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Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont marqué un tournant dans la lutte contre le terrorisme par rapport aux premières lois adoptées en 1963 (Banifatemi, 2002). Ces attaques ont permis d’identifier les acteurs et les sources de financement du terrorisme international qui sont aussi bien licites qu’illicites et commandités principalement par des États et des organisations privées qui sont soit directement impliqués dans des attaques terroristes, soit protègent et offrent un terrain de refuge aux terroristes (Banifatemi, 2002). Cette responsabilité des États a été confirmée par le conseil de sécurité des Nations Unies, par la résolution 1269 du 19 octobre 1999 (Banifatemi, 2002). Ces modes opératoires similaires à ceux de la criminalité transnationale et l’imbrication des financements licites et illicites constituent un handicap majeur dans la lutte contre le phénomène, car ces financements licites proviennent d’œuvres caritatives, de dons et de contributions qui échappent au contrôle des États dans le processus de lutte contre le terrorisme. Le conseil de sécurité des Nations unies a ainsi recommandé des mesures d’ordre étatiques et individuelles pour lutter efficacement contre le terrorisme international (Banifatemi, 2002; Modirzadeh, Lewis, & Bruderlein, 2011) :

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- Le conseil de sécurité des Nations Unies recommande la coopération inter États pour non seulement prévenir l’exécution des attentats terroristes, mais aussi réprimer les auteurs dans le respect des droits de l’homme tout acte de financement, notamment le blanchiment de capitaux et de complicité d’attentats terroristes (Chappez, 2003).

- L’incrimination de toute participation financière ou matérielle directement ou indirectement ayant été utilisée pour commettre des attentats, par des personnalités physiques ou morales à des peines appropriées, conformément à la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies (Banifatemi, 2002) ;

- Le gel et la confiscation immédiats des avoirs de toute personne ou organisation responsables d’attentats terroristes ou coupables de complicités d’attentats terroristes par quelques formes que ce soit conformément à la résolution 1267 (1999) du conseil de sécurité des Nations Unies. L’application de cette mesure a permis le blocage de 75 comptes bancaires et la confiscation de 30 millions d’euros en 2002 (Banifatemi, 2002; Chappez, 2003; Modirzadeh et al., 2011).

À ces recommandations du conseil de sécurité des Nations Unies s’ajoute la loi fédérale américaine qui incrimine « l'appui matériel aux entités terroristes inscrites sur la Liste des États-Unis» (Modirzadeh et al., 2011). Pour les organisations intervenant dans les zones à risque terroristes, celles-ci peuvent conformément à cette loi américaine s’engager à fournir une assistance aux civils contrôlés par les groupes armés dits « non étatiques » sous 2 conditions (Modirzadeh et al., 2011) : les groupes armés non étatiques ont l’obligation de coopérer avec ces organisations, notamment humanitaires pour la fourniture de l'aide aux populations victimes et ces organisations doivent aussi dénoncer les cas de violations des droits de l’homme, notamment à l’encontre des femmes et des enfants commises par les groupes armés non étatiques. Cependant, cette loi interdit toute fourniture de « soutien matériel ou de ressources » aux groupes armés non étatiques (Modirzadeh et al., 2011). L'expression « soutien matériel ou ressources » interdit tout soutien sauf la fourniture de médicaments et de matériel religieux. Cette exemption de la médecine exclut par ailleurs tout traitement médical, formation technique et la fourniture d’équipements médicaux. L’infraction à cette loi fédérale peut mener à une peine d'emprisonnement jusqu'à quinze ans même si elle a lieu en dehors des États-Unis ou est commise par un ressortissant non américain (Modirzadeh et al., 2011). Les entités reconnues de soutien matériel aux terroristes peuvent se voir refuser d’entrer aux USA ou en être expulsées (Modirzadeh et al., 2011). Outre ces dispositions, les organisations humanitaires américaines ou bénéficiant de subventions de l’USAID doivent justifier auprès de l’USAID que les subventions perçues ne sont pas détournées vers des organisations terroristes (Modirzadeh et al., 2011).

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Malgré ces multiples mesures de lutte contre le terrorisme, les conséquences humanitaires qu’engendre le phénomène sont catastrophiques, notamment dans les pays en voie de développement (Tingbani, Okafor, Tauringana, & Zalata, 2019). En Afrique subsaharienne, les activités criminelles des groupes terroristes AQMI et Boko Haram ont impacté 5 millions de personne au Burkina Faso, au Mali et au Niger et près de 3 millions de personnes au Nigeria, au Tchad et au Cameroun (FAO, 2017a; OCHA, 2019). Ces impacts humanitaires sont des déplacements massifs de populations, une insécurité alimentaire et nutritionnelle sévère et une désorganisation du secteur de la santé qui justifient la présence active des organisations humanitaires et de développement.

Concept « d’intervention humanitaire »

Emmanuelli (1991) définit brièvement l’humanitaire comme « un comportement propre à l’homme qui témoigne de son humanité, son souci de l’autre, la reconnaissance et le respect de l’autre qui provoque la générosité, l’indulgence, la bienveillance, l’affection et la protection de l’autre » (Emmanuelli, 1991, p. 2). L’action humanitaire ou l’assistance humanitaire représente alors la compassion et la solidarité vis-à-vis des personnes qui sont victimes de violation de leurs droits fondamentaux, dans le but d’alléger et/ou mettre fin à leurs souffrances (Rubio, 2019). « L’humanitaire » est ainsi celui qui s’intéresse au bien-être de l’autre en tentant d’améliorer les conditions de son existence. De ce fait, « Intervention humanitaire » consiste à porter secours à un ou plusieurs individus victimes de souffrances. Dans le cadre du « droit international humanitaire » et de « la déclaration universelle des droits de l’homme », il y a une nuance fondamentale entre les concepts « intervention humanitaire » et « intervention d’humanité » qui, tous deux désignent « des actions armées menées par un ou plusieurs États et/ou organisations internationales sur le territoire d’un autre sans le consentement de ce dernier, pour apporter à la population une protection de ses droits les plus fondamentaux, auxquels on porterait atteinte de façon grave, massive et systématique, ou pour lui fournir une assistance dans des situations d’urgence qui mettent en danger la vie, la sécurité, la dignité ou les biens matériels indispensables aux êtres humains » (Rubio, 2019). D’une manière plus précise, « l’intervention d’humanité » dans le cadre d’un conflit, consiste au recours à une force armée dirigée contre un des belligérants, en vue de défendre et protéger des populations victimes d’abus graves de leurs droits fondamentaux. Cette intervention est basée sur « la déclaration universelle des droits de l’homme » qui stipule que les individus sont égaux et leurs droits fondamentaux doivent être protégés partout où ils se trouvent. Cette intervention peut s’imposer à un État souverain (Rubio, 2019).

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« Une intervention humanitaire » dans le cadre d’un conflit armé consiste pour les Organisations humanitaires, internationales ou nationales de fournir une assistance humanitaire aux victimes du conflit (blessés, sans abris, affamés …), dans le but d’alléger leurs souffrances et de sauver des vies au nom du droit d’ingérence. Cette intervention humanitaire peut par moment être encadrée par une force militaire (pas toujours nécessaire) dans le but de créer un espace sécurisé pour faciliter l’assistance humanitaire, sans que cette force ne soit dirigée contre un belligérant (Rubio, 2019).

L’intervention humanitaire dont nous faisons cas dans le cadre de cette recherche est régie par des principes humanitaires qui ont pour but de faciliter l’accès des populations affectées à l’assistance humanitaire sans mettre en danger leurs vies et celles du personnel de mise en œuvre.