertinence de l’étude ... 19

Chapitre 2. Cadre d’analyse ... 21

Les conflits armés en Afrique ... 21

Catégorisation des conflits par le droit humanitaire international ... 22

2.2.1 Droit des conflits armés internationaux (CAI) ... 22

2.2.2 Droit des conflits armés non internationaux (CANI) ... 23

Le terrorisme international : ... 24

2.3.1 Historique ... 24

(6)

v

2.3.3 Le terrorisme en Afrique subsaharienne ... 26

2.3.4 Mesures de lutte antiterroristes ... 27

Concept « d’intervention humanitaire » ... 29

2.4.1 Principes humanitaires et cadre éthique ... 30

2.4.2 Climat des interventions humanitaires et sécurité des acteurs ... 31

Stratégies d’intervention dans les contextes d’insécurité ... 32

2.5.1 Approche d’acceptation ... 33

2.5.2 L’approche de protection ... 34

2.5.2.1 La prudence ... 34

2.5.2.2 La mitigation des risques ... 35

2.5.2.3 Élaboration de normes de négociation avec les groupes armés ... 35

2.5.2.4 Le retrait des zones sensibles ou « Opting out » ... 35

2.5.2.5 Rester sous le radar ... 35

2.5.2.6 La collaboration avec les autorités ... 36

2.5.3 L’approche de dissuasion ... 36

Dilemmes humanitaires ... 38

2.6.1 Le raisonnement affectif ... 40

2.6.2 Le raisonnement introverti ... 40

2.6.3 Le raisonnement extraverti ... 41

Présentation du cadre d’analyse ... 41

Chapitre 3. Méthodologie de recherche ... 43

Approche méthodologique adoptée ... 43

Recueil des données ... 44

3.2.1 Échantillonnage ... 44

3.2.2 Recrutement et profil des participants ... 45

3.2.3 Technique de collecte des données et déroulement des entrevues ... 47

3.2.3.1 Technique de collecte des données ... 47

3.2.3.2 Déroulement des entrevues ... 48

Analyse des données ... 49

3.3.1 Transcription des données collectées ... 49

3.3.2 Analyse des données ... 50

Difficultés rencontrées ... 51

Chapitre 4. Présentation des résultats ... 52

(7)

vi

Profils des organisations participantes interviewées... 53

4.2.1 Les ONG nationales et internationales ... 53

4.2.2 Les organes des Nations Unies ... 55

4.2.3 Services déconcentrés de l’État ... 55

Principaux projets/programmes réalisés par les organisations ... 56

4.3.1 Projets/programmes d’urgences ... 56

4.3.2 Projets/programmes de développement ... 56

Le contexte sécuritaire réel du Burkina Faso ... 57

4.4.1 Acteurs du conflit terroriste au Burkina Faso selon les organisations ... 58

4.4.2 Contexte des interventions humanitaires au Burkina Faso ... 60

Stratégies d’intervention développées par les Organisations ... 63

4.5.1 Approche basée sur l’acceptation des communautés locales ... 65

4.5.1.1 La stratégie de transfert du risque à des organisations et à du personnel local 65 4.5.1.2 Stratégie de responsabilisation des communautés dans le ciblage des bénéficiaires et la mise en œuvre des activités ... 67

4.5.1.3 La stratégie d’utilisation d’une faible ou d’une absence de visibilité ... 68

4.5.1.4 Stratégies de communication avec les acteurs influents ... 69

4.5.1.5 Développement des thématiques acceptées par les communautés ... 73

4.5.1.6 Stratégie de promotion des principes humanitaires ... 73

4.5.2 L’approche de dissuasion : La stratégie d’utilisation d’escortes militaires ... 75

4.5.3 L’approche basée sur la protection... 75

4.5.3.1 La stratégie de gestion des opérations à distance ... 75

4.5.3.2 La stratégie d’évitement du risque ... 76

4.5.3.3 La création d’un service de sécurité au sein des organisations ... 77

4.5.3.4 La stratégie d’adoption des bonnes attitudes ... 77

Les cadres normatifs définissant les différentes stratégies ... 79

Dilemmes et défis humanitaires ... 80

4.7.1 La collaboration des organisations avec les FDS ... 80

4.7.2 Affichage ou absence de visibilité des organisations ... 81

4.7.3 Le respect des principes humanitaires ... 81

4.7.4 La négociation de l’accès humanitaire avec les groupes armés ... 82

Impacts des conflits sur les stratégies et objectifs des programmes ... 83

Appréhensions des bailleurs de fonds sur l’atteinte des objectifs des projets/programmes ... 85

(8)

vii

Contraintes de mise en œuvre des stratégies d’intervention ... 85

Chapitre 5. Discussion des résultats ... 88

Interventions humanitaires et stratégies développées ... 88

5.1.1 L’approche basée sur l’acceptation ... 89

5.1.2 L’approche basée sur la protection... 91

5.1.3 L’approche dissuasive ... 93

Les dilemmes humanitaires dans le contexte terroriste ... 95

5.2.1 Respect des principes humanitaires ou Collaboration avec les autorités politiques 95 5.2.2 Négociation ou pas de l'accès humanitaire avec les terroristes ... 96

5.2.3 Absence ou présence de visibilité des organisations ... 97

5.2.4 L’usage ou non des escortes militaires ... 98

5.2.5 Gestion des dilemmes humanitaires ... 98

Conclusion générale ... 100

Bibliographie ... 103

(9)

viii

Liste des figures, tableaux, illustrations

Liste des Tableaux :

Tableau 1: Prévalence de la sous-alimentation dans le monde par région entre 2000-2016 en

pourcentage de la population mondiale ... 3

Tableau 2: Bilan des disponibilités alimentaires et calorique au Burkina Faso de 2019-2020 ... 8

Tableau 3 : Synthèse de l'analyse des audiences avec les autorités dans la région d’intervention ... 71

Tableau 4: Exemples d’expressions à éviter pendant les interventions sur le terrain ... 72

Tableau 5: Contraintes de mise en œuvre des différentes stratégies ... 86

Liste des Figures : Figure 1: Taux de couverture des besoins céréaliers (aliment de base) au Burkina Faso au cours de la campagne 2018-2019 ... 6

Figure 2: Effectif du cheptel au Burkina Faso entre 2003-2016 (en milliers) ... 7

Figure 3: Les conflits en Afrique et leur caractère régional et transnational ... 10

Figure 4: Zones d’influence des groupes djihadistes en Afrique ... 11

Figure 5: Situation comparative de la sécurité alimentaire entre pays touchés par les conflits et pays non touchés ... 13

Figure 6: Situation sécuritaire du Burkina Faso en 2019 ... 18

Figure 7: Triangle de sécurité du personnel humanitaire ... 37

Figure 8: Organisation des collectivités territoriales des régions du Burkina Faso ... 52

Figure 9: Profil des groupes armés non étatiques et leur zone d’occupation au Burkina Faso ... 59

Figure 10: Causes et contraintes d’accessibilité humanitaire ... 62

(10)

ix

Liste des abréviations, sigles, acronymes

ACF : Action Contre la Faim

AQMI : Al-Qaïda au Maghreb Islamique

CÉRUL : Comité d’éthique de la recherche avec les êtres humains

DIH : Droit Humanitaire International

EHP

:

Équipe Humanitaire Pays

FAO : Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et Agriculture

FDS : Forces de Défense et de Sécurité

MAAHA : Ministère de l’Agriculture et des Aménagements Hydro-Agricoles,

MENA/BF : Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation du Burkina Faso

OCHA : Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires

ONG : Organisation Non Gouvernementale

PAM : Programme Alimentaire Mondial

PNSAN : Programme National pour la Sécurité Alimentaire et Nutritionnel

PSAN : Politique National de sécurité alimentaire et Nutritionnelle du Burkina Faso

SAN : Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle

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x

Je dédie ce mémoire à la mémoire de mon père BAKYONO PHILIBERT et à ma mère KANKALA ÉLIE, tous deux arrachés très vite à mon affection respectivement les années 1989 et 2012. Que vos âmes reposent en paix. À ma conjointe KY LUCIE VALENTINE pour sa patience et son soutien durant cette épreuve. À mon fils BAKYONO YIRYE JAMES EVANS pour la joie et le bonheur qu’il m’apporte au quotidien.

