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2. A NCRAGE THEORIQUE DE LA PROBLEMATIQUE ET CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE 104


3.4 T ERRAIN ET OUTILS DE RECHERCHE 128


D’entrée de jeu, nous tenons à préciser que nous nous penchons, dans le cadre du présent travail, sur le transfert de connaissances du siège social vers les filiales. Nous nous concentrons, en premier lieu, sur le siège social des EM étudiées de même que sur ses vision et perception du processus de transfert des connaissances ; dans un deuxième temps, nous cherchons à valider auprès des filiales les informations obtenues au siège social. Notre choix du terrain de recherche doit respecter quelques critères de base identifiés dans les écrits sur les EM. Premièrement, il faut que les entreprises étudiées correspondent à la définition de l’EM donnée ci-haut. De plus, nous avons choisi des entreprises bien établies, afin d’être en mesure de dégager un schème (pattern)

stratégique dans leur comportement, lequel se reflète généralement par une constance dans les pratiques de gestion.

Pour évaluer l’impact qu’ont les facteurs contextuels sur le transfert de connaissances, nous avons suivi les recommandations méthodologiques proposées par Ferner (1997). Pour pouvoir isoler l’impact des variables liées au contexte endogène sur le transfert des pratiques de GRH, nous avons choisi des EM d’envergure comparable, mais poursuivant, à première vue, des stratégies d’internationalisation différentes. Afin de déterminer l’impact du contexte exogène sur le transfert de connaissances, le premier critère que nous avons appliqué relativement à la sélection des EM était la distance socioculturelle entre le pays d’origine du siège social et celui des filiales. Deuxièmement, les EM choisies devaient, en quelque sorte, être « typiques » et refléter les particularités du contexte socioculturel de leur pays d’origine, du moins au niveau de leur siège social. S’il est certain que le choix d’entreprises typiquement canadiennes ou françaises ou autres demeure passablement subjectif et arbitraire, ne reflétant, bien souvent, que l’opinion du chercheur, nous pouvons cependant dire, à l’égard de la présente recherche, que la catégorisation des EM choisies est non seulement fondée sur nos connaissances personnelles, mais également supportée par des publications ainsi que par des discussions que nous avons eues avec des professionnels du milieu. D’autre part, il importe également de mentionner que cette catégorisation des EM a par la suite été validée par les gestionnaires des entreprises étudiées. Troisièmement, en prenant pour acquis que, tout comme le contexte du pays d’origine, le contexte du pays d’accueil puisse exercer une influence sur le transfert des pratiques de GRH, il nous fallait choisir des filiales situées dans des pays qui étaient, institutionnellement et culturellement, différents, à la fois du siège social et des autres filiales. Autrement, la « visibilité » des variables institutionnelle et culturelle sur les transferts aurait considérablement été réduite. Enfin, le dernier critère non négligeable lié à cette sélection était l’accès à ces entreprises et la disponibilité de leur personnel pour participer à notre recherche.

3.4.1 Échantillon et méthode de collecte de données

En applicant ces critères, nous avons approché quatre EM différentes : deux entreprises œuvrant dans le secteur manufacturier et deux entreprises œuvrant dans le secteur des télécommunications. Parmi ces quatre entreprises, nous comptons deux canadiennes, une française et une danoise. Leurs filiales se situent, entre autres, en France, au Canada, en Allemagne et en Suisse. Par l’entremise de nos contacts personnels et en nous adressant directement aux représentants des RH des EM choisies, nous avons réussi à établir des contacts préliminaires avec des gestionnaires exerçant dans les sièges sociaux, lesquels nous ont ensuite référés à leurs homologues exerçant au sein des filiales. Précisons tout de suite que, pour l’analyse et la présentation finales des résultats, nous avons retenu les trois EM suivantes (parmi les quatre étudiées initialement) : tout d’abord, les deux EM canadiennes, dont nous avons étudié les filiales française, allemande et suisse; ensuite, l’EM d’origine française, dont nous avons analysé les filiales canadienne et allemande.

Au total, nous avons interviewé vingt gestionnaires, pour la plupart des responsables fonctionnels des RH (la liste des personnes interviewées est présentée dans la partie descriptive apparaissant au début de chaque cas d’espèce). Dix-huit entrevues se sont déroulées sur les lieux de travail des gestionnaires dans leur pays respectif et nous en avons effectués deux autres par téléphone. Les entrevues ont duré de 30 minutes à 2,5 heures, avec une durée moyenne de 1,5 heures, et elles ont été conduites en français ou en anglais, selon la préférence de chacun des individus interviewés. Au total, plus de 30 heures d’enregistrement ont été retranscrites intégralement et renvoyées aux gestionnaires concernés pour fins de validation du contenu. Des corrections et des précisions mineures ont été apportées dans certains cas. Afin d’augmenter la validité interne des entrevues et minimiser les « biais interprétativistes », certaines entrevues ont été soumises à un codage et à une analyse effectués par une personne n’entretenant aucun lien avec les entreprises étudiées. Des divergences mineures ont été constatées dans l’interprétation des résultats.

