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Des spectres sensibles aux conditions hydrodynamiques

3.4 Les spectres XANES associés aux conditions (⇢, T ) sondées

3.4.3 Des spectres sensibles aux conditions hydrodynamiques

Après avoir vérifié la pertinence des mesures effectuées, intéressons-nous à l’influence que peuvent avoir les différents paramètres thermodynamiques sur les spectres XANES expérimentaux, en commençant par exemple par la densité. La figure 3.18 illustre bien l’influence de ce paramètre le long de deux isothermes, à savoir environ 1 eV (à gauche) et 3 eV (à droite). Sur ces deux isothermes, les spectres diffèrent largement lors du changement de densité du SiO2et une tendance

nette est observée. Avec l’augmentation de la densité, le maximum de ces spectres se déplace vers les hautes énergie (phénomène dit de blue shift, illustré par la flèche bleue), tout comme la pente, qui de plus s’affaisse. Notons un détail important : le basculement de cette pente se fait à partir de son pied, qui semble relativement stable. Des structures situées sur ces spectres à plus haute énergie, au-delà d’une dizaine d’eV à la droite du flanc, semblent également plus prononcées (flèche rouge).

Le comportement à haute densité de ces spectres du SiO2 liquide n’est pas sans rappeler

celui des spectres du quartz solide, étudiés notamment sur synchrotron par Li et al. et qui sont présentés sur la figure 3.19. Un décalage vers les hautes énergies est également observé entre les spectres de l’↵-quartz et de la cottunite, et celui de la stishovite. Des structures également à plus haute densité apparaissent sur le spectre de la stishovite. Ces différences, et notamment le blue shift, ont été identifiées dans les phases solides comme signatures d’une augmentation de la coordinence Si-O, qui se trouve être de 4 dans les phases ↵-quartz et cottunite et de 6 dans la

Figure 3.18: Illustration de l’influence de la densité sur le flanc K de la silice le long de deux isothermes, respectivement 1 eV (à gauche) et 3 eV (à droite).

phase stishovite. En est-il de même dans le bonded liquid ? Ceci ne peut être confirmé que par des simulations adéquates, reprenant nos conditions expérimentales, et qui seront présentées et discutées dans le prochain chapitre. En premier lieu, de part la sensibilité du flanc K du silicium aux changements de densité du SiO2, on peut alors comprendre tout l’intérêt d’utiliser la spectroscopie

XANES comme diagnostic structurel, et notamment ici de la structure ionique.

Figure 3.19: Spectres XANES de différentes phases solide du SiO2, obtenus lors de mesures réalisées sur synchrotron et tirés de l’article de Li et al. [113]. Un décalage vers les hautes énergies est observé entre les phases d’↵-quartz et de cotunnite, de coordinence 4 et celle de la stishovite, de coordinence 6.

3.4.3.2 Influence de la température

Un premier constat peut être fait sur l’influence de la température : le flanc K du silicium y est également très sensible. Déjà sur la même figure 3.18, à densité proche de la densité solide, on peut constater que la température (ici à 1 eV environ) induit un fort déplacement vers les basses énergies, ou red shift, de l’ensemble du spectre XANES par rapport au spectre XANES de la silice à 300 K. A densité solide et dès 0,75 eV, comme l’illustre la figure 3.20 de gauche et comme nous l’approfondirons dans le prochain chapitre, ce déplacement a été mesuré expérimentalement à 6 eV. De plus, en augmentant davantage la température, cette dernière a pour effet d’affaisser la pente du flanc K et d’élargir ce dernier. Ce phénomène est notamment illustré sur la figure 3.20 le long de l’isochore 4,5 g/cm3. Remarquons que, contrairement à l’effet de densité présenté

précédemment, le basculement de la pente ne se fait pas à partir du pied du flanc mais bien à partir de son centre de gravité. Ce comportement est semblable à ce qui a déjà été observé pour un métal simple comme l’aluminium [25, 58].

Mais pourquoi la silice fondue semble-elle se comporter comme un métal lorsque sa tempé- rature augmente fortement ? Se métallise-t-elle réellement ? Et si oui, quels sont les processus qui entrent en jeu ? Et à quoi peut être dû le red shift soudain ? Là encore, il est nécessaire d’utiliser des simulations numériques ab initio pour obtenir des réponses à ces différentes questions. Mais déjà, tout comme pour la densité, de par la sensibilité du flanc K du silicium aux changements de température du SiO2, on peut appréhender l’intérêt de l’utilisation de la spectroscopie XANES

pour sonder la structure électronique du SiO2.

Figure 3.20: Illustration de l’influence de la température sur le flanc K de la silice le long des isochores 2 g/cm3(à gauche) et 4,5 g/cm3(à droite). Les spectres à 4,5 g/cm3ont été décalés

3.5 Conclusion

Grâce à un choc créé par laser et à deux géométries de cibles judicieusement choisies, la silice fondue a pu être portée dans des conditions extrêmes sur un large domaine de densités (de 0,5 à 4 fois la densité du solide), de pressions (jusqu’à 14 Mbar) et de températures (6 eV). Ces conditions ont été déduites à partir de diagnostics optiques et se situent majoritairement dans le bonded liquid décrit par Hicks et al.. Dans le même temps, les échantillons choqués ont été sondés par une source X possédant une large bande spectrale, produite par l’interaction d’un laser picoseconde avec une cible de numéro atomique élevée. Cela a permis d’obtenir un grand nombre de spectres d’absorption XANES du flanc K du silicium de bonne qualité sur une partie importante du diagramme de phase du SiO2, et de manière reproductible. Ces spectres sont très

sensibles à la fois aux variations de densité et de température, illustrant tout l’intérêt d’utiliser un tel diagnostic pour étudier microscopiquement la structure électronique et ionique du SiO2.

Afin de comprendre la raison de ces variations, des simulations ab initio sont nécessaires et font l’objet du chapitre suivant.

Chapitre

4

Interpréter les résultats expérimentaux avec

les calculs ab initio

La lave, poreuse en de certains endroits, présentait de petites ampoules arrondies : des cris- taux de quartz opaque, ornés de limpides gouttes de verre et suspendus à la voûte comme des lustres, semblaient s’allumer à notre passage. On eût dit que les génies du gouffre illuminaient leur palais pour recevoir les hôtes de la terre.

Voyage au centre de la Terre, Jules Verne

Sommaire

4.1 Détails sur les calculs . . . 122 4.1.1 Choix des paramètres de simulation . . . 122 4.1.2 Opérations sur les spectres calculés . . . 125 4.2 Interprétation des résultats obtenus le long d’isochores : la métallisation du SiO2126

4.2.1 Résultats à ⇢ ⇠2g/cm3: interprétation du red shift . . . 127

4.2.2 Résultats à ⇢ ⇠5g/cm3et jusqu’à 6 eV : le SiO

2 chaud, un semi-métal . 130

4.3 Interprétation des résultats obtenus le long d’isothermes : le changement de structure du SiO2liquide . . . 134

4.3.1 Interprétation du blue shift . . . 134 4.3.2 Le changement de structure ionique de la silice en densité . . . 139 4.3.3 Amélioration du calcul des spectres XANES . . . 143 4.4 Conclusion et perspectives . . . 147

Parallèlement aux expériences présentées dans le chapitre 3, des calculs de dynamique moléculaire ab initio basés sur la théorie de la DFT ont été réalisés dans des conditions similaires à celles atteintes expérimentalement afin d’en extraire les processus physiques intéressants et d’appréhender les limites de la modélisation mise en œuvre. Nous verrons dans ce chapitre que l’ensemble de ces travaux a notamment permis de mettre en lumière les processus de métallisation de la silice ainsi que les changements de structure du SiO2 liquide.

Ainsi, comme présenté sur la figure 4.1, les calculs ont été effectués sur une grille régulière de températures et de densités, en particulier le long des isochores 2, 4 et 5 g/cm3et des isothermes

1,5 et 3 eV, proches des états sondés par l’expérience. Cette procédure a été choisie non seulement pour reproduire les spectres expérimentaux mais également afin de bien discriminer entre les effets de température et les effets de densité sur les spectres XANES.

Figure4.1: Ensemble des conditions sondées expérimentalement (en bleu) et des calculs ab initio effectués en utilisant uniquement l’approximation GGA (en vert) ou cette approximation ainsi que l’approximation LDA (en rouge). L’ensemble des conditions simulées permet de sonder le SiO2

sur une grille régulière de températures et de densités.

4.1 Détails sur les calculs

4.1.1 Choix des paramètres de simulation