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Caractéristiques des connaissances faisant l’objet d’un transfert 49

1.4 T RANSFERT DE CONNAISSANCES AU SEIN DES EM 38

1.4.4 Facteurs influençant le transfert de connaissances 49


1.4.4.1 Caractéristiques des connaissances faisant l’objet d’un transfert 49

Les chercheurs défendent l’idée selon laquelle les caractéristiques propres aux connaissances jouent un rôle primordial dans le processus de transfert et déterminent, en grande partie, son succès ou son échec. En considérant le nombre de publications sur le sujet, il s’agit, sans aucun doute, de l’aspect du transfert de connaissances le plus étudié. Parmi les caractéristiques des connaissances les plus fréquemment citées dans les écrits, nous retrouvons : leur capacité à être codifiées, leur « viscosité », leur « ambigüité » et leur caractère systémique. Nous présentons succinctement ces caractéristiques et nous terminons cette section en précisant les particularités des connaissances associées à la GRH.

1.4.4.1.1 Possibilité de codifier et d’enseigner les connaissances

L’une des contributions les plus influentes dans ce domaine appartient à Zander et Kogut (1993 ; 1995). En écartant le déterminisme technique, les auteurs insistent sur le fait que le transfert des technologies au sein des EM ne se limite pas à un déplacement d’équipements entre diverses unités, mais consiste également en des transferts de connaissances associées au fonctionnement de ces dits équipements, en un agencement particulier du processus de production, en un système de relations sociales associées à ce système de production. En adoptant les caractéristiques de connaissances proposées par Rogers (1982) et Winter (1987) dans leur étude sur le transfert des capacités de production, Zander et Kogut démontrent que le caractère tacite des connaissances exerce une influence considérable sur la vitesse des transferts. Le caractère tacite des connaissances est opérationnalisé à travers les deux variables suivantes : la capacité des connaissances à être codifiées (codifiability) et enseignées (teachability).

La possibilité de codifier les connaissances reflète à quel point les connaissances en question peuvent être présentées sous forme de livres, de manuels, de logiciels ou de descriptions des tâches. Comme le notent les auteurs, les connaissances parfaitement codifiables sont plus faciles à transférer, même si le bénéficiaire éventuel éprouve des difficultés à les comprendre. En ce qui concerne la possibilité ou, plutôt, la facilité d’enseignement des connaissances, cette caractéristique reflète jusqu’à quel point les employés destinataires des connaissances peuvent les acquérir par de la formation appropriée. Contrairement aux connaissances « codifiées » et dépersonnalisées, la capacité des connaissances à être enseignées met explicitement l’accent sur le développement des compétences et des connaissances individuelles nécessaires pour manipuler la technologie transférée. Les recherches de Kogut et Zander (1992 ; 1995), montrent un lien significatif entre les deux caractéristiques des connaissances que nous venons de présenter et la vitesse des transferts.

Il est à noter que Zander et Kogut ont mesuré les liens existant entre la vitesse de transfert et les autres caractéristiques des connaissances, telles que leur complexité, leur

imbrication dans le système de production (system dependency) et leur observabilité. Malgré de solides arguments théoriques, les données empiriques obtenues par ces chercheurs n’ont pas permis d’établir de corrélation significative entre ces variables et le temps de transfert.

1.4.4.1.2 « Viscosité » des connaissances (knowledge stickiness)

Dans son étude sur les transferts technologiques, Von Hippel (1994) introduit la notion de la connaissance « visqueuse » (sticky knowledge), faisant référence à la difficulté de recevoir la connaissance en l’absence d’un cadre de référence commun entre l’émetteur et le destinataire. Pour cet auteur, la « viscosité » de l’information est liée au caractère tacite des connaissances. En se référant aux travaux de Polanyi, Von Hippel (1994) affirme que même si les connaissances liées aux transferts technologiques sont en grande partie théoriques (i.e. des techniques inscrites dans des manuels accompagnant la technologie transférée) et, de ce fait, plus accessibles, la réussite du transfert dépend largement des conditions spécifiques dans lesquelles se déroule le transfert.

La deuxième cause de « viscosité » des connaissances est leur quantité. En donnant l’exemple du processus de développement d’un nouveau modèle d’avion, Von Hippel (1994) souligne un très grand nombre de facteurs qui doivent être pris en considération par les concepteurs de l’appareil. Il est très difficile de déterminer d’avance quelles informations ou connaissances seront pertinentes pour prévenir les failles au niveau de la mise en œuvre de ce produit extrêmement complexe. Deux autres facteurs expliquent, selon Von Hippel, le phénomène de « viscosité ». La quantité de connaissances devant, au préalable, être possédées par le destinataire (ou ce que Cohen et Levinthal (1990) appellent « la capacité d’absorption ») et les coûts de transfert. Plusieurs études empiriques démontrent que les transferts de connaissances techniques, même en comptant sur la coopération et la bonne volonté des parties impliquées, sont assez coûteux. L’étude empirique de Teece (1977) sur les transferts technologiques internationaux révèle que les coûts associés au transfert de connaissances « connexes », notamment de l’information concernant les méthodes de travail, la façon d’organiser le système de production, le contrôle de qualité, les procédés de fabrication et d’autres

connaissances qui ne sont pas directement liées à la technologie transférée, varient entre 2% et 59% et, en moyenne, représentent 19% des coûts totaux des projets de transfert.

Szulanski (1996) reprend le concept de « viscosité » en analysant la « viscosité interne » (internal stickiness) des connaissances organisationnelles. Dans son travail empirique sur le transfert des « meilleures pratiques » au sein de huit EM, il souligne le caractère tacite des pratiques imbriquées dans les connaissances et habiletés des individus, ainsi que dans les rapports sociaux ou dans les arrangements particuliers existant entre les individus dans le milieu de travail. Le terme « stickiness » fait référence à la connaissance de l’agencement existant entre les différents facteurs de production et à la difficulté de répliquer cet agencement ailleurs, même s’il s’agit d’unités de la même entreprise. Selon Szulanski, cette « viscosité » des meilleures pratiques s’explique par les deux caractéristiques suivantes. La première caractéristique réfère à l’ambiguïté causale (causal ambiguity), qui signifie l’impossibilité de déterminer les causes du succès ou de l’échec du transfert ou de la réplication des capacités de production. Cette ambiguïté peut résulter de l’incompréhension par l’émetteur des particularités du contexte dans lequel les connaissances sont transférées. La deuxième caractéristique qui explique la « viscosité interne » des connaissances a trait à la preuve d’utilité (unprovenness). Les études indiquent qu’il est plus facile de transférer des connaissances dont l’utilité a déjà été démontrée par l’usage (Rogers, 1983, cité par Szulanski). Selon une logique semblable, Gupta et Govindarajan (2000) indiquent que les connaissances déjà utilisées par l’ensemble d’une organisation et perçues comme utiles, sont plus faciles à transférer d’une unité organisationnelle à une autre.

1.4.4.1.3 Ambiguïté propre aux connaissances

Simonin (1999) met explicitement l’accent sur le concept d’ambiguïté des connaissances dans son travail empirique portant sur les facteurs influençant le transfert de connaissances au sein d’alliances stratégiques. L’auteur définit l’ambiguïté des connaissances (ambiguity of knowledge) selon les sept variables suivantes : le caractère tacite des connaissances, la spécificité des connaissances, la complexité des connaissances, l’expérience dans l’utilisation des connaissances transférées, la

transparence des relations entre les partenaires (partner protectiveness), la distance culturelle et la distance organisationnelle. Parmi les variables se rapportant à la nature des connaissances nous pouvons mentionner la spécificité, la complexité et le caractère tacite de celles-ci. Le concept de spécificité fait référence à la difficulté de reproduire l’usage d’un actif organisationnel sans en perdre la valeur productive. Par le vocable complexité, l’auteur fait référence aux liens existant entre les connaissances transférées à l’unité émettrice et les autres connaissances déjà développées par elle. Enfin, le caractère tacite des connaissances est utilisé dans son sens classique, tel que présenté par Polanyi (1958).

1.4.4.1.4 Caractère systémique des connaissances

Le caractère systémique ou la quantité de connaissances se retrouvant dans différentes entités organisationnelles ainsi que dans les réseaux qui unissent ces entités entre elles, sont des facteurs ayant un impact non négligeable sur le processus de transfert. Plusieurs travaux empiriques confirment l’existence d’une relation directe entre le caractère systémique de connaissances données et la difficulté d’en opérer le transfert (Almeida et Kogut, 1999 ; Prahalad, 1993 ; Cummings et Teng, 2003). Comme nous l’avons indiqué dans la section portant sur la dimension ontologique du savoir, ce dernier peut être possédé par les employés ou être imbriqué dans les outils, les routines, les structures et les sous-structures reliant tous ces éléments (Argote et Ingram, 2000). Prahalad (1993) explique, par exemple, que la difficulté pour la concurrence de reproduire les capacités de miniaturisation développées par Sony réside, entre autres, dans le fait que les connaissances organisationnelles requises pour ce faire sont disséminées à travers un réseau complexe et composé de différents sites de production, d’actifs matériels et humains ainsi que de routines organisationnelles.

1.4.4.1.5 Caractéristiques des connaissances liées à la GRH

Les écrits scientifiques traitant des pratiques de RH soulignent régulièrement le caractère multidimensionnel des connaissances dans ce domaine. Comme l’indique Tyson (2006), certaines procédures de RH peuvent être codifiées et présentées sous

forme de politiques et règlements affichés au sein de l’entreprise. Les activités clés de la GRH (tels que le recrutement, la gestion de performance ou l’analyse de poste) requièrent l’existence de connaissances théoriques et abstraites pouvant être transmises sans égard au contexte organisationnel. Par contre, comme le souligne Tyson (2006), l’application pratique et l’efficacité de ces connaissances théoriques seront conditionnées par la spécificité du contexte de même que par les caractéristiques de la personne qui les met en pratique. L’expérience personnelle et les convictions des gestionnaires en RH ayant le mandat de décider quel type de connaissances ou de compétences doit être priorisé dans un contexte organisationnel donné, détermineront l’utilité et l’efficacité de ces connaissances théoriques (Tyson, 2006). En ce sens, les connaissances en RH devant être appliquées deviennent alors tacites, ambiguës et systémiques.

Les propriétés intrinsèques des connaissances ne sont pas les seuls facteurs qui en influencent le transfert. Le groupe de facteurs que nous présentons dans la section suivante réfère aux caractéristiques propres aux entités impliquées dans le transfert.