• Aucun résultat trouvé

Avant de nous pencher spécifiquement sur l’enseignement du français au

Mozambique, commençons par procéder à la description du système éducatif mozambicain

afin de permettre une meilleure lecture des niveaux et cycles qui le composent et dans

lesquels est enseignée la langue française. Selon la loi n°4/83

15

du 26 mars, conjuguée avec la

loi 06/92

16

du 6 mai, la loi 6/2016

17

du 16 juin et la description disponible sur le site

18

officiel

du ministère de l’Éducation et du Développement humain (MINEDH), le système éducatif

mozambicain, dénommé Système national d’éducation (désormais SNE), est composé de trois

sous-systèmes d’enseignement : préscolaire, scolaire et extra-scolaire. Ci-dessous, nous

décrirons le sous-système d’enseignement scolaire parce qu’il concerne l’enseignement du

14 Notre traduction.

15 La loi qui approuve le Système national d’éducation et définit les principes fondamentaux de son application.

16 La loi qui réadapte le cadre général du système éducatif et les dispositions contenues dans la loi 4/83 du 26 mars.

17 La loi qui modifie et republie la loi n°23/2014 du 23 septembre, la loi sur l’Éducation professionnelle.

34

FLE, objet de cette recherche ; comprenant trois types d’enseignements : l’enseignement

général, l’enseignement technique et professionnel et l’enseignement supérieur.

L’enseignement général est composé de douze classes, comptées en ordre croissant,

qui sont reparties en deux niveaux d’enseignement: le niveau primaire (sept classes) et le

niveau secondaire (cinq classes). Chacun de ces niveaux est composé de cycles.

Ainsi, l’enseignement primaire est composé de trois cycles ; l’enseignement

secondaire n’est composé que de deux cycles dont le second est reparti en trois sections ou

filières

19

. L’enseignement technique et professionnel est composé de deux niveaux, basique et

moyen, composé chacun de trois années

20

. Selon le numéro 2 de l’article 13 (cf. loi 6/92 du 6

mai), dans l’enseignement général, le but poursuivi est « la consolidation, l‟élargissement et

l‟approfondissement des connaissances en mathématiques, en sciences naturelles et sociales

et dans les domaines de la culture, de l'esthétique et de l'éducation physique »

21

, tandis que

l’enseignement technique et professionnel, prépare des professionnels de niveau basique ou

moyen tels que des comptables, des électriciens, des mécaniciens, des techniciens agricoles et

d’élevage, pour ne citer que quelques exemples, pour répondre aux besoins immédiats en

main-d’œuvre.

Le sous-système scolaire du SNE mozambicain est complété par l’enseignement

supérieur qui suit le modèle LMD de Bologne, avec une particularité : le premier diplôme

universitaire dure quatre ans, au lieu de trois comme c’est le cas en Europe et de la conception

même du modèle LMD. L’offre de formation est diversifiée et dépend de chaque institution

d’enseignement supérieur. Ci-dessous, nous présentons un tableau résumant toute

l’architecture du sous-système scolaire du SNE mozambicain.

Tableau 3 - Les niveaux et les classes du système scolaire du SNE au Mozambique

Niveau d’enseignement Cycles Classes

Primaire

Premier 1

e

; 2

e

et 3

e

Deuxième 4

e

et 5

e

19 Dans les deux dernières classes de l’enseignement secondaire il existe une certaine spécialisation. Les enseignements sont repartis en trois domaines appelés sections. La section A les lettres (filière littéraire) ; la section B les sciences et la section C les Sciences aussi. La différence entre les sections B et C tient aux matières de biologie et dessin. La première étant enseignée dans la section B et la seconde dans la section C.

20 Dans l’enseignement technique et professionnel, on parle d’années de formation et non pas de classes (voir tableau ci-dessous).

35

Troisième 6

e

et 7

e

Secondaire Premier 8

e

; 9

e

et 10

e

Second 11

e

et 12

e

Technique et professionnel Basique 1

e22

; 2

e

et 3

e

Moyen 1

e

; 2

e

et 3

e

Supérieur

Premier Licence ou Maîtrise – (4 ans)

Deuxième Master (2 ans)

Troisième Doctorat (3 ans)

1.4.1. Le français comme matière scolaire

L’enseignement du français au Mozambique remonte à l’époque coloniale toutefois il

a connu une interruption au lendemain de l’indépendance du pays en 1975 du fait que la

plupart des enseignants qui assuraient les cours étaient des colons ou des ressortissants

portugais ayant été contraints de quitter le territoire mozambicain après la déclaration

d’indépendance. Cependant, l’interruption de l’enseignement du français en 1975 n’a pas duré

longtemps et nous pouvons considérer qu’elle n’a jamais eu lieu dans la mesure où, à partir de

1979, les cours de français étaient dispensés à l’institut des langues de Maputo pour un public

volontaire et, donc, non captif. Ainsi, l’histoire du français au Mozambique est-elle

caractérisée par deux phases : la phase avant l’indépendance (pendant la colonisation) et celle

suivant l’indépendance.

