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Quelles sont les caractéristiques d’un spectre d’absorption X ?

1.2 Sonder la WDM en laboratoire, le défi des rayons X

1.2.3 La spectroscopie d’absorption X

1.2.3.1 Quelles sont les caractéristiques d’un spectre d’absorption X ?

Intéressons nous désormais à la spectroscopie d’absorption X, diagnostic que nous avons mis en place à la fois pour l’étude du SiO2 et du fer. Historiquement, c’est en 1913 que Maurice de

Broglie, en étudiant l’absorption de certains matériaux, constata des sauts de celle-ci en faisant varier l’énergie d’un faisceau de rayons X, sauts qu’il attribua à des transitions d’électrons de cœur vers des couches libres ou le continuum [36]. Et c’est en 1920, grâce à des expériences plus précises, que Fricke [63] et Hertz [82] montrèrent qu’à ces sauts se superposaient des oscillations qui furent attribuées par Kronig en 1931 à la diffusion du photo-électron par l’environnement atomique [105]. Ce sont ces sauts, associés aux oscillations appelées XAFS (X-Ray Absorption Fine Structure), qui nous intéresseront tout particulièrement car ils vont nous permettre, comme nous allons le voir, d’aller sonder la structure locale de la matière, à la fois ionique et électronique, sans que celle-ci soit nécessairement de nature cristalline.

Le principe de la mesure d’un spectre d’absorption X est très simple : il s’agit de soumettre le matériau d’étude à un rayonnement X dont le spectre est bien connu et suffisamment large en énergie et de récupérer le signal transmis à l’aide par exemple d’un spectromètre X. Le rapport du spectre mesuré en sortie sur le spectre incident nous donne alors un spectre d’absorption X de ce matériau, comme nous le verrons dans le chapitre 3. Son interprétation est en revanche souvent beaucoup plus compliquée et dépend fortement de l’état de la matière sondée. En effet, l’absorption d’un photon X d’énergie E = h⌫ a pour effet d’exciter un électron situé sur un niveau initial interne d’énergie Ei vers un état final d’énergie Ef. Si l’état électronique initial est connu,

alors l’absorption de ce photon nous donne une information sur l’état électronique final. Et celui- ci peut être de différentes natures selon que l’on sonde un solide, un plasma chaud ou encore la

WDM, comme l’illustre la figure 1.22. Il peut s’agir d’un état lié, d’un état du continuum, d’un état complexe influencé par les atomes voisins voire par la structure plus globale de la matière.

Figure 1.22: Spectroscopie d’absorption X pour différents états de la matière allant du solide au plasma chaud

De manière générale, l’absorption d’un matériau dans son ensemble diminue avec l’énergie E des photons X incidents (voir figure 1.23), et le coefficient d’absorption µ tel que défini par la loi de Beer-Lambert I = I0e µz, avec I0 l’intensité du rayonnement X incident et z l’épaisseur de

matière traversée, peut être estimé par la loi suivante [132] : µ ⇢Z

4

AE3 (1.33)

avec ⇢ la densité de l’échantillon, Z son numéro atomique et A sa masse atomique.

De plus, comme l’a observé Maurice de Broglie, un spectre d’absorption présente des struc- tures raides à certaines énergies, appelées flancs d’absorption, qui correspondent à l’éjection d’un électron d’une couche atomique interne vers le continuum. Cet effet est nommé effet photoélec- trique et suivant l’orbitale qu’occupait l’électron, on parlera de seuil K (pour le nombre quantique n=1), L (n=2), ... . Notons d’ores et déjà que ces énergies sont spécifiques à une espèce atomique donnée et qu’il sera alors possible de mesurer spécifiquement, dans le cas du SiO2 par exemple,

le flanc d’un atome de silicium ou d’oxygène et par conséquent, comme nous le verrons, son environnement.

En plus de ces flancs, apparaissent d’autres structures spécifiques aux différentes natures des états sondés.

Pour un plasma chaud et peu dense, de nombreuses raies d’absorption sont présentes, correspondant aux processus de transition entre deux états liés et témoignant de l’état d’ionisation

Figure1.23: Spectres d’absorption X du fer chauffé à 100eV calculés avec le code d’opacité FLY- CHK pour différentes densités : sur une large plage spectrale, le plasma dense est principalement caractérisé par les flancs d’absorption ; en revanche, le spectre d’un plasma peu dense contient un grand nombre de raies.

et par conséquent de la température du plasma, comme l’illustre la figure 1.23. Les caractéristiques de ces raies, notamment leurs intensités, leurs rapports ainsi que leurs largeurs, s’avèrent très intéressantes pour l’étude de ces plasmas et peuvent fournir des informations sur leur température, leur densité et leur état d’ionisation [157, 42]. Ceci permettant en autre de valider des codes d’opacité, extrêmement importants pour la physique de la FCI et l’astrophysique.

En revanche, dans le cas d’un solide, le spectre d’absorption ne présente pas de raie car ses orbitales de valence ne sont plus des niveaux discrets mais constituent une structure de bandes puisque les électrons libres sont dégénérés du fait de la forte densité et délocalisés. Les flancs correspondent alors à des transitions entre des niveaux atomiques profonds vers des bandes vides ou partiellement occupées. Il en va de même pour un plasma suffisamment dense pour que les corrélations ions-ions restent élevées, comme on peut le retrouver dans la WDM : son continuum ne correspond pas à un ensemble d’états libres mais conserve une structure de bandes dépendant du matériau, de la densité et de la température, sans toutefois conserver de symétrie associée à la structure cristalline.

Dans ces derniers cas, les bandes de valence sont donc sensibles à l’environnement local et cette sensibilité se traduit par une structure caractéristique oscillante après le flanc qu’ont mis en évidence les expériences de Fricke et Hertz et qu’il est alors très intéressant d’étudier.