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SECTION 1.2 : LA SATISFACTION DES CONSOMMATEURS A L’EGARD

D’UN SPECTACLE VIVANT

Les différents concepts de notre recherche doctorale ayant fait l’objet de définition dans le cadre général de la consommation, nous pouvons à présent recentrer notre propos sur notre domaine d’application en particulier, celui des spectacles vivants.

1.2.1 – Spectacles vivants et valeur de consommation

Parler de valeur de consommation dans le cadre des spectacles vivants nécessite d’avoir une vision élargie de ce que nous entendons par cette expression. En effet, les spectacles vivants sont une consommation particulière à plusieurs titres et nous proposons, dans ce paragraphe, de mettre en avant ses caractéristiques. Pour se faire, nous nous appuierons, de façon plus spécifique, sur les spectacles vivants de type culturel, qui représentent, avec les spectacles sportifs, la majeure partie des spectacles vivants proposés en France.

1.2.1.1 – Généralités autour de la notion de spectacle vivant

Robin (1992)12 définit le spectacle vivant comme « la rencontre physique entre des interprètes, un public et une œuvre artistique ». Au-delà de cette définition, le spectacle vivant répond à des considérations qui lui sont propres.

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i)Une manifestation co-construite

De manière générale, un spectacle vivant consiste en une évènement mettant en scène des acteurs (joueurs de football, chanteurs, clowns, humoristes, comédiens…) qui se produisent dans un lieu défini (terrain de football, salles de concerts, chapiteau, salles multifonction, théâtre…) au cours d’une période donnée (un après midi, une soirée, quelques heures…). Le spectacle vivant, contrairement à un bien classique a donc une durée de vie très brève.

Parallèlement, cet évènement est mis à la disposition du public, soit à titre gratuit (exemple des pièces de théâtre proposées dans la rue lors de certains festivals ou d’une rencontre d’escrime dans un club local), soit à titre payant (cas d’un match de rugby au stade de France ou d’un concert de musiques classiques dans un opéra). La spécificité de cette consommation réside dans sa co-construction, qui découle de son caractère live. Effectivement, en nous inspirant de la définition de Robin (1992)13, le simple fait que les consommateurs soient en relation directe avec l’objet, à savoir l’œuvre et son interprète joue sur la manifestation en tant que telle. Par exemple, un humoriste n’effectuera pas le même spectacle si son audience réagit positivement à tous ses sketches ou si, au contraire, elle reste passive. De la même manière, des joueurs de football professionnels seront plus à même de se battre pour gagner leur match si leurs supporters sont derrière eux et manifestent leur soutien. La réussite d’un spectacle vivant repose donc à la fois sur le talent et la qualité de ses interprètes et sur la prestation du public. Selon Derbaix et Decrop (2005), « dans les spectacles vivants, le public réagit à la prestation des interprètes, qui, à leur tour, réagissent aux manifestations du public de façon continue ». C’est en ce sens que l’on peut parler de co-construction ou de co-production (Firat, 1991 ; Deighton, 1992 ; Firat et Venkatesh, 1995 ; Holt, 1995 ; Mencarelli et Pulh, 2006). Notons que ce caractère co-construit fonctionne exclusivement lorsque les consommateurs se déplacent sur les lieux des évènements (on parle d’audience directe) car dans le cas où les individus assistent à un spectacle vivant par l’intermédiaire de médias (radios, presse, TV, Internet), la co-construction n’est plus possible, l’audience devenant indirecte (Desbordes et al., 2001).

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ii)Non reproductible à l’identique

Le spectacle vivant est également caractérisé par son unicité. Dans le cadre des performances musicales ou théâtrales, mais aussi dans celui des performances vidéo, même si les artistes font des tournées dans différentes salles ou festivals, le spectacle proposé restera unique à chaque interprétation, du fait même de son caractère (Levy et al., 1980). Comme nous l’avons fait remarqué précédemment, un spectacle vivant est une performance, réalisé par des êtres humains, qui n’ont pas les capacités de reproduire à l’identique leur prestation, du fait notamment de facteurs situationnels et personnels. En effet, un chanteur ne chantera pas de la même façon s’il est une mauvaise humeur ou si, au contraire, il est d’humeur enjouée. De la même façon, une compagnie de théâtre ou un orchestre n’effectuera pas la même représentation si celle-ci a lieu dans un opéra ou sur une scène en extérieur, dans le cadre d’un festival. Par ailleurs, au-delà de l’artiste et des considérations individuelles, les réactions du public influenceront la performance de l’artiste, ce qui modifiera la prestation fournie (Cooper-Martin, 1991). Ainsi, le caractère co-construit de la manifestation joue sur l’impossibilité de reproduire ce type de performance de manière équivalente.

iii)Une consommation sociale

Une autre spécificité des spectacles vivants tient à leur caractère social (Bourgeon-Renault et Pulh, 2000). Comme bon nombre de loisirs, la consommation de spectacles vivants s’effectue, le plus souvent, à plusieurs. Ce type de consommation permet aux individus de maintenir du lien social avec leur famille, leurs amis et leurs proches. Au-delà de cette pratique de groupe, les spectateurs établissent des contacts avec les personnes présentes dans l’enceinte de la performance, qu’elle soit sportive ou culturelle. Il est très facile d’échanger avec les personnes se trouvant dans la même tribune lors d’un match (Holt, 1995 ; Meir, 2000), ou de faire des remarques sur les prestations fournies par les acteurs (Bergadaà et Nyeck, 1995; Bourgeon et al., 2002, 2003), notamment parce que les personnes qui se rendent dans des évènements de ce type partagent le même intérêt pour la manifestation (D’Astous et al., 2006). Les spectacles vivants permettent aux individus de consommer du lien social. Ils leur ouvrent la voie d’une expérience vécue en commun. Par ailleurs, cet aspect social est fortement marqué dans le cas des spectacles « ritualisés ». Effectivement, certaines sorties sont appréhendées quasi-religieusement, c’est par exemple le cas des concerts de rock (Levy et al., 1980) ou encore des rencontres sportives (Holt, 1995 ; Pulh et al., 2005 ; Décaudin et Elayoudi,

2008).Dans ce cas, les consommateurs peuvent composer avec les produits, c'est-à-dire qu’ils achètent des produits chargés de symboles (par exemple, écharpes et drapeaux aux couleurs de son équipe ou t-shirt de son groupe favori), qu’ils peuvent utiliser comme supports de lien social (Gainer, 1995 ; Derbaix et al.,2002).

iv)Un service expérientiel

Selon Cooper-Martin (1991), les spectacles vivants sont des produits expérientiels, dans ce sens où les consommateurs ne peuvent évaluer leurs bénéfices qu’à l’instant où ils consomment ces produits, c'est-à-dire après l’acte d’achat. Le spectacle vivant est jugé durant sa consommation. Dans ce cas, les spectateurs ne s’intéressent pas aux simples attributs fonctionnels du produit, mais à l’ensemble des significations attachées à leur consommation (Holbrook et Hirschman, 1982 ; Schmitt, 1999b). En d’autres termes, les consommateurs recherchent plus qu’une simple consommation, ils recherchent le vécu d’une expérience. Lorsqu’ils achètent un billet pour se rendre dans une manifestation sportive, musicale ou théâtrale, ils s’attendent à vivre une expérience, à ressentir des émotions singulières. Au-delà de la motivation liée au cœur de l’évènement (par exemple un concert de musique, une pièce de théâtre ou un match de tennis), les consommateurs espèrent trouver une ambiance particulière. C’est cette perception de l’univers global de la manifestation qui sera un gage de satisfaction pour les spectateurs. Cela est particulièrement remarquable dans le cadre des spectacles vivants où la thématique est fortement marquée. Par exemple, un individu se rendant à un spectacle de magie risque d’être fortement déçu si l’ambiance lors du spectacle ne rappelle pas le fantastique. De la même manière, un amateur de musique classique serait surpris d’assister à un concert dans un hangar réhabilité car ce type de musique est fortement lié à l’opéra ou en tout cas à des endroits fastueux.

Ainsi, le spectacle vivant est une consommation expérientielle qui intègre tout un ensemble de significations, qui sont plus attachées au vécu de la consommation qu’à ses caractéristiques intrinsèques. En d’autres termes, l’analyse des comportements des spectateurs doit s’effectuer par la prise en compte du ressenti des spectateurs à l’égard de la manifestation, évaluée dans sa globalité.