Durant la phase post-indépendance, l’enseignement du français connaît plusieurs

« sous-phases ». Une première sous-phase expérimentale, entre 1990 et 1994, pendant

laquelle le français n’était enseigné que dans quelques écoles de la capitale du pays (Maputo).

La seconde s’étendant de 1995 à 2008 durant laquelle le français n’est enseigné qu’au second

cycle de l’enseignement secondaire. Pendant la troisième sous-phase, qui débute en 2009, le

français est enseigné dans les deux cycles de l’enseignement secondaire, notamment à partir

de la 9

e

classe.

22 Dans l’enseignement technique et professionnel le comptage des classes n’est pas le même que celui de l’enseignement général. Dans ce sous-système d’enseignement on parle de niveaux et non de cycles. Ainsi, il y a les niveaux basique et moyen (respectivement équivalent à 10e et 12e classes de l’enseignement général). Chacun de ces niveaux est composé de trois années, comptées de 1 à 3.

36

Aujourd’hui, le français est donc la deuxième langue étrangère enseignée dans le SNE

mozambicain juste derrière l’anglais. Le statut de deuxième langue étrangère est le résultat

non seulement de l’hégémonie et du statut privilégié dont bénéficie l’anglais sur la scène

politique et économique internationale, mais aussi du voisinage avec des pays anglophones

car, comme nous l’avons déjà mentionné, tous les pays frontaliers du Mozambique sont

anglophones. Ainsi, dans le SNE ce sont ces deux raisons qui expliquent que l’anglais soit

enseigné comme première langue étrangère, obligatoirement dès le cycle primaire en 6

e

classe, alors que le français n’est enseigné qu’à partir du secondaire, en 9

e

, et introduit comme

une matière optionnelle. En effet, le français serait en concurrence avec d’autres matières

telles les langues mozambicaines et les arts scéniques. Autrement dit, dans les 9

e

et 10

e

classes

les élèves devraient avoir la possibilité de choisir entre ces trois matières ou d’autres, puisque

dans le PCESG (2010, p. 70) on ouvre la possibilité d’en introduire d’autres, optionnelles.

Toutefois, il y est aussi précisé que l’introduction des matières optionnelles devra se faire en

fonction de la disponibilité en termes d’enseignants et de matériels didactiques.

Comme il n’y a pas d’enseignants, ni de matériel didactique pour l’enseignement des

langues mozambicaines et des arts scéniques, et parce qu’on formait déjà des enseignants de

français, le français se trouve privilégié, devenant, une « matière optionnelle obligatoire »

23

.

Il est clair que cette réforme n’a pas fait l’objet d’une préparation préalable dans la mesure où

il n’y a pas eu de formation d’enseignants qui auraient pu assurer la totalité des matières

optionnelles, notamment les langues mozambicaines et les arts scéniques. Paradoxalement,

dans ce pays multilingue, il est plus facile d’introduire l’enseignement des langues étrangères

(anglais et français) que d’intégrer l’enseignement des langues mozambicaines.

Le français est une matière obligatoire de facto en 11

e

et 12

e

classes (l’équivalent des

1

ère

et terminale en France) pour ceux qui suivent la filière « lettres » (littéraire), le groupe A.

Les élèves des groupes B et C, étudiant les sciences dites « dures », et tous ceux qui suivent

leur scolarisation dans l’enseignement technique et professionnel ne l’ont pas comme matière

d’enseignement. Supposant que certains élèves n’auraient pas choisi le français (matière

optionnelle) dans le 1

er

cycle du secondaire ou qu’ils n’auraient pas suivi les cours de français

en raison du manque d’enseignants ou parce qu’ils ont été scolarisés dans l’enseignement

technique et professionnel, nous pouvons vite conclure que certains diplômés de

l’enseignement secondaire pourraient ne jamais apprendre le français contrairement à

23 Cette expression a été utilisée dans la lettre d’information de l’ambassade de France au Mozambique et au Swaziland (lettre numéro 2, mars et avril 2015, p. 5).

37

l’anglais qui est obligatoirement enseigné dès l’école primaire et dans toutes les filières de

l’enseignement secondaire, y compris l’enseignement technique et professionnel.

Cette situation se poursuit à l’université. Hormis l’Institut de relations internationales

qui propose des cours de français sur objectifs spécifiques et la formation des professeurs de

français à l’Université pédagogique et à l’Université Eduardo Mondlane, dans les autres

institutions d’enseignement supérieur il n’y pas d’enseignement du français contrairement à

l’anglais qui est enseigné au moins durant un semestre dans tous les cursus universitaires.

Cela n’est pas sans conséquence sur la motivation des apprenants à apprendre le français et

sur l’image et les représentations de la langue française au niveau national. En effet, cela peut

contribuer à la dévalorisation de la langue française dans ce contexte. Ainsi, les enseignants

de français au Mozambique doivent-ils non seulement enseigner la langue et la culture

françaises, mais ils doivent surtout les rendre attrayantes et prouver leur importance, sachant

que pour les apprenants, et contrairement à l’anglais, le français n’est pas un besoin

linguistique immédiat. On sait que l’anglais est la langue de la plupart des institutions et ONG

étrangères basées au Mozambique. Notons que certaines ONG ou entreprises françaises

représentées au Mozambique utilisent l’anglais comme langue de communication. À ce

propos, il a été intéressant, peut-être frustrant pour un francophile, de voir la présidente du

Fond monétaire international, Madame Christine Lagarde, qui est française, de passage à

Maputo, s’exprimer en anglais. Toutefois, nous croyons que la prise en compte de la

composante de formation socioculturelle qui propose la langue française peut être l’un des

éléments motivateurs pour l’apprentissage du français au Mozambique.

1.4.2. Les objectifs de l’enseignement du français au Mozambique

D’après les programmes de français (INDE/MINED, ibidem, p. 9),

l’enseignement/apprentissage de cette langue au Mozambique prend en compte les évolutions

didactiques récentes en matière d’enseignement - apprentissage des langues étrangères,

notamment l’approche communicative. La revendication de l’approche communicative, dans

ce programme, se fait par l’intermédiaire de la notion de centration sur l’apprenant. En effet,

les concepteurs de ce programme considèrent que celui-ci est orienté et centré sur l’apprenant,

dans la mesure, où pour son élaboration ont été pris en compte non seulement la motivation et

les besoins langagiers des apprenants mais aussi les conditions et les stratégies

d’apprentissage de ces derniers. Ainsi, selon INDE/MINED (idem), l’objectif général de

38

l’enseignement du français au Mozambique est « d‟apprendre à communiquer dans

différentes situations ». Pour la poursuite de ce but, sont définis les objectifs suivants :

 Développer la compétence linguistique et communicative, élémentaire pour le premier

cycle et intermédiaire pour le second ;

 Développer des habiletés linguistiques qui permettent aux apprenants d’interagir avec

autrui et d’avoir accès aux informations, en français ;

 Préparer l’apprenant à utiliser la langue française à des fins académiques ;

 Éveiller, chez l’apprenant, l’intérêt, l’importance et l’utilité du français dans les

situations de communication professionnelle ;

 Utiliser la langue française comme instrument de promotion de la culture de son pays

et d’autres.

Les objectifs et unités didactiques des programmes de français pour les deux cycles du

SNE sont à peu près les mêmes, avec une certaine complexification des contenus durant le

second cycle. Le programme de la 9

e

est repris en 11

e

et celui de la 10

e

classe est repris en 12

e

.

Dans le premier cycle les apprenants doivent développer la compétence « linguistique et

communicative élémentaire », alors que dans le second ils devront acquérir la compétence

« linguistique et communicative intermédiaire ».

Cet objectif révèle un questionnement : les concepteurs ont séparé l’objectif

linguistique du communicatif. Cependant, nous remarquerons que, depuis son introduction la

notion de compétence de communication en didactique des langues, telle qu’elle a été décrite

par plusieurs auteurs (Coste, 1978 ; Canale & Swain, 1980 ; Moirand, 1986; etc.) et plus

récemment dans le CECR (2001) est vue comme une compétence complexe alors que la

compétence linguistique est définie comme l’une de ses composantes.

Enfin, ces programmes et les objectifs qui en découlent revendiquent l’actualité

didactique en matière d’enseignement des langues étrangères, en même temps qu’ils se

réclament de l’approche communicative. Nous sommes, ici, face à un paradoxe dans la

mesure où ces programmes datent de 2010 et que, à cette période, en didactique des langues

du moins, en Europe, l’approche communicative n’était pas forcément de mise. À ce

moment-là, l’approche actionnelle et l’ensemble des notions qu’elle véhicule étaient en vogue. Il est

donc un peu surprenant que, dans ce programme, aucune référence ne soit faite à la notion

d’approche actionnelle ainsi qu’au CECR et aux niveaux de compétence qui y sont proposés.

39

La définition des niveaux à atteindre aux premier et deuxième cycles en est une preuve

de plus. En effet, si le CECR avait été pris en compte, la compétence « linguistique et

communicative » ne serait pas seulement définie comme élémentaire et intermédiaire, elle le

serait également selon les niveaux de compétence de A à C. À cet égard, nous pouvons nous

demander si la compétence intermédiaire définie comme but dans le second cycle

équivaudrait à la compétence intermédiaire du CECR, à savoir le niveau B (1 ou 2). Encore

nous faut-il distinguer ici, s’il s’agit d’un choix idéologiquement délibéré ou d’un manque de

connaissances (ce qui est peu probable, nous semble-t-il) de la part des concepteurs

24

du

programme.

Quatre autres institutions assurent l’enseignement – apprentissage du français au

Mozambique. L’Institut des langues et le Centre culturel franco-mozambicain qui dispensent

des cours variés, de type français général ou spécifique, selon la demande des intéressés,

l’Institut des relations internationales et l’Académie militaire Maréchal Samora Moisés

Machel ; les deux dernières assurent une formation en français de type FOS. Les deux

premières institutions, en partenariat avec le CIEP en France, organisent les épreuves de

DELF et TELF au Mozambique.

1.4.3. La formation des professeurs de français au Mozambique

La formation des professeurs de français au Mozambique est assurée par deux

universités publiques du pays, l’Université pédagogique (UP) et l’Université Eduardo

Mondlane. La première forme des professeurs de français depuis 1995, avec la création d’un

département de français à l’UP Maputo, la deuxième les forme depuis 2001. Ces deux

universités sont très différentes en termes de structure : l’Université Eduardo Mondlane s’est,

dès le début, constituée comme une institution multi-domaines, tandis que l’UP a été fondée

pour la formation de professeurs de l’enseignement secondaire, même si aujourd’hui elle

diversifie son offre et s’ouvre à d’autres domaines. Nous ferons, par la suite une brève

description du processus de formation des professeurs de français au Mozambique en

particulier à l’Université pédagogique.

À l’UP, la formation des professeurs de français a été mise en place en partenariat

avec l’Ambassade de France à Maputo, qui a mis à disposition des autorités mozambicaines

des bourses d’études et des moyens financiers. Les premières ont permis non seulement aux

40

premiers professeurs de français et aux formateurs de professeurs de français de l’UP Maputo

de suivre une partie de leur formation en France, mais aussi à certains étudiants en fin de

cursus de participer à des stages de perfectionnement linguistique en France. Les moyens

financiers quant à eux ont servi pour la construction et l’ameublement en matériel

bureautique, informatique et bibliographique de trois centres permanents de formation des

professeurs de français de manière successive dans les trois grandes villes : Maputo (en 1995),

Beira (en 1999) et Nampula (en 2002) et, depuis 2014, dans la 4

e

grande ville du pays

(Quelimane), faisant ainsi passer à quatre le nombre de délégations de l’UP formant des

professeurs de français.

Le curriculum de formation des professeurs de français à l’UP est constitué de trois

composantes ou axes : une composante linguistique ou sciences du langage, une composante

de sciences de l’éducation et une composante de didactique spécifique.

 Dans la composante linguistique ou sciences du langage, les futurs enseignants

perfectionnent la langue française du point de vue de la grammaire et de la

communication et acquièrent les fondamentaux en sciences du langage, notamment en

phonétique et phonologie, sociolinguistique, pragmatique et analyse du discours ;

 La composante de sciences de l’éducation correspond à la spécialité de l’université, la

formation des professeurs, et prépare les candidats au métier d’enseignant, notamment

en didactique générale, pédagogie et psychologie ;

 La composante de didactique spécifique a pour but de préparer les futurs enseignants

en matière d’enseignement des langues et cultures étrangères et plus spécifiquement

en enseignement du FLE.

Contrairement à un passé récent au cours duquel les professeurs de français étaient des

individus qui avaient tout simplement appris le français, notamment d’anciens séminaristes de

l’église catholique et des ressortissants francophones, principalement des réfugiés congolais ;

aujourd’hui, tous les enseignants ou presque, sont titulaires d’une Maîtrise en enseignement

de FLE délivrée par l’une des universités mentionnées ci-dessus. Il serait sans doute productif

et important de nous intéresser davantage aux aspects scientifiques de la formation des

professeurs de français au Mozambique, mais pour une question de méthode nous nous

limiterons aux informations avancées ci-dessus. Nous porterons spécialement notre regard sur

le produit de ces universités, donc les professeurs en poste dans les écoles avec lesquels nous

avons mené nos enquêtes.

41