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Méthode des courbes et indices de concentration

Pour mesurer le niveau d’équité dans la consommation de soins et dans le financement, nous utilisons, de manière usuelle la méthode des courbes et indices de concentration (Devaux, 2015 ; O’Donnell et al., 2008). Une courbe de concentration indique la part cumulée de la variable d’intérêt, qui peut être la consommation de soins ou les dépenses de santé, pour chaque percentile de niveau de vie (les individus étant classés par niveau de vie croissant). L’indice de concentration d’une variable est égal à l’aire A entre la droite d’égalité et la courbe de concentration, rapportée à l’aire du triangle (d’aire 1× 1

2) que forment la droite d’égalité, l’axe des abscisses (borné à 1) :

CI = A1

2

Avec A = |1 · (1/2) − B|, B étant l’aire sous la courbe de concentration.

D’où la formule générale de l’indice de concentration, défini comme un moins deux fois l’aire sous la courbe de concentration de la variable d’intérêt h :

CI = 1− 2 ·

1

0

Lh(p).dp

avec Lh(p), la fonction de Lorenz qui associe à un percentile le pourcentage d’une variable

d’intérêt cumulée par la population à ce percentile (part des dépenses de santé dans les dépenses totales, ou du nombre de visites médicales dans le nombre total de visites). La va- riation infinitésimale dp autour du percentile de revenu p est approchée dans l’échantillon par la notion de rang fractionnel r dans la distribution des revenus. Cet indice mesure le degré d’inégale répartition de la variable d’intérêt selon le rang que les individus occupent

6. Nous avons choisi de mesurer les dépenses de consommation totale par personne, c’est-à-dire de diviser par Nh au lieu de diviser par le nombre d’unités de consommation, non seulement parce que

c’est ainsi dans la littérature existante (Deaton (1997) ; Habibov (2009a)), mais aussi parce que lors de la construction de l’agrégat, nous sommes partis du niveau individuel, et avons additionné ces dépenses individuelles dans chaque ménage. Or, diviser par unité de consommation créerait un biais en donnant plus de poids aux adultes qu’aux enfants, alors que la priorité a pu être donnée différemment en fonction de l’origine sociale. Par exemple, si la priorité aux soins est donnée aux enfants et aux femmes enceintes dans les ménages pauvres, et que nous diminuons leur poids, leurs dépenses auraient moins de poids, et le niveau de vie de leur ménage serait sous-estimé (biais positif). Diviser par le nombre de personnes risque moins d’introduire un biais corrélé aux caractéristiques socio-économiques et à la santé, bien que cela ne prenne pas en compte les économies d’échelle des familles nombreuses. Un autre risque des unités de consommation est de surestimer les dépenses et revenus des ménages où plusieurs membres sont malades et grands consommateurs de soins, puisque cela ferait additionner des dépenses individuelles au sein du ménage, mais diviser par moins que le nombre de membres.

dans la distribution des niveaux de vie.

Il a été montré que l’indice peut être défini, après intégration par partie et réécriture de l’expression (1), en termes de covariance entre la variable d’intérêt et le rang fractionnel dans la distribution de revenus (formule de covariance commode, Kakwani (1980), p. 173 ; O’Donnell et al. (2008), p. 96). Nous pouvons alors l’estimer en régressant la variable « transformée », c’est-à-dire la variable standardisée par 2σr2

µh, sur la variable de rang dans

la distribution des revenus.

2r× h

µh

= α + βr + ϵ

avec r le rang dans la distribution des revenus, σrl’erreur-type du rang, µhla moyenne

de la variable h. L’estimation du coefficient β est une approximation de l’indice de concen- tration (CI = ˆβ, Kakwani et al. (1997)) et son erreur-type est une approximation de l’erreur-type de l’indice de concentration. Si cet indice de concentration est positif alors la variable d’intérêt est plus largement concentrée dans le haut de la distribution des revenus, et s’il est négatif, les plus pauvres cumulent une part plus grande de cette va- riable (taux de maladies, taux de recours ou dépenses de santé). Si l’indice est nul, alors la variable est également répartie dans la population.

Standardisation : tenir compte des différences de besoins

L’objectif de ce chapitre est de mesurer l’équité horizontale dans l’accès aux soins et non l’égalité de l’accès. Il s’agit donc de savoir si quel que soit le niveau de vie, à besoin équivalent, le recours est équivalent. Il faut donc tenir compte des besoins de soins différents des sous-groupes de la population, c’est pourquoi la variable de recours aux soins est corrigée à l’aide d’une standardisation indirecte. L’indice de concentration de cette variable standardisée indique alors l’équité ou non dans l’accès (Wagstaff et Van Doorslaer (2000), O’Donnell et al. (2008), p.178, Devaux (2015)).

La standardisation indirecte corrige le niveau observé de recours aux soins par quintile de niveau de vie en le comparant à ce qu’il serait si les individus de chaque quintile gardaient leurs propres besoins de soins (âge, sexe, maladies chroniques ...) et si ces variables de besoins avaient le même effet moyen sur la consommation, pour l’ensemble de la population. Cette méthode autorise des structures démographiques différentes entre quintiles, mais implique un même effet moyen des variables démographiques sur la santé. La standardisation indirecte des variables binaires de recours aux soins est estimée au moyen d’un modèle Probit.

Le calcul de la variable standardisée est le suivant :

yis = y− yx+ µx

estimons yx (le recours prédit en fonction des besoins) en utilisant un modèle probit :      yx = 1 si y∗x > 0 yx = 0 sinon

avec la variable latente yx = X′β + ϵ et X le vecteur de variables sociodémographiques de standardisation (âge, sexe, maladies chroniques et non chroniques, nombre de jours de limitation fonctionnelle). Ensuite, nous calculons sa moyenne et en déduisons yis (le recours standardisé ou corrigé des différences de besoins) à partir de la formule précédente.

Décomposition de l’indice de recours

Afin d’expliquer plus précisément les facteurs d’inégalité d’accès et de mesurer l’indice d’équité horizontale, nous décomposons l’indice de concentration du recours, à partir de son expression empirique commode (convenient) égale à la covariance de la variable de recours et du rang, à un coefficient près (Abu-Zaineh et al., 2011 ; Huber, 2008 ; O’Don- nell et al., 2008). Grâce aux propriétés de la covariance, l’indice de concentration d’une variable peut être décomposé comme la somme pondérée des indices de concentration « partiels » associés à chacune des variables explicatives de la variable considérée :

CI = 2 µ× cov(y, r) ( avec µ = α +k βkx¯k ) = 2 µ× cov ( α +k βkxk+ ϵ, r ) = 2 µ× ( ∑ k βkcov(xk, r) + cov(ϵ, r) ) =∑ k βk 2 µcov(xk, r) + 2 µcov(ϵ, r) Or, ¯xk× Ck = 2× cov(xk, r) ⇒ CI =k βk ¯ xk µCk+ Cϵ µ

Le poids, produit du coefficient du régresseur et du rapport des moyennes, représente un effet moyen de chacun des régresseurs de y. Il est appelé « élasticité » de y à la variable explicative considérée par O’Donnell et al. (2008). Cϵ

µ représente la part de l’indice de