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2.2.1 – Les consommations musicales des amateurs de rock

Les consommations musicales sont multiples ; musique enregistrée (cd, dvd, mp3), performance live (concerts et festivals), et pratiques musicales constituent les trois grandes catégories de la consommation musicale des individus. Celle-ci peut s’effectuer, soit dans la sphère marchande, soit hors de celle-ci. En effet, les morceaux musicaux des artistes sont mis à la disposition du public par l’intermédiaire de nombreux supports (cd, vinyles, mp3…), qu’il peut se procurer dans le commerce, mais aussi au travers de médias, qui les diffusent gratuitement (radio, télévision, Internet).

Parallèlement à cela, l’individu, qui ne satisfait pas des simples écoutes, et qui souhaite vivre une expérience musicale supérieure, pourra le faire au travers de la musique live, c'est-à-dire qu’il pourra se rendre à des concerts ou dans des festivals pour assister en direct à des prestations d’artistes. Et, s’il souhaite dépasser cette consommation, l’amateur de rock pourra pratiquer, exercer, lui-même, cette musique. Cette séquence écoute – performance – pratique n’est pas une séquence causale ou chronologique, nul n’est besoin d’avoir écouté du rock pour avoir envie de se rendre dans un concert, pour enfin, se mettre à pratiquer cette musique. Ces consommations s’effectuent de manière parallèle, en fonction du niveau d’implication (Hogg et Banister, 2000). Elles interagissent, et il est plus que courant qu’un individu pratiquant en amateur la musique rock, se rende également dans des concerts et festivals rock et achètent et écoutent de la musique enregistrée. Ceci forme un tout intégré qui favorise l’adhésion des publics au mouvement rock. Cela n’est pas surprenant. Comme le disait Evrard (1991), la consommation culturelle est une consommation addictive, et la consommation de rock ne fait pas exception à cette règle. Le rock est un « construit, résultat de multiples pratiques quotidiennes » (Rouzé, 2006)33, et doit donc être appréhendée au travers d’une dynamique incluant sa pratique, son écoute et sa consommation de live.

Nous proposons de les exposer successivement, en commençant par les pratiques musicales.

2.2.1.1 – Les pratiques musicales

Le rock et tous ses dérivés occupent, dans les pratiques culturelles des français, une place importante, qui prend des formes diverses (Mignon et Hennion, 1991 ; Donnat, 1998 ; Hein, 2004, 2006a ; Guibert, 2006). L’une d’entre elle est particulièrement intéressante, il s’agit de la pratique en amateur. Les individus peuvent créer leur propre musique rock, il leur suffit pour cela d’acquérir des instruments, de monter un groupe, de faire des répétitions et pourquoi pas de se produire sur scène. Tout ceci participe de ce que nous appelons les pratiques musicales. Bien que les cours de guitare ou de batterie se développent, de nombreuses personnes apprennent seules ou avec des amis à jouer des instruments. Le rock est une musique qui ne requiert pas forcément un apprentissage régulier, ce qui le différencie d’autres genres musicaux, et notamment de la musique classique, qui impose une formation au solfège avant de pratiquer un instrument, puis une formation technique avant de jouer en formation ou en représentation. Cette accessibilité à la pratique favorise le développement, dans les villes et

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villages, de nombreuses scènes locales, composées d’acteurs du secteur musical amateur. Les amateurs de rock créent bien souvent des groupes entre amis, répètent dans des caves ou des garages avant de franchir le pas pour répéter dans des lieux dédiés (studios de répétition) (Guibert, 2006). Une fois cet obstacle franchi, les portes du réseau s’ouvrent et il devient possible d’obtenir de l’aide de la part de professionnels, tant au niveau logistique que financier. De nombreux plans de financement sont mis en place dans le cadre d’aides aux jeunes artistes. Le passage de l’amateurisme au professionnalisme est fastidieux, et rares sont les groupes qui parviennent à percer. Cependant, là n’est pas toujours la volonté des jeunes groupes, et beaucoup se satisfont de leurs répétitions et des concerts qu’ils donnent lors de manifestations comme la Fête de la Musique.

2.2.1.2 – La musique enregistrée

La consommation de musique est une consommation originale dans le sens où l’on peut la consommer, soit de manière payante, soit gratuitement. En effet, avant même d’acheter tel ou tel cd, un individu peut « essayer » la musique en tendant l’oreille vers la radio, en regardant des clips à la télévision ou en se rendant sur Internet où l’on peut écouter des titres en streaming sur des web-radios, c’est ce qui fait la spécificité du produit musical (Lacher et Mizerski, 1995). Cependant, bien que l’on puisse l’écouter à titre gracieux depuis de nombreuses années, notamment grâce aux radios, la consommation (payante) de musique enregistrée est encore un phénomène de masse. Les consommateurs achètent des cd, au point de réaliser parfois des collections. Moe et Fader (2001) expliquent que les individus qui écoutent de la musique achètent de nombreux cd musicaux car ils cherchent à se créer « un portefeuille de produits hédoniques ». La radio a ainsi bénéficié à l’industrie musicale de par son rôle de promoteur. White (1985) insiste sur le fait que les radios et la télévision sont de formidables vecteurs de transmission qui parviennent à rendre la musique populaire et facilement accessible. Pourtant, il est vrai qu’avec l’avènement de la dématérialisation, les amateurs de musique se sont rués vers sa consommation on-line, véritablement avantageuse pour les « pirates » (Chiou et al., 2005), mais aussi pour certains artistes (Chaney, 2009), bien moins pour les industriels du secteur musicale34 (Bhattacharjee et al., 2006 ; Bockstedt et al., 2006 ; Graham et al., 2004).

34 Ministère de la culture et de la communication (2004), Le ministère de la culture et de la communication au MIDEM 2004 : un nouveau modèle pour la musique, La lettre d’information, 109, 1, 7-10.

La consommation de musique rock enregistrée est multiple ; cd, dvd, achats de titres on line, mais aussi écoute de la radio, visionnage de clips et de concerts, à la télévision, sur Internet ou sur son téléphone, les propositions musicales se diversifient, les supports se multiplient, permettant ainsi aux amateurs de rock d’établir avec cette musique de fortes relations. Toutefois, bien que la musique enregistrée, si accessible, soit autant appréciée et autant consommée, elle n’offre pas tous les avantages recherchés par les individus dans leur consommation musicale. En effet, derrière une voix ou un morceau musical, il y a des artistes, des groupes que les amateurs de rock désirent voir sur scène pour les écouter en live. C’est de cette consommation de live que nous allons traiter à présent.

2.2.1.3 – Les performances lives rock

Partie prenante de l’industrie musicale, les performances lives (concerts et festivals) sont souvent opposées à la musique enregistrée. Paleo et Wijnberg (2006) distingue ainsi, au sein des biens musicaux, d’un coté, le disque, dans lequel nous pouvons inclure tout ce qui concerne les produits enregistrés, et qui peut être écouté de la même manière, de façon indifférenciée, quelque soit le lieu et le moment de l’écoute ; et, de l’autre, les performances lives, qui prennent place dans un moment et un lieu spécifiques, et qui ne peuvent être écoutées qu’une fois. Ce qui fait leur spécificité et leur singularité (Evrard, 1991). L’explication est simple. Un artiste, même s’il effectue plusieurs concerts dans une même année, ne pourra, en aucun cas, reproduire à l’identique sa prestation. Par ailleurs, le fait que le public, le contexte, mais aussi l’environnement diffèrent, jouera nécessairement sur la prestation de l’artiste. Dans le cas d’un festival, cela est encore plus accentué. En effet, un festival35 est un évènement qui, généralement, a lieu une seule fois par an, et qui accueille de nombreux artistes différents. Ces évènements sont donc uniques, et pour le coup, non reproductibles (Evrard, 1991).

Les festivals, partie la plus visible, la plus fréquentée et la plus médiatisée des concerts de musiques rock, ont connu ces dernières années une forte croissance en nombre d’événements

Ministère de la culture et de la communication (2006a), Dossier : L’engagement du ministère de la culture en faveur de l’industrie musicale, La lettre d’information, N° 133 - mensuel – janvier, 7-11.

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et en volumes de spectateurs36. Cependant, il est essentiel de faire une distinction entre concerts et festivals, en effet, il y a une réelle différence entre les deux manifestations.

Les critères de distinction sont de plusieurs ordres : temporel, géographique, artistique, tarifaire et organisationnel.

En effet, dans le cas d’un concert, le public se rend dans un lieu de diffusion pour entendre un artiste ou un groupe pour lequel il est venu spécialement. L’offre artistique proposée est constituée d’un artiste/groupe (la tête d’affiche), à laquelle on rajoute un autre artiste/ groupe (appelé première partie). Habituellement, les concerts se tiennent dans des salles réservées à cet effet, ou encore dans des stades, dans le cas d’artistes grand public37. Ces manifestations ont majoritairement lieu le soir, en semaine ou le week-end, et sont le fait d’équipes majoritairement permanentes. Les prix pratiqués varient en fonction des villes, de la taille de la salle et de l’artiste proposé.

A l’inverse, un festival rock est un évènement qui prend forme dans des lieux investis à cet effet (champs, centres villes, parcs municipaux…), et ce, pour une durée déterminée (quelques jours, souvent le week-end). De manière générale, le festival est une véritable construction car il prend place sur un terrain vierge qu’il faut aménager entièrement. Cela nécessite les efforts cumulés des équipes permanentes, mais aussi de salariés spécialisés, de bénévoles et d’équipes municipales. Par ailleurs, le festival repose sa programmation sur une affiche, c'est-à-dire une accumulation d’artistes/groupes qui se succèdent pendant toute la durée du festival sur une ou plusieurs scènes. Bon nombre d’artistes jouent sur une scène donnée à l’intérieur d’un temps restreint et selon un programme spécifique (le fameux line up). Evidemment, les spectateurs se rendent au festival pour l’ensemble de la programmation, même si cette dernière ne les contente pas forcément entièrement. Cependant, les spectateurs assistent généralement à toutes les prestations du festival, ce qui leur permet de découvrir des groupes. La politique tarifaire de ces évènements est relativement basse, eu égard au nombre d’artistes proposés. Nous n’irons pas plus loin dans les explications concernant les consommations de concerts et de festivals car nous verrons, dans la troisième section de ce chapitre, à l’aide d’études qualitatives exploratoires, les motivations des consommateurs à l’égard d’une consommation de concerts et de festivals rock. Néanmoins, avant de passer à cette section, nous proposons de faire le point sur la définition d’un festival rock, dans le contexte français38.

36 CNV Info (2010).

37 Se reporter à l’annexe 2.5 pour un bref aperçu des lieux de diffusion des musiques rock. 38