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Tout d’abord, le tableau II.2 montre que plus des trois quarts des patients (78%) versent un paiement informel au personnel médical après une prise en charge hospitalière. Ils restent moins nombreux que ceux qui disent avoir payé des frais officiels d’entrée et de traitement (95%). Le montant des paiements formels et celui des paiements informels sont d’un même ordre de grandeur. L’existence de 5% de patients ne déclarant aucun frais formels (ni frais d’entrée, ni de traitement) montre que les frais formels et informels peuvent parfois être substituts, même si dans la plupart des cas les patients paient les deux types. En effet, c’est un élément que l’on retrouve dans les entretiens ou dans les observations. Certains médecins demandent à leur patient de leur donner à eux, plutôt qu’à la caisse dans les établissements autofinancés avec des frais d’entrée (cf. Faridun, Firuz, infra). En outre, tandis que les médicaments sont devenus payants de fait, même lors d’une hospitalisation, plusieurs médecins hospitaliers nous ont déclaré conserver des médicaments dans le but de les donner gratuitement à ceux qui ne peuvent pas du tout les payer. Cela ne signifie pas pour autant que ces 5% de patients se font soigner entièrement gratuitement, ils peuvent décider/accepter de donner au médecin quelque chose pour remercier. Ils sont seulement 1,4% à déclarer avoir été hospitalisés et ne déclarer aucune dépense hospitalière.

En revanche en ambulatoire, il semble moins systématique de donner un paiement informel en fin de consultation, seul 48% des utilisateurs déclarent avoir en donner un.

7. L’organisation urbaine de Douchanbé est variée. Les mahalla et les mikrorajons sont deux types de voisinages distincts. Les mahalla sont les quartiers de maisons à cour, typiques de l’Asie centrale, géné- ralement regroupées autour d’une mosquée. Les mikrorajons sont des quartiers à l’architecture soviétique des années 1950, formés de barres d’immeubles plutôt horizontales, à trois ou quatre étages. Ces quartiers ont été initialement pensés pour former de petites villes, avec quelques services de proximité(Cleuziou, 2016).

Toutefois, les concepteurs de l’enquête sont partis du principe que les visites à domicile étaient tout à fait gratuites, ce qui est en effet le cas selon la loi, ils ont donc appliqué un filtre dans le questionnaire. Ce sont ces soins reçus à domicile qui font baisser l’estimation de la propension à donner en ambulatoire, ce qui pourrait biaiser le résultat si certains patients donnaient un billet aussi après une visite à domicile sans que cela soit observable. Pour tester la robustesse des résultats du tableau II.5, on a effectué les estimations avec et sans les visites à domicile et cela ne change pas significativement les résultats.

Dans le tableau II.3 sont donnés les ordres de grandeur de ces paiements informels (sous forme de dépense individuelle du patient) comparés au reste du budget mensuel du ménage, sachant que la population observée, celle qui déclare avoir consommé des soins, est plus riche en moyenne que le reste de la population. Parmi ces ménages qui consomment des soins, les dépenses de santé totales hospitalières lors du dernier séjour durant les 12 derniers mois (439 TJS8) représentent autant que les dépenses mensuelles du ménage en nourriture (423 TJS), soit 29% de l’agrégat total, dont 8% sont dus au paiement informel (120 TJS) versé par un membre malade du ménage lors de sa dernière hospitalisation. Le montant moyen de paiement informel en hospitalier est 1,5 fois plus élevé que le montant moyen de dépenses mensuelles de médicaments ambulatoires ou post-opératoires (en dehors du coût du traitement lors de l’hospitalisation).

