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1.4 T RANSFERT DE CONNAISSANCES AU SEIN DES EM 38

1.4.5 Mécanismes de transfert de connaissances 81


1.4.5.1 Mécanismes de transfert fondés sur les NTIC 81

Comme nous l’avons vu auparavant, certaines définitions mettent explicitement l’accent sur le caractère codifiable et transférable des connaissances. Selon plusieurs travaux, la gestion et le transfert de connaissances sont fortement associés à l’utilisation de la technologie. D’ailleurs, l’expression « gestion des connaissances » a été introduite par les professionnels du domaine (Davenport et Prusak, 1998; Swan et al., 2000; Ruggles, 1998; KPMG, 2002; 2003). Dans leur revue des écrits traitant de la gestion des connaissances, Swan et al. (2000) indiquent que près de 70% des articles repérés dans ProQuest, en utilisant le sujet-clé « gestion des connaissances », portent sur l’utilisation

des systèmes d’information. La même étude indique que près de 50% de ces articles sont publiés dans les revues spécialisées en informatique et en gestion des NTIC. Seulement 7% des publications proviennent de revues de GRH. Les résultats de certaines enquêtes conduites auprès de gestionnaires (Ruggles, 1998; KPMG, 1998; 2000) expliquent ce clivage par le fait que les gestionnaires associent automatiquement la gestion des connaissances à l’implantation de systèmes automatisés de gestion ou de bases de données. Tout en reconnaissant l’importance de l’aspect humain propre à la gestion des connaissances, les considérations financières à court terme obligent les gestionnaires à se limiter à des investissements dans les NTIC (Ruggles, 1998).

Malgré le déterminisme technologique de plusieurs écrits, certains d’entre eux méritent tout de même d’être présentés ici afin d’offrir au lecteur un portrait complet du phénomène étudié. Certains chercheurs ont, par exemple, tenté de systématiser la multitude de solutions technologiques et de « meilleures pratiques » évoquées dans les écrits, en fonction de leurs caractéristiques propres ou bien en fonction des liens qui les relient aux activités de gestion des connaissances. Nous présentons ici deux de ces classifications.

Ayant défini la gestion du savoir en termes de création, de localisation et de partage de connaissances, Zack (1999) se concentre sur la gestion et le transfert des connaissances codifiées. Son étude empirique permet de définir deux types d’architecture de gestion des connaissances : l’architecture « intégrative » et l’architecture interactive. L’architecture « intégrative » repose sur des flux d’information circulant vers, et provenant de, certains répertoires de connaissances (knowledge repository). Autrement dit, il s’agit du partage de connaissances entre employés effectué par l’intermédiaire d’une base de données alimentée par les expériences et les connaissances de ces mêmes employés. Les bases de données contenant les « meilleures pratiques » constituent un bon exemple de ce type d’architecture. L’architecture interactive est utilisée, comme son nom indique, pour faciliter l’interaction entre des employés possédant des connaissances tacites. Les forums de discussion, les collecticiels, l’intranet corporatif, les pages jaunes sont de bons exemple de ce type d’architecture (Van ‘T Hof, 2003).

Alavi et Tiwana (2003) présentent une classification plus complète des NTIC utilisées pour diffuser des connaissances au sein de l’entreprise. Ces auteurs définissent la gestion des connaissances comme étant un processus de création, d’entreposage et de récupération, de transfert et d’application des connaissances. En se fondant sur des recherches empiriques et des publications professionnelles, Alavi et Tiwana regroupent les différentes technologies de l’information selon chacune des étapes mentionnées. Ainsi, pour soutenir la création de nouvelles connaissances, les entreprises peuvent utiliser l’apprentissage électronique (e-learning) ainsi que les « systèmes de collaboration » (collaborative support systems). L’apprentissage électronique se fait à l’aide d’un dispositif informatique qui assure l’interaction soit entre un étudiant et du matériel didactique, soit entre un étudiant, ses collègues et son professeur. Par l’expression « systèmes de support à la collaboration », Alavi et Tiwana désignent, tout comme le fait Zack dans son étude (1999), un système d’information et de communication intégré facilitant les contacts entre individus. Dans ce cas, la nouvelle connaissance se crée à partir de la combinaison de connaissances individuelles.

