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5.2 Obtenir un spectre XANES sur XFEL : un premier défi technologique

5.3.2 Les spectres XANES mesurés

Le regroupement des spectres présenté précédemment a ainsi permis d’obtenir une des- cription du flanc K du fer se trouvant dans cinq conditions de densité, pression et température différentes, quatre très proches de son Hugoniot grâce à la technique du re-choc et une en dé- tente. Cette description est d’autant plus précise que le nombre de spectres cumulés est grand. Les résultats de ces regroupements ainsi que leurs incertitudes sont présentés sur la figure 5.11. A gauche, sont présentés les spectres finaux collectés par le spectromètre à membranes et au centre ceux collectés par le spectromètre à cristal de quartz. Chacun de ces spectres est comparé à son spectre froid partiel associé, c’est-à-dire obtenu par accumulation des spectres du fer placé dans les conditions ambiantes, mesurés lors des mêmes run, juste avant le tir principal incluant le laser de pompe. Ces spectres peuvent être légèrement différents entre eux. En effet, l’épaisseur des cibles utilisées peut tout d’abord légèrement varier et ces dernières peuvent aussi intégrer des défauts. De plus, la source X peut également différer puisqu’elle peut être intégrée sur un nombre inégal de tirs et que son spectre varie entre chaque tir. Ceci nous permet donc de distinguer les effets dus aux inhomogénéité des cibles ou aux modifications du dispositif expérimental des modification induites par la compression laser.

Entre les spectres collectés par les membranes et ceux collectés par le cristal de quartz, la principale différence remarquable est le rapport signal sur bruit. Ce dernier est plus grand

dans le cas des membranes simplement à cause du nombre de photons accumulés plus important pour chacune des conditions hydrodynamiques. Ceci pour trois raisons. La première est que les membranes ont l’avantage de pouvoir fonctionner avec des cibles entières au centre chambre, contrairement au spectromètre à cristal. Or, pendant l’expérience, par mesure de précaution, nous n’avons pas utilisé uniquement des demi-cibles mais aussi des cibles pleines, moins sensibles à l’alignement. Le nombre de tirs accumulables par le spectromètre à membrane est donc plus important et les erreurs statistiques calculées pour chacun des spectres et en fonction de l’énergie X à partir des nombres de photons détectés sont par conséquent réduites. C’est notamment pour cette raison qu’un spectre supplémentaire a pu être mesuré avec le spectromètre à membranes, à 13,5 g/cm3(courbe orange). Deuxièmement, l’utilisation de demi-cibles nécessite également d’intégrer

sur une zone plus petite que pour une cible entière afin d’éviter tout problème de chirp spectral dans la dimension verticale, soit entre la zone haute et la zone basse de la cible (cf figure 5.5), et réduit de la même manière le nombre de photons collectés. Et troisièmement, la taille des pixels des caméras CCD associées aux membranes est plus petite, ce qui permet d’intégrer le signal XFEL sur un nombre plus important de pixels (14 pixels contre 6 pixels). Dans tous les cas, que ce soit pour les membranes ou le cristal de quartz, le spectre XFEL étant centré autour de 7,12 keV, les barres d’erreur deviennent plus importantes au delà de 7,135 keV puisque les spectromètres reçoivent logiquement moins de photons à cette énergie (cf. graphique 5.1).

Rapport signal sur bruit mis à part, les spectres mesurés par ces deux spectromètres sont extrêmement similaires de par leur tendance générale, et même de par leurs détails. Ainsi, à basse température, soit à 2780 K, les spectres (en bleu) présentent tous deux un creux dans leur structure aux alentours de 7,125 keV, au-delà de l’épaulement visible sur les spectres du fer froid en phase bcc (⇠ 7 eV ). Ce creux disparait ensuite à plus haute température, laissant place à un nouvel épaulement, qui lui est situé plus haut et à plus haute énergie (⇠ 3eV ) que l’épaulement du spectre XANES du fer froid. A ces hautes températures, le flanc est moins structuré et son maximum est notamment abaissé dans le cas du fer détendu. De plus, les barres d’erreur, et notamment celles obtenues avec le spectromètre à membrane, nous permettent de se faire une bonne idée de la confiance que l’on peut avoir dans la mesure du déplacement énergétique du flanc K, de l’ordre de l’eV. La résolution spectrale associée à ces spectres est proche de 2eV après lissage des spectres. A la suite de cette expérience, des calculs ab initio tels que décrits dans le chapitre 2 et dans le précédent ont été réalisés par Stéphane Mazevet, Vanina Recoules et Johann Bouchet et ont permis de simuler le fer dans les mêmes conditions que nos conditions expérimentales et d’en déduire le profil du flanc K associé. Ces calculs ont été réalisés en considérant différentes phases possibles du fer pour chaque condition, solide bcc, solide hcp ou liquide. Les résultats de ces calculs sont présentés à droite de la figure 5.11 et sont détaillés dans [127]. Le fer a été simulé en utilisant l’approximation GGA-PBE comme fonctionnelle d’échange et corrélation et en considérant l’ensemble isocinétique. 128 atomes ont été disposés dans la boîte de simulation et des pseudo-potentiels PAW ont été utilisés en incluant dans la valence les orbitales 3s, 3p, 3d

Figure5.11: Spectres XANES du fer obtenus lors de l’expérience pour les cinq différents ensembles de conditions (⇢, T, P ), à la fois par le spectromètre à membrane (à gauche) et par le spectromètre à cristal de quartz (au centre). Chacun de ces spectres est comparé à son spectre froid associé, c’est-à-dire obtenu dans des conditions ambiantes. Ces mesures sont comparées aux calculs ab initio (graphique de droite) réalisés dans les mêmes conditions hydrodynamiques que les conditions expérimentales, et ce pour différentes phases du matériau (solide bcc, solide hcp et liquide).

et 4s avec un rayon de coupure de 2,1 ou de 1,7 Bohr aux plus hautes pressions afin d’éviter la superposition des sphères gelées. Notons que, lors du calcul des spectres XANES, ces simulations ne permettent de prendre en compte uniquement que les transitions dipolaires et ne décrivent par conséquent qu’indirectement la contribution des états 3d. Cette approximation pourrait être à l’origine de la hauteur d’épaulement à 7,12 keV entre les spectres expérimentaux et calculés, déjà dans le cas du fer solide bcc placé dans les conditions ambiantes. Pour améliorer la description du flanc, il pourrait être alors intéressant d’inclure dans le calcul des spectres XANES les termes quadripolaires, comme cela est pratiqué dans le code de diffusion multiple ab initio FEFF [165].

De manière générale, et ce malgré cette différence d’intensité, les caractéristiques du flanc K du fer sont globalement en bon accord avec nos résultats expérimentaux. On retrouve tout d’abord les trois maxima du spectre du fer soumis aux conditions ambiantes à environ 7,12, 7,13 et 7,135 keV (indiqués par une flèche noire), ainsi que les pentes et inflexions correspondantes. En plus de cela, et c’est la chose essentielle ici, on reconnait le creux dans le spectre de la phase hcp de fer

à 140 GPa, malgré une légère différence d’énergie (⇠ 2 eV ). Aux plus hautes températures, là où l’on suppose le fer liquide, les calculs prédisent également la disparition de ce creux et l’apparition d’un nouvel épaulement qui est situé à plus haute intensité et à plus haute énergie(⇠ 3 eV ) que l’épaulement du spectres XANES du fer froid. Le flanc est aussi moins structuré et son maximum est bien abaissé dans le cas du fer détendu, nécessairement liquide. Il a en effet déjà été démontré expérimentalement que si le fer choqué atteint l’état liquide, ce dernier se détend alors dans ce même état liquide et ne retraverse pas la courbe de fusion [139, 76].

Pour appréhender nos résultats expérimentaux, il est également très important de noter l’importance qu’a la phase sous laquelle se trouve le fer sur la forme générale de son flanc K. En effet, la description du flanc est très différente selon que le fer se trouve dans une phase solide bcc ou hcp (en pointillé) ou dans une phase liquide (en trait plein). Dans le premier cas, le creux situé à 7,125 keV subsiste même à plus haute température alors qu’il disparait dans la phase liquide, déjà à 5800 K. La phase a même beaucoup plus d’influence que les conditions de température et de pression : les spectres XANES calculés du fer sous phase solide semblent très similaires entre eux à 260, 380 et 430 GPa, tout comme ceux calculés pour la phase liquide. Cette constatation permet notamment de justifier l’approximation linéaire utilisée précédemment lors du regroupement des spectres obtenus lors des différents run ainsi que le calcul des barres d’erreurs.

Intéressons nous désormais aux enseignements directs que l’on peut tirer de toutes ces constatations. Regardons tout d’abord en quoi ces dernières peuvent nous aider à contraindre davantage la courbe de fusion du fer pur à très haute pression. Puis comment elles peuvent permettre de discriminer entre différents modèles de calculs.