La distribution des montants de ces paiements, conditionnellement au fait d’avoir donné quelque chose, varie fortement entre l’ambulatoire, où ils sont concentrés autour de valeurs peu élevées et l’hospitalier où ils sont beaucoup plus échelonnés. Parmi les patients déclarant un paiement à l’acte en ambulatoire, 76% ont payé moins de 25 TJS pour l’acte effectué ou la consultation. Parmi les patients hospitalisés qui ont donné, 41% ont payé moins de 50 TJS, 45% entre 50 et 200, et plus de 5% ont payé plus de 350 TJS (environ 100 USD en 2007), ce qui représentait alors un haut salaire mensuel, puisque cela équivalait à 4 fois le salaire officiel moyen des médecins, et deux fois le salaire moyen dans le BTP (50 USD en 2007). À quoi sont dues ces différences ? À la durée de la prise en charge et donc à la gravité, à la qualité des soins, à l’effort estimé de son médecin, à la capacité financière de la famille du patient ou à son pouvoir de négociation vis-à-vis du soignant ? (cf. Gulzara, Firuz, infra)

D’après le tableau II.4, le pourcentage de patients ayant payé la consultation ambula- toire ne varie pas beaucoup selon les catégories, sauf entre le premier quintile (34%) et le cinquième quintile de niveau de vie (58%) et entre région. Les patients donnent plus sys- tématiquement dans la capitale (59%) que dans les régions plus excentrées, plus pauvres ou plus rurales (Khatlon, 37%, Badakhshan, 33%).

En revanche, le montant donné varie beaucoup d’une catégorie à l’autre. Le montant en ambulatoire augmente avec le niveau d’éducation : soit les médecins observent des signes

8. La devise monétaire au Tadjikistan est le Somoni, écrit communément Tajik Somoni, TJS. Lorsque nous rapportons le propos d’un enquêté nous conservons la forme orale du nom de la devise.

Tableau II.2 – Proportion de patients ayant payé un paiement informel parmi les consommateurs

Nombre Sous-effectif Moyenne total pondérée Ayant versé un paiement à l’acte en ambulatoire 1 327 2 802 48% Ayant donné un paiement informel à l’hôpital 1 093 1 455 78% Ayant payé des frais annexe (nourriture, drap) 1 104 1 455 75% Ayant payé des frais officiels (copaiements, traitement) 1 376 1 455 95%

caractéristiques et demandent plus aux plus éduqués (proxy de leur disposition-à-payer9), soit les personnes plus éduquées sont plus généreuses avec eux en fin de consultation. En revanche, le montant hospitalier diminue avec l’éducation : soit les personnes plus éduquées sont plus promptes à refuser de donner un paiement informel lorsqu’il leur est réclamé, soit elles disposent de ressources mieux adaptées pour en négocier le montant. En ambulatoire comme en hospitalier, celui-ci augmente avec l’âge des patients. De même, il augmente avec le quintile de richesse mais pas de façon linéaire. Enfin, il est nettement plus élevé à Douchanbé que dans les régions pauvres, ce qui peut refléter à la fois la qualité de l’offre locale de soins et le niveau de vie des ménages. Ces résultats parfois contradictoires nous incitent à étudier l’évolution du montant par rapport au niveau de vie toutes choses égales par ailleurs (tableau II.5).

Nous ne disposons pas de nombreuses variables d’offre, mais concernant le type d’éta- blissement dans lequel les patients se sont fait soigner, même en consultation ambulatoire, il est plus courant de payer - et un paiement plus élevé - dans les infrastructures hospi- talières que dans les centres de soins primaires et les centres de santé ruraux. En effet, la consultation d’un spécialiste hospitalier requiert un paiement informel plus élevé que celle d’un généraliste ou d’un médecin de famille.

9. Les médecins peuvent distinguer sommairement à partir d’un certain nombre de signaux socioéco- nomiques le niveau de vie des personnes qu’ils prennent en charge (la capacité à lire et la connaissance des diagnostics, le niveau de langue, les styles vestimentaires varient également, la possession d’une voiture par des proches etc.)

