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1.4 T RANSFERT DE CONNAISSANCES AU SEIN DES EM 38

1.4.4 Facteurs influençant le transfert de connaissances 49


1.4.4.3 Caractéristiques contextuelles: facteurs endogènes 60

1.4.4.3.3 Culture organisationnelle 72


Le dernier facteur endogène discuté dans les écrits est la culture organisationnelle. Ce facteur a deux dimensions. D’abord, plusieurs auteurs soulignent l’importance de l’existence d’une « compatibilité culturelle » entre les unités impliquées dans un transfert » (Kostova, 1999; Kedia et Bhagat, 1988). La deuxième dimension fait référence à certains traits, communs à l’ensemble des unités d’une organisation, qui favorisent la création et la circulation des connaissances entre ces unités. En ce sens, les chercheurs évoquent la notion de « culture d’apprentissage » ou encore d’« organisation apprenante » (Senge, 1990). Nous allons maintenant présenter ces deux aspects.

Pour examiner la compatibilité culturelle existant entre différentes unités organisationnelles, Kedia et Bhagat (1988) adoptent la perspective de « l’ordre négocié ». Ce concept suppose que tout ordre social (dans le cas présent, l’entreprise constitue une entité sociale ordonnée d’une certaine façon) est un produit issu d’un processus de négociation. Cette négociation est fonction de la structure d’entreprise, des canaux de communication adoptés par elle, des contraintes temporelles, du rapport de pouvoir entre les parties impliquées, etc. L’adoption de nouvelles connaissances exige la modification d’un « ordre négocié » pré-existant. À partir de cette prémisse, Kedia et Bhagat affirment que plus les cultures organisationnelles impliquées (voir les deux systèmes négociés) seront différentes, plus le transfert de connaissances sera ardu (Kedia et Bhagat, 1988).

Kostova (1999) défend un point de vue semblable, mais en adoptant une définition plus conventionnelle de « culture organisationnelle ». En se fondant sur des travaux antérieurs (Schein, 1985; Rousseau, 1990; O’Reilly et al., 1991), l’auteur définit la culture comme étant un ensemble de normes, de valeurs, de symboles, d’attentes et de comportements partagés par les membres d’une même organisation. Les valeurs et les attentes en question peuvent être regroupées en sept catégories, soit l’innovation, la stabilité, le respect envers l’individu, l’orientation fondé sur le résultat (outcome orientation), le souci du détail, le travail d’équipe, et, finalement, l’agressivité (O’Reilly et al., 1991, cité dans Kostova). Ayant identifié les pratiques organisationnelles

stratégiques comme étant un type particulier de connaissances à transférer, elle suggère que la culture d’entreprise peut avoir un impact, tant sur l’ensemble de ces pratiques que sur certaines pratiques isolées. En associant le transfert de connaissances au processus d’apprentissage et de modification de l’unité destinatrice, l’auteur avance l’hypothèse suivante : si la culture de cette unité est caractérisée par un certain esprit d’innovation, d’apprentissage et de changement, le processus de transfert et d’implantation de nouvelles connaissances sera plus facile. En ce qui concerne les pratiques ponctuelles, l’auteur suppose que le processus de transfert sera affecté par le degré de compatibilité existant entre les valeurs véhiculées par une pratique spécifique et les valeurs de l’unité destinatrice ou celles de l’ensemble de l’organisation. Par exemple, le transfert du travail d’équipe vers une unité déjà orientée vers ce type d’organisation du travail sera plus facile que dans le cas contraire (Kostova, 1999).

En parallèle avec la problématique de la compatibilité des cultures, des chercheurs ont étudié les caractéristiques que doit posséder une culture organisationnelle afin de favoriser l’innovation et la création de connaissances. À ce titre, la notion d’ « organisation apprenante » est devenue un sujet de recherche très populaire à partir des années 1980. Les universitaires et les praticiens ont cherché à établir le profil idéal de l’entreprise capable d’apprendre et à déterminer les conditions optimales pour favoriser cet apprentissage. Quelques contributions notables définissant le concept d’ « organisation apprenante » ont été publiées essentiellement par des chercheurs européens vers la fin des années 1980 (Pedler et al., 1996; Snell, 2002, Scarbrough et Swan, 2004). Mais c’est La 5e discipline, écrit par Peter Senge et publié en 1990, qui est considéré comme le livre de référence en la matière. Ce livre est une suite logique des travaux précédents et se veut un guide pratique pour toute entreprise désirant devenir une organisation apprenante. Cette dernière est définie par l’auteur comme étant un endroit où les employés ont la possibilité d’accroître leur capacité à obtenir les résultats désirés et où ils sont continuellement en train d’apprendre à apprendre.

« […] a place where people continually expend their capacity of creating results they really want, where patterns of thinking are broadened and nurtured, where collective aspiration is free and where people are continually learning to learn » (Senge, 1990 :1).

Selon Senge, pour devenir une organisation apprenante, l’entreprise doit adopter une approche systémique intégrant les quatre « éléments » suivants : la maîtrise personnelle, la remise en question des modèles mentaux, la vision partagée et l’apprentissage en équipe. La maîtrise personnelle consiste, pour l’individu, à approfondir et à clarifier sa façon de concevoir les choses, à concentrer son énergie et à voir objectivement la réalité. La remise en question des modèles mentaux consiste à revoir les représentations, les schémas mentaux et des images inscrites dans l’esprit d’un individu et qui façonnent sa compréhension du monde et ses actions. La vision partagée fait référence à une vision commune de l’avenir organisationnel qu’on veut créer. L’apprentissage en équipe permet d’apprendre et d’atteindre des résultats supérieurs à ce que donnerait une simple addition des contributions individuelles. De la même façon, l’équipe fournit à ses membres l’occasion de se développer et de s’enrichir plus qu’ils n’auraient pu le faire individuellement. La pensée systémique permet d’intégrer les quatre éléments que nous venons d’aborder et de les combiner en un ensemble de pratiques cohérentes (Senge, 1990).

Selon les adeptes de ce concept (Senge, 1990; Marsick et Watkins, 1999 ; Pedler et al., 1989), l’objectif principal de l’organisation apprenante consiste à créer des conditions favorisant la créativité individuelle et collective au travail. Au niveau de l’entreprise, un tel objectif implique la mise en place de pratiques de gestion axées sur le développement des valeurs, des attitudes et des croyances partagées par l’ensemble de l’entreprise (Scarbrough et Swan, 2004). Autrement dit, il s’agit d’un changement de culture organisationnelle qui implique, entre autres, la refonte complète du système de GRH qui, dorénavant, devra mettre l’accent sur le développement et la formation des employés (Pedler et al., 1991). Les chercheurs s’accordent pour dire que le succès de tels changements dépend largement de la haute direction et des gestionnaires de RH d’une entreprise. La transformation de la culture organisationnelle est souvent initiée par la haute direction. Le leadership, la vision claire et la capacité de transmettre cette dernière aux employés sont donc les facteurs clés de ce processus (Scarbrough et Swan, 2004).