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LE STATUT JURIDIQUE DE LA DÉCLARATION

La mise en œuvre de la Déclaration

1. LE STATUT JURIDIQUE DE LA DÉCLARATION

La Déclaration a été adoptée par la résolution 61/295 de l’Assemblée générale. Contrairement aux traités ou aux conventions, les résolutions ne créent pas en tant que telles des obligations juridiques pour les États. Néanmoins :

[…] en tant que ré solution adopté e par l’Assemblé e gé né rale à l’é crasante majorité des É tats membres, la Dé claration engage l’Organisation des Nations Unies et ses É tats Membres, eu é gard aux obligations dé fi nies par la Charte des Nations Unies.151

La Déclaration ne crée pas de droits nouveaux ou spéciaux pour les peuples autochtones ; en revanche, elle s’inspire des normes existantes en matière de droits de l’homme et cherche à les appliquer à la situation particulière des peuples autochtones. Par conséquent, la Déclaration illustre la nature interdépendante et indivisible des normes et engagements internationaux en matière de droits de l’homme :

La Dé claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones traduit une conception commune autorisé e, au niveau mondial, du contenu minimum des droits des peuples autochtones, fondé e sur diverses sources tiré es du droit international des droits de l’homme. Aboutissement d’un trè s long processus au cours duquel les peuples autochtones eux-mê mes ont pu faire valoir leurs revendications, la Dé claration refl è te et dé veloppe des normes en matiè re de droits de l’homme d’application gé né rale, telles qu’elles sont interpré té es et appliqué es par les organes conventionnels des Nations Unies et les organes conventionnels ré gionaux, ainsi que les normes é noncé es dans la Convention n° 169 de l’OIT et d’autres instruments et processus applicables.

De ce fait, la Dé claration ne vise pas à confé rer aux peuples autochtones des droits fondamentaux spé ciaux ou nouveaux ; elle dé veloppe plutô t des principes et des droits gé né raux dans le domaine des droits de l’homme en les situant dans le contexte historique, culturel et social propre aux peuples autochtones. Les normes é noncé es dans la Dé claration tendent essentiellement à remé dier aux obstacles et discriminations structurels auxquels les peuples autochtones se sont heurté s dans l’exercice de leurs droits de l’homme fondamentaux. Dans ce sens, elles sont rattaché es aux obligations incombant aux É tats en vertu d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme.152 Dans un communiqué commun célébrant en 2008 la Journée internationale des peuples autochtones du monde, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme par intérim, Mme Kyung-wha Kang, et le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, M. James Anaya, ont appelé de leurs vœux un engagement politique en faveur de la Déclaration :

151 A/64/338, par. 48.

152 A/HRC/9/9, par. 85-86.

QUESTIONS CLÉS

• Quel est le statut juridique de la Déclaration ?

• Quels types de liens existe-t-il entre la Déclaration et les autres normes internationales ?

• Quel rôle peuvent jouer les INDH pour faire progresser les droits des peuples autochtones ?

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Cependant, l’adoption de la Déclaration sur les droits des populations autochtones, aussi importante soit-elle, ne changera pas en elle-même la vie quotidienne des hommes, des femmes et des enfants dont elle défend les droits. [Nous jugeons donc] nécessaire l’engagement politique des Etats, la coopération internationale ainsi que le soutien et la bonne volonté de l’opinion publique pour créer et mettre en œuvre une série de programmes intensément politiques, conçus et entrepris en consultation avec les populations autochtones elles-mêmes.153

La Déclaration est le refl et d’une approche qui impose aux États des obligations et des responsabilités.154 En conséquence, le système de l’Organisation des Nations Unies recommande de plus en plus fréquemment aux États de prendre des mesures concrètes et ciblées à cet égard. Par exemple, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a fait des recommandations aux États afi n qu’ils examinent les lois et les politiques ayant un impact sur les peuples autochtones à la lumière de la Déclaration.155

Comme indiqué précédemment, les droits des peuples autochtones sont fondés sur les instruments internationaux des droits de l’homme. Les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale s’appliquent tout particulièrement aux questions relatives aux peuples autochtones. Dans leurs rapports et leurs recommandations, les organes conventionnels ont proposé des interprétations générales des droits énoncés dans ces traités et de leur application aux peuples autochtones :

• Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a émis la recommandation générale n° 23 qui demande aux États parties de s’assurer que les droits des peuples autochtones à la culture, aux terres et à la participation politique sont reconnus. Il a également spécifi é dans une observation générale sur les mesures spéciales que les droits des peuples autochtones, qui sont des droits permanents, ne doivent pas être confondus avec les « mesures spéciales » temporaires – qui sont des mesures ayant pour objet de remédier à une discrimination passée ou de rectifi er des inégalités contemporaines.

• Le Comité des droits de l’enfant a adopté une observation générale importante et complète sur les droits de l’enfant autochtone et a fait référence à la Déclaration dans son examen des rapports des États parties.

• Le Comité des droits de l’homme continue d’invoquer le droit à l’autodétermination en rapport avec les peuples autochtones, notamment l’article 1 (2) (le droit à librement disposer des richesses naturelles et le droit de disposer en toute sécurité de leurs moyens de subsistance). Il a également souligné que les États ont l’obligation de « s’assurer du fait que les peuples autochtones sont effectivement en mesure d’exercer leur droit à un consentement pré alable, libre et informé  ».156 Par ailleurs, le Comité a considéré que l’article 27 (le droit à la culture) constitue une base légitime pour les revendications des peuples autochtones en matière de terres et de ressources.

• Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a également fait référence à l’article 1 pour ce qui concerne l’exercice effectif, par les peuples autochtones, de leurs droits aux domaines, terres et ressources naturelles ancestraux. Il a adopté une observation générale sur la non discrimination en matière de droits économiques, sociaux et culturels qui présente un intérêt particulier pour les peuples autochtones. Le Comité a également adopté une observation générale importante sur le droit à prendre part à la vie culturelle qui contient un texte substantiel sur les peuples autochtones et qui réitère les droits reconnus dans la Déclaration. Il rattache les droits territoriaux à l’identité culturelle en utilisant les propres termes de la Déclaration sur le droit des peuples autochtones à posséder et à contrôler leurs terres, territoires et ressources, et

153 Communiqué commun du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme par intérim et du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones (9 août 2008), disponible en anglais à l’adresse suivante : www.un.org/events/indigenous/2008/hcmessage.shtml.

154 Voir, par exemple, les articles 38, 41 et 42 de la Déclaration.

155 Par exemple, le Rapporteur spécial a recommandé à la Fédération de Russie de «  procéder à un examen complet des lois et des politiques de la Fédération de Russie afi n de s’assurer de leur compatibilité avec la Déclaration, et de prendre des mesures coordonnées supplémentaires pour mettre en œuvre les règles de la Déclaration dans le contexte particulier des peuples autochtones de Russie » (A/HRC/15/37/Add.5), par. 82.

156 CCPR/C/TGO/CO/4, par. 21.

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souligne également que les États doivent respecter le principe du consentement préalable, libre et éclairé pour toutes les questions affectant les droits des peuples autochtones.

Un certain nombre de facteurs supplémentaires donnent du poids à l’importance de la Déclaration et à son potentiel en matière d’infl uence sur les normes des droits de l’homme :

Lors de son adoption, la Déclaration a été soutenue par la plupart des États. Seulement quatre États ont voté contre (l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis) et onze États se sont abstenus.157 Depuis, les quatre États qui avaient voté contre ont changé d’avis. Ce soutien mondial témoigne de l’existence d’un consensus international sur une expression normative des droits des peuples autochtones qui est conforme aux normes internationales existantes en matière de droits de l’homme. La référence constante à la Déclaration dans le processus de l’examen périodique universel (EPU) témoigne également de l’existence de ce consensus international.158

• L’élaboration de la Déclaration a duré 20 ans. Pendant cette période, les peuples autochtones et les États ont activement participé à ce que les États ont appelé les « négociations ».159 En conséquence, la Déclaration est la preuve du terrain d’entente auquel ont pu parvenir les peuples autochtones du monde et les États membres de l’Organisation des Nations Unies.160 Comme l’a noté le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, la défense et la participation des peuples autochtones entreprises depuis des décennies confèrent une très haute légitimité à la Déclaration et les normes qu’elle contient « refl è tent, pour l’essentiel, les propres aspirations des peuples autochtones ».161

• Il est de plus en plus fréquemment avancé que la Déclaration fait déjà partie du droit coutumier international.162

157 “General Assembly adopts Declaration on the Rights of Indigenous Peoples; ‘Major step forward’ towards human rights for all, says President, 61st session of the General Assembly, 107th and 108th Plenary Meeting” (GA/10612), 13 septembre 2007.

158 Voir, par exemple, A/HRC/12/8/Add.1, par. 6 ; et A/HRC/11/17, par. 86 ainsi que les recommandations 45 et 52.

159 E. Voyiakis, “Voting in the General Assembly as Evidence of Customary International Law?” in Refl ections on the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, 216.

160 E/C.19/2009/14, annexe, par. 9.

161 A/65/264.

162 E/C.19/2009/14, annexe, par. 6-13  ; et J. Anaya et S. Wiessner, “OP-ED: The UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples: Towards Re-empowerment” in Jurist, 3 octobre 2007, disponible en anglais à l’adresse suivante  : http://jurist.org/

forum/2007/10/un-declaration-on-rights-of-indigenous.php.

61e session de l’Assemblée générale, 13 septembre 2007. Photo ONU/Paulo Filgueiras

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2. LE RÔLE DES INSTITUTIONS NATIONALES DES

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