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1.1 Générer la WDM en laboratoire, le défi des hautes pressions

1.1.2 Créer une onde de choc avec un laser

Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, une onde électromagnétique incidente sur un solide pénètre à l’intérieur de celui-ci sur une certaine épaisseur, appelée épaisseur de peau. A l’intérieur de cette zone, les électrons, accélérés par le champ électrique de cette onde, oscillent, entrent en collision avec les ions et par conséquent, chauffent le solide. La surface de ce solide se transforme alors en liquide, puis en gaz, puis, si l’onde laser est suffisamment intense (I > 1012W/cm2), en plasma fortement voire complètement ionisé. On parlera alors de régime à

haut flux. L’onde laser peut alors remonter le plasma qu’elle a créé, de densité électronique ne

croissante, et ce jusqu’à ce que sa relation de dispersion soit satisfaite :

c2k2 = !2 !p2 (1.1)

où c est la vitesse de la lumière et !p la fréquence plasma, définie par :

!p =

s nee2

En d’autres termes, cela signifie que l’énergie laser peut être absorbée uniquement jusqu’à une certaine densité électronique, appelée densité critique ncet satisfaisant l’égalité ! = !p, avant

d’être totalement réfléchie :

nc = me"0 e2 ! 2= 1, 1.1021 2[µm] cm 3 (1.3)

Dans toutes nos expériences, nous avons principalement utilisé un laser Nd :YAG doublé en fréquence, soit à 0,527µm, ce qui correspond à une densité critique de 4.1021électrons/cm3. La

densité critique permet notamment de faire apparaître deux zones, comme présenté sur la figure 1.4. La couronne tout d’abord, ou zone d’interaction, dans laquelle le rayonnement laser peut se propager et déposer son énergie par des mécanismes d’absorption et d’interaction décrits ci-après. La zone de conduction ensuite, où l’énergie est transportée vers le solide par conduction thermique et/ou par rayonnement X et X-UV.

Figure1.4: Profils de la densité et de la température d’une cible irradiée par une impulsion laser intense

1.1.2.1 L’absorption de l’énergie laser dans la zone d’interaction

Pour transférer l’énergie de l’onde électromagnétique laser à la matière dans la couronne, deux processus peuvent entrer en jeu : l’absorption collisionnelle et l’absorption résonnante.

En présence du champ électrique de l’onde laser, les électrons oscillent, entrent en collision avec les ions et absorbent alors un photon. Il y a donc diffusion aléatoire des électrons, diffusion à laquelle correspond un amortissement. Ce mécanisme d’absorption, qui permet de convertir l’éner- gie cohérente d’oscillation des électrons en une énergie thermique aléatoire, est appelée absorption collisionnelle, ou Bremsstralhung inverse. Si l’on décrit le coefficient d’absorption de l’intensité laser ↵ de ce mécanisme par :

dIlaser

dx = ↵Ilaser (1.4)

On peut montrer, en utilisant la relation de dispersion de propagation d’une onde électromagné- tique dans un plasma et en supposant à juste titre dans notre cas la fréquence de collision électron - ion négligeable par rapport à la pulsation laser, que ce coefficient s’écrit alors [170] :

↵[cm 1] = 8, 7.10 38Z ⇤ln⇤n2 e[cm 3] 2[µm] Te3/2[eV ] p (1 ne/nc) (1.5) où Z*est le degré moyen de ionisation et ln ⇤ le logarithme coulombien donné par :

ln⇤ = ln D

b0 (1.6)

avec D la longueur de Debye et b0 le paramètre d’impact pour un angle de déflexion de 90°.

On constate donc que l’absorption diminue lorsque la température augmente et qu’elle sera maximale à des densités élevées, proches de la densité critique. Il est également important de noter que le gradient joue alors un rôle important dans ce processus, et que l’absorption sera d’autant moins efficace que le gradient sera raide.

• L’absorption résonnante

A l’inverse de ce premier mécanisme où l’énergie laser est transmise à l’ensemble de la population électronique, il en existe un autre type qui est capable de transmettre de l’énergie à seulement une certaine partie de cette population : le mécanisme d’absorption résonnante. Ce mécanisme peut en effet se produire lorsqu’une composante du champ électrique incident arrive à exciter de façon résonnante une perturbation de type plasma électronique au voisinage de la densité critique. Pour cela, il est nécessaire que l’onde laser arrive en incidence oblique sur la cible et qu’elle soit polarisée dans le plan d’incidence. Le champ électrique associé à ces ondes peut alors être très élevé et accélérer des électrons à forte énergie, créant ainsi une population d’électrons rapides relativement découplés du plasma thermique. Ce mécanisme peut être très perturbant car les électrons chauds qu’il génère sont alors capables de pénétrer en profondeur dans l’échantillon et de le préchauffer avant même le passage du choc, empêchant l’obtention des conditions hydro- dynamiques désirées ainsi que leurs caractérisations précises. Mais fort heureusement, des études à la fois théoriques et expérimentales ont montré que l’absorption résonnante était négligeable devant l’absorption collisionnelle si la condition suivante était respectée [65] :

Ilaser[W/cm2]

1014

2[µm] (1.7)

Ce qui est le cas dans nos expériences, puisque, comme nous le verrons par la suite, les intensités utilisées pour comprimer la matière seront bien inférieures à 3,6.1014W/cm2. D’autant que la ma-

jorité de nos expériences ont été réalisées avec un faisceau nanoseconde arrivant de manière quasi normal à la surface des cibles. On pourra donc logiquement négliger cet effet lors de l’interaction du faisceau nanoseconde avec la cible. Cependant, nous utiliserons également dans toutes nos expériences l’interaction d’un faisceau laser picoseconde avec des cibles secondaires afin de créer une source X et cet effet aura alors dans ces cas précis son importance.

1.1.2.2 Le transport de l’énergie dans la zone de conduction

L’énergie absorbée dans la zone sous-dense avant la densité critique est ensuite transportée vers les zones denses et froides, par conduction thermique électronique (essentiellement pour les matériaux légers, Z<10), les électrons rapides et le rayonnement dans les domaines UV et X (es- sentiellement pour les matériaux lourds, Z 10). Dans nos expériences, afin de limiter la quantité de rayonnement X produit lors de l’interaction laser avec la cible, nous avons choisi d’utiliser des ablateurs légers, comme du plastique. Dans ce cas, selon la théorie de Spitzer-Härm [178], le flux de chaleur peut s’écrire de la manière suivante :

QSH = k0T05/2

dTe

dx (1.8)

avec k0 est la conductivité thermique électronique.

En réalité, cette formule n’est applicable que lorsque la longueur de gradient de la tempé- rature est supérieure au libre parcours moyen des électrons. Ce qui signifie que, si les gradients sont trop raides dans la zone de conduction, l’équation 1.8 n’est plus valable, ce qu’ont montré les expériences réalisées par Gray et Kilkenny [71]. On peut alors utiliser les expressions heuristiques suivantes :

Q = ✏min(|QSH| , f, Ne, kTe) (1.9)

Q 1= (QSH) 1+ (✏f NekTe) 1 (1.10)

avec f le facteur de flux limite, inférieur à 1, et ✏ le signe de dTe/dx.

Une formule plus raffinée a été proposée par Luciani et al. [117]. Dans les simulations hydrodynamiques réalisées, nous avons utilisé l’expression 1.10 avec f = 0,06, ce qui est équivalent à utiliser la formule de Luciani et al..

1.1.2.3 L’expansion et la création du choc

Lorsque la matière est chauffée, elle se détend rapidement et exerce, par effet fusée, une pression très importante dans le solide, ce qui entraine l’apparition puis la propagation d’une onde de choc vers l’intérieur de la cible si vchoc> vablation, on parle alors de mode subsonique. Dans le

cas contraire, on parle de mode supersonique et le matériau est ablaté avant d’être comprimé. Ce processus de formation du choc est donc une conséquence directe de l’ablation du plasma et de son expansion dans le vide. Des études ont montré, à l’aide d’un modèle hydrodynamique à un fluide, que la pression d’ablation alors générée dans le solide pouvait s’écrire en fonction de l’intensité laser I, de sa longueur d’onde , de sa durée d’impulsion ⌧, ainsi que du numéro atomique Z et du degré moyen d’ionisation Z* du matériau ablaté, de la manière suivante [136] :

Pa[Mbar]w 11, 6.I3/4[1014W/cm2] 1/4[µm] ✓ A 2Z ◆7/16✓ Z⇤⌧ [ns] 3, 5 ◆ 1/8 (1.11) Cette loi d’échelle n’étant uniquement valable que si l’absorption collisionnelle est très importante et si l’intensité laser ne dépasse pas une valeur critique, notée Ic, donnée par l’expression :

Ic[W/cm2]w 2.1013 5[µm] ✓ Z⇤ 3, 5 ◆3/2✓ A 2Z ◆5/4 ⌧3/2[ns] (1.12)

Appliquée à notre cas, ayant utilisé dans nos expériences une durée d’impulsion minimale de 0,5 ns et en considérant Z*=3,5 pour le plastique utilisé en ablateur, l’équation 1.12 nous indique une intensité seuil minimale :

Ic,exp w 1, 5.1014W/cm2 (1.13)

Dans toutes les expériences réalisées sur les lasers LULI2000, TITAN, GEKKO XII et MEC, ce seuil ne sera pas dépassé, les intensités typiques obtenues au cours de ces expériences variant entre 3.1012 et 7.1013 W/cm2. Il faut d’ailleurs noter que les expériences réalisées sur les

deux derniers lasers cités ont nécessité des durées d’impulsion plus longues, de l’ordre de 3ns, entrainant par conséquent une élévation importante de l’intensité critique. La formule 1.11nous permet donc d’encadrer la pression d’ablation obtenue dans ces différentes expériences entre 1 et 10 Mbar.

Le laser fournit donc à l’échantillon une quantité importante d’énergie par absorption collisionnelle, qui le chauffe et permet à un plasma de s’étendre rapidement en face-avant dans le vide. En réponse à ce processus d’ablation, une onde de choc est générée et se propage alors à l’intérieur de la cible. Intéressons-nous désormais à cette onde de choc, à sa propagation ainsi qu’aux conditions hydrodynamiques qu’elle peut induire dans l’échantillon.

1.1.3 Une onde de choc permet de produire de la WDM