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Chapitre III – L’identité et les représentations : deux notions associées à l’interculturel

3.3. Les stéréotypes

Selon Zarate, (1986, p. 63), les stéréotypes sont « un ensemble de traits censés

caractériser ou typifier un groupe, dans son aspect physique et mental et dans son

comportement ». À son tour, Lipiansky (1996, p. 3) les définit comme étant « des images

schématiques et souvent évaluatives qui se ramènent à quelques traits sommaires, physiques,

psychologiques, moraux ou comportementaux ». Enfin, pour Klineberg (1951, p. 446), les

stéréotypes « sont des images que l‟on se fait de son groupe national et des autres groupes

nationaux » ainsi que « des opinions ou des jugements sur le caractère » de ces groupes.

Comme nous pouvons le voir, les stéréotypes sont donc des images construites à l’égard de

son propre groupe ou d’un autre. De fait, deux types des stéréotypes existent : les

auto-stéréotypes (les images que le groupe se fait de lui-même) et les hétéro-auto-stéréotypes (les

images que le groupe se fait d’un autre groupe ou celles que les autres groupes se font de lui).

Ces images que l’on appelle stéréotypes sont, selon Zarate (1986, p. 63), formées à

travers un processus de simplification (parce qu’il « procède à un choix limité d‟éléments

significatifs, d‟omissions conscientes et de simples oublis ») et de généralisation (parce qu’il

« tend à englober toutes les unités de la catégorie qu‟il prétend cerner en quelques traits »).

C’est aussi l’avis d’Abdallah-Pretceille (1996, p. 113), considérant que la formation des

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stéréotypes est régie par les mécanismes de généralisation et de

réductionnisme/simplification. En évoquant les stéréotypes nationaux (c’est-à-dire des

« images qu‟on se fait de son groupe national et des autres groupes nationaux »), Klineberg

(1951, p. 546) reconnaît, aussi, aux stéréotypes ce caractère de généralisation parce qu’il

considère qu’ « ils s‟appliquent avec une large extension aux membres d‟un groupe

national […] ». Nous comprenons par-là qu’une seule caractéristique ou quelques

caractéristiques servent à identifier un individu et que cette même attribution servira à

identifier tous les membres de la catégorie ou groupe dont cet individu fait partie,

indépendamment des particularités individuelles que chacun des membres de ce groupe peut

avoir. En effet, Klineberg (idem), souligne que ceux qui construisent et véhiculent les

stéréotypes n’ont pas besoin de vérifier ou constater l’occurrence de telle caractéristique chez

un grand nombre d’individus appartenant au groupe, objet de leurs stéréotypes.

Si nous abordons les stéréotypes dans cette section de notre recherche, c’est, entre

autres, parce que l’étude des représentations conduit souvent à l’évocation et à l’analyse de

ceux-ci. En effet, les stéréotypes sont, en quelque sorte, des représentations. Cette relation

d’implication entre les deux est présente dans certaines définitions des stéréotypes. Par

exemple, Amossy & Pierrot (1997, p. 26), partant de l’idée de Lipmman (1922), définissent

les stéréotypes comme « des représentations toutes faites, des schèmes culturels préexistants

à l‟aide desquels chacun filtre la réalité ambiante» et Amossy (2010, p. 45) détermine le

stéréotype comme « une représentation collective figée, un modèle culturel qui circule dans

les discours et dans les textes », (nous soulignons). Toutefois, si tout stéréotype peut être

considéré comme une représentation, toute représentation n’est pas forcément un stéréotype.

Les représentations stéréotypées, contrairement aux représentations non stéréotypées, ont un

caractère bien particulier parce qu’elles véhiculent « une image déformée et généralisante »

d’après Zarate, (1986, p. 63) et « rudimentaire et simplificatrice » selon Klineberg (1951, p.

546) et procèdent à une « simplification extrême et généralisation abusive » selon Lipiansky

(1996, p. 3) et enfin, selon Amossy & Pierrot (ibidem, p. 27), les stéréotypes sont un

« processus de catégorisation et de généralisation qui simplifie et élague le réel ».

Au regard de ces remarques, nous serions tentés de penser que les stéréotypes sont des

éléments à combattre ou à ne pas évoquer dans un processus d’enseignement et

d’apprentissage, comme celui des langues étrangères. Cependant, d’après Amossy & Pierrot

(ibidem, p. 43), considérer seulement le côté négatif des stéréotypes serait une démarche

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erronée. Ainsi Amossy & Pierrot (1997, p. 39) s’appuient-elles sur l’affirmation de Leyens

(1996, p. 28) pour soutenir qu’« il ne faut pas considérer les stéréotypes comme corrects ou

incorrects, mais comme utiles ou nocifs », tandis que Moore (2001, p. 14) estime qu’il faut

plutôt identifier « les effets sociaux des stéréotypes, c‟est-à-dire la manière dont ils affectent

les relations entre les groupes » au lieu de chercher leur véracité. Pour ce qui est de

l’apprentissage des langues étrangères, il s’agira de savoir comment les stéréotypes affectent

ce processus. En effet, même si on reproche aux stéréotypes leur caractère simplificateur,

schématique et généralisant, ils sont d’une grande importance sur deux plans au moins : le

plan cognitif et celui des relations intergroupes.

Sur le plan cognitif, Mannoi (2016, p. 22) considère que les stéréotypes « par leurs

raccourcis discursifs qu‟ils mettent en jeu » et « par leur côté conventionnel et schématique

sont des facilitateurs de la communication » et, selon Amossy (2010, p. 46), ils « favorisent la

cognition dans la mesure où ils découpent et catégorisent un réel qui resterait sans cela

confus et ingérable ». Les stéréotypes nous aident donc à identifier et à donner du sens à tout

ce qui nous entoure.

Du point de vue des relations intergroupes, Klineberg (ibidem, pp. 547-548) attribue

deux fonctions aux stéréotypes : premièrement, ils participent à la prise de décision à l’égard

d’un autre groupe. L’auteur étaye cette première fonction du stéréotype en évoquant la

décision que prît Hitler de mener une guerre sur deux fronts. Selon Klineberg (idem), si Hitler

a échoué c’est parce que sa décision était fondée sur des stéréotypes fallacieux en matière de

résistance et de combativité des Russes et des Britanniques. Puis, le stéréotype est important,

selon Klineberg (ibidem, p. 548), parce qu’il « affecte ce qu‟on voit et la manière dont on

voit » et, de fait, il affecte notre perception. Autrement dit, les images que l’on se fait d’un

groupe influenceront la manière dont on le jugera et dont jugera un individu y appartenant.

Ces images détermineront in fine nos actions et comportements envers ce groupe ou cet

individu. Il faut comprendre par-là que même si dans le contexte de l’interaction un membre

d’un groupe se présente ou se comporte de manière différente de l’image que l’on a de lui,

c’est l’image stéréotypée qui prévaudra, i.e. on aura tendance à juger selon ce qu’on pense de

lui et non en fonction de ce qu’il nous donne à voir sur le moment.

Pour cette seconde fonction, l’auteur donne en exemple une étude menée par Razran

(1950), à partir de photographies de femmes d’origines diverses - juive, italienne, irlandaise -

soumises à l’évaluation par un groupe de jeunes dont les résultats démontrèrent que le

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stéréotype du pays (représenté par le nom) affectait l’évaluation ou le jugement de l’mage

dans la mesure où l’auteur conclut qu’un même cliché pouvait être noté différemment selon

qu’il était associé à tel ou tel nom de pays. La notation des sujets de l’enquête ignora la

photographie et prit en compte le stéréotype concernant pays duquel était originaire le nom

associé à l’image.