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1.3 C ONCEPT DU SAVOIR DANS LES ORGANISATIONS 18


1.3.4 Taxinomies des connaissances organisationnelles 29


1.3.4.1 Classification de Polanyi 29

Parmi les travaux qui ont grandement marqué les recherches sur les connaissances organisationnelles, la typologie des connaissances la plus connue est celle proposée par Michael Polanyi. Ce scientifique et philosophe distingue deux types de savoir: le savoir tacite et le savoir explicite. Selon Polanyi (1958), ces deux dimensions s’appliquent à tout savoir humain. Ce n’est pas par hasard que nous utilisons le mot « dimensions », car le travail de Polanyi représente une des tentatives d’aller au-delà de la distinction bien établie entre les connaissances pratiques et les connaissances théoriques, voire entre la rationalité et l’empirisme. En critiquant l’approche positiviste dans les sciences, Polanyi cherche à montrer une logique commune propre à tout savoir. Dans ce sens, le savoir tacite et le savoir explicite ne sont que les deux dimensions d’un même phénomène.

Dans son ouvrage Personal Knowledge, Polanyi (1958) souligne qu’il n’existe pas de savoir qui soit complètement explicite. Tout savoir comporte une dimension que nous ne sommes pas toujours en mesure d’expliquer. Les convictions et l’engagement

personnels font partie intégrante de la connaissance. Pour désigner ce type de dispositions personnelles, Polanyi utilise le terme « connaissances personnelles », ce qui, dans ses travaux subséquents, fut désigné par l’expression « tacit knowledge » ou « connaissance tacite ».

Polanyi rejette le rationalisme pur. Pour lui, l’apprentissage et l’action font partie du même processus combinant, de façon ordonnée, un certain nombre d’outils pour obtenir un résultat pratique ou théorique.

« I regard knowing as an active comprehension of the things known, an action that requires skill. Skilful knowing and doing is performed by subordinating a set of particulars, as clues or tools, to the shaping of a skilful achievement, whether practical or theoretical. » (1958 : 49).

Ainsi, Polanyi fait une distinction entre, d’une part, le savoir pur et rationnel (connaissances des lois et des règles) et, d’autre part, le savoir-faire. Pour illustrer ceci, il donne l’exemple de l’apprentissage requis pour la conduite d’une bicyclette. La connaissance parfaite des lois de gravitation, d’équilibre, etc., est peu ou pas utile pour celui qui veut apprendre à rouler à bicyclette. Dans ce cas, c’est la pratique qui est la plus importante. Il existe de nombreuses situations où la méconnaissance des règles théoriques ne nous empêche aucunement de pratiquer une activité. La connaissance tacite est une connaissance non exprimée. La particularité de ce type de connaissance consiste en une relation spécifique existant entre deux types d’attention lors d’une activité : l’attention focale et l’attention subsidiaire. L’attention focale est celle qui est orientée vers l’objectif de l’action, tandis que l’attention subsidiaire est plutôt dirigée vers les outils et les moyens nécessaires pour accomplir cette même action. Cette dernière n’est pas activée en tout temps. D’une certaine façon, elle est sous-entendue pendant que nous accomplissons une activité.

Ce même processus peut être exprimé par la relation existant entre l’ensemble et ses parties. Si, dans l’accomplissement d’une tâche, nous détournons notre attention de l’ensemble du processus au profit de ses particularités, le résultat de l’action sera compromis. Ainsi, la connaissance tacite peut être présentée sous forme d’un triangle composé de parties subsidiaires (subsidiary particulars), de l’objectif focal (focal

target) et de l’individu connaissant qui les relie (knower). Donc, le lien entre les parties subsidiaires et l’objectif ne se fait pas automatiquement ; il est plutôt le résultat de l’action de l’individu. Dans ce sens, la connaissance tacite est difficilement exprimable, car chaque personne peut avoir sa propre méthode pour mener à bien une même tâche.

Le savoir explicite est, quant à lui, un savoir objectif et rationnel qui s’acquiert de façon séquentielle par l’assimilation de connaissances codifiées et présentées sous forme d’un langage ou d’un code technique transférable. En entreprise, ce type de connaissances se situe dans les bases de données, dans les procédures standardisées ou bien dans les manuels. D’après Foray et Cowan (1997), les connaissances codifiées peuvent être assimilées à de l’information transmise, sans perte d’intégrité, une fois que les règles syntaxiques nécessaires pour les déchiffrer sont connues par les parties impliquées dans le processus.

Selon Polanyi, nous sommes incapables d’exprimer tout ce que nous savons à cause de la dimension tacite du savoir qui affecte l’ensemble de nos connaissances. Pour bien illustrer ce phénomène, l’auteur utilise la métaphore de l’iceberg : la fraction visible de l’iceberg correspond à notre savoir explicite, tandis que la partie soustraite à notre vision représente toutes les connaissances que l’individu possède et qu’il n’est pas nécessairement en mesure d’articuler. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre sa célèbre phrase : « We know more than we can tell » (Polanyi, 1958 : 34). Le savoir naît lorsque l’individu entre en contact avec la réalité et se donne une image de cette réalité en en intégrant les multiples particularités selon des modèles mentaux que l’individu possède déjà. C’est cet aspect psycho-cognitif du savoir tacite qui le distingue du savoir explicite et qui le rend difficile à coder et à transmettre.

Il faut dire que les deux catégories de connaissances proposées par Polanyi se trouvent à la base de plusieurs autres typologies de connaissances spécifiques au contexte organisationnel.