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Propagation d’un choc à l’interface entre deux milieux

1.1 Générer la WDM en laboratoire, le défi des hautes pressions

1.1.3 Une onde de choc permet de produire de la WDM

1.1.3.3 Propagation d’un choc à l’interface entre deux milieux

Nous venons de regarder la propagation d’une onde de choc dans un milieu donné. Mais que se passe-t-il lorsque ce milieu n’est pas constitué d’un seul et même matériau mais de plusieurs épaisseurs de différents matériaux ? Comme ce sera le cas pour la majorité des cibles utilisées dans

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Figure 1.7: Une transformation par choc dépend des conditions initiales et diffère de l’isen- trope. Une transformation isentropique peut être décomposée en différentes transformations isen- tropiques : il est équivalent de passer de l’état A à l’état E que de passer de l’état A à l’état D puis de l’état D à l’état E. Ce n’est pas le cas d’un choc : comprimer avec un choc fort ou une succession de petits chocs est différent. Cette dernière solution permet de s’approcher d’une transformation isentropique pour laquelle la compression est maximale.

nos expériences. Ou plus simplement, que se passe-t-il à l’interface entre deux milieux aux densités différentes, que l’on nommera (A) et (B) ?

L’interface entre ces deux milieux est une surface d’équilibre. Ce qui implique que de part et d’autre de cette surface, les vitesses fluides Up et et les pressions P doivent être identiques.

En revanche, ce n’est pas nécessairement le cas des autres variables thermodynamiques comme la densité et la température, qui ne sont définies que par l’équation d’état. En effet, pour une pression donnée dans le matériau (A), sa densité est fixée par son équation d’état indépendamment de celle du matériau (B). Tout comme leurs densités initiales, leurs densités et compressions finales peuvent donc être très différentes.

Pour nous aider à appréhender ce qui se produit lorsque le choc traverse cette interface, il devient alors nécessaire de s’intéresser à la relation liant la pression et la vitesse fluide dans chaque matériau. Si l’équation d’état est connue, alors ces deux paramètres peuvent être reliés. Tout comme on avait défini l’Hugoniot précédemment, on peut alors ici définir une nouvelle courbe décrivant les états finaux accessibles lors d’une compression dans le plan (P,Up) : la polaire de

(1.8) et s’exprime, d’après l’équation 1.16, par : Z = ⇢0Us (1.21)  

Figure 1.8: Polaire de choc. La pente de la droite OM est l’impédance de choc.

Lorsqu’un choc traverse une interface entre deux milieux (A) et (B), deux cas sont alors à considérer selon le rapport de leurs impédances : soit ce choc est transmis dans le matériau (B) avec une plus forte pression et il est réfléchi dans le matériau (A) à cette même pression, ce qui permet de recomprimer ce dernier ; soit, à l’inverse, le choc est transmis dans le matériau (B) avec une plus faible pression et une onde de détente se propage alors dans le matériau (A).

Commençons par considérer le premier cas où le choc voit son impédance augmenter au passage de l’interface : ZB>ZA. Le choc qui se propage initialement dans le milieu (A) amène

la matière à l’état représenté sur la figure 1.10 par le point A0. L’état du choc transmis est

représenté par un point B0 de la polaire de choc du milieu (B). Par continuité de la pression et de

la vitesse fluide à l’interface, il est nécessaire que B0 appartienne également à la polaire du choc

réfléchie dans le milieu (A). Cette polaire de choc (H’AC) est la symétrique, en raison du sens de

propagation du choc réfléchi, de la polaire dite chaude (HAC) d’état initial A0, le choc réfléchi se

propageant alors dans le milieu perturbé par le passage du choc incident. Or, comme la polaire de choc du milieu (B) se trouve au dessus de celle du milieu (A), la pression induite par le choc transmis sera alors plus importante que celle induite par le choc incident. Et ce d’autant plus que les impédances et par conséquent les densités des deux milieux seront différentes.

Nous verrons dans les deux prochaines parties que c’est grâce à cette technique que nous avons pu comprimer, à la fois la silice et le fer, au delà de leur Hugoniot respectif. Nous avons notamment configuré des échantillons de manière à ce que le SiO2 (⇢ = 2, 20g/cm3) et le fer

(⇢ = 7, 87g/cm3) soient entourés d’un matériau plus dense, respectivement de diamant (⇢ =

3, 52g/cm3) et de cuivre (⇢ = 8, 96g/cm3).

