• Aucun résultat trouvé

Mesure de progressivité : l’indice de Kakwani (KPI)

Pour savoir si les dépenses directes des ménages en soins augmentent plus que pro- portionnellement au niveau de vie et vont donc accentuer les inégalités de niveaux de vie, nous calculons l’indice de progressivité de Kakwani (KPI) qui mesure l’équité verticale en financement. Le KPI est issu des Tax Studies mais est couramment appliqué aux dé- penses de santé (Abu-Zaineh et al. (2008) ; Cissé et al. (2007)). De la même façon que l’indice de concentration, le KPI est défini comme l’aire entre la courbe de concentration des dépenses de santé et la courbe de Lorenz des revenus rapportée à l’aire du triangle, c’est-à-dire deux fois l’aire entre les deux courbes. Il est calculé comme la différence entre l’indice de concentration des paiements de santé et l’indice de Gini (KP I = CI − Gini). À partir de l’expression générale de l’indice de concentration, le Gini et l’indice de concentration des dépenses de santé sont approximés par des sommes de Riemann :

Gini = 1− 2 N−1 j=0 (Ly(j)· Ωj) CI = 1− 2 N−1 j=0 (Lh(j)· Ωj)

où N est le nombre de rangs, c’est-à-dire le nombre de ménages tenant compte de leur pondération (chaque ménage de l’échantillon représente entre 18 et 596 ménages de la population réelle). Ly(j) est la part de revenu dans les revenus totaux cumulée par les

ménages jusqu’au rang j et Lh(j) est la part de dépenses de santé dans les dépenses de

santé totales cumulée par les ménages jusqu’au rang j de la distribution des revenus. Quant à Ωj, c’est le poids que représente les ménages au rang j dans la population totale

(Ωj prend ses valeurs entre 18/N et 596/N ).

Enfin, le KPI est calculé comme la différence des deux indices ; la distribution et l’in- tervalle de confiance sont calculés par bootstrap, ce qui permet une inférence de meilleure qualité (Abu-Zaineh et al. (2008)). Une valeur positive du KPI indique la progressivité du système, et une valeur négative indique sa dégressivité. Au Tadjikistan, un KPI posi- tif indiquerait soit qu’un système de différenciation par les prix existe, soit que les plus pauvres renoncent souvent aux soins.

Test de l’hypothèse de Robin des Bois par simulation d’un contrefactuel de consommation et de besoins

Le KPI permet de mesurer si le financement du système est moins que proportionnel, proportionnel ou plus que proportionnel au niveau de vie mais pas d’expliquer pourquoi les

dépenses sont réparties de cette façon. Afin d’expliquer le niveau de progressivité puis de vérifier l’hypothèse de Robin des Bois (Falkingham, 2004 ; Habibov, 2011), nous mesurons la concentration de dépenses contrefactuelles.

Tout d’abord, un système à fort reste-à-charge peut paraître progressif non parce que son financement est progressif mais en raison du renoncement et du non recours aux soins par les plus pauvres. Si le KPI est calculé à partir des dépenses observées dans un système où l’équité horizontale d’accès n’est pas atteinte, alors il ne peut rendre compte du niveau réel de progressivité du système. Pour cela, nous créons un premier contrefactuel. Celui-ci mesure quelle serait la concentration des dépenses selon le niveau de vie si pour un même besoin, tous les individus avaient le même accès aux soins et la même consommation quel que soit leur niveau de vie. Nous simulons des dépenses de santé en adéquation avec les besoins individuels de santé qu’auraient les individus appartenant aux quintiles 1 à 4 de niveau de vie, s’ils avaient la même capacité-à-payer que ceux du plus haut quintile.

Nous procédons en deux étapes. Tout d’abord la probabilité de participation du mé- nage i, Ii est estimée et prédite à l’aide d’une régression logistique du recours. Nous imputons aux premiers quintiles Ii augmentée du différentiel de leur coefficient au coef- ficient du cinquième quintile.

Dans une deuxième étape, les dépenses de santé sont régressées sur les quintiles de niveau de vie, avec les mêmes variables de contrôles (les facteurs de besoins représentés par X, caractéristiques socio-économiques représentées par Z), puis prédites :

h∗ = α + β2Q2+ β3Q3+ β4Q4+ β5Q5+ γX + δZ + ϵ

Les dépenses simulées pour un individu du quatrième quintile sont par exemple :

hsim = h∗+ β5− β4

Enfin, les dépenses de santé contrefactuelles sont le produit de la probabilité de partici- pation et des dépenses simulées : Ii∗· hsim.

Ensuite, le système peut aussi paraître artificiellement plus ou moins progressif en raison de l’inégale répartition des besoins entre populations riches et pauvres. Par exemple, il pourrait paraître progressif parce que les plus riches déclarent davantage leurs problèmes de santé en raison d’une meilleure connaissance de ces derniers (biais de diagnostic). Il pourrait paraître régressif en raison de problèmes de santé plus nombreux chez les plus pauvres. Quelle serait alors la concentration des dépenses si tous les individus avaient le même besoin de soins quel que soit leur niveau de vie ? Nous créons un second contrefactuel de dépenses en égalisant cette fois les besoins, par la même méthode d’estimation et de simulation en deux étapes et nous regardons si, lorsque les besoins sont homogènes, les dépenses sont plus ou moins équitablement réparties.

Enfin, pour tester plus précisément l’hypothèse de Robin des Bois et le rôle des paie- ments informels dans le niveau de progressivité du système, nous distinguons les dépenses formelles et informelles. Si à besoin donné les paiements informels demandés augmentent plus que proportionnellement au revenu, ou du moins plus rapidement que les dépenses formelles, ce sont probablement les médecins qui ajustent leur tarif en faveur des plus pauvres.

3 Résultats : l’équité horizontale en accès