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xi

Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce aux efforts conjugués de plusieurs personnes qui de près ou de loin ont contribué à sa réalisation. Mes remerciements s’adressent particulièrement:

À mon Directeur de recherche Monsieur Patrick Mundler, Directeur du DESS en Développement Rural Intégré, qui dans son élan de former les étudiants a accepté de superviser cette recherche. Par son engagement, la pertinence de ses observations, sa promptitude et sa rigueur, il m’a permis de faire d’énormes progrès et d’atteindre les objectifs de ma formation.

Aux deux membres du comité de mémoire : Steve Déry Professeur titulaire au département de Géographie et Ibrahima Bocoum Professeur Adjoint et Directeur du programme de doctorat en agroéconomie, pour la qualité de leurs observations et leur engagement à suivre cette recherche.

À Dr Lankouandé Edmond, mon ami et ancien collègue de service pour ces multiples conseils pour le choix du sujet et l’appréciation du travail et Monsieur Simplice Yaméogo pour ses observations.

À Monsieur Sangaré Oumar, ancien étudiant à la maîtrise sur mesure en développement rural intégré, que j’appelle affectueusement « grand-frère », pour son soutien pendant la collecte des données, ses conseils et encouragements pendant cette activité de recherche.

Aux différents Directeurs, représentants pays, Coordonnateurs, Directeurs techniques, Responsables chargés d’accès, de suivi-évaluation et de présidents des différentes organisations qui ont accepté de me recevoir pour les différents entretiens et leur collaboration. Je ne peux les citer individuellement pour préserver leur identité, mais je tiens à les féliciter pour leur engagement auprès des populations affectées, malgré le contexte difficile et à les encourager.

À L’administration de la Faculté des Sciences de l’Agriculture et de l’alimentation, la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval ainsi que l’ensemble du corps enseignant pour la qualité des enseignements et leurs disponibilités à répondre à nos différentes préoccupations.

Aux responsables de l’ONG GRET, dont Mme Claire Kaboré Représentante résidente de l’ONG GRET au Burkina Faso, son adjoint Dr Tahirou Taoré, à Mme Sawadogo Chantal et Mr Zongo Isidore pour leurs accompagnements durant cette formation.

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Au Programme Canadien des Bourses de la Francophonie (PCBF) de nous avoir sélectionnés pour bénéficier de ce programme et pour leurs multiples investissements et accompagnements pour la réussite de notre formation.

Au Gouvernement canadien d’avoir financé nos études et de contribuer à l’effort de formation des pays en développement.

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1

Introduction

Depuis plusieurs années, l’image de la sous-alimentation et de la malnutrition semble collée au continent africain tout comme le Burkina Faso (Cambrezy & Janin, 2003). Cette insuffisance alimentaire touche plus particulièrement les populations victimes de conflits sociaux-politiques violents et/ou soumis aux effets des variations climatiques (Cambrezy & Janin, 2003). Ces catastrophes naturelles et provoquées affectent les quatre dimensions de la sécurité alimentaire, soit la disponibilité alimentaire, l’accessibilité des aliments, la stabilité des prix des denrées alimentaires et la qualité nutritionnelle des aliments (FAO, 2017c). L’instabilité des dimensions de la sécurité alimentaire se manifeste par une malnutrition « protéino-énergétique », une faible productivité du travail qui limite les disponibilités alimentaires et par conséquent une forte morbidité (Janin, 2008). Toutefois, si pour Janin (2008) cette insécurité alimentaire découle des faibles volumes récoltés, de l’effondrement des cours des cultures de rentes et des sécheresses, selon la FAO, « en Afrique subsaharienne, la majorité des personnes sous-alimentées en 2016 vit dans des pays touchés par des conflits. La prévalence de la sous-alimentation est environ deux fois plus élevée dans les pays touchés par des conflits en situation de crise prolongée que dans les pays qui ne sont pas touchés par des conflits » (FAO, 2017b, p. 13). En effet, plus du tiers des conflits violents recensés dans le monde ont lieu en Afrique subsaharienne avec une représentation de 70% de tous les pays touchés par les conflits de nature prolongée à travers le monde (FAO, 2017b). Ces conflits ont des effets dévastateurs sur l’agriculture, sur les systèmes alimentaires en milieu rural et cette perturbation des moyens d’existence des populations constitue la cause principale des catastrophes humanitaires (famine et malnutrition aigüe sévère) qui ont entrainé un total de 15,8 millions de personnes dans l’insécurité alimentaire au Soudan du Sud, en Somalie et au Nord-Est du Nigéria (FAO, 2017b). L’évolution des conflits montre que ce ne sont plus des guerres civiles ethniques et politiques, mais des mouvements en lien avec le « terrorisme international ». L’objectif des commanditaires étant d’imposer une idéologie religieuse aux populations par la terreur et la puissance des armes.

Présent depuis plusieurs années en Somalie, au Nigeria depuis 2009 et au Mali depuis 2012, le « terrorisme international » s’est implanté au Burkina Faso en 2015 (Dunn, 2018; EHP, 2018). Le bilan en 2017 de cette terreur se chiffre à 94 attentats avec des conséquences humanitaires graves dans les régions du Sahel, du Nord, du Centre-Nord, de la Boucle du Mouhoun et de l’Est du Burkina Faso (EHP, 2018). La crise a suscité la mise en place du « Plan d’urgence et de résilience » par l’Équipe

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2

Humanitaire Pays (EHP) par les organisations humanitaires, la Politique Nationale de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PNSAN) et le Plan de Réponse et de Soutien Aux Populations Vulnérables à l’Insécurité Alimentaire et à la Malnutrition (PRSPV) par le gouvernement du Burkina Faso, dans le but de répondre aux défis de sécurité alimentaire et nutritionnelle qu’a créés le conflit armé (terrorisme) (EHP, 2018; MAAH, 2017c; SE-CNSA, 2019).

Ce travail de réflexion qui porte sur l’analyse des différentes stratégies de mise en œuvre des actions en matière de sécurité alimentaire dans les régions à risque terroristes au Burkina Faso s’articule autour de cinq chapitres. En premier lieu, figure la problématique permettant de clarifier notre question de recherche, ensuite la présentation du cadre théorique, l’élaboration de la méthodologie de recherche, la présentation des résultats et la discussion des différents résultats obtenus.

