• Aucun résultat trouvé

2. A NCRAGE THEORIQUE DE LA PROBLEMATIQUE ET CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE 104


3.3 M ETHODE D ’ ETUDE DE CAS 125


La méthode qui nous apparaît la plus appropriée pour effectuer notre recherche est ce que Grawitz (1990) définit comme la méthode d’étude de cas. La définition formelle de cette méthode est donné par Yin (2003) pour qui : « la méthode des cas est une méthode de recherche empirique permettant d’étudier en profondeur un phénomène contemporain dans son contexte, surtout quand les frontières entre ce dernier et l’objet d’étude ne sont pas clairement délimitées. […] Cette méthode de recherche repose sur plusieurs sources de données qui doivent converger et sur le développement préalable des propositions théoriques pour guider la collecte et l’analyse des données » (2003: 18). Dans les recherches scientifiques, la méthode des cas est souvent associée au paradigme interprétativiste. Comme le souligne Walsham (1993), « la méthode la plus appropriée pour conduire de la recherche empirique selon la tradition interprétativiste est celle de l’étude de cas en profondeur […] De plus, cette méthode implique l’étude de deux cas ou plus pour fins de comparaison » (1993 : 15). Pour reprendre les termes utilisés par Yin (2003), le processus de transfert de connaissances constitue un phénomène contemporain influencé par plusieurs variables contextuelles. Or, le fait que ces variables aient été théorisées dans des recherches passées nous a permis d’avancer les propositions de recherches présentées dans le chapitre précédent. Pour procéder à la collecte et à l’analyse des données empiriques permettant d’évaluer la teneur de ces propositions, nous adoptons, aux fins de la présente recherche la méthode d’étude de cas multiples.

Il importe de noter que, même si les classiques (Yin, 2003; Miles et Huberman, 2003) affirment que la méthode des cas peut être appliquée aussi bien à des données qualitatives qu’à des données quantitatives, et même aux deux types de données à la fois, cette méthode est, dans le discours scientifique, surtout associée à la méthodologie qualitative et ce, pour plusieurs raisons. Comme le soulignent différents auteurs (Lofland et Lofland, 1984; Eisenhardt, 1989; Yin, 2003), une étude de cas se révèle surtout appropriée dans un champ d’études nécessitant une exploration empirique et dans lequel une simple enquête par questionnaire ne générerait qu’un portrait superficiel et partiel de l’objet d’étude. Des questions mal formulées ou mal interprétées par les répondants risquent de produire de l’information peu pertinente au phénomène étudié. Au contraire, le contact direct de l’intervieweur et de l’interviewé suppose un degré de flexibilité permettant au chercheur de reformuler ses questions, de préciser le sens des mots et des expressions utilisées et de prendre en considération le langage non verbal de l’interviewé, en tout temps. L’étude en profondeur d’un cas peut donc fournir une quantité d’informations de qualité relativement à plusieurs aspects du phénomène étudié. Un autre facteur risquant d’amoindrir la portée de résultats obtenus par le biais d’un questionnaire est le taux de réponses, lequel est généralement très bas lorsqu’il s’agit d’une enquête internationale. Ferner et Quintanilla (1998) estiment que ce taux de réponses se situe entre 8 et 9%, ce qui n’assure pas aux résultats un caractère représentatif (en tenant compte, évidemment, de la taille de l’échantillon et de la population visée).

