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Dans le domaine culturel, comme dans les autres domaines, la satisfaction a fait l’objet d’études approfondies, notamment dans le contexte francophone. Satisfaire ses clients est un des buts de toute entreprise. Parce qu’un client satisfait est un client potentiellement fidèle

(Auriacombe et al., 2005), il est important, dans le domaine culturel, qui fait face à une concurrence accrue, de donner entière satisfaction à ses clients.

Pourtant, du fait du caractère spécifique des consommations culturelles de spectacles vivants, la formation des jugements évaluatifs de la satisfaction reste très difficile à investir. Par exemple, contrairement au cas des consommations « traditionnelles », pour lesquelles la satisfaction repose à la fois sur des caractéristiques cognitives et affectives, il semble que la satisfaction d’un consommateur de spectacles culturels soit davantage influencée par son expérience de consommation en tant que telle, et moins par des caractéristiques « techniques ».

En nous basant sur les spécificités des offres culturelles mise en avant dans le paragraphe précédent, nous proposons ici de déceler les principales caractéristiques liées à la satisfaction dans le cadre des spectacles vivants, et tentons de mettre au jour quelque antécédent négligé jusqu’à présent.

1.2.2.1 – Des standards de comparaison difficiles à repérer

Parmi les standards de comparaison que nous avons mis en évidence dans le paragraphe 1.1.1.1, les attentes sont, semble-t-il, un bon indicateur, permettant au processus de formation de la satisfaction de fonctionner.

Cependant, dans le cadre des consommations culturelles, et plus précisément, dans celui des spectacles vivants, il s’avère extrêmement difficile de rendre compte de la formation des attentes chez les consommateurs. Effectivement, du fait du caractère unique et éphémère de ces prestations, les individus sont souvent dans l’incapacité de former des attentes, conséquence d’une absence de base de référence pré-consommation. Pour Evrard (1993), le consommateur de tels évènements n’a souvent pas d’autre choix que de former ses attentes durant l’expérience de consommation, solution difficile à mettre en oeuvre.

C’est pourquoi d’autres standards de comparaison doivent être envisagés. Notons que, mis à part les « primo-consommateurs » de spectacles vivants (c'est-à-dire les individus qui se rendent pour la première fois dans une telle manifestation), les individus ne sont pas vierges de consommation culturelle. Ils peuvent alors utiliser comme standards de comparaison des normes basées sur les produits (Woodruff et al., 1983 ; Cadotte et al., 1987). En effet, bien qu’un festival soit unique et éphémère, un spectateur, qui se serait rendu dans divers festivals

précédemment, pourrait comparer sa consommation de festival actuel avec ses expériences de consommation de festival passées.

1.2.2.2 – La prise en compte des états affectifs

Les consommations culturelles sont à forte valeur expérientielle ; en conséquence, la satisfaction du spectateur sera basée essentiellement sur des aspects affectifs, c’est le plaisir retiré de l’expérience qui jouera sur la satisfaction (Plichon, 1999). Le spectacle vivant sera évalué, par le spectateur, notamment en fonction du plaisir et des bénéfices symboliques qu’il lui procurera (Belk, 1987, 1991). Le rôle des émotions est alors primordial dans la prise en compte des jugements évaluatifs de la formation de la satisfaction. Celles-ci ont été mises en évidence dans différentes études (Westbrook et Oliver, 1991 ; Oliver et al., 1997 ; Vanhamme, 2001, 2008), et il est indispensable, dans le cadre d’une consommation culturelle, de les intégrer aux modèles de satisfaction. Aurier et Evrard (1998), travaillant sur l’élaboration d’une échelle de mesure de la satisfaction d’une consommation culturelle (cinéma et exposition d’art) ont bien évidemment intégré les émotions dans leur construit, et montrent que la satisfaction est fortement liée aux émotions positives.

1.2.2.3 – Le rôle de la dimension sociale dans la formation des jugements de

satisfaction

Selon les auteurs ayant travaillé dans ce domaine, les modèles de satisfaction relative à la sortie culturelle doivent prendre en compte les aspects sociaux de ce type de consommation. La nature même de la manifestation culturelle en fait un évènement social. Il est impossible pour un individu de se retrouver seul dans ce genre de manifestation, et, qu’il le veuille ou non, il sera forcément en contact avec d’autres spectateurs, ce qui n’est pas le cas de toutes les consommations culturelles. En effet, les consommations culturelles de biens telles que l’achat de bandes dessinées ou de tableaux de maîtres sont souvent des consommations individuelles. L’aspect social de la sortie culturelle peut être étudié au travers de deux perspectives. La première repose sur la volonté de se rendre dans ces évènements en étant accompagné de ses proches (amis, famille) et fait référence à la notion de pratique sociale (Beard et Ragheb, 1983 ; Manfredo et al., 1996 ; Debenedetti, 2001, 2003). Dans cette première optique, Collin-Lachaud (2004) met en avant, dans le cadre des festivals rock, le fait que la fréquentation

accompagnée influe sur la satisfaction du festivalier, ce qui est cohérent avec les travaux de Beard et Ragheb (1983) et de Fournier et Mick (1999) qui montrent plus précisément qu’un individu sera plus satisfait si la personne qui l’accompagne est satisfaite.

La seconde perspective tient au fait de se retrouver parmi d’autres consommateurs durant l’expérience de consommation pour vivre quelque chose en commun, et se rapproche des notions d’interaction sociale, voire de communion sociale (Stokowski et Lee, 1991 ; Hills et al., 2000 ; Pulh, 2002). Cette vision plus élargie montre la nécessité et le besoin, pour les individus, d’interagir avec les autres (amis, famille, pairs…) et de partager une expérience commune avec eux (Levy et al., 1980 ; Gainer, 1995), mais aussi de se distinguer d’autres groupes ne partageant pas cette expérience (Gainer, 1995). Le partage de l’expérience tend à avoir des influences sur la satisfaction (Arnould et Price, 1993). Cela est d’autant plus important dans le cadre d’activités nécessitant un nombre minimum de participants pour que celle-ci soit un succès. Dans le cadre des spectacles culturels, mais aussi dans celui des spectacles sportifs, pour que ceux-ci soient une réussite, il est indispensable que les salles soient pleines (Levy et al., 1980) et que les tribunes des stades soient remplies (Holt, 1995), les spectateurs participant au spectacle en favorisant le développement d’une énergie positive et l’esprit de fête collective.

1.2.2.4 – Expérience de consommation et ressenti des spectateurs

Les travaux menés jusqu’à présent sur la satisfaction, dans le cadre des spectacles vivants, proposent d’intégrer des variables situationnelles, individuelles et comportementales comme antécédents de l’expérience de consommation. Nous préconisons d’intégrer un nouvel antécédent de l’expérience de consommation qui permettrait de prendre en compte le ressenti global des individus se rendant dans ce type de manifestation. Pour cela, nous proposons de prendre en compte, lors de notre étude empirique portant sur la satisfaction à l’égard de festival rock, la perception des individus concernant le type musical proposé, et ce pour au moins deux raisons.

Dans un premier temps, les travaux sur la satisfaction dans le domaine culturel ont montré la difficile prise en compte de standards de référence dans la formation des jugements de satisfaction. Nous proposons ici un nouveau standard basé sur les perceptions des individus. Ce concept est à rapprocher des attentes, sauf qu’il ne prend pas en compte les attentes vis-à-vis du produit « festival », mais la perception des individus envers le type de musique proposé

par les organisateurs du festival, indépendamment des autres composantes de la manifestation.

Les individus, qui achètent leur billet pour un festival rock achètent un billet pour consommer une expérience de consommation. Leurs motivations pour se rendre dans une telle manifestation peuvent être d’ordre fonctionnel, social, affectif ou de connaissance, comme nous l’avons vu précédemment lors de l’exposé sur la valeur de consommation dans le cadre des spectacles vivants. Cependant, bien qu’ils n’achètent pas en premier lieu « du rock », le type de musique proposé est un élément important du processus de choix des individus et doit donc être pris en considération dans la formation des jugements évaluatifs de satisfaction. Nous pensons que la perception à l’égard du rock peut influencer l’expérience vécue et, par voie de conséquence, la formation des jugements de satisfaction. Par ailleurs, cela va dans le sens des travaux de Cavagna et al. (2004), qui affirment que la satisfaction découle de la combinaison de trois processus, à savoir le vécu, le perçu et la mémorisation. En effet, ces auteurs expliquent que lorsque l’on interroge les individus sur leur satisfaction, ils répondent en fonction des représentations issues de leur expérience personnelle avec le produit (le vécu), mais aussi en fonction des éléments issus de l’environnement de l’expérience vécue (le perçu), et enfin, en fonction du décalage existant entre le moment de l’enquête et la période pendant laquelle le produit a été utilisé. Le perçu est ainsi vu comme un élément important dans la formation des jugements de satisfaction des individus.

D’un point de vue managérial, intégrer la perception du style musical proposé dans le modèle de satisfaction des spectateurs pourrait permettre aux professionnels du secteur de mieux appréhender les comportements de consommation de leur public. Il s’agira alors de s’appuyer sur une offre globale combinant des composantes expérientielles et des composantes de nature cognitive.

Synthèse

La conception de la satisfaction a fait l’objet de nombreuses recherches qui ont amené à développer ce construit. Dans le cadre des spