• Aucun résultat trouvé

2.3.1 – Qui sont les spectateurs des festivals rock et comment consomment- consomment-ils ?

Dans ce paragraphe, nous tenterons de donner un aperçu des personnes qui se rendent sur des manifestations musicales rock. Nous verrons que la connaissance des publics de ce secteur est très faible ; c’est pourquoi il est important de mener des études pour l’approfondir. Nous nous appuierons, notamment, sur une recherche qualitative exploratoire menée auprès de spectateurs de rock.

2.3.1.1 – Des publics mal connus

Les organisateurs des festivals rock ne se sont intéressés que très récemment à l’étude de leur public. Certains faisant des études en interne, ou via les offices du tourisme ; d’autres ayant recours à des sociétés extérieurs spécialisées dans ce domaine, telles que l’Association GECE, basée à Rennes – qui propose la réalisation d’enquêtes publiques et d’analyses d’impact – ou encore la société Culture Stat, basée à Caen – qui peut apporter un éclairage sur le public des

festivals à travers le passage et l’analyse de questionnaires. Mais ces études sont essentiellement de nature descriptive.

Parmi les études que nous avons pu nous procurer figurent celles des festivals suivants : - La Route du Rock – Saint-Malo (2004 et 2009)

- Le Rock dans tous ses Etats – Evreux (2005 à 2009) - Art Rock – Saint-Brieuc (2006)

- La Garden Nef Party – Angoulême (2008) - Les 3 Eléphants – Laval (2009)

- Le Sziget – Budapest, Hongrie (2009)

Les données de ces études étant confidentielles, nous n’entrerons pas dans le détail de chacune d’elles mais montrerons ici uniquement les points analysés par les festivals. Ces études cherchent généralement à connaître les éléments sociodémographiques définissant les festivaliers, à savoir l’âge, le genre, la catégorie socioprofessionnelle, et le niveau d’étude, la filière et le niveau de revenu des spectateurs. D’autres vont un peu plus loin et tentent de mettre en avant la provenance de leurs festivaliers et la répartition géographique de ces derniers, leurs motifs de déplacement dans la ville, le type de billet acheté, la fréquentation du festival, les moyens par lesquels ils ont eu connaissance de l’évènement, les médias utilisés, la durée du séjour touristique, les modes d’hébergement, les déplacements à l’extérieur du festival et principalement en centre ville. Certains ont également des résultats concernant la satisfaction et la fidélité des festivaliers, leurs pratiques culturelles, les personnes accompagnatrices, et les motivations des spectateurs. Globalement, les principaux éléments qui ressortent de ces études sont les suivants :

Les spectateurs des festivals rock sont essentiellement de jeunes adultes, en effet, 78,7% des festivaliers ont entre 18 et 35 ans (42,3% pour les 18 – 25 ans et 36,4% pour les 26 – 35 ans).

Ils sont principalement en activité professionnelle (60%) ou en poursuite d’études pour 35,9% (88,67% poursuivant des études de Second cycle), seuls 4,08% sont demandeurs d’emploi, avec des disparités en fonction des festivals.

La majorité des festivaliers sont des spectateurs réguliers de concerts, 56,63% d’entre eux ont, par exemple, participé à plus de 6 spectacles dans l’année.

En ce qui concerne les festivals français, ils attirent un public essentiellement régional (39,11% pour le département, et 25,19% pour les départements limitrophes). Le reste du

public provient des autres départements français, et seuls 0,84% sont des spectateurs étrangers.

Ces chiffres permettent de fournir une photographie générale des spectateurs des festivals rock listés ci-dessus.

En plus de ces études, les organisateurs ont souvent des certitudes concernant leur public et opèrent des ciblages révélateurs. Au Rock dans tous ses Etats d’Evreux par exemple, les organisateurs avaient opté pour deux cibles principales, à savoir :

les initiés et les connaisseurs : ce sont essentiellement des jeunes adultes (18 - 30 ans) ; ils sont sensibles aux spécificités artistiques, fréquentent les concerts et les festivals, et sont exigeants ; ils arbitrent une partie substantielle de leur temps de loisir entre les différents évènements musicaux ; on les retrouve plutôt dans les publics d'Ile de France et des régions éloignées ; localement et régionalement, ils ne sont pas majoritaires, ce sont cependant des référents qui qualifient le festival et participent à sa notoriété.

le grand public : il fréquente peu les concerts durant l'année et considère les festivals comme des moments festifs et saisonniers ; il ne met pas uniquement la musique en avant dans ses loisirs et arbitre avec le sport, les sorties, la famille, le cinéma… ; la pratique de groupe est ici un élément décisif ; ces spectateurs sont souvent les plus jeunes (16 - 25 ans) ; ils constituent la majorité du public local et diminuent en proportion lorsque l'on s'éloigne d'Evreux.

Une autre typologie pourrait être mise en avant, basée sur les genres. Effectivement, dans les faits, les publics des festivals sont aussi divers que les musiques. Habituellement, les individus sont répartis en tribus et sont directement affiliés à leur musique de référence : rock / pop, métal / musiques extrêmes, groove / r’n’b, reggae / dub / ska, hip-hop, variétés, chanson, electro... Ils prolongent régulièrement cette affiliation dans leurs consommations musicales : concerts, disques, médias, produits dérivés. Ce type de classification est souvent utilisé et peut être mis en parallèle avec les typologies concernant la mode vestimentaire. En effet, modes musicales et vestimentaires sont étroitement liées, et l’une va rarement sans l’autre (Polhemus, 1994). Selon Marion (2003a), l’histoire des mouvements « de mode » montre qu’ils vont bien au-delà de l’habillement, qui correspondrait aux éléments visibles des changements de société. A travers les codes, musicaux ou vestimentaires, les individus véhiculent des visions du monde, ils veulent ressembler à leurs idées (au travers des objets utilisés, de la musique et des tenues portées, mais aussi des autres consommations culturelles,

des loisirs…). Le look est la partie visible du phénomène tribal. Cependant, lorsque l’on se rend sur les festivals, on remarque, en discutant avec les spectateurs, que leur apparence ne reflète pas toujours leurs préférences musicales ; mais surtout, on remarque que les spectateurs sont parfois multi-genres. Les styles musicaux qu’ils écoutent sont très variés et les individus ont tendance à cumuler, et à naviguer entre les familles musicales. Une analyse en termes de profils de spectateur pourrait alors être plus pertinente.

2.3.1.2 – Des études des publics en évolution

Des études ont également été menées par des organisations de type institutionnel ou associatif. Parmi celles-ci, nous pouvons citer les différentes enquêtes « Pratiques culturelles des français », réalisée par le Département des études et de la prospective rattaché au ministère de la culture et de la communication, dont les plus récentes ont été réalisées sous la direction d’Olivier Donnat (2009). Nous pouvons également évoquer l’enquête sociologique « Le public des festivals » de Négrier (2009), chercheur au CNRS. Malheureusement ces études sont trop généralistes et, bien qu’elles nous permettent d’avoir une vision large sur les publics de la culture, elles ne nous aident pas à connaître de façon spécifique les publics des festivals rock. Pour exemple, l’étude de 2008 de Donnat (2009) ne consacre qu’un paragraphe à la fréquentation des spectacles vivants sur 288 pages.

Cependant d’autres études sont menées par des organismes ayant plus d’affinités avec ce secteur, à savoir l’association Fedurok et l’IRMA (Institut de ressources sur les musiques actuelles), qui, au travers de rencontres et de colloques, posent ces différentes problématiques relatives à la connaissance des publics. Le CNV41, pour sa part, fournit des éléments sur l’importance économique du marché, au travers d’analyses statistiques basées sur les déclarations obligatoires de la taxe sur les spectacles. De plus, le développement de DESS (autrefois) et de Masters aujourd’hui propres au secteur des musiques actuelles a permis à la recherche en ce domaine de voir le jour grâce aux étudiants de ces filières qui effectuent notamment des stages dans les salles et festivals proposant une esthétique rock. Cependant, elles restent balbutiantes et rares sont les résultats qui sont exploitables à ce jour.

41