Tableau II.3 – Paiement informel dans le budget mensuel du ménage (parmi ceux qui en donnent)

Moyenne Ecart Min Max Part dans Part des dép- Effectif (TJS) -type (TJS) (TJS) l’agrégat enses cou-

(TJS) rantes mng

Dépenses individuelles conditionnelles

Frais de services

ambul. /mois 41 122 1 3000 3% 4% 1327 Paiement informel lors

du dernier séjour hosp. 120 192 2 3000 8% 12% 1093 Dépenses de médicam.

conditionnelles /mois 84 186 1 5000 6% 8% 859

Budget du ménage

Dép. santé totales (ambul.) 118 293 0 8886 8% 12% 2175 Dép. santé totales (hôpital) 439 994 0 18544 29% 44% 2175 Dép. de nourriture/mois 423 371 0 5260 28% 43% 2175 Dép. scolaires/mois 61 211 0 3870 4% 6% 2175 Dép. totales/mois 993 898 12 10126 65% 100% 2143

Indices

Indice de richesse p.c. 274 292 28 4098 18% - 2175 Agrégat de conso. totales

(sans dép. de santé) 1151 910 121 13121 75% - 2175 Agrégat de conso. totales

(avec dép. de santé) 1530 1670 131 30324 100% - 2175 Source : TLSS 2007

Population : On ne considère le budget moyen mensuel que des ménages parmi lesquels au moins un des membres a donné un paiement informel au personnel hospitalier lors du dernier séjour dans les 12 derniers mois, ou un paiement à l’acte en consultation ambulatoire dans les 4 dernières semaines.

Graphique II.1 – Répartition des montants de paiements à l’acte en ambulatoire condition- nellement au fait d’avoir payé

Note : les 5% les plus élevés ont été rassemblés afin de faciliter la lecture. Le dernier rectangle concerne ceux qui ont payé 125 somonis (95e percentile) et plus.

Graphique II.2 – Répartition des montants de paiements informels au personnel hospitalier conditionnellement au fait d’avoir donné

Note : les 5% les plus élevés ont été rassemblés afin de faciliter la lecture. Le dernier rectangle concerne ceux qui ont payé 390 et plus (95e percentile).

Tableau II.4 – Description du paiement informel (répartition et montant) en fonction des caractéristiques du patient

Ambulatoire Hospitalier % ayant donné Montant Montant % ayant donné Montant parmi consom- conditionnel conditionnel parmi consom- conditionnel mateurs (mensuel) par visite mateurs (dernier séjour)

Sexe Homme 46% 42 30 75% 130 Femme 50% 40 31 80% 115 Age <=6 ans 45% 23 20 75% 70 Entre 7 et 12 44% 27 22 63% 124 Entre 13 et 18 52% 62 52 80% 150 Entre 19 et 25 54% 43 29 82% 105 Entre 26 et 36 52% 33 25 82% 135 Entre 37 et 50 51% 42 31 77% 116 >= 50 ans 45% 55 39 78% 128 Niveau d’éducation Aucune scolarité 44% 26 22 74% 92 Primaire 49% 49 40 79% 137 Secondaire 52% 42 30 79% 119 Supérieur 43% 64 35 77% 115 Indice de richesse Q1 34% 32 26 79% 110 Q2 45% 31 21 77% 95 Q3 48% 30 21 75% 97 Q4 51% 33 27 84% 142 Q5 58% 63 48 76% 138 Type d’offre DOMICILE ø ø ø - - HOP. NATIONAL 83% 133 100 78% 234 HOPITAL VILLE 83% 54 41 79% 143 HOP. OBLAST 81% 63 34 80% 125 MATERNITÉ 85% 77 44 86% 108 HOP. RAION 88% 45 34 75% 88 POLICLINIC 74% 26 20 - - CENTRE SANTÉ 88% 32 24 - - RURAL/VILLAGE 68% 26 20 - - Région Dushanbe 59% 47 37 81% 146 Sogd 58% 37 31 83% 108 Khatlon 37% 40 26 74% 124 RRP 50% 44 34 77% 139 GBAO 33% 46 31 54% 69

2.2 Modèle en deux parties : est-ce que donner dépend du re-