D’autre part, de nombreuses critiques ont également été formulées à l’endroit de la méthode des cas. Le principal reproche qu’on lui a fait est relatif à son manque de « scientificité ». Comme l’écrit Eisenhardt (1989), la théorie se développe traditionnellement à partir des observations contenues dans les écrits, du sens commun et de l’expérience. Depuis leur naissance, les sciences sociales ont été influencées par les sciences « pures » si bien qu’aujourd’hui, il est commun de les soumettre toutes aux mêmes critères de rigueur scientifique. Selon Bailey (1992) ces critères sont: la capacité des résultats à faire l’objet d’une généralisation, à être transférés et à être dupliqués. «The principal attributes of the results of scientific rigor are that they are

generalizable, transferable, and replicable » (1992: 49). Tout en acceptant cette conception de la scientificité, nous croyons que la méthode des cas permet tout de même d’arriver à des conclusions théoriques solides. Cependant, pour que cet objectif soit atteint, la structure des cas, la taille de l’échantillon et l’analyse des données obtenues sur le terrain doivent se fonder sur des règles communes à l’intérieur d’un seul et même champ de recherche. Comme le note Bailey, « l’étude de cas bien structurée est plus proche des modèles physiques que les méthodes conventionnelles des sciences sociales » (1992 : 50). Finalement, nous sommes d’accord avec les chercheurs (Eisenhardt, 1989 ; Bailey, 1992) qui estiment que la méthode des cas est surtout pertinente dans le cadre de recherches en sciences de l’administration, car elle permet de fusionner les préoccupations des chercheurs universitaires à la réalité quotidienne des organisations.

En s’engageant dans la présente recherche empirique, nous sommes conscients que les résultats obtenus suite à l’étude d’une entreprise ne peuvent constituer une théorie. Voilà justement l’un des inconvénients propres à la méthode des cas, soit la faible possibilité de généralisation des résultats. L’objectif de notre recherche n’est cependant pas de créer une théorie, mais de mieux comprendre le phénomène de transferts de connaissances, en précisant les caractéristiques propres aux variables déjà identifiées dans les écrits, ainsi qu’en illustrant les liens existant entre cesdites variables. Comme le note Siggekkow (2007), l’un des avantages clés de la méthode des cas est qu’elle permet « d’illustrer et de préciser les liens de causalité entre les variables étudiées et, ainsi préciser le construit théorique du départ. […] Cette précision théorique peut conduire à un renforcement des théories existantes, ou bien souligner les failles de ces mêmes théories et justifier des recherches futures afin de raffiner la conceptualisation » (2007 : 21). Donc, si nous suivons ce raisonnement, la masse critique d’expériences a toutes les chances de se convertir en théorie et l’histoire de la science nous l’a prouvé plus d’une fois. Kuhn (1972) a d’ailleurs démontré comment l’accumulation des « petites anomalies » ne pouvant s’inscrire dans le cadre d’une recherche positiviste rigoureuse a tout de même fait émerger de nouveaux paradigmes scientifiques. Enfin, selon Flyvbjerg (2007), l’étude de cas constitue un excellent test de généralisation de

résultats théoriques existants, en ce qu’elle permet ce que Popper (1990) appelle la «falsification », soit la possibilité pour un chercheur d’apporter une preuve infirmant une théorie existante, caractéristique qui distingue la véritable connaissance scientifique du dogme.

La méthode des cas prête également le flan à la critique lorsqu’elle est utilisée dans un cadre de recherche impliquant plus d’une réalité culturelle. En effet, on lui reproche alors la subjectivité du chercheur ou bien l’incapacité de ce dernier à concevoir la réalité autrement qu’à travers son propre système de références. À ce propos, Grawitz écrit que : « […] de nombreuses enquêtes ethnologiques qui décrivent d’autres sociétés démontrent l’incapacité du chercheur de comprendre la réalité qui lui est étrangère » (1990 : 303). Il s’agit ici du phénomène de «l’ethnocentrisme scientifique », lequel peut grandement réduire la pertinence d’une analyse. Nous prenons entièrement acte de ce risque et considérons, par conséquent, qu’il est essentiel aux fins d’une recherche comme la nôtre, que le chercheur, soit en mesure d’appréhender les phénomènes observés avec le moins possible de préjugés culturels. La tâche est ambitieuse, mais, à notre avis, relativement réalisable grâce aux connaissances que nous avons des pays dans lesquels sont situés nos sites de recherche.