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3

Chapitre 1. Problématique

Le conflit terroriste au Burkina Faso n’est pas un phénomène isolé, mais un conflit qui prend racine dans les pays limitrophes et d’une manière générale dans les pays de l’Afrique subsaharienne, eux-mêmes contaminés par les pays de l’Afrique du Nord par suite de conflits internationaux. De ce fait, l’articulation de ce chapitre se fait par la présentation des faits de l’échelle la plus grande (l’échelle mondiale), aux échelles plus petites : africaine, subsaharienne ou en ciblant un pays pris isolement dépendamment de la nature du phénomène évoqué et du rapport avec le conflit terroriste étudié au Burkina Faso plus particulièrement (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017).

État des lieux de la sécurité alimentaire et nutritionnelle

1.1.1 Dans le monde

Dans le monde entier, la prévalence de la sous-alimentation entre 2000 et 2015 a connu une tendance à la baisse de 14,7% à 10,6% et une nette hausse entre 2015 et 2016 de 10,6% à 11%. Le tableau 1 donne un aperçu de la sous-alimentation au cours des quinze (15) dernières années.

Tableau 1: Prévalence de la sous-alimentation dans le monde par région entre 2000-2016 en pourcentage de la population mondiale 2000 2005 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Monde entier (%) 14,7 14,2 11,5 11,2 11,0 10,8 10,7 10,6 11,0 Afrique (%) 24,3 20,8 18,3 17,9 17,8 17,8 18,1 18,5 20,0 Afrique subsaharienne (%) 28,1 23,7 20,6 20,2 20,0 20,0 20,4 20,8 22,7 Asie (%) 16,7 17,0 13,2 12,8 12,5 12,2 11,9 11,6 11,7

Amérique latine et caraïbes

(%) 12,0 9,1 6,8 6,6 6,4 6,3 6,3 6,3 6,6 Océanie (%) 5,3 5,3 5,0 5,2 5,3 5,7 6,0 6,4 6,8

Amérique du Nord et Europe

(%) < 2,5 < 2,5 < 2,5 < 2,5 < 2,5 < 2,5 < 2,5 < 2,5 < 2,5 Source : (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017)

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Cette dégradation de la situation alimentaire concerne tous les continents, mais avec une forte accentuation en Afrique (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017).

1.1.2 En Afrique

La sécurité alimentaire est dite atteinte lorsque « tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, salubre et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (Dury & Fouilleux, 2011, p. 69). Elle est influencée par la production agricole mondiale qui connait une croissance dans toutes les aires géographiques du monde sauf en Afrique subsaharienne, où la prévalence de l’insécurité alimentaire reste la plus forte (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017). Dans cette région, la production agricole est fortement tributaire de la saison pluvieuse et se caractérise par une forte hétérogénéité des quantités d’une zone à l’autre. Ainsi, les ressources alimentaires mobilisables par les ménages sont liées aux volumes récoltés et ceux accessibles physiquement et économiquement selon Janin (2003) et FAO (2017). Les politiques et stratégies actuelles d’amélioration de la disponibilité alimentaire et de l’accessibilité physique et monétaire aux denrées alimentaires ont globalement fait reculer la faim, mais les résultats demeurent stables (tableau 1) (FAO, 2017b). En effet, le taux de prévalence de la sous-alimentation a été réduit de 14,7% à 10,6% entre 2000 et 2015 ( 900 millions à 777 millions de personnes) à travers le monde (FAO, 2017b). Cependant, le nombre de personnes sous-alimentées est passé de 777 millions à 815 millions, en dépit des engagements internationaux adoptés pour l’élimination de la sous-alimentation à l’horizon 2030 (FAO, 2017b). La région de l’Afrique subsaharienne compte ainsi 25% des personnes souffrant de cette sous-alimentation à travers le monde, avec un taux de prévalence de 22,7% (224 millions de personnes) en 2016 (FAO, 2017b). Elle enregistre le plus fort taux de prévalence de la sous-alimentation de toutes les régions du monde (FAO, 2017b). Cette augmentation progressive du nombre de personnes sous-alimentées constitue une préoccupation majeure pour les acteurs du développement en Afrique. Car, la hausse des prix mondiaux de produits alimentaires et les crises économiques engendrent de plus en plus de personnes pauvres, qui deviennent vulnérables aux famines (NU/CEA, 2018). Par ailleurs, la FAO estime que cette aggravation de la situation alimentaire est attribuable aux aléas climatiques (sècheresses et inondations) qui fragilisent les moyens d’existence des populations (mauvaises récoltes, décimation du bétail), en plus des conflits armés. Ces derniers sont responsables de la famine déclarée au Soudan du Sud au nord du Nigéria et en Somalie (FAO, 2017b). L’alimentation des populations subsahariennes se caractérise par de fortes carences en micronutriments. Sur le plan

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5

nutritionnel, les actions de lutte contre la malnutrition ont permis de réduire le taux de prévalence de la malnutrition qui est passé de 29,5% à 22,9% entre 2005 et 2011 dans le monde et de 36,2% à 31,2% en Afrique au cours de la même période (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017).

Toutefois, l’Afrique reste la région où les résultats de lutte contre la malnutrition sont moins performants, car par rapport à sa population totale, elle accueille le plus grand nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance (59 millions) (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017; NU/CEA, 2018). La cause première de ces crises alimentaires, notamment la malnutrition découle principalement de la multiplication des conflits internes à longue durée selon la Directrice de l’ONG Action Contre la Faim dans le journal le monde (Caramel, 2019). En effet, dans son étude portant sur les conséquences sur la santé de la présence du groupe terroriste « Boko Haram » au Nigéria, Dunn (2018) explique que les conflits armés ont des répercussions sur l’état nutritionnel des enfants et par suite sur leur état de santé, de plusieurs manières. Tout d’abord, le conflit entraine une flambée des prix des produits alimentaires, crée une psychose qui entraine le départ du personnel soignant qui abandonne l’assistance sanitaire des populations en zones de conflits. Ensuite, les conflits endommagent les infrastructures sanitaires, les marchés d’approvisionnement, les systèmes de ravitaillement en eau potable et d’évacuation des égouts, limitant ainsi l’accès aux services sociaux de base. Enfin, les crises armées freinent les systèmes d'approvisionnement et d’importation des aliments et des médicaments essentiels, contraignant le personnel soignant à quitter les zones vulnérables pour des zones mieux sécurisées (Dunn, 2018). Il conclut ainsi que la majorité des décès pour cause de conflits ne le sont pas directement par les traumatismes de la guerre, mais par l’aggravation des causes préexistantes, telles que la malnutrition aiguë sévère, les maladies diarrhéiques, etc. (Dunn, 2018).

1.1.3 Au Burkina Faso

Le Burkina Faso est un pays sahélien dont le secteur agricole occupe une place importante dans l’économie, mais le pays est toujours soumis au défi permanent de couvrir ses besoins alimentaires (MAAH, 2017a). En effet, l’agriculture (productions végétales et animales) occupe plus de 80% de la population et constitue la principale source alimentaire (MAAH, 2017a). Malgré cette grande partie de la population qui s’adonne à la production agricole, 19% restent toujours en insécurité alimentaire dont 1% de façon très sévère (MAAH, 2017a). Ce taux de prévalence fortement hétérogène sur le territoire national est plus accentué dans les régions du Nord, de l’Est et du Sahel, qui sont par ailleurs sous l’emprise des conflits armés et du stress climatique. Globalement sept régions sur treize (13) sont en

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6

insécurité alimentaire au Burkina Faso, dont une (Sahel) en situation d’urgence (EHP, 2017; MAAH, 2019). Les populations rurales restent les plus touchées, car la pauvreté qui est une cause structurelle de l’insécurité alimentaire en Afrique (Destombes, 2003) touche 40,1% (07 millions) de la population burkinabè, dont 47% de ruraux (INSD, 2015). Cet état de pauvreté limite l’accès physique et monétaire des populations à une alimentation suffisante et nutritive pour accroitre leurs performances agricoles.