L’entreposage et la récupération des connaissances renvoient aux notions de « mémoire organisationnelle » interne et externe. Le premier type de mémoire fait référence à des connaissances individuelles ainsi qu’à la culture organisationnelle (Walsh et Ungson, cité dans Alavi et Tiwana, 2003). La mémoire organisationnelle externe comprend, quant à elle, les politiques et les procédures organisationnelles formelles, existant sous forme de manuels, d’instructions ou de fichiers électroniques. Le concept d’ « entreposage des connaissances » fait référence à la mémoire externe contenue dans des entrepôts de données (data warehouses). Les fonctionnalités techniques de ces entrepôts permettent de rassembler et de convertir des données disparates provenant de différentes unités organisationnelles, de les centraliser et de les intégrer en fonction des préférences et des besoins de l’entreprise. Les répertoires informationnels (information repository) ont des fonctionnalités semblables et permettent un accès centralisé à un large volume d’informations.

Au niveau du transfert des savoirs comme tel, Alavi et Tiwana (2003) distinguent deux modèles selon qu’un transfert a lieu (a) entre individus, (b) entre individus et bases de données et (c) entre diverses bases de données. Le modèle du réseau (network model) fournit le support technique facilitant le transfert de connaissances entre individus. Ces systèmes de support à la communication incluent les conversations en ligne (chat), la messagerie vocale et électronique, les vidéoconférences, etc. Le second modèle de transfert, celui de l’accumulation (stock model), sert à transférer des connaissances entre individus et bases de données. Les meilleurs exemples d’application de ce modèle sont le portail informatique et l’intranet corporatif.

Finalement, l’application des connaissances fait référence à l’utilisation des connaissances, au sein de l’entreprise, dans le processus décisionnel ou dans la résolution de problèmes. À ce niveau, certains auteurs distinguent trois groupes de systèmes. Tout d’abord, les systèmes-experts basés sur des règles (rule-based expert systems) contiennent les règles en usage et applicables à la prise des décisions relatives au processus de production ou de prestation des services. Le deuxième type de système- expert est basé sur l’analyse des cas problématiques (case-based reasonning system) auxquels l’entreprise a été confrontée par le passé. Ainsi, ce type de systèmes permet d’identifier dans le passé la situation la plus pertinente afin de résoudre un problème nouveau. Le dernier groupe de systèmes rassemble les systèmes d’aide à la prise de décision (decision support systems) définis par les auteurs comme étant des « systèmes informatiques permettant, par une interaction avec des données et des modèles analytiques, de soutenir une prise de décision non structurée » (Alavi et Tiwana, 2003 : 113).

L’étude empirique de Van ‘T Hof’ (2003) portant sur les meilleures pratiques de gestion et de transfert de connaissances au sein des EM met en valeur trois outils que l’on retrouve le plus souvent dans les entreprises, soit : l’intranet corporatif, les pages jaunes (les deux sont fondés sur l’utilisation de la technologie) et, finalement, les communautés de pratique (ce phénomène sera expliqué en détails dans la section portant sur les pratiques sociales de transfert de connaissances). Les outils technologiques permettent

de stocker une grande quantité d’information organisationnelle. Cette information ou ces connaissances codifiées et « entreposées » dans des répertoires informatiques sont accessibles, facilement, par tout employé sans égard à sa localisation géographique. Les pages jaunes sont un autre moyen très populaire dans les entreprises. Dans ce cas, la fonctionnalité de l’outil consiste à rassembler les experts et à rendre visibles, à l’échelle de la compagnie, leurs connaissances, en plus de fournir leurs coordonnées.

L’étude empirique d’ Almeida et al. (2002) auprès d’EM fabriquant des semi- conducteurs énumère plusieurs moyens de transferer des connaissances. Malgré les capacités technologiques supérieures que ces compagnies peuvent s’offrir, la recherche contemporaine confirme les conclusions de travaux antérieurs concernant les limites des outils technologiques lorsque nous sommes en présence de connaissances complexes, personnalisées, « non-formatées », etc. Plusieurs moyens électroniques de communication, tels que le courriel, les collecticiels, le téléphone, la télécopie, les vidéoconférences et les systèmes d’échange des données, ne sont qu’un support pour gérer des connaissances organisationnelles. Leur utilisation n’assure pas automatiquement un transfert de connaissances efficace. Les résultats de cette recherche mettent en évidence l’importance du transfert de personnel entre diverses unités organisationnelles et de la possibilité pour les employés de se créer un réseau de contacts au sein de la compagnie.