Aux fins de la collecte des données, nous avons procédé essentiellement par l’entremise d’entretiens « semi-directifs ». Les questions ouvertes, propres à ce type d’entretien, permettent au chercheur de circonscrire les échanges autour des thèmes centraux de la recherche, sans pour autant se priver des développements parallèles susceptibles de les nuancer. Enfin, par sa flexibilité cette technique de collecte d’information nous a permis de recueillir les témoignages et les interprétations des interlocuteurs tout en respectant leur cadre de références, leur langue et leurs schèmes mentaux (Quivy et Campenhoudt, 1995). Afin de pouvoir structurer ultérieurement les données obtenues à partir des interviews, et de s’assurer que nous abordions les thèmes pertinents compte tenu de notre problématique de recherche, nous nous sommes dotés d’un guide d’entrevue. Après avoir procédé à une analyse préliminaire des entrevues, nous avons décidé de n’en retenir que dix-sept et de procéder à l’analyse approfondie de seulement trois des quatre EM sélectionnées, car, dans le cas de l’EM danoise, certains des gestionnaires ont annulé des entrevues déjà cédulées, sous prétexte d’un emploi du temps trop chargé. Ainsi, malgré la collecte de certaines données intéressantes, nous avons jugé que la somme des informations colligées relativement à cette EM n’était pas suffisante pour être présentée à titre de cas d’espèce.

En ce qui concerne le nombre de personnes à interviewer, nous nous sommes fondés sur le principe de la saturation. Bertaux (1976) définit ce principe comme étant le phénomène par lequel, une fois avoir conduit un certain nombre d’entretiens, le chercheur a l’impression de ne plus rien apprendre de nouveau relativement à l’objet de l’enquête. Selon Bertaux, le principe de saturation requiert un nombre minimal de quinze entrevues sur un sujet donné. Le lecteur jugera peut-être que le nombre d’entrevues conduites aux fins de la présente recherche est insuffisant pour assurer la crédibilité des résultats obtenus. Le principe de saturation paraît, en effet, vague et imprécis et, comme le note Guest et al. (2006), il est invoqué, telle une règle d’or, dans la majorité des études qualitatives sans jamais, toutefois, être véritablement expliqué. Ayant effectué une recherche approfondie à ce sujet dans les écrits méthodologiques, nous pouvons conclure que le nombre requis d’entrevues en recherche qualitative varie, considérablement, en fonction des domaines et des devis de recherche. Comme le

rapporte Mason (2010) dans son recensement sur le sujet, le nombre d’entrevues conduites dans le cadre des thèses de doctorat, de nature qualitative, publiées en Irlande et en Grande Bretagne entre 1716 et 2009, varie de 1 à 95, 80% de ces thèses se conformant au principe de saturation proposés par Bertaux (1976) qui établit le nombre minimal d’entrevues, tel que nous le mentionnions un peu plus haut, à quinze. Une autre recherche récente Guest et al., 2006) portant spécifiquement sur le principe de saturation et le nombre d’entrevues conduites lors de recherches qualitatives, suggère que ce principe pourrait même être atteint à partir de la douzième entrevue. En s’appuyant sur la théorie du consensus (consensus theory) développée par Romney, Batchelder et Weller (1986) (cités dans Guest et al., 2006) pour établir une liste de catégories de codage suite à soixante entrevues réalisées auprès de participants, Guest et al. (2006) soulignent que 92% de ces catégories ont été identifiées après seulement douze entrevues. Tous ces arguments nous amènent à conclure que le principe de saturation est tout à fait défendable et que le nombre d’entrevues réalisées dans le cadre de la présente recherche est raisonnable et permet d’arriver à des résultats probants.

Bien que les entrevues réalisées représentent notre source de données principale, nous avons utilisé des sources secondaires. En effet, comme le souligne Yin (2003), une bonne étude de cas s’appuie sur plusieurs sources d’information parce qu’en bénéficiant d’une diversité de points de vue le chercheur est en mesure d’obtenir une vision plus objective du phénomène étudié. Conformément à ce principe, nous avons donc effectué une recherche parmi la documentation publique issue des EM étudiées. Nous avons, par exemple, analysé les rapports annuels de chaque EM (et ce, relativement aux trois années précédant la période des entrevues), les communiqués de presses, les entrevues accordées par leurs dirigeants ainsi que les présentations publiques que ceux-ci ont donné, les articles de presse canadienne et française et, bien évidemment, le contenu des sites Internet des EM en question. Enfin, les observations faites, et les notes personnelles prises, lors de nos visites sur le terrain de même que les discussions informelles que nous avons eues avec les gestionnaires se sont également révélées de précieuses sources d’informations.