1.1.3.1 Les disponibilités alimentaires au Burkina Faso

La production végétale et animale propre du pays, les importations alimentaires et l‘aide alimentaire représentent les disponibilités alimentaires du Burkina Faso.

La production végétale et animale :

Au cours de la campagne agricole 2018/2019, les disponibilités céréalières issues de la production nationale étaient de 5 180 702 tonnes, soit une hausse de 16,90% par rapport à la moyenne quinquennale, mais proportionnelle à l’augmentation des superficies emblavées (MAAH, 2017a). Ce bilan donne un excédent net de céréales de 950 554 tonnes soit une disponibilité de 249 kg/an et par habitant et un taux de couverture de 170,1% en produits végétaux (MAAH, 2019) comme (figure 1).

Figure 1: Taux de couverture des besoins céréaliers (aliment de base) au Burkina Faso au cours de la campagne 2018-2019

Source : Ministère de l’Agriculture du Burkina Faso

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En référence à la figure 1, elle montre que 13 provinces sur les 45 que compte le pays ne parviennent pas à couvrir leurs besoins céréaliers par leur production propre, 42,5% des ménages ne parviennent pas à combler leurs besoins céréaliers et 12 provinces sont en situation d’équilibre (MAAH, 2019). Par ailleurs, selon les statistiques nationales, en plus des céréales, les besoins alimentaires en légumineuses, oléagineux et fruits sont également couverts à l’exception des tubercules. Sur le plan nutritionnel, la quantité d’énergie calorique disponible par habitant en moyenne par jour est de 3710,5 kcal, soit une couverture de 148,4% (MAAHA, 2019).

La production bovine au Burkina Faso est passée de 3 millions de têtes à plus de 4 millions entre 2006 et 2016 (figure 2), avec un disponible de 173,1% en produits animaux (MAAH, 2017a). Cependant, la dégradation continue des pâturages fourragers pourrait entrainer un taux de pertes de 2 à 7% de petits ruminants (650 655 têtes) et de 1% à 7% de bovins (187 894 têtes) d’une valeur monétaire estimée à près de 51,106 milliards de francs FCFA (environ 110 millions de dollars canadiens) (MAAH, 2019).

Figure 2: Effectif du cheptel au Burkina Faso entre 2003-2016 (en milliers)

Source : Politique National de sécurité alimentaire et Nutritionnelle du Burkina Faso (PSAN)

Importations et aide alimentaire :

Malgré les performances des productions végétales et animales qui excèdent, les besoins nationaux, les importations et les aides alimentaires augmentent chaque année au Burkina Faso. Le pays importe en moyenne 400 000 tonnes de produits céréaliers chaque année pour couvrir le déficit alimentaire

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(MAAH, 2017a). Parmi les produits importés, le riz représente 61% des céréales importées, le blé 21% et les céréales locales (mil, sorgho) 18% (MAAH, 2017b). En plus, 8 000 tonnes de produits laitiers et 60 000 tonnes de produits halieutiques ont été importées en 2016 (MAAH, 2017a). En 2000, ces importations représentaient 12% du budget national (MAAH, 2017a) (tableau 2).

Tableau 2: Bilan des disponibilités alimentaires et calorique au Burkina Faso de 2019-2020

Produits Consommation humaine (en t) Consommation /hbt(kg)/an Norme consommation (kg) de Taux couverture (%) de

Céréales 4 520 332,1 217,7 203,0 107,3 Tubercules 92 506,9 4,5 6,0 74,3 Oléagineux 589 941,1 28,4 14,0 203,0 Légumineuses 691 412,8 33,3 7,0 475,7 Légumes 2 434 302,9 117,2 20,0 586,2 Fruits 602 204,4 29,0 6,0 483,4 Sucre 344 719,6 16,6 4,0 415,1 Viande 663 179,3 31,9 12,0 266,2 Produits laitiers 420 563,9 20,3 18,0 112,5 Œufs 3 451,9 0,2 1,0 16,6 Poissons 98 918,8 4,8 2,0 238,2 Boissons 1 814 734,2 87,4 54,0 161,9 Produits végétaux 11 090 154,0 534,2 314,0 170,1 Produits animaux 1 186 113,9 57,1 33,0 173,1 Ensemble des produits 12 276 267,9 591,3 347,0 170,4 Source : (MAAHA, 2019)

L’ensemble de ces disponibilités alimentaires constitue le stock alimentaire du pays. Ce stock évolue en permanence à cause des changements climatiques et de la situation sécuritaire délétère du pays. Le bilan présente des disponibilités alimentaires excédentaires par habitant, mais le pays est toujours confronté à une insécurité alimentaire et nutritionnelle à cause des contraintes d’accès.

1.1.3.2 Accessibilité et stabilité alimentaire au Burkina Faso

Même si la production nationale connait un taux de couverture de 170%, 42,5% des ménages au Burkina Faso ne parviennent pas à couvrir leurs besoins céréaliers (MAAH, 2019). Le manque de voies

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d’accès dans les zones de forte production, l’insuffisance des capacités de stockage et de conservation, la pauvreté monétaire, les hausses incontrôlées des prix des céréales pendant les périodes de pénurie alimentaire et l’exacerbation du terrorisme sont des facteurs qui limitent l’accès à une alimentation saine, suffisante et équilibrée (MAAH, 2017a).

1.1.3.3 Utilisation des aliments au Burkina Faso

L’alimentation des populations burkinabè est essentiellement composée de céréales qui occupent annuellement plus de 88% des périmètres emblavés, avec une faible consommation en fruits et en produits animaux (MAAH, 2017a). Par exemple, on relève une consommation moyenne de 15 œufs/personne/an, avec un taux de couverture de 16,6% (MAAH, 2017a). Une insuffisance de nutriments qui affecte plus de 600 000 personnes de manière aiguë, dont 188 170 enfants de façon sévère. Au plan national, huit régions sur 13 sont affectées par la malnutrition aiguë sévère, dont celles du Sahel, de l’Est et du Nord en situation de crise avec des taux de prévalence supérieurs à 2% (EHP, 2017).

Les statistiques du ministère de l’Agriculture et de la sécurité alimentaire du Burkina Faso attestent que la situation alimentaire et nutritionnelle du Burkina Faso est en phase de crise, dont 25 539 personnes sont en situation d’urgence alimentaire (MAAH, 2019). Les causes de cette crise dépendent de 27% d’une indisponibilité alimentaire, de 35% d’une inaccessibilité alimentaire, de 28% d’une instabilité des prix des aliments et de 10% de la qualité nutritive des aliments (GWP, 2015). Cette crise alimentaire est exacerbée par des conflits terroristes qui sévissent dans certains pays limitrophes du Burkina Faso (Mali, le Niger, Nigeria, etc.).

Les conflits en Afrique et leurs impacts sur la sécurité alimentaire.

Les différents conflits armés dans le monde et les mouvements insurrectionnels ont négativement impacté le régime alimentaire des populations, aussi bien quantitativement que qualitativement (Kah, 2017). Ces heurts se caractérisent par des conflits électoraux, des conflits fonciers, des conflits entre agriculteurs et éleveurs, des guerres civiles, ethniques et communautaires, des conflits frontaliers, et la radicalisation de groupes religieux orchestrés par des milices communautaires, des forces régulières, des rebelles et des milices politiques (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017; Kah, 2017). Ces conflits prennent le plus souvent une dimension internationale.

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Source : (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017, p. 50)

Comme le montre la figure 3, le contexte sécuritaire du continent africain est dominé majoritairement par des conflits orchestrés par des milices communautaires, des forces régulières et des milices politiques qui entrainent une instabilité socio-politique fortement concentrée en Afrique subsaharienne (figure 3). Ces conflits ont pendant longtemps été des guerres interétatiques qui ont causé la mort

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d’environ 4% des populations des quatorze (14) pays concernés et près de dix millions de personnes déplacées (Hugon, 2001). Mais depuis 2005, ce sont des conflits internes, c’est-à-dire des conflits au sein des nations qui prévalent. Ces conflits violents qui opposent des groupes armés organisés non étatiques ont augmenté de 125% depuis 2010 et restent les plus nombreux sur le continent (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017). Une partie de ces conflits qui se caractérisent par des guerres civiles, des conflits internes ou des rébellions s’internationalisent rapidement et prennent un caractère transnational. À cet effet, de 3% seulement de conflits internes internationalisés en 1991, 32,5% ont été enregistrés en 2014 (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017). Parmi ces conflits internes se trouvent ceux issus de la radicalisation de groupes religieux. Une radicalisation dirigée par des groupes djihadistes sur la base d’une idéologie religieuse qui prend beaucoup d’ampleur ces dernières années et un caractère prolongé dans la zone subsaharienne et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest comme le présente la figure 4.

Figure 4: Zones d’influence des groupes djihadistes en Afrique

Source : (OCDE; Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest, 2013)

La figure 4 présente la zone d’influence du groupe djihadiste AQMI (Al Qu’Aïda au Maghreb Islamique) (en bleu foncé), qui est un groupe terroriste opérant dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest (Mali,

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Niger, Burkina Faso …), du Maghreb (Libye, Algérie, Maroc) et du groupe djihadiste Boko Haram basé au Nigeria, mais actif dans tous les pays du bassin du lac Tchad (Cameroun, Niger, Tchad). Cette carte trace également l’itinéraire du trafic d’armes qui alimente l’ensemble des groupes terroristes par les pays de l’Afrique du Nord, comme la Libye et le Soudan. Ce trafic d’armes permet de nourrir de nombreux conflits armés dans des pays de l’Afrique subsaharienne comme le Burkina Faso, le Mali et le Nigeria qui causent des famines. Ces famines sont deux fois plus nombreuses dans les zones de conflits, dont le tiers se trouve en Afrique subsaharienne (FAO, 2017c).

1.2.1 Points sur les conflits en Afrique subsaharienne

Selon la FAO, plus d’un tiers des conflits les plus violents au monde ont lieu en Afrique subsaharienne (FAO, 2017c). La région comptabilise ainsi près de 70% de tous les pays victimes de conflits entrainant des crises prolongées (FAO, 2017c). Si les guerres internationales se déroulent généralement entre forces armées afin de réduire le nombre de victimes civiles avec des possibilités d’une assistance humanitaire, le ciblage des civils est considéré comme une stratégie d’affaiblissement de l’adversaire dans ces conflits qui se déroulent en Afrique subsaharienne (Flores, 2004). Ils causent ainsi d’énormes pertes en vies humaines et entrainent un déplacement massif des populations. Ces conflits sont de nature multidimensionnelle avec des tendances évolutives qui entrainent de graves conséquences sur la stabilité politique au-delà des frontières à long terme. En plus, l’évolution de ces conflits en crises prolongées expose les groupes vulnérables aux chocs, affaiblit le tissu économique, les mécanismes commerciaux et de transit des aliments avec de lourdes conséquences sur la sécurité alimentaire des populations subsahariennes vivant déjà dans la précarité (Flores, 2004).

1.2.2 Impacts des conflits sur la sécurité alimentaire

Selon une étude réalisée par la FAO et ses partenaires en 2017, 489 millions des 815 millions des personnes souffrant de sous-alimentation chronique à travers le monde vivent dans les zones de conflits, tout comme les 122 millions des 155 millions d’enfants souffrant de retard de croissance soit 75%. Dans cette étude, les auteurs expliquent que les conflits engendrent de profondes crises économiques qui accélèrent l’inflation qui perturbe les emplois, le secteur de la santé, les disponibilités et l’accessibilité alimentaires en désorganisant les chaines d’approvisionnement alimentaires dans les maillons de production, de transformation et de commercialisation de produits. Un désordre qui affaiblit particulièrement la résilience des populations rurales qui représentent environ 56% des populations de certains pays touchés par un conflit, notamment en Afrique, dont l’agriculture de subsistance constitue

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la principale source alimentaire (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017). La figure 5 en évidence la situation de la sécurité alimentaire dans les pays en conflits en comparaison avec les pays non touchés par des conflits en 2016.

Figure 5: Situation comparative de la sécurité alimentaire entre pays touchés par les conflits et pays non touchés

Source : (FAO; FIDA; OMS; PAM; UNICEF, 2017)

Il y’a environ 20 millions de personnes sous-alimentées de plus dans les pays touchés par un conflit, par rapport aux pays non touchés en 2016 (figure 5). Cette incidence qui est plus élevée dans la région de l’Afrique subsaharienne se traduit par la détérioration des sources de disponibilités alimentaires et le durcissement des conditions d’accès aux aliments qui constituent les causes majeures de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Nord-Est du Nigéria, au Soudan du Sud, au Mali et en Somalie qui sont affectés par des conflits très violents (FAO, 2017c).

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14 1.2.2.1 Cas du Mali

L’évaluation de l'impact de la rébellion touareg et de l'insurrection terroriste AQMI dans le nord du Mali montre une affectation sévère de la résilience globale des populations qui se traduit par une insécurité alimentaire et nutritionnelle grave (D'Errico, Grazioli, & Mellin, 2017). Ce rapport d’évaluation établit une relation étroite entre la sécurité alimentaire, la rébellion touareg et l'insurrection islamiste en 2012 : c’est-à-dire une réduction de la sécurité alimentaire et une augmentation de la violence (D'Errico et al., 2017). En effet, ces conflits limitent l’accès des populations aux services sociaux de base (eau potable, hôpital, marchés), car les premiers services touchés par le conflit au Mali sont l’assainissement et la santé publique (D'Errico et al., 2017). Cette évaluation d’impacts révèle par ailleurs une destruction des moyens de subsistance déjà insuffisants qui engendre une insécurité alimentaire, qui à son tour alimente la dynamique des conflits. Car, l’accès limité aux ressources naturelles (terre, eau) accroît la concurrence entre les différentes communautés et cette concurrence provoque des conflits inter ou intracommunautaires selon la FAO (2016) (D'Errico et al., 2017). L’occupation du nord Mali d’une manière générale a perturbé le système de production et de commercialisation des denrées alimentaires avec le Sud, avec pour conséquences la réduction des stocks alimentaires et certains échanges alimentaires avec l’Algérie ont été réduits de 50% (D'Errico et al., 2017). La crise alimentaire a ainsi été accentuée par le manque extrême de facteurs de production et de pâturages en plus d’une flambée des prix des aliments de base (D'Errico et al., 2017).

1.2.2.2 Cas du Nord-Est du Nigeria

« Boko Haram » est le groupe terroriste le plus actif au Nigeria (Wilkinson, 2013). Ses activités menacent non seulement la stabilité politique et économique de la première puissance économique d’Afrique, mais aussi ses pays limitrophes (Wilkinson, 2013). En juillet 2010, ce groupe a prêté allégeance au groupe AQMI qui sévit depuis 2012 au Mali et actuellement au Burkina Faso (Wilkinson, 2013). Les activités de ce groupe ont gravement affecté la sécurité alimentaire du nord du Nigeria (États de Yobé, Borno et Adamaoua) et du Cameroun depuis 2009 (Kah, 2017). En effet, la psychose créée par cette insurrection a entrainé un déplacement massif des populations à l'intérieur et à l’extérieur du pays, ce qui entraina la sous-exploitation des périmètres agricoles. Abba Gambo, Maître de conférences en sciences agricoles à l'université de Maiduguri déclare en 2015, « Personne ne peut se déplacer d'un kilomètre à cause de la peur » (Kah, 2017). De plus, plusieurs familles ont consommé leurs semences après épuisement des stocks de nourritures (Kah, 2017). En conséquence, on note la baisse des quantités de production, la chute du « travail de salarié agricole » en raison de la baisse de

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la participation au « marché du travail » et une chute des revenus tirés de la vente de bétail (Kah, 2017). Par ailleurs, cette insurrection a réduit le nombre de camions transportant la nourriture du Nord vers les marchés du Sud, entrainant ainsi une insécurité alimentaire dans les États du Nord et ceux du Sud du Nigéria (même si le groupe ne sévit pas au Sud). Au Plan international, l’État de Borno où sévit Boko Haram était un port d’expédition alimentaire et commercial de premier plan à la frontière du Nigéria avec certaines localités du Cameroun, du Tchad et du Niger. Ces aliments provenant du Nord du Nigeria étaient leurs sources de survie. Mais, l'insurrection a anéanti ce pôle économique, en réduisant la capacité de résilience des ménages à l’insécurité alimentaire et la multiplication des attaques dans cet État et même dans les pays voisins (Dunn, 2018; Kah, 2017). En somme, plus de 15 millions de personnes sont maintenant en insécurité alimentaire, dont plus de 5,2 millions gravement à cause de l’insurrection du groupe djihadiste Boko Haram (Kah, 2017).

Cette marque de prolifération des conflits islamistes radicaux menée par AQMI au Mali depuis 2012 a contaminé le Burkina Faso et le Niger qui sont aussi des pays limitrophes. Le bilan de ce conflit aux frontières de ces trois régions au cours de la période 2018-2019 se chiffre à 159 incidents sécuritaires, 316 personnes tuées, 103 000 réfugiés et des milliers de personnes déplacées (100 000 déplacés au Burkina Faso, 100 000 au Mali et 70 000 au Niger) (OCHA, 2019). Il a aussi causé la fermeture d’environ 1 800 écoles et 80 centres de santé en 2019 et expose 1,8 million de personnes à une insécurité alimentaire critique, dont 400 000 enfants menacés d’une malnutrition aigüe au Mali, au Niger et au Burkina Faso (OCHA, 2019). Ce lien de causalité entre conflit et insécurité alimentaire est une évidence selon les cas spécifiques de ces deux pays et selon Isabelle Moussard de l’ONG Action Contre la Faim qui estime que « la faim et les conflits se renforcent l’un l’autre », car les conflits sont l’une des principales causes de la faim et le manque d’initiatives de lutte contre la faim « crée des conditions favorables à l’éclatement ou à la généralisation d’un conflit » (Caramel, 2019).

1.2.2.3 Manifestation du conflit terroriste au Burkina et ses impacts sur la sécurité alimentaire

Pays sahélien de l’Afrique de l'Ouest, le Burkina Faso est l’un des pays africains qui comptent le plus de voisins directs (six pays limitrophes au total) (Planete, 2012). Autrement dit, le Burkina Faso partage 3 193 km de frontières d’autres pays, dont 628 km avec le Niger et 1 000 km avec le Mali, qui sont par ailleurs des pays qui vivent une situation sociopolitique instable (Planete, 2012) qui se caractérise par une opposition violente et meurtrière entre des groupes armés terroristes et les forces de défense et de sécurité républicaines. Les premiers s’en prennent à des institutions étatiques, à des symboles

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occidentaux et à des populations civiles innocentes pour protester contre une civilisation occidentale et propager une idéologie basée sur l’islamisme radical, pendant que les secondes s’emploient à les neutraliser. Par le biais du caractère transfrontalier des conflits en Afrique selon la FAO (2017), le Burkina Faso a connu son premier attentat terroriste au lendemain des élections présidentielles de 2015 (Institut Free Afrik, 2018). Au court de la période 2017-2018, plusieurs centaines d’attentats meurtriers ayant causé la mort de centaines de personnes, des centaines de milliers de déplacés, la fermeture de 1135 écoles et la déscolarisation de plus de 150 mille élèves, dont 46,6% de filles ont été recensés (Caramel, 2019; EHP, 2017; MENA/BF, 2019; OCHA, 2019). Cette violence orchestrée par des groupes armés terroristes affiliés à AQMI (Al Quaida au Maghreb Islamique) dans les zones d’extrême pauvreté, faiblement peuplées avec une faible influence de l’État est dirigée directement contre les communautés locales, dans le but d’affamer ces populations, attiser les tensions communautaires, créer la panique et faire réagir l’État central (OCHA, 2019). Pour y parvenir, les groupes armés emploient des stratégies comme le piégeage des routes à l’aide de bombes artisanales pour réduire la mobilité des forces de défense et de sécurité qui les persécutent, l’exécution des personnalités influentes pour créer la psychose, la destruction et le vol des biens des populations pour les affamer, l’imposition des restrictions à la mobilité des populations pour les empêcher de mener leurs activités agricoles et commerciales, etc. Un ensemble de restrictions qui expose les populations à une insécurité alimentaire sévère. Or, « dans un environnement d'insécurité alimentaire, il est plus facile pour un groupe terroriste d'attirer les gens en leur offrant de la nourriture. En comblant ainsi le vide laissé par l’absence des gouvernants, un groupe terroriste peut obtenir le soutien de la population locale pour ses activités et élargir le cercle de ses sympathisants, ce qui renforce sa présence » (Adelaja, George, Miyahara, & Penar, 2019, p. 4).

Cette stratégie de désorganisation de la chaine alimentaire des populations savamment orchestrée a pour but de susciter leur adhésion et leur coopération. Une stratégie qui semble efficace et justifie la montée en puissance des groupes armés qui multiplient les attaques et les stratégies (online.com, 2019; Ridde, Lechat, & Meda, 2016). En effet, comme l’explique Adelaja et collaborateurs, « l'incapacité des gouvernements à garantir l'accès à la nourriture peut créer une situation d’angoisse au sein des populations qui pourraient conduire à des expressions violentes telles que les émeutes et d’autres conflits comme le terrorisme » (Adelaja et al., 2019, p. 5). En plus d’affamer les populations locales, l’incitation à des conflits communautaires est également un moyen pour les terroristes de créer la confusion pour mieux s’étendre. En effet, les groupes terroristes entreprennent des attaques ciblées

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contre des personnalités influentes (Chefs traditionnels, guides religieux, responsables administratifs) de la communauté afin de briser les liens inter et intracommunautaires et de solidarité qui sont les fondements de la cohésion sociale au Burkina Faso depuis plusieurs décennies. Une manœuvre qui entraine des replis communautaires selon l’appartenance ethnique ou religieuse et qui a occasionné les évènements malheureux dans le village de Yirgou, en janvier 2019, où plusieurs membres de la communauté peulh ont été tués (Caramel, 2019).

Isabelle Moussard Carlsen de l’organisation humanitaire Action Contre la Faim (ACF) résume la situation sécuritaire en expliquant que « la faim et les conflits se renforcent l’un l’autre. Car, les conflits comptent désormais parmi les principales causes de l’insécurité alimentaire et le manque d’investissements adéquats pour faire reculer la faim crée également les conditions favorables à l’éclatement ou à la généralisation d’un conflit » (Caramel, 2019). Une déclaration soutenue par Koren et Bagozzi qui estiment qu'une plus grande disponibilité alimentaire dans une zone donnée réduit la probabilité d’éclatement des conflits armés (Koren & Bagozzi, 2016) et Adelaya et col ajoutent qu’une insécurité alimentaire augmente l’incidence d’un terrorisme national (Adelaja et al., 2019). Ce conflit vient ainsi empirer une situation alimentaire des ménages ruraux dont un sur deux n’arrivait pas à couvrir ses besoins alimentaires avec sa propre production et un taux de prévalence de la malnutrition aiguë sévère qui était déjà supérieur à 2% (EHP, 2017). Une recrudescence des violences qui a plongé la situation sécuritaire de près de la moitié du territoire national sous « vigilance renforcée » (figure 6) et les régions du Sahel, du Nord et de l’Est, du Centre Nord du Burkina Faso sont « formellement déconseillées » (figure 6) (Le monde, 2019).

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Figure 6: Situation sécuritaire du Burkina Faso en 2019

Source : journal LE MONDE 2019

Politiques et Stratégies de réponse à l’insécurité alimentaire

Dès lors, les conséquences humanitaires engendrées par ces conflits terroristes ont conduit l’Équipe Humanitaire Pays (EHP) et ses partenaires présents depuis la période pré-crise1 au Burkina Faso à la

rédaction du « Plan d’urgence et de résilience 2017 » pour répondre aux urgences (EHP, 2017). Cette Équipe humanitaire est un cadre de réflexion réunissant des organismes des Nations Unies et des ONG internationales (EHP, 2017). Le volet sécurité alimentaire de ce Plan d’urgence a pour objectifs d’évaluer les besoins humanitaires persistants et présenter la stratégie de réponse pour appuyer la création et la préservation des actifs des ménages des zones agro-sylvo-pastorales dégradées, d’apporter une assistance alimentaire aux ménages vulnérables afin de limiter le risque d’enrôlement par des bandes armées et la conduite d’activités de renforcement des capacités des ménages (EHP,

1 (OCHA, UNICEF PNUD, OMS, UNFPA, CROIX-ROUGE BURKINABÈ, OXFAM, PLAN INTERNATIONAL, CHRISTIAN

AID, RÉSEAU MARP, ATADSP/CONASUR, …)

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2017). À ce plan d’urgence s’ajoutent les Plans de Réponse et de Soutien aux Populations Vulnérables à l’Insécurité Alimentaire et à la Malnutrition (PRSPV) élaborés chaque année, ainsi que la Politique Nationale de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PNSAN) permettant à l’État de piloter les actions en faveur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle en partenariat avec les ONG et les organismes des Nations Unies.

Dans ce contexte délétère avec des attentats violents et imprévisibles commis par des auteurs invisibles qui se fondent à la population civile, créant un sentiment de « peur » aussi bien au sein des populations que chez les acteurs de développement, OCHA (2019) estime que 5,1 millions de personnes ont besoin d’aide urgemment dans cette zone touchée (Mali, Niger et Burkina Faso) (OCHA, 2019). Pour cela, 248 organisations (humanitaires et/ou de développement) intensifient leurs actions dans cette zone pour sauver des vies et alléger les souffrances des personnes vulnérables conformément au droit humanitaire international (OCHA, 2019). De ce fait, notre questionnement est de comprendre comment les organisations adaptent leurs stratégies pour la mise en œuvre concrète des activités de terrain, en dépit de la complexité du contexte d’intervention.

Objectifs de recherche

La réponse à la question posée au cours de cette recherche consiste globalement à un diagnostic suivi d’une analyse des différentes stratégies d’intervention déployées par les organisations humanitaires et de développement pour la mise en œuvre effective des différentes actions de sécurité alimentaire au profit des populations vulnérables résidant dans les zones à risque terroristes au Burkina Faso.

Pertinence de l’étude

Le 4 avril 2015, le Burkina Faso enregistre pour la première fois l’enlèvement d’un expatrié par des individus non identifiés au sein de la mine de manganèse de Tambao dans la région du Sahel. Après cet incident sécuritaire, le 15 janvier 2016, au lendemain des élections présidentielles, on assiste à l’attaque au cœur de la capitale, Ouagadougou. À partir de ce moment, les attaques vont se multiplier et s’intensifier. Cela va mener à une brusque détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans les régions du Nord, du Centre-Nord, du Sahel, de la Boucle du Mouhoun et de l’Est du Burkina Faso. Ce phénomène a créé des conditions sociopolitiques instables aussi bien pour les populations que pour les agents des organisations exerçant dans les zones affectées. Animés par un sentiment de psychose face à un ennemi déclaré et invisible, les agents des organisations éprouvent d’énormes

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difficultés à avoir accès aux différents bénéficiaires de leurs actions. Même si certaines organisations continuent d’agir partiellement sur le terrain, d’autres ont profondément réduit leurs activités dans les zones de conflits pour préserver la sécurité des travailleurs. Par ricochet, cette restriction ne permet pas de produire une documentation suffisante traitant réellement des conditions de vie des populations restées sur place dans les zones attaquées et des conditions de travail des différentes organisations. De ce fait, ce travail de recherche permettra d’informer l’opinion sur les conditions d’interventions des organisations tout en vérifiant l’effectivité de la mise en œuvre de l’assistance au profit des communautés restées sur place dans les zones de conflits. Car, si la situation sécuritaire facilite la collecte d’informations et la production de documents sur les conditions d’interventions dans les camps qui abritent les populations déplacées, il n’en est pas de même pour les interventions en faveur des populations restées sur place dans les zones de combats, où les conditions d’intervention sont plus complexes.

Ce travail de recherche enrichira la littérature qui est pour le moment très pauvre sur ce conflit. La psychose qu’il a engendrée limite la mobilité des populations, des chercheurs et des agents de développement. Par ailleurs, les stratégies identifiées au cours de ce travail de recherche serviront de repères pour les organisations de développement qui ont orienté leurs interventions dans le domaine de l’urgence pour répondre aux besoins prioritaires. Car, à la base ces organisations sont outillées pour la mise en œuvre de programmes qui s’étalent sur le long terme.

