Chapitre III – L’identité et les représentations : deux notions associées à l’interculturel
3.4. Les préjugés
3.2.3. Les rapports entre l’identité et les représentations
Cohen-Scali & Moliner (2011) ont étudié les relations qui existent entre les
représentations et l’identité, en les classifiant immédiatement comme étant complexes et
multiples. Tous deux ont identifié les relations entre l’identité et les représentations sociales
selon quatre approches d’étude sur les représentations, notamment : l’approche
d’appartenance aux groupes et de la catégorisation sociale de Tajfel (1972) et Turner (1999) ;
l’approche de l’identité sociale dans la théorie des représentations sociales de Moscovici
(1961) ; l’approche du soi et les représentations sociales de Doise (1999) ; et l’approche de la
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personnalisation des représentations sociales de Breakwell (1999), Guichard (2004) et
Zavalloni (1972). Ci-dessous, nous présenterons les conclusions principales auxquelles
arrivent les auteurs sur les trois premières approches parce qu’elles répondent largement à
l’objectif de cette entreprise sur les rapports entre l’identité et les représentations de cette
partie.
Ainsi, selon Cohen-Scali & Moliner (2011, p. 3), la notion d’appartenance au groupe à
travers laquelle se construit l’identité sociale d’un sujet social permet d’établir le lien entre
l’identité et les représentations, dans la mesure où ce sont les représentations que les individus
revendiquent par rapport à leur l’appartenance à un groupe. Ce constat part de l’idée que
l’identité sociale est « un processus de dépersonnalisation de soi et des comportements
individuels », c’est-à-dire un processus par lequel les caractéristiques de l’individu cessent
d’exister au profit des caractéristiques stéréotypées du groupe. Par ce processus, les individus
appartenant à un groupe se trouvent moins différents parce qu’ils construisent des
représentations prototypiques de leur groupe. Cette idée est présente aussi dans la définition
de l’identité sociale de Tajfel (idem), parce que Cohen-Scali & Moliner (idem) considèrent
qu’elle est étroitement liée à la notion de représentation (individuelle ou sociale), dans la
mesure où l’appartenance à une catégorie sociale ne dépend pas de la réalité sociale de ces
catégories « mais bien plutôt de la signification que revêtent ces catégories » aux yeux des
individus. Les catégories sociales se constituent en lien avec les représentations sociales et ces
dernières, « facilitent l‟adaptation de l‟individu à son environnement et apparaissent comme
une source essentielle de construction et de changement identitaires ».
Ensuite, les liens entre l’identité et les représentations dans l’approche de l’identité
sociale dans la théorie des représentations sociales de Moscovici (1961), selon Cohen-Scali et
Moliner (ibidem, p. 4), peuvent être classés et compris selon trois perspectives :
La première perspective porte sur la perception et les représentations endogroupes et
exogroupes. D’après les deux auteurs, cette perspective est soutenue par Doise (1973) et
Deschamps (1973), préconisant que « l‟identité serait une conséquence de ces
représentations ». Ainsi, l’idée avancée est que les représentations sociales relatives à
l’endogroupe ou exogroupe rempliraient deux fonctions : celle de « justifier les conduites des
membres d‟un groupe à l‟égard des membres d‟un autre groupe » et « d‟anticiper le
déroulement des interactions entre groupes, tout en maintenant la spécificité et l‟identité de
chaque groupe ».
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La deuxième perspective, selon Cohen-Scali & Moliner (idem), renvoie « à l‟idée
selon laquelle certaines représentations sociales permettraient aux individus d‟affirmer, de
signifier ou de revendiquer quelque chose qui les particularise ou qui singularise leur groupe
d‟appartenance » : les représentations seraient donc un instrument identitaire dans la mesure
où, elles permettraient l’élaboration et le maintien d’une identité spécifique.
Enfin, la troisième perspective porte sur l’idée qu’un lien réflexif existe entre les
représentations et l’identité sociale (Tafani & Bellon, 2001). En effet, les représentations sont
élaborées dans un « univers identitaire qui constitue l‟unité du champ social du groupe », et
l’identité réaffirme à travers les significations que les représentations donnent à l’objet.
Les deux approches ci-dessus décrivent les relations entre l’identité sociale et les
représentations, ce qui pourrait laisser penser que l’identité personnelle ou individuelle en
serait exclue. Toutefois, les représentations ont aussi des rapports avec l’identité individuelle,
c’est en effet, l’idée principale véhiculée dans l’approche du soi et les représentations
sociales. En s’appuyant sur Doise (1999), Cohen-Scali & Moliner (ibidem, p. 6) soutiennent
l’idée que l’identité personnelle peut, effectivement, être étudiée comme une représentation
sociale. En ce sens, le soi est une représentation parce qu’il est, pour chacun, « un objet
porteur d‟étrangeté qu‟il convient de maîtriser cognitivement ». Les deux auteurs s’appuient
également sur la conception cognitive du soi proposée par Markus (1977). Cette conception
avance l’existence des schémas du soi qui :
« Comprennent des représentations cognitives issues d’événements spécifiques et de situations impliquant l’individu mais également des représentations plus générales, issues de la catégorisation et de l’évaluation du comportement d’une personne par elle-même ou par autrui. Ces schémas de soi sont construits à partir d’une analyse de l’information passée et participent au traitement de l’information sur soi. Ils peuvent être définis comme un ensemble de représentations de soi élaborées à partir des expériences de l’individu dans le monde social ».