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En Bade-Wurtemberg, l’espace associatif turc est non seulement beaucoup plus vaste qu’en Alsace, mais aussi plus complexe, car ce sont 330 000 individus qui reproduisent les divisions politiques, idéologiques et religieuses du pays d’origine. On constate que les premières associations furent fondées dès les années 1960 et les dernières au courant des années 2000. Actuellement, certains chercheurs dé- nombrent plus de 300 organisations aux finalités diverses, allant des mosquées, qui, à côté des activités traditionnelles, organisent des tournois de football et des cours d’informatique, aux centres culturels et folkloriques dont les concerts, les soirées litté- raires et de théâtre remportent un réel succès, en passant par les clubs germano- turcs qui tentent de développer le dialogue interreligieux (Pazarkaya, 2005).

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Dans le Land, on observe un fort investissement des populations immigrées dans les clubs de football. Selon le directeur général du SBFV : « il y a beaucoup de

migrants dans le football, et c’est bien connu ! D’une part, nous avons des clubs de football ethniques, d’autre part il y a beaucoup de joueurs issus de l’immigration, des migrants ou des personnes qui sont nées ici, mais possédant une autre nationalité. C’est sûr qu’il y en a beaucoup ; il existe des équipes qui comprennent 9 ou 10 na- tions différentes »33. A cet égard, il convient de noter qu’outre-Rhin, le regroupement

sportif des minorités nationales ou ethniques s’inscrit dans une tradition historique34

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Aujourd’hui, il n’existe pas moins de 400 clubs (sur un total de 2 600) dont le nom fait explicitement ou implicitement référence à un pays d’origine (soit 15,4%). Ces associations regroupent généralement des sportifs et des dirigeants issus de divers courants migratoires : italien, portugais, espagnol, yougoslave35, grec et turc. Pour le directeur général du SBFV, les associations « ethniques » font clairement partie du paysage footballistique allemand. Cela dit, il semblerait que certaines d’entre elles soient plus ou moins bien « intégrées » : « (…) il y a tout d’abord des

associations turques, mais aussi des associations plus anciennes, qui sont complè- tement intégrées maintenant. A l’époque, ça a débuté avec les associations ita- liennes, portugaises. Par le passé, il y a également eu des clubs yougoslaves, qui se sont ensuite divisés en clubs croates, serbes et bosniaques. Je dirais que ce sont les principales nationalités représentées parmi les associations ethniques »36.

A la différence de l’Alsace, ce football « entre-soi » se rencontre surtout au sein des grandes métropoles industrielles du Bassin rhénan, dans lesquelles la main- d’œuvre immigrée a longtemps constitué la principale ressource ouvrière. Rappelons

33 Extrait d’entretien, novembre 2009. 34

Il existait déjà, avant le Troisième Reich, des associations sportives danoises, alsaciennes, juives et polonaises en Allemagne. Dès 1871, l’empire allemand rassemblait une multitude de minorités eth- niques et nationales : des Polonais, Lituaniens, Cachoubes, Mazures, Serbes, Alsaciens, Lorrains, Wallonais et Danois faisaient partie des minorités, en plus des groupes autochtones tels que les juifs allemands et les Roms qui vivaient là depuis la fin du Moyen-âge (Blecking, 2001).

35 A partir de 1992, l’immigration yougoslave est composée de personnes provenant de plusieurs

pays : Bosnie-Herzégovine, Serbie Monténégro, Croatie, Macédoine et Slovénie. En Bade- Wurtemberg, les années 1990 ont été marquées par une arrivée massive de réfugiés militaires et politiques « issus » de l’ex-Yougoslavie. Par exemple, on a pu recenser plus de 27 000 réfugiés croates, plus de 54 000 réfugiés bosniaques et plus de 45 000 demandeurs d’asile kosovars (Meier- Braun & Weber, 2005).

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que dans le Land du Bade-Wurtemberg, les immigrations de travail sont continues au moins depuis la fin du XIXe siècle. Cependant, cette continuité apparaît sous diffé- rentes formes : les travailleurs saisonniers de l’Empire, les immigrés de la Répu- blique fédérale et les travailleurs étrangers ou forcés du national-socialisme (Weber, 2005). Les Italiens, par exemple, sont arrivés en nombre important lors de ces trois grandes étapes chronologiques de l’immigration (Ohliger, 2000-01), et les travaux de certains historiens spécialistes du sport attestent qu’ils se sont massivement enga- gés dans les clubs de football « ethniques » (Blecking, 2008b).

Dans les championnats organisés par les trois ligues de football du Land37, on recense globalement, à ce jour, 150 clubs dont le nom fait explicitement ou implici- tement référence à la Turquie (soit 37,5% de l’effectif total des associations « eth- niques »)38. Patronnés par des migrants turcs et fréquentés majoritairement par des footballeurs d’origine turque, ces clubs existent surtout dans les grandes aggloméra- tions de plus de 100 000 habitants (Stuttgart, Ulm, Mannheim, Karlsruhe, Freiburg, Heidelberg, Heilbronn, Pforzheim et Reutlingen), mais aussi dans quelques zones plus « rurales », comme par exemple à Bräunlingen (Forêt Noire, 6 225 habitants), Möglingen (couronne périphérique de la ville de Stuttgart, 10 500 habitants) ou Müllheim (à proximité de la frontière française, 18 000 habitants). Le tableau ci-après résume la situation dans les neuf principales métropoles du Land.

A titre de comparaison, si l’on étend l’aire d’étude au « pays de Bâle »39

, on observe manifestement le même phénomène, mais avec une implantation de clubs essentiellement urbaine : en effet, les huit clubs « turcs » de la région nord-ouest de la Suisse participant au championnat de football (Nordwestschweiz) sont déclarés à Bâle. En général, quel que soit le courant migratoire considéré (italien, portugais, espagnol, grec, etc.), dans cette partie de la Suisse, les clubs de football faisant réfé-

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Südbadischer Fußballverband, Badischer Fußballverband et Württembergischer Fußballverband.

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Ce recensement a été réalisé en 2007 à partir des sites Internet des trois ligues qui comprennent les noms des clubs et les noms des correspondants pour les ligues : www.sbfv.de, www.badfv.de et

www.wuerttfv.de.

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Celui-ci se subdivise en deux cantons : Bâle-Campagne (517,5 km² ; 263 194 habitants ; 17,8% d’étrangers) et Bâle-Ville (37,1 km² ; 186 871 habitants ; 28,4% d’étrangers). Source : Office fédéral de la statistique, 2004.

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rence à un pays d’origine se retrouvent notamment à Bâle : 28 associations sur 31 (soit 90,3%) y sont ainsi installées40.

Tableau 3 :

Effectifs de clubs « turcs » dans neuf agglomérations du Bade-Wurtemberg.

Nom de la ville Population Nombre d’associations sportives Nombre de clubs de foot- ball41 Nombre de clubs de foot- ball « turcs » Nombre de clubs de football « ethniques » Ratio Stuttgart 600 000 440 80 13 50 26% Mannheim 310 000 310 76 5 9 56% Karlsruhe 286 000 208 51 2 5 40% Pforzheim 120 000 116 17 2 3 67% Heidelberg 145 000 324 73 2 4 50% Freiburg 216 000 164 28 2 6 33% Heilbronn 122 000 71 11 1 6 17% Reutlingen 110 000 102 24 1 5 20% Ulm 122 000 40 9 1 1 100%