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Chapitre 2. Cadre d’analyse

Ce travail de recherche consiste à l’analyse des stratégies d’adaptation des organisations intervenant dans le domaine de la sécurité alimentaire pour la mise en œuvre des programmes humanitaires et de développement au profit des populations vivant dans des zones à risques terroristes. Car, le terrorisme est le conflit armé qui sévit au Burkina Faso et qui oblige les organisations à la définition de nouvelles stratégies d’interventions humanitaires, pour assister les populations affectées. Cependant, ces interventions doivent se faire conformément au droit humanitaire international, face à des groupes armés qui mènent des attaques non revendiquées aussi bien contre des populations civiles que contre les agents des organisations et les acteurs gouvernementaux (FDS, autorités locales…). De ce fait, cohabiter dans une zone avec ces groupes armés dont les objectifs sont inconnus est un défi pour ces organisations qui sont permanemment confrontées à des dilemmes humanitaires. C’est pourquoi définir les concepts de « terrorisme », « conflit armé », « interventions humanitaires », « dilemmes humanitaires », « Droit humanitaire international » et « stratégies » au cours de ce chapitre, favorisera une meilleure appréhension du sujet.

La définition de certains concepts au cours de ce chapitre s’articule par l’énonciation des phénomènes sur le plan mondial, africain, subsaharien jusqu’au cas spécifique du Burkina Faso, afin de faire ressortir les liens de causalités.

Les conflits armés en Afrique

Porteous & Jaquet (2003) dans leur article « l’évolution des conflits en Afrique subsaharienne » déclarent que le début des années 1990 fut marqué par la « mondialisation économique » et la fin de la guerre froide, qui ont vu naitre plusieurs nouveaux conflits de nature régionale et qui se caractérisent par la multiplicité des stratégies des belligérants sur la base de motivations politiques, économiques et/ou religieuses (Porteous & Jaquet, 2003, p. 7). Ces conflits qui fragilisent la stabilité des États avec une terreur orientée vers les populations civiles se déroulent majoritairement sur le continent africain (Porteous & Jaquet, 2003). Les efforts de paix engagés au niveau international par le programme des Nations unies et les instances sous régionales à travers la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour la résolution de ces conflits se solde par des échecs successifs à cause de la « résistance obstinée » des belligérants (Porteous & Jaquet, 2003, p. 11). Ces mesures de résolutions adoptées et engagées par ces instances pour la résolution des conflits se concentrent essentiellement

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sur des actions humanitaires et non politiques (Porteous & Jaquet, 2003). Or, la mise en œuvre des actions humanitaires suit un cadre normatif qui est « le droit humanitaire international (DIH) », dont l’objectif est de limiter les conséquences des conflits sur les populations et non de mettre un terme aux conflits. Dépendamment du type de conflit, l’application du droit humanitaire international est basée sur la dimension nationale ou internationale du conflit et les conséquences qu’il engendre (Vité, 2009).

Catégorisation des conflits par le droit humanitaire international

Le droit international humanitaire (DIH) ou « droit de guerre » ou « droit des conflits armés » est une branche du droit international public, composé de règles inscrites dans les traités internationaux, destiné à protéger les personnes qui ne participent pas (civiles) ou plus (combattants retenus prisonniers) aux combats, les biens des populations civiles et de limiter les moyens de combat des belligérants (CICR, 2018). En d’autres termes, le DIH vise à limiter les impacts humanitaires engendrés par les conflits armés par des mesures de protection et de restriction de l’accès à du matériel militaire et aux formations en technique de combat (CICR, 2016). Ce droit s’applique en cas de conflit armé et sur un pied d’égalité pour toutes les parties prenantes du conflit. Le DIH n’a pas pour vocation de juger le comportement des parties en guerre ni d’intervenir sur les motifs du conflit ni selon l’identité de la partie ayant déclenché les hostilités. Le droit humanitaire international se contente de porter assistance et protection aux populations victimes des conflits armés indépendamment de leur appartenance à l’une ou l’autre des parties en guerre (CICR, 2018). Dépendamment des parties en guerre, le DIH distingue des conflits armés internationaux (CAI) et des conflits armés non internationaux (CANI).

2.2.1 Droit des conflits armés internationaux (CAI)

Selon les Conventions de Genève de 1949, « tout différend surgissant entre deux États et provoquant l'intervention des membres des forces armées est un conflit armé, même si l'une des Parties conteste l'état de belligérance » (CICR, 2008, p. 1). Ces conventions de Genève de 1949 sont des traités internationaux établis dans le domaine du DIH et ratifiés par 196 États qui définissent les règles de protection des populations civiles, de leurs biens, des blessés, du personnel de l'action humanitaire et des prisonniers de guerre tout en interdisant l’utilisation des armes d’extermination massive en cas de conflit armé (CICR, 2010, 2016). La première convention fut adoptée en 1864 par l’assemblée des Nations Unies, puis quatre conventions en 1949, ensuite deux protocoles additionnels en 1977 et un troisième protocole en 2005 (CICR, 2016). Les conventions de 1949 stipulent qu’un conflit armé est dit international lorsqu’un ou plusieurs États usent « d’une force armée » contre un autre État dans une

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guerre déclarée ou toute autre forme de conflit armé (ONU, 2011). Dès lors, les règles du DIH sont applicables même si une des parties ne reconnait pas une situation de guerre. L’applicabilité du DIH se base sur les faits constatés (CICR, 2008; ONU, 2011) et dans le cas d’une occupation de territoire d’un État souverain par l’un des participants au conflit armé, même si elle se fait sans résistance militaire (ONU, 2011). Des conflits armés s’internationalisent aussi lorsqu’une puissance étrangère intervient dans un conflit interne avec des troupes militaires sur le terrain ou pour appuyer une force opposée à un gouvernement légitime (Vité, 2009). D’une façon ou d’une autre, il y a « conflit armé international » lorsque deux ou plusieurs États font usage d’une force armée (CICR, 2008).

2.2.2 Droit des conflits armés non internationaux (CANI)

Selon l’article premier du protocole additionnel II des conventions de Genève 1949, le droit international humanitaire définit comme conflit armé non international tous conflits « qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées » (CICR, 2008, p. 3). Ce conflit désigne une opposition des forces armées étatiques à des groupes armés non étatiques, ou entre des groupes armés non étatiques sur le territoire d’un seul État (ONU, 2011). Pour qu’un conflit soit considéré comme « non international », il faut que les hostilités atteignent le degré d’intensité prévu par le droit international humanitaire (CICR, 2016). À cet effet, il faut d’une part que le conflit ait un caractère collectif ou l’État est obligé de faire usage d’une force militaire contre les insurgés, plutôt qu’une force policière. D’autre part, il faut que les insurgés disposent d’une capacité militaire bien organisée avec une structure de commandement capable de recruter des combattants et de mener des opérations militaires efficaces (ONU, 2011). Par contre, le DIH ne s’applique pas dans des situations de « tensions internes », « d’émeutes » et pour les actes isolés de violence avec un seuil en dessous de « protracted armed violence » (violence armée prolongée) (Vité, 2009). L’évaluation du seuil d’application du DIH dans le cas des conflits non internationaux tient aussi compte de l’intensité, de la durée des violences, du nombre de victimes, de populations déplacées et de la superficie du territoire contrôlé par les forces d'opposition (Vité, 2009).

Entre conflit non international et conflit international se trouve une autre forme de conflit qui est le « terrorisme international », dont le fonctionnement est différent des guerres conventionnelles. Les acteurs impliqués dans ce type de terrorisme ne sont pas reconnus par le DIH (CICR, 2016), car

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