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Caractéristiques des entités impliquées dans le transfert 54

1.4 T RANSFERT DE CONNAISSANCES AU SEIN DES EM 38

1.4.4 Facteurs influençant le transfert de connaissances 49


1.4.4.2 Caractéristiques des entités impliquées dans le transfert 54

Parmi les caractéristiques propres aux entités impliquées dans le transfert de connaissances, certains auteurs évoquent les « facteurs motivationnels », la capacité de rétention ainsi que la capacité d’assimilation des connaissances transférées. Dans cette section, nous présenterons d’abord les caractéristiques associées à l’émetteur et, par la suite, celles relatives au destinataire des connaissances organisationnelles.

1.4.4.2.1 Motivation de l’émetteur des connaissances

Relativement à l’unité émettrice, les écrits soulignent l’importance de la motivation dans le partage des connaissances. Comme l’indique Cyert (1995), l’unité qui détient des connaissances rares aura tendance, au sein d’une organisation, à garder et à protéger son « monopole » sur le savoir stratégique. Selon la perspective politique (Pfeffer, 1981; Powell et DiMaggio, 1991), laquelle aborde l’organisation à travers le prisme de

ses jeux de pouvoir internes, les connaissances et l’information clés détenues par une unité organisationnelle procure à cette dernière un statut privilégié au sein de l’entreprise et, par la même occasion, un avantage supplémentaire dans ces luttes de pouvoir. La même explication est donnée non seulement par les théoriciens en management, mais également par les praticiens qui évoquent « les jalousies, l’absence d’incitatifs et le manque de confiance » pour expliquer l’absence de motivation à partager la connaissance (Szulanski, 1996).

Levitt et March (1988) affirment que le transfert de connaissances peut avoir des conséquences néfastes pour l’entreprise en cas de duplication des connaissances par une tierce partie survenant au cours du transfert. Une telle affirmation est parfaitement cohérente avec la théorie de la firme fondée sur les ressources, laquelle place la rareté des ressources parmi les caractéristiques lui procurant un avantage compétitif. La peur de se faire copier par la concurrence diminue donc la motivation de l’unité émettrice à transférer ses connaissances et ce, même s’il s’agit d’un transfert interne. Malgré la logique et la cohérence de ce discours et malgré le fait qu’il soit appuyé par des concepts théoriques solides, les résultats empiriques sont mitigés. Parmi les travaux les plus récents, nous pouvons citer la recherche de Gupta et Govindarajan (2000) qui porte sur les facteurs influençant le transfert de connaissances au sein d’EM. L’étude de ces auteurs auprès d’un large échantillon d’EM américaines, japonaises et européennes ne permet pas d’établir un lien significatif entre la motivation et le succès du transfert de connaissances. Les résultats empiriques obtenus par Szulanski (1996) abondent dans le même sens. Son étude souligne le fait que la difficulté à transférer les connaissances est liée aux caractéristiques propres aux connaissances données plutôt qu’à des facteurs motivationnels.

1.4.4.2.2 Image de l’émetteur

Une autre caractéristique propre à l’émetteur, et mentionnée dans les écrits, est sa fiabilité, telle que la perçoit le destinataire du transfert (Szulanski, 1996). Le fait que l’émetteur possède le statut d’expert et jouisse de notoriété dans le domaine en cause influencera positivement le comportement du destinataire et facilitera le transfert. Dans

le cas contraire, c’est-à-dire lorsque la source n’est pas perçue comme étant fiable et suffisamment qualifiée, son savoir, ses propositions et ses conseils seront constamment remis en question par le destinataire qui aura alors tendance à s’opposer, ouvertement ou non, au transfert ce qui, évidemment, nuit à l’efficacité du processus.

1.4.4.2.3 Motivation du destinataire des connaissances

Les questions de motivation et de capacité de recevoir et d’assimiler de nouvelles connaissances ont également été explorées dans les écrits. Le premier élément pertinent à cet égard est ce qu’on appelle le « not-invented-here syndrome » (Gupta et Govindarajan, 2000; Szulanski, 1996; Katz et Allen, 1982) que l’on peut observer dans certaines unités organisationnelles lorsque les employés et la direction sont peu enthousiastes, voir totalement réfractaires, à l’endroit de connaissances nouvelles provenant d’autres divisions. Les études empiriques montrent que cette opposition silencieuse peut prendre la forme de sabotage et de rejet des nouvelles connaissances (Szulanski, 1996). Selon les écrits, ce phénomène a deux causes principales. Premièrement, il s’agit d’un mécanisme d’autodéfense par lequel certains gestionnaires empêchent la circulation de nouvelles connaissances susceptibles de remettre en question leurs propres compétences. Deuxièmement, il s’agit d’un argument supplémentaire utilisé à l’occasion des jeux de pouvoir se déroulant au sein de l’entreprise. En refusant les nouvelles connaissances ou en les dénigrant, les gestionnaires de l’unité destinatrice se trouvent à réduire le pouvoir de l’unité émettrice. Gupta et Govindarajan (2000) indiquent que le « not-invented-here syndrome » est un des obstacles majeurs au processus de transfert de connaissances dans les entreprises : «…unless countervailing forces are present, the NIH syndrome can act as a major barrier to the inflows of knowledge into any focal unit. » (2000: 4).

Une série de facteurs motivationnels, applicables à la fois à l’émetteur et au destinataire des connaissances, est établie dans le travail théorique de Kostova (1999). Dans son étude sur le transfert des pratiques organisationnelles stratégiques, l’auteur propose trois types d’« attitudes relationnelles » qui influencent la motivation des parties impliquées dans le transfert de connaissances au sein d’EM. Il s’agit de l’engagement, de l’identité

et de la confiance des représentants de l’unité destinatrice à l’égard du siège social de l’EM. L’engagement est défini comme étant la volonté de l’unité destinatrice de fournir, au nom du siège social, un effort considérable et de demeurer membre du groupe multinational. Cet engagement de la filiale se fonde sur l’engagement des individus envers le siège social qui englobe tous les aspects du fonctionnement de la filiale, y compris le transfert de connaissances. En ce qui concerne l’identité de la « coalition de transfert » avec le siège social, elle reflète le degré d’attachement et d’identification des membres de cette coalition à l’égard du siège social. Comme le note Kostova, plus les employés impliqués dans le transfert partagent les valeurs véhiculées et « routinisées » par le siège social de l’EM, plus ils seront portés à partager les nouvelles connaissances avec les employés de leur unité respective. La confiance mutuelle (trust) est un autre facteur souvent évoqué dans les écrits. La confiance existant entre les parties impliquées dans le transfert permet de réduire l’incertitude concernant la valeur et l’utilité des connaissances transférées et, par conséquent, de réduire les coûts de transfert liés à la communication et aux négociations ayant lieu entre le destinataire et la source. Enfin, la confiance est associée à la fiabilité perçue de la source de transfert par le destinataire (Szulanski, 1996).

À titre de conclusion pour cette section, soulignons que, malgré le fait que plusieurs études conceptuelles insistent sur l’importance de la motivation, les résultats empiriques restent quelque peu ambigus. Les travaux qui ont mesuré l’influence des variables motivationnelles sur le processus de transfert de connaissances (Gupta et Govindarajan, 2000 ; Rogers, 1982 ; Kogut et Zander, 1995) montrent que ce sont les caractéristiques des connaissances, plutôt que la motivation des parties impliquées, qui déterminent l’efficacité du transfert.

1.4.4.2.4 Capacité d’assimilation des connaissances par le destinataire

Après la question relative à la « volonté » de transférer les connaissances, une autre problématique se pose, cette fois relativement à la « possibilité » de ce faire, problématique qui renvoie plus particulièrement à la capacité du destinataire d’assimiler les connaissances transférées. La capacité d’assimilation des connaissances est

considérée dans les écrits comme l’une des caractéristiques clés du destinataire. Cohen et Levinthal (1990), qui ont introduit cette notion, considèrent la capacité d’absorption (absorptive capacity) d’une firme comme étant son habileté à reconnaître et à évaluer l’utilité de nouvelles connaissances, de même qu’à assimiler et à appliquer ces dernières à des fins commerciales. Tout ce processus est fonction des connaissances antérieures de la firme en question et des investissements antérieurs effectués dans le développement de cette aptitude. Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement de la somme des aptitudes individuelles. La capacité d’absorption est un phénomène organisationnel et Cohen et Levinthal (1990) mettent l’accent sur l’interface existant entre l’environnement d’où provient l’information, la firme en question ainsi que, finalement, les différentes unités de cette dernière. Ces auteurs indiquent que certaines fonctions des grandes entreprises maintiennent des relations assez rapprochées et reconnaissent qu’une certaine redondance en terme d’expertise entre deux départements peut s’avérer nécessaire pour créer l’interface voulue entre les unités fonctionnelles, les unités de R&D et des filiales géographiquement dispersées.

Ayant étudié le même phénomène, Gupta et Govindarajan (2000) soulignent deux éléments expliquant la variation de cette capacité d’une unité à l’autre au sein des EM. Premièrement, il s’agit du volume et de l’étendue des connaissances déjà disponibles au sein de l’unité. Les connaissances accumulées permettent d’évaluer la pertinence et la valeur des connaissances nouvelles pour l’organisation (ou pour une unité organisationnelle) et, en même temps, de les assimiler plus facilement. Deuxièmement, il s’agit de l’homogénéité des individus impliqués dans le transfert. Plus les individus qui communiquent seront semblables en terme de croyances, d’éducation, de statut social etc., plus la communication de nouvelles idées sera efficace en termes de maximisation des connaissances et d’adaptation comportementale (Gupta et Govindarajan, 2000).

La distance en termes de connaissances (knowledge distance) évoquée par Cummings et Teng (2003) peut également être classée dans cette catégorie de facteurs. Cette distance fait référence au degré de similarité des connaissances possédées par les unités

impliquées dans le transfert. Les recherches antérieures montrent qu’un décalage significatif rend le processus de transfert très difficile. Dans ce cas, le destinataire des connaissances risque de ne pas être en mesure d’identifier les connaissances intermédiaires nécessaires à la compréhension et à l’assimilation des connaissances transférées. Au contraire, comme nous l’avons déjà mentionné, une certaine redondance et le chevauchement d’expertises des deux partenaires sont sensés rendre le transfert plus efficace et plus rapide (Nonaka et Takeuchi, 1995).