• Aucun résultat trouvé

Plusieurs observateurs s’accordent pour dire que les évènements de l’été 1981, dans le quartier des Minguettes à Vénissieux puis dans quelques autres villes françaises, ont lancé non seulement le « malaise des banlieues », mais aussi la pro- blématique de la prévention, de l’intégration et de l’insertion par le sport207

(Charrier & Jourdan, 2005 ; Gasparini & Vieille-Marchiset, 2008 ; Martel, 2010). En effet, peu de temps après l’arrivée du parti socialiste au pouvoir, la flambée de violence a mis en exergue l’ampleur de l’impasse socio-économique dans laquelle se trouvait une partie de la jeunesse des grands ensembles urbains qui avaient connu une installa- tion massive des familles de l’immigration, et dans le même temps, elle a engendré des réactions en chaîne de la part des pouvoirs publics qui ont notamment élaboré des actions locales et des dispositifs nationaux, fondés en particulier sur le dévelop- pement d’animations sportives dites « de proximité » et sur l’amélioration des condi- tions matérielles de vie des habitants par la construction d’équipements sportifs et de

207

Comme le notent D. Charrier et J. Jourdan (2005), ces choix terminologiques révèlent une pro- fonde difficulté dans la nomination du public-cible (jeunes des quartiers, jeunes en difficulté, jeunes d’origine étrangère, jeunes issus de l’immigration, etc.) et des territoires concernés (quartiers chauds, sensibles, prioritaires, etc.). Il nous faut aussi signaler qu’en France, la genèse de l’utilisation du sport dans le secteur de l’intervention sociale, par le champ politique et institutionnel, se situe en réalité au courant des années 1960, avec la publication en 1965 d’un Essai de doctrine du sport par le Haut Comité aux Sports (Arnaud & Augustin, 2000).

180

loisirs (Charrier, 2006-07). En conséquence, il fallait désormais parler d’une politique d’organisation, d’incitation et d’accompagnement par les sports des publics précari- sés et relégués dans les territoires d’exil (Dubet & Lapeyronnie, 1992). A l’instar des immigrés algériens, marocains et d’Afrique noire, les immigrés originaires de Turquie furent d’emblée concernés par les actions et dispositifs labellisés « insertion par le sport » ou « intégration par le sport », dans la mesure où, en tant qu’immigrés éco- nomiques concentrés dans les postes les moins qualifiés, ils étaient victimes des mécanismes de ségrégation spatiale et territoriale reléguant les populations « issues de l’immigration » dans les quartiers de l’exclusion (Gasparini & Vieille-Marchiset, 2008). Dans l’Hexagone, les immigrés turcs ne bénéficiaient donc pas d’un soutien des pouvoirs publics parce qu’ils étaient immigrés turcs, mais, éventuellement, parce qu’ils habitaient des zones urbaines en proie à d’importantes difficultés sociales208

.

2.2.1 – Le territoire comme catégorie légitime d’action publique

Comme le relève très bien S. Tissot (2007), avec la « Politique de la Ville », le territoire est devenu sous l’appellation « quartiers sensibles » ou « quartiers diffi- ciles » une catégorie légitime de l’action publique. Ainsi, en décembre 1981, le lan- cement des Zones d’Education Prioritaire (ZEP) répondait à la volonté des pouvoirs publics de territorialiser l’intervention auprès des populations. Ainsi, les écoles pla- cées dans ces zones où divers indices témoignaient de très grandes difficultés so- ciales bénéficiaient de moyens accrus (matériels, financiers et humains). Ce disposi- tif devait permettre d’accroître les chances de réussite de leurs élèves et de combler le fossé les séparant des élèves fréquentant les établissements des quartiers plus favorisés. De même, à partir de 1985, les procédures de Développement Social des Quartiers (DSQ) ont cherché à redynamiser certains territoires, à travers la construc- tion massive d’équipements de proximité et la mise en place d’animations sportives et culturelles à destination des jeunes. Sous ces prémices, il apparaît nécessaire d’examiner les dispositifs publics d’intégration par le sport.

208 Signalons néanmoins qu’en France, plus que d’autres populations « issues de l’immigration », les

Turcs sont également présents, depuis le début des années 1980, dans des petites villes et au sein de zones rurales (Rollan & Sourou, 2006). Les raisons de cette implantation sont sans doute à articu- ler aux besoins économiques, mais aussi aux opportunités en termes de logement. Déjà majoritaire- ment populaires, les espaces ruraux situés non loin des agglomérations françaises sont le territoire d’accueil privilégié par les catégories modestes constituées d’ouvriers et d’employés, parfois précari- sées et chassées par le boom immobilier dans les métropoles (Guilluy & Noyé, 2004).

181

Dans l’Hexagone, ces dispositifs s’adressent, depuis le début des années 1980, à des quartiers, des territoires ou des populations « en difficulté » et non à des communautés, des groupes ou des « minorités ethno-culturelles » (Martel, 2010). Autrement dit, les immigrés ne bénéficient pas d’un soutien spécifique des pouvoirs publics parce qu’ils sont immigrés, mais, éventuellement, parce qu’ils rencontrent des problèmes sociaux ou habitent dans des zones urbaines où les indicateurs font état de grandes difficultés (chômage, niveau scolaire, délinquance, niveau de vie, de san- té, etc.). Si la question de l’intégration par le sport est bel et bien une thématique centrale des différentes politiques et actions mises en œuvre par le Ministère de la Jeunesse et des Sports et le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), l’intégration des immigrés (ou jeunes « issus de l’immigration ») par le sport ne fait pas l’objet d’une politique particulière. C’est là une conception « à la française » de l’action publique qui intervient moins sur des individus que sur des territoires (Donzelot, 2006). A ce sujet, E. Maurin (2004) relève à juste titre que le problème central de ce principe de ciblage réside dans le saupoudrage des moyens qu’il implique. En d’autres termes, les moyens sont assez importants, mais tellement éparpillés que leurs effets restent souvent imperceptibles et presque neutralisés par les effets de stigmatisation qu’ils engendrent.

Depuis la publication du Rapport Schwartz en 1981, qui suggérait de dévelop- per des équipements et animations « de proximité » dans les quartiers afin de res- taurer l’autorité de l’Etat dans ces territoires, les initiatives et actions lancées par le Ministère de la Jeunesse et des Sports s’inscrivent dans le projet politique de territo-

rialiser la discrimination positive, sur le modèle des politiques sociales menées par

les travaillistes anglais dans les années 1960. Il s’agit, en substance, d’amplifier l’effort de la collectivité en direction des populations des quartiers dits « défavorisés » pour compenser les inégalités socio-économiques et rétablir l’égalité des chances sans pour autant cibler des individus en tant que tels209. En ce qui concerne le « sport dans les quartiers » (Gasparini & Vieille-Marchiset, 2008), les initiatives du Ministère ont globalement pris cinq directions : la construction d’équipements « de

209 Cette pratique s’inscrit dans la logique de la « démocratie providentielle » qui valorise moins

l’égalité formelle que l’égalité réelle (Schnapper, 2002). On peut y voir la déclinaison contemporaine de la « pensée solidariste » d’E. Durkheim, L. Bourgeois et C. Bouglé.

182

proximité », les animations socio-sportives pendant les temps de vacances, l’insertion professionnelle des publics sans emploi, l’apprentissage de la citoyenneté et du fonctionnement démocratique de la vie collective à travers l’engagement sportif associatif et la lutte contre les inégalités sexuées. Localement, les collectivités territo- riales (et notamment les communes) ont, quant à elles, privilégié les actions de for- mation et d’animation directe à destination des « jeunes des quartiers ». Par exemple, les opérations VVV s’adressent tout particulièrement à des adolescents dits « en difficulté », du moins au regard des normes du « monde des adultes », qui bé- néficient d’un accès à des activités physiques et d’une prise en charge « éducative » durant les périodes de vacances scolaires (Lapeyronnie, 2003). Lancé en 1992, le dispositif « Ticket Sport » facilitait l’accès aux clubs sportifs pour les jeunes apparte- nant à des milieux sociaux défavorisés afin qu’ils puissent pratiquer une activité en- cadrée (Martel, 2010). Et on pourrait ainsi multiplier les exemples !

On le voit assez nettement, à la différence de ce qui se passe outre-Rhin, en France, les dispositifs publics d’intégration par le sport ne ciblent pas explicitement les immigrés ou les « minorités ethniques ». Dans l’Hexagone, c’est en réalité le terri- toire, et non le « groupe d’origine », qui s’est imposé comme un principe de catégori- sation et d’action évident, ce qui s’accorde finalement très bien avec la formule répu- blicaine qui refuse de prendre en compte toute dimension « ethnique » de la vie col- lective. Au cours des années 1980-1990, dans une conjoncture économique défavo- rable et avec l’installation d’un chômage durable au sein des quartiers populaires, le Ministère de la Jeunesse et des Sports, en compagnie de celui de la Ville, s’est ins- crit dans une logique d’« intégration territorialisée » (Ion & Augustin, 1993) par les activités physiques et sportives, logique qui a progressivement pris la place de celle qui privilégiait l’intégration par l’économie et le travail, le tout dans un contexte où la jeunesse des grands ensembles urbains est devenue un problème politique, social et quasiment un marronnier pour les divers médias210.

210 L’angoisse des pouvoirs publics avant les vacances d’été ou le Nouvel An donne lieu à des repor-

183

2.2.2 – L’absence du critère ethnique dans la catégorisation des publics

Catégoriser pour agir dans l’urgence est un défi auquel furent confrontés les pouvoirs publics dans l’élaboration des actions locales et dispositifs nationaux. S’il serait fastidieux de dresser ici une liste exhaustive des destinataires des politiques d’« intégration par le sport », tant les populations sont fortement diversifiées, nous souhaiterions insister sur l’absence de critères ethniques dans la procédure de caté- gorisation des publics-cibles. En effet, les responsables politiques, aidés par des chercheurs et des acteurs de terrain, sont partis de l’expérience de l’« intégration républicaine », indifférente aux particularismes « ethniques » des individus211. En ce sens, à la différence de l’Allemagne, la variable « ethnique » n’est pas considérée, en France, comme une cause explicative des problèmes qu’affrontent les jeunes des quartiers. En conséquence, on remarque ainsi que d’autres critères ont été privilé- giés au moment de la conception des projets, et ce, moins par méconnaissance des phénomènes ethniques que par l’adoption délibérée d’une stratégie d’évitement et la perpétuation d’une tradition nationale.

En exploitant certaines pistes préconisées par le Rapport de B. Schwartz de 1981, qui suggérait surtout une « discrimination positive » en faveur des jeunes en général, tout en rappelant qu’il était nécessaire de mettre en place des dispositifs et des mesures spécifiques en faveur des plus défavorisés d’entre eux (Martel, 2010), le Ministère de la Jeunesse et des Sports (puis les collectivités territoriales à partir de 1992) a tout d’abord utilisé l’âge comme critère. Les projets s’adressent prioritaire- ment aux adolescents et aux jeunes, mais diffèrent dans l’amplitude (6 à 30 ans) et dans les subdivisions (10/13 ans, 11/15 ans, 14/18 ans, etc.) sans que l’on com- prenne vraiment les raisons de ces variations (Charrier & Jourdan, 2005). Par ail- leurs, la tendance est au rajeunissement des populations ciblées par les actions, pour des raisons d’évolution de la délinquance, d’envie préventive d’intervenir de plus en plus tôt, de volonté d’impliquer plus fortement les filles et de difficulté à inter- venir auprès des plus âgés. Par exemple, le seuil est passé de 16 ans à 11 ans, quand on compare le premier plan « anti-été-chaud » de 1982 avec le dispositif VVV lancé en 1995 (Lapeyronnie, 2003). Il est à signaler que l’âge, en tant que variable,

211

Oui, cette posture républicaine tranche bel et bien avec la philosophie qui a conduit à la constitu- tion de clubs fondés sur l’identité ethnique ouvrière, comme par exemple les associations sportives portugaises ou turques.

184

constitue dans l’organisation et la distribution des pratiques sociales un opérateur fondamental, ce qu’a très bien montré O. Galland (2007).

Le Ministère de la Jeunesse et des Sports a utilisé, ensuite, la variable genre lors de la conception des actions. Depuis le début, les projets sont essentiellement fréquentés par des individus de sexe masculin (Salva, 1999), y compris lorsqu’ils sont ouverts aux garçons et aux filles. Cela semble notamment s’expliquer par le fait qu’on a rapidement associé les actions d’intégration à certaines pratiques sportives jugées « incontournables » ou inévitables, telles que le football, le basket de rue ou les sports de combat, pratiques à dominante masculine, afin d’éviter la rébellion la plus visible (vandalisme, violences physiques…), c'est-à-dire celle des adolescents et des jeunes hommes (Gasparini, 2005). La prise de conscience tardive de ce phé- nomène a fait émerger la question des inégalités sexuées, surtout après l’arrivée de M.-G. Buffet212 à la tête du Ministère de la Jeunesse et des Sports en 1997. Dès lors certaines collectivités ont cherché à « féminiser » leurs dispositifs d’intégration par le sport, en tentant de développer plus d’activités en direction des filles (danse hip-hop, etc.), d’embaucher plus d’encadrants de sexe féminin et de favoriser la mixité sexuelle pendant les animations dites « de proximité », ce qui fut par exemple le cas dans l’agglomération de Strasbourg (Gasparini & Vieille-Marchiset, 2008). C’est d’ailleurs au nom de cette lutte pour l’égalité des sexes que certaines actions desti- nées aux jeunes femmes de confession musulmane ont été initiées, même si elles ont très largement été contestées pour le risque d’enfermement et de repli qu’elles comportent (Charrier & Jourdan, 2005).

Enfin, le dernier élément déterminant dans la catégorisation des publics-cibles réside dans le diagnostic qui est fait des difficultés auxquelles il faut faire face. La marginalisation, la précarité et l’exclusion ne renvoient pas à des situations sociales strictement identiques. De même, la notion de « catégories défavorisées » ne cor- respond en rien à un ensemble homogène. Il s’agit donc pour les pilotes de projets,

212

Née le 27 mai 1949 à Sceaux dans les Hauts-de-Seine, M.-G. Buffet est membre du PCF depuis 1969 (proche de R. Hue). Militante féministe qui a notamment participé aux actions de la Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception, elle a fait de la question des iné- galités sexuées dans le sport une de ces priorités : « Dès mon arrivée à la tête du Ministère de la Jeu-

185

de graduer les difficultés afin de pouvoir différencier les actions des encadrants et les modalités d’intervention. En règle générale, les diagnostics en matière d’intégration par le sport reposent sur le paradigme fonctionnaliste de l’intégration, comme le sou- ligne A. Naja (2005), qui envisage les difficultés comme autant de dysfonctionne- ments du système social et de ses instances de socialisation (famille, école, tra- vail…). Ce qui implique que l’encadrement des jeunes soit assuré par des adultes et que la gradation des difficultés soit pensée en référence à un « axe de marginalisa- tion », allant des situations ponctuelles (souci familial, professionnel…) à des pro- blématiques plus complexes voire extrêmes (délinquance, rupture scolaire et fami- liale, violence, toxicomanie…).

2.2.3 – Des banlieues à l’immigration : une posture confortable

Dans les années 1980-1990, l’incapacité des pouvoirs publics à enrayer dura- blement les mécanismes sociaux et économiques qui provoquent la pauvreté et la précarité dans les quartiers populaires213, a accentué la question de l’immigration et de l’intégration. D’autant qu’à la même période, les thèses populistes et racistes du Front national dirigé par J.-M. Le Pen faisaient une entrée fracassante dans le champ politico-médiatique, en profitant tout à la fois du « mal des banlieues », des revendications citoyennes des jeunes générations issues de l’immigration maghré- bine (ce qu’on a alors appelé les Beurs214) et, surtout, du triomphe de l’information-

spectacle dans les milieux de la communication audiovisuelle (Noiriel, 2007). Face au désarroi de l’opinion, sensible aux discours de la droite et de l’extrême-droite sur le caractère inassimilable des immigrés, entre autres de confession musulmane, le sport, tout comme l’ensemble de la société française, ne semblait plus être en me- sure d’incorporer des gens d’ici mais venus d’ailleurs. Comme le souligne Y. Gastaut (2000), il était très difficile de dissiper les doutes, d’autant que la posture qui consis- tait à désigner, systématiquement, les immigrés et leurs descendants comme les entendre, faire entendre leurs difficultés, mais aussi leurs aspirations » (extrait cité par Martel, 2010, p.

307).

213 Doit-on rappeler que l’un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle de 1995, opposant J.

Chirac à L. Jospin, a été celui de la « fracture sociale », et ce plus de quatorze années après les pre- mières émeutes dont la banlieue lyonnaise fut le théâtre ?

214

Comme symbole de leurs revendications citoyennes, nous pouvons citer la Marche pour l’égalité et contre le racisme, bien plus connue sous le nom – attribué par les médias – de « Marche des Beurs », qui commença le 15 octobre 1983 à Marseille et se termina en fanfare en réunissant près de 100 000 personnes à Paris, place de la République.

186

responsables/coupables des émeutes et violences urbaines était fort confortable215 et politiquement payante216. C’est pourquoi en 1986, lors de la rude campagne pour les élections législatives, le journal L’Equipe, sous la plume de D. Braun, rappelait combien le sport français avait été une « machine à intégrer », en montrant que les différentes vagues d’immigration, en s’installant dans l’Hexagone, avaient activé des réseaux de sociabilités à l’aide du football, entre rencontres interculturelles et retrou- vailles au sein d’un même groupe national (Gastaut, 2006-07). De même que S. Beaud et G. Noiriel (1990), soucieux de rafraîchir la mémoire des Français, s’attachaient à expliquer, preuves à l’appui, que dans le domaine du football, l’immigration a été « une chance pour la France » (p. 84).

Avec le recul nécessaire dans le temps, nous pouvons aujourd’hui dire que les débats de la fin des années 1980, auxquels se sont ajoutés ceux de la décennie 1990, ont installé au cœur de la société française un nouveau système de représen- tations, privilégiant l’« origine ethnique » et la « différence culturelle » des immigrés et de leurs descendants au détriment de leur position sociale. En dépit des contre- feux allumés par certains intellectuels engagés, sur ce sujet à la fois passionnel et passionné, l’unanimisme entre tous les courants politiques était suffisamment rare pour être remarqué. En simplifiant beaucoup, la droite et l’extrême-droite dénon- çaient le « communautarisme », la « menace islamiste » et l’incompatibilité de l’islam avec l’identité française, et la gauche exaltait, de manière symétrique et inverse, les « valeurs républicaines » en vantant les mérites de la « laïcité » et de l’intégration217

(Noiriel, 2007). Bien sûr, le sport, en tant que domaine de compétence de l’Etat et comme pratique sociale et médiatique en constante progression sous la Ve Répu- blique (Mignon, 2004), n’a pas échappé à l’arrivée de ce nouveau système de repré-

215 Presqu’un siècle auparavant, au début des années 1890 et suite à une crise économique sans

précédent, cette posture dénonciatrice et « stigmatisante » avait d’ailleurs déjà permis à une partie de la société française en souffrance de trouver dans les populations juives la cause de maints pro- blèmes (Birnbaum, 1994), l’arrestation et la condamnation du capitaine A. Dreyfus constituant l’exemple archétypique de ce phénomène.

216

Nous en voulons pour preuve la nette progression du Front national entre 1981 et 1997, élections législatives après élections législatives : 0,36% des suffrages exprimés en 1981, 9,65% en 1986, 9,66% en 1988, 12,42% en 1993 et 14,94% en 1997, soit une augmentation record de 4 150%. Source : www.france-politique.fr.

217 A ce propos, l’histoire de la création de l’association SOS Racisme en 1984 par des militants

d’extrême-gauche reconvertis à gauche, suite à la Marche pour l’égalité et contre le racisme, est parti- culièrement révélatrice des stratégies de communication politique élaborées au plus haut niveau de l’Etat par le gouvernement Mitterrand. Pour plus de détails, voir l’excellente thèse de P. Juhem (1998).

187

sentations dans l’espace public. Finalement, l’immigration et son corollaire l’« intégration » avaient acquis une importance centrale dans le vocabulaire politico- médiatique. La fondation en 1989 du Haut Conseil à l’Intégration ne fit que confirmer l’ampleur du phénomène218

. Réunissant une vingtaine de membres provenant de tous horizons (élus, universitaires, responsables associatifs, sportifs, chefs d’entreprise…), ce dernier s’était rapidement prononcé en faveur d’une conception libérale de l’intégration et du « républicanisme », ayant pour ambition de concilier la « tradition républicaine » et la « diversité culturelle » (HCI, 2004). Pour ses respon- sables, il s’agissait alors essentiellement de maintenir la « tradition républicaine », dans sa version laïque et contractualiste, tout en tentant de l’épurer de sa dimension