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1.4 T RANSFERT DE CONNAISSANCES AU SEIN DES EM 38

1.4.4 Facteurs influençant le transfert de connaissances 49


1.4.4.3 Caractéristiques contextuelles: facteurs endogènes 60

1.4.4.3.1 Stratégie 62


Le processus stratégique classique inclut les étapes suivantes : l’établissement des objectifs, l’analyse de l’environnement externe et des ressources internes, le choix d’une

stratégie et sa mise en œuvre (Porter, 1990). Dans un contexte international, ce processus doit inclure la considération d’aspects supplémentaires, tels que la dispersion géographique de la firme, le choix à faire au niveau de l’adaptation et de l’intégration des opérations et la gestion de cette intégration à de multiples niveaux organisationnels (Tallman et Yip, 2001). Comme nous l’avons déjà mentionné, la caractéristique principale des EM est leur « capacité de créer les mécanismes internes nécessaire à l’accomplissement de tâches et de transactions transfrontalières, plutôt que recourir aux mécanismes du marché » (Bartlett et Ghoshal, 2000). Le transfert de connaissances, comme toute autre transaction intra-organisationnelle, s’inscrit dans cette logique et l’internalisation des connaissances est dès lors perçue comme la justification principale des investissements directs à l’étranger. En ce sens, l’EM constitue un répertoire de connaissances qu’elle peut exploiter, soit en développant des nouveaux produits et des connaissances ou bien en transférant vers ses filiales étrangères les produits et les connaissances déjà disponibles (Chini, 2004). Par ailleurs, au fur et à mesure que la firme s’internationalise, son environnement devient de plus en plus incertain, ce qui exige la mise sur pied de mécanismes de coordination assurant l’efficacité des opérations transfrontalières et favorisant la contribution de chaque filiale aux objectifs corporatifs de la firme (Johanson et Vahlne, 1977 ; Ohmae, 1994 ; Kidger, 2002). Ainsi, la question principale relativement à la stratégie des EM a trait à la nature des relations existant entre le siège social et les filiales ainsi qu’aux mécanismes permettant de coordonner ce réseau complexe.

Les écrits dans le domaine de la stratégie (Bartlett et Ghoshal, 1998; Kidger, 2002) soulignent trois grandes orientations préconisées par les EM afin d’assurer cette coordination. La stratégie globale utilisée dans le cas de produits relativement standardisés met l’accent sur l’efficience des opérations obtenue par la standardisation et l’intégration maximale des opérations ainsi que par le contrôle serré des filiales par le siège social. Dans cette logique, les connaissances organisationnelles développées par le siège social sont transférées vers les filiales, lesquelles sont alors gérées selon les mêmes principes que ceux applicables à la maison-mère (Chini, 2004). À l’opposé, le modèle multidomestique cherche à répondre à la demande locale en accordant une

autonomie maximale aux filiales relativement à l’utilisation de leurs ressources internes et aux pratiques de gestion relatives à la coordination de ces ressources. Comme le notent Solvell et Zander (1995), en enlevant certaines fonctions de contrôle de la compagnie-mère, la firme n’impose aucune structure préétablie pour favoriser, au sein des filiales, le développement de nouvelles connaissances ou de choix stratégiques. Dernièrement, plusieurs publications théoriques et empiriques insistent sur la nécessité de combiner ces deux approches stratégiques. Les études empiriques font émerger le concept de « localisation globale » (Ohmae, 1994) ou de « glocalisation » (Bartlett & Ghoshal, 1998). Jusqu’à tout récemment, ces trois grandes approches faisaient l’unanimité parmi la majorité des chercheurs. Sans pour autant remettre en question les stratégies classiques des EM, Bartlett et Ghoshal (1998) montrent par ailleurs leur insuffisance dans le contexte actuel, tout en établissant un nouveau profil stratégique des EM. Dans les paragraphes suivants, nous présentons leur modèle de façon plus détaillée.

Suite à leurs observations auprès d’EM européennes, américaines et japonaises, Bartlett et Ghoshal (1998) définissent quatre différentes stratégies d’internationalisation poursuivies par les entreprises et explicitent les relations existant entre ces stratégies et la gestion de connaissances. Les quatre stratégies en question sont : la multinationalisation, la globalisation, l’internationalisation et la stratégie transnationale.

Premièrement, il s’agit, des firmes multidomestiques3, lesquelles sont caractérisées par leur degré élevé de sensibilité à l’égard des conditions du marché local, exprimées en termes de goûts et de préférences des consommateurs. Les unités locales de ces compagnies ont beaucoup d’autonomie décisionnelle relativement à la gamme de produits ou de services à mettre en marché et relativement à la façon de mener ses opérations. Pour suivre de près les préférences des consommateurs, ces firmes sont, habituellement, assez impliquées dans le réseau local d’affaires. Selon Bartlett et Ghoshal (1998), les compagnies qui entretiennent des relations privilégiées avec

3

Dans le texte original les auteurs utilisent le terme « multinationale ». Pour éviter de confondre ce terme utilisé dans son sens générique et la stratégie décrite par Bartlett et Ghoshal, nous avons choisi le terme « multidomestique» pour désigner cette dernière.

l’infrastructure locale, que ce soit au niveau des activités de recherche et développement, de la production ou bien au niveau politique, ont un accès plus facile aux connaissances développées localement. En ce qui concerne la gestion des connaissances propre à ce type de EM, mentionnons que ces connaissances sont développées et conservées localement, au sein des filiales elles-mêmes, car il s’agit souvent de connaissances très pointues et reflétant la spécificité du marché local. Cette spécificité des connaissances rend d’ailleurs inutile leur transfert et leur diffusion entre les filiales et le siège social tout comme entre les filiales elles-mêmes.

La deuxième stratégie identifiée par Bartlett et Ghoshal est celle de la globalisation. En adoptant cette stratégie, les compagnies recherchent l’efficience globale des opérations par l’intégration, le contrôle et la centralisation des processus de développement et de production. La logique derrière cette stratégie consiste en une répartition des coûts de recherche et développement sur le plus grand nombre possible de consommateurs à travers le monde, tout en profitant d’économies d’échelle. Dans ce cas, il s’agit d’industries et de produits standardisés à l’égard desquels les préférences des consommateurs sont relativement homogènes. Selon Bartlett et Ghoshal (1998), les connaissances et le savoir-faire associés à ce type de produits sont développés et retenus essentiellement au siège social de l’entreprise et les filiales sont gérées selon les normes et les règles imposées par le siège social.

La stratégie internationale est caractérisée à la fois par le besoin de répondre à la demande locale et celui de fonctionner en maintenant l’efficience au niveau des coûts. Les auteurs donnent l’exemple de l’industrie des télécommunications qui doit adapter les spécifications de ses produits selon les standards de chacun des pays dans lesquels ces produits sont mis en marché. En même temps, les entreprises se dotent de mécanismes permettant l’intégration et la coordination globale afin de faciliter les arrangements financiers avec les institutions assurant les transactions avec des clients institutionnels à travers le monde. Selon Bartlett et Ghoshal (1998), la survie de ce type d’entreprises dépend de leur capacité à transférer rapidement d’un pays à l’autre les technologies complexes et le savoir-faire qui y est associé. Dans ce type d’entreprises,

le siège social développe les connaissances et les technologies éventuellement transférables, tout en maintenant le contrôle sur les connaissances clés, même si ce contrôle est moindre comparativement à celui qu’exerce l’entreprise globale.

Finalement, la dernière stratégie présentée par Bartlett et Ghoshal (1998) est la stratégie « transnationale ». En soulignant les caractéristiques propres à l’environnement économique contemporain, ces auteurs indiquent que les entreprises voulant demeurer concurrentielles doivent utiliser les trois premières stratégies simultanément. Dans une organisation transnationale, les compétences et les actifs sont géographiquement dispersés, mais interdépendants et spécialisés en fonction des conditions locales. Les filiales s’intègrent alors dans les activités globales par leur contribution particulière. En ce qui a trait à aux connaissances, notons qu’elles sont développées mutuellement par le siège social et les filiales ; elles sont ensuite partagées avec les autres unités, sans égard à la localisation géographique de chacune d’elles. Le tableau suivant résume les quatre stratégies d’internationalisation.

Caractéristiques

organisationnelles Multinationale Globale Internationale Transnationale

Configuration des actifs et des capacités organisationnelles Décentralisés et autosuffisants au niveau national Centralisés à l’échelle globale

Les compétences de base (core competencies) sont centralisées, les autres sont décentralisées

Dispersés, interdépendants et spécialisés

Rôle des unités étrangères (des filiales) Exploration et exploitation des opportunités locales Application de la stratégie du siège social Adaptation et exploitation des compétences du siège social Contribution aux opérations mondiales intégrées de la part de chacune des unités locales Développement et diffusion des connaissances Connaissances sont développées et retenues au sein de chaque unité Connaissances sont développées et retenues au centre Connaissances sont développées au centre et transférées aux filiales étrangères

Connaissances développées et partagées à travers le réseau global

Comme nous le voyons dans ce tableau, les quatre stratégies d’internationalisation sont présentées selon les trois dimensions suivantes : la configuration spatiale des actifs et des compétences clés de l’organisation, la contribution des filiales aux activités globales de la firme et, finalement, la direction du flux des connaissances. Bartlett et Ghoshal indiquent que le choix de la stratégie à adopter dépend de plusieurs facteurs, ce qui explique le fait d’adopter les différentes stratégies par les entreprises appartenant au même secteur économique. Par contre, en analysant les données afférentes aux compagnies les plus performantes dans chacun des secteurs étudiés, ces auteurs mettent en évidence les limites des trois premières approches stratégiques dans les conditions actuelles du marché et définissent un nouveau type d’organisation, soit l’entreprise transnationale, dont une des caractéristiques clés est sa capacité de développer et de transférer des connaissances à travers un réseau global.

D’autres chercheurs intéressés par les liens existant entre la gestion des connaissances et les choix stratégiques arrivent à une typologie semblable à celle établie par Bartlett et Ghoshal. Dans une étude empirique effectuée auprès de vingt-quatre EM américaines, européennes et japonaises, Kidger (2002) confirme le bien-fondé de la typologie proposée par Bartlett et Ghoshal en y apportant, cependant, certaines nuances mineures. Au lieu des quatre types de stratégie présentés précédemment, cet auteur en propose trois, tout en constatant qu’actuellement, la stratégie internationale, au sens que donnent Bartlett et Ghoshal à cette expression, est de plus en plus assimilée à la stratégie « globale ». Kidger explique ce retour vers la stratégie globale par la convergence des préférences et des exigences des consommateurs de par le monde. Dans ces conditions, pour répondre à une demande de plus en plus homogène, les EM n’ont pas d’autres choix que de procéder à l’intégration de leurs activités de production, afin d’amortir leur coût le plus rapidement possible.