Considérons à présent le second cas où le choc voit son impédance diminuer au passage de l’interface : ZA>ZB. De la même manière que précédemment, l’état créé par le choc incident

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Figure1.9: Profil de pression après passage du choc d’un matériau d’impédance de choc ZA vers

un matériau d’impédance ZB plus élevée et représentation dans le plan (P,Up).

A0 et celui créé par le choc transmis B0 se situent sur les polaires de choc respectives des milieux

(A) et (B). Et par continuité, le point B0 doit également se trouver sur l’isentrope de détente du

milieu (A) comme représenté sur la figure 1.10. La pression de (A) en détente partielle dans (B) est alors donnée par l’intersection de l’isentrope issue de la polaire (HA) avec la polaire (HB) du

milieu (B).

Nous verrons également dans la partie 2 que ce phénomène nous a permis de sonder d’autres régions du diagramme de phase du SiO2, moins denses et plus chaudes que celles atteintes par

une simple compression. Ces régions ont pu être explorées en plaçant à l’arrière de la silice un matériau d’impédance plus faible, à savoir du plastique (⇢ = 1, 05g/cm3).

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Figure1.10: Profil de pression après passage du choc d’un matériau d’impédance de choc ZA vers

un matériau d’impédance ZB plus faible et représentation dans le plan (P,Up).

L’exploitation de la propagation d’un choc à une interface a notamment donné lieu à une technique capable de mesurer l’équation d’état d’un matériau, appelée méthode de la désadaptation d’impédance, en permettant la mesure simultanée de la vitesse du choc dans deux matériaux

différents, dont un dont on connait l’équation d’état. En effet, nous avons vu plus haut que si l’équation d’état d’un matériau est connue, il est possible d’exprimer chacune des grandeurs (P, ⇢, E, Us, Up) en fonction d’une seule d’entre elles ou d’établir des relations deux à deux. En revanche,

si elle n’est pas connue, il faut alors déterminer deux des cinq grandeurs afin de connaître toutes les autres. Cette méthode nécessite l’utilisation d’un matériau de référence (A) dont l’équation d’état est bien connue sur l’ensemble du domaine de densité et de pression étudié, que l’on juxtapose au matériau d’intérêt (B). Pour l’appliquer, il suffit de faire passer un choc à travers les deux matériaux et de mesurer ses vitesses Usaet Usb à l’aide de diagnostics visibles que l’on détaillera

ci-après. La mesure des vitesses fixe l’impédance de choc dans le domaine (P, Us) de chacun des

matériaux comme nous l’avons vu précédemment. Or, la polaire de choc de (A) étant connue, l’intersection avec son impédance de choc détermine alors un point d’équation de (A) d’où part, soit le symétrique de la polaire chaude (si ZB>ZA), soit l’isentrope si (ZA>ZB). L’intersection de

ces dernières avec l’impédance de choc de (B) permet alors d’obtenir un point de l’équation d’état du matériau (B). Historiquement, cette technique a été utilisée pour démontrer pour la première fois la faisabilité d’une mesure d’équation d’état par choc laser [99]. Elle a ensuite permis d’établir de nombreuses équations d’état, comme celles de l’hydrogène et du deutérium [116]. Cependant, elle dépend bien évidemment de la connaissance du matériau de référence. Il s’avère notamment que certaines mesures ont dû être corrigées a posteriori du fait de la méconnaissance de son équation d’état, comme ce fut par exemple le cas du quartz [96]. Ce qui fournit une raison de plus d’étudier en détail ce matériau.

Ainsi, dans le passé, de nombreuses mesures fiables d’équations d’état ont été effectuées avec des barres d’erreur qui empêchent une discrimination entre les différents modèles et ame- nènent certaines controverses, comme ce fut le cas pour le deutérium [96]. Dans ce travail de thèse, on supposera les équations d’état des matériaux utilisés dans les expériences connues afin de déterminer les conditions hydrodynamiques de la matière sondée et nous nous intéresserons davantage à leur propriétés microscopiques. Bien entendu, il faudra garder à l’esprit que ces équa- tions d’état ne sont en aucun cas dénuées d’imprécisions voire d’erreurs et qu’elles font l’objet, en parallèle, de perpétuels affinages et corrections. Nous choisirons donc la meilleure équation d’état connue à l’heure actuelle, en la comparant par exemple à nos calculs comme nous le verrons dans la partie 2. Nous étudierons, affinerons et contraindrons enfin certains paramètres microscopiques avec des diagnostics indépendants tels que la spectroscopie d’absorption X ou la diffraction X et améliorerons alors la connaissance de certaines propriétés de ces matériaux.