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Les calculs de dynamique moléculaire ab initio, basés sur la théorie de la DFT et réali- sés dans des conditions thermodynamiques relevant de la WDM similaires à celles atteintes dans les différentes expériences, ont donc permis de comprendre et d’interpréter les résultats obtenus par ces dernières. L’association des résultats expérimentaux avec la modélisation ab initio a no- tamment pu mettre en lumière les processus de métallisation de la silice en température et les changements de structure du liquide en densité. En cela, elle a permis d’améliorer grandement les connaissances que l’on avait du bonded liquid décrit par Hicks et al. [83] et par conséquent du diagramme de phase de la silice liquide. De plus, elle a également permis d’appréhender les limites de la modélisation mise en œuvre, comme d’estimer l’effet du choix du modèle et de la fonctionnelle utilisés sur les spectres d’absorption, ou d’évaluer l’effet des limites de la DFT sur les propriétés de transport du SiO2 dans le domaine de la WDM [46].

La spectroscopie XANES, diagnostic déjà pertinent pour sonder l’aluminium dans le do- maine de la WDM [58, 25, 129, 164], s’est donc avérée également très intéressante pour étudier à la fois la structure ionique et électronique du SiO2 dans ce même domaine de pressions et de

températures. De la même manière, et sur le même type d’installation laser, elle pourrait être désormais utilisée pour étudier les propriétés ioniques et électroniques de l’oxyde de magnésium MgO, ainsi que celles des silicates plus complexes, tels que les polymorphes de haute pression de l’enstatite. La spectroscopie XANES pourrait par exemple permettre l’étude à la fois de la fusion et de la dissociation du MgSiO3-perovskite et du MgSiO3-post-perovskite.

Dans la prochaine partie, nous nous sommes intéressés à sonder le fer dans la WDM, à l’aide également de ce diagnostic de spectroscopie X (chapitre 5), ainsi que par diffraction X (chapitre 6). Nous verrons notamment que la spectroscopie XANES peut également être un bon diagnostic pour étudier des transitions de phase et qu’elle nous a permis de contraindre davantage la courbe de fusion du fer aux très hautes pressions.

Le Fer, composant principal du noyau

terrestre

Chapitre

5

Etude du Fer par spectroscopie XANES

Alors une invincible épouvante s’empara de mon cerveau et ne le quitta plus. J’avais le sentiment d’une catastrophe prochaine, et telle que la plus audacieuse imagination n’aurait pu la concevoir. Une idée, d’abord vague, incertaine, se changeait en certitude dans mon esprit. Je la repoussai, mais elle revint avec obstination. Je n’osais la formuler. Cependant, quelques observations involontaires déterminèrent ma conviction. A la lueur douteuse de la torche, je remarquai des mouvements désordonnés dans les couches granitiques ; un phénomène allait évidemment se produire, dans lequel l’électricité jouait un rôle ; puis cette chaleur excessive, cette eau bouillante !. . . Je voulus observer la boussole. Elle était affolée !

Voyage au centre de la Terre, Jules Verne

Sommaire

5.1 XANES du fer : une information complémentaire importante . . . 152 5.2 Obtenir un spectre XANES sur XFEL : un premier défi technologique . . . 153 5.2.1 Source de rayons X durs large bande : un défi intéressant . . . 153 5.2.2 Dispositif expérimental . . . 156 5.2.3 Géométrie des cibles . . . 158 5.2.4 Les spectromètres X : principe et extraction des spectres . . . 160 5.3 Les premiers spectres XANES du fer dans ces conditions . . . 165

5.3.1 Les conditions hydrodynamiques sondées . . . 165 5.3.2 Les spectres XANES mesurés . . . 169 5.4 Analyse et interprétation des spectres . . . 172

5.4.1 Analyse de la forme du K-edge : contrainte de la courbe de fusion . . . 172 5.4.2 Analyse de la position du flanc K : discrimination des modèles . . . 176 5.5 Conclusion et perspectives . . . 177

5.1 XANES du fer : une information complémentaire importante

Tout comme pour le SiO2, l’étude de l’évolution du flanc K d’un matériau tel que le

fer dans la WDM représente un challenge particulièrement intéressant. Bien qu’il ne soit pas évident que le XANES est un diagnostic pertinent pour détecter les changements de phase de tous matériaux, l’effet de la fusion de l’aluminium n’ayant par exemple aucun effet significatif sur son flanc K, cette étude expérimentale jamais réalisée à très haute pression sur une installation XFEL pourrait en effet nous fournir, d’après des calculs ab initio que nous détaillerons après, des informations sur sa structure atomique, comme sa phase (solide bcc, solide hcp, liquide, etc...). Ceci permettrait notamment de compléter, modifier et/ou confirmer le diagramme de phase présenté en introduction, dont la courbe de fusion a été étudiée en statique jusqu’à 150 GPa et dont les mesures dynamiques ont longtemps porté à controverse (se reporter à la figure 0.6).

En effet, alors que de récents calculs ab initio semblent affiner l’estimation de la tempéra- ture de fusion à la frontière ICB (pour Inner Core Boundary) entre la graine solide et le noyau liquide de la Terre dans un intervalle de 500 K [3, 31], la température de fusion expérimentale à haute pression du fer pur, et notamment à 330 GPa, reste cependant incertaine depuis des décennies de mesures dynamiques difficiles, critiquées et en désaccord avec les mesures statiques [47, 118, 29]. Les derniers travaux de Anzellini et al. [9] ont permis une avancée importante dans ce domaine en réconciliant les mesures statiques et dynamiques en couplant la compression par DAC avec la diffraction X. Ces études ont notamment permis de mesurer sans ambiguité la courbe de fusion du fer pur jusqu’à 150 GPa en pointant du doigt certaines origines de la controverse, provenant des mesures statiques, comme la contamination chimique [47], la difficulté des mesures pyrométriques [203] ou la recristallisation rapide [29]. Et une autre expérience réalisée également par compression DAC a permis de démontrer l’existence de phases solides hcp jusqu’à 370 GPa et 5500 K et par conséquent de contraindre davantage la courbe de fusion à de telles pressions, sans pour autant l’atteindre [184]. Cependant, ces expériences ne répondent pas aux critiques qui ont été formulées concernant l’exactitude des mesures dynamiques. Des doutes subsistent notam- ment sur la validité des mesures de températures sujettes au problème de surchauffage lors de la compression dynamique [47, 118] ou sur l’existence de nouvelles phases de transition avant la fusion [29]. Et de manière générale, les difficultés à diagnostiquer sans ambiguité la transition solide-liquide dans des laps de temps suffisamment courts afin d’inclure les processus dynamiques, c’est-à-dire au minimum sub-nanoseconde, constituent un réel problème qui alimente la contro- verse. En effet, toutes les mesures déjà réalisées en dynamique ont été déduites indirectement de mesures optiques au niveau du front de choc [2, 206, 87, 37, 145] et il devient nécessaire d’obtenir une confirmation structurelle, qui plus est résolue temporellement. C’est en cela que le couplage d’un diagnostic X rapide, tel que le XANES, avec une technique de compression dynamique prend alors tout son sens. Avantage certain par rapport à la diffraction X et comme nous le verrons dans le chapitre 6, la spectroscopie d’absorption X nécessite en outre un nombre moins important

de photons X et l’utilisation de cibles plus fines et par conséquent plus simples à comprimer de manière homogène.

L’étude du flanc K du fer ne s’arrête cependant pas à la détection de sa phase. Elle permettrait également de collecter, en plus d’informations cristallographiques, des informations sur sa structure électronique, comme sur l’évolution des énergies de son orbitale 1s et de son énergie de Fermi. Ces informations encore jamais obtenues dans de telles conditions extrêmes pourraient apporter des contraintes additionnelles aux calculs de DFT et ainsi augmenter la confiance dans les propriétés de transport calculées pour les modèles planétologiques, comme la conductivité thermique ou encore les propriétés magnétiques, où aucune donnée expérimentale n’est encore disponible. De plus, comme nous le verrons, ces calculs entrent en contradiction sur certains points avec des calculs d’atomes moyens et l’expérience devrait nous offrir la possibilité de discriminer entre les différents modèles.

5.2 Obtenir un spectre XANES sur XFEL : un premier défi