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IMPORTANCE DES DROITS COLLECTIFS

Les articles 1 et 2 de la Déclaration stipulent que les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif ou individuel, de jouir pleinement de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de ne faire l’objet d’aucune forme de discrimination. La déclaration accorde la prééminence aux droits collectifs à un degré sans précédent dans le droit international des droits de l’homme.

Il est fréquent que les peuples autochtones organisent leurs sociétés en tant que groupe. Le Mécanisme d’experts a expliqué la dimension collective du mode de vie des peuples autochtones :

Les valeurs de responsabilité collective et de respect des anciens, des ancêtres, des esprits et de la communauté sont souvent au cœur des cultures autochtones et guident le comportement quotidien des autochtones […] Les peuples autochtones sont dotés de structures et d’institutions uniques qui ont évolué au fi l du temps. Ces structures partent souvent de la famille, l’unité de base, pour s’étendre aux institutions communautaires et sociales, et sont généralement régies par le droit autochtone et les enseignements sacrés.79

78 Ibid.

79 A/HRC/EMRIP/2012/3, par. 53-54.

Père et fille Squamish. Bella Bella, nation Heiltsuk, Canada. Photo ONU/John Isaac.

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Compte tenu du caractère collectif inhérent aux cultures autochtones, les droits individuels ne sont pas toujours suffi sants pour refl éter pleinement les droits des peuples autochtones. Les droits énoncés dans la Déclaration cherchent à protéger, outre les droits individuels, les droits collectifs des peuples autochtones car la reconnaissance de ces droits est nécessaire pour assurer la continuation de l’existence, du développement et du bien-être des peuples autochtones en tant que peuples distincts.

L’expérience suggère que si les droits collectifs des peuples autochtones ne sont pas respectés, ces cultures risquent de disparaître sous le joug de l’assimilation que leur infl ige la société dominante.

La notion selon laquelle les peuples autochtones peuvent détenir des droits – tels que le droit à la propriété – en tant que groupe est conforme au principe de non-discrimination et au droit à la culture.

Par exemple, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a demandé à un État partie des informations relatives à la protection des droits collectifs des peuples autochtones liés à leurs savoirs traditionnels et leur patrimoine culturel, y compris leurs terres ancestrales, en tant que partie intégrante de leur identité culturelle.80 La Cour interaméricaine et la Commission des droits de l’homme ont confi rmé dans un certain nombre de cas que les peuples autochtones détiennent des droits collectifs à la propriété de leurs terres et de leurs ressources.

Par exemple, dans l’affaire Mayagna (Sumo) Awas Tingni vs Nicaragua, la Cour a jugé que :

… parmi les peuples autochtones, il existe une tradition communautaire relative à une forme commune de propriété collective de la terre, selon laquelle la propriété de la terre ne s’articule pas autour d’une personne mais plutôt d’un groupe et de sa communauté. Du fait même de leur existence, les groupes autochtones ont le droit de vivre librement sur leur territoire ; les liens étroits des peuples autochtones avec la terre doivent être reconnus et compris comme constituant la base de leurs cultures, de leur vie spirituelle, de leur intégrité et de leur survie économique.81

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a abondé dans le même sens et a reconnu les droits collectifs aux terres dans l’affaire Endorois.82

Les organes conventionnels des Nations Unies et le Mécanisme d’experts ont reconnu la nécessité de faciliter le respect des droits collectifs. Par exemple, l’élément collectif inhérent aux cultures autochtones trouve un écho dans leur éthique traditionnelle du travail, leurs valeurs communes et leurs structures sociétales fondées sur l’unité familiale. Au sein des communautés autochtones, ces valeurs se sont notamment exprimées par le truchement de mécanismes tels que le conseil des anciens, qui est traditionnellement habilité à résoudre les problèmes de la communauté.

Le Mécanisme d’experts a noté que les contraintes imposées par les instances gouvernementales et administratives ont fragilisé les mécanismes traditionnels qui donnent corps à l’aspect collectif sous-jacent aux cultures autochtones.83 En effet, les exigences des gouvernements visant à ce que les peuples autochtones s’organisent d’une façon acceptable pour les gouvernements peuvent ne pas être adaptées aux formes d’organisation autochtones et peuvent porter atteinte à leurs cultures.

Par ailleurs, la Déclaration cherche à protéger et à préserver les savoirs traditionnels des peuples autochtones, notamment les expressions culturelles, ainsi que les ressources génétiques. En matière de propriété intellectuelle, de nombreux cadres juridiques actuels privilégient la défense des individus au détriment des intérêts des communautés ou des groupes de personnes, et ne réussissent donc pas à protéger de façon appropriée les droits collectifs des peuples autochtones.84 Le Mécanisme d’experts a souligné la nécessité – pour les mécanismes juridiques internationaux – de combler ces lacunes et d’accorder toute leur attention à la protection des droits des peuples autochtones relevant de la Déclaration.85

80 « Observations fi nales sur l’Argentine » (14 décembre 2011), par. 12 et 25.

81 Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community v Nicaragua, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Jugement du 31 août 2001, Série C n° 79, par. 149.

82 Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group International on behalf of Endorois Welfare Council v Kenya, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 276/2003 (4 février 2010).

83 A/HRC/EMRIP/2012/3, par. 52 et 55.

84 Ibid., para. 62.

85 Ibid.

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Des problèmes d’ordre pratique peuvent se poser lorsqu’il s’agit de déterminer qui peut représenter les bénéfi ciaires des droits collectifs. Les diffi cultés peuvent s’avérer particulièrement diffi ciles à surmonter pour remplir les obligations liées à l’acquisition d’un consentement préalable, libre et éclairé, mettre en place un partage des avantages juste et équitable ou exploiter les voies de recours légales. Le Mécanisme d’experts a souligné que, lorsqu’il est diffi cile de déterminer qui sont les représentants légitimes, les communautés autochtones devraient être autorisées à résoudre ces problèmes conformément à leurs coutumes, à leur culture et à leurs institutions décisionnelles.86

86 Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, «  Rapport de suivi sur les peuples autochtones et le droit de participer à la prise de décisions, l’accent étant mis sur les industries extractives » (A/HRC/EMRIP/2012/2), par. 15-16.

Enfant jouant avec le poster de la Journée internationale des peuples autochtones du monde. Siège des Nations Unies, New York.

Photo ONU/Stephenie Hollyman

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Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a identifi é des mécanismes juridiques prévoyant la consultation générale des peuples autochtones pour toutes les questions affectant directement leurs intérêts, ainsi que l’obligation de fournir des informations complètes à tous les stades du processus décisionnel, comme étant des pratiques exemplaires susceptibles de garantir les droits collectifs des peuples autochtones.87 La reconnaissance juridique des villages autochtones en tant qu’unités administratives est une autre pratique exemplaire saluée par le Rapporteur spécial.88

87 « La situation du peuple sami dans la région Sápmi de la Norvège, de la Suède et de la Finlande » (A/HRC/18/35/Add.2), par. 16.

88 « La situation des peuples autochtones en République du Congo » (A/HRC/18/35/Add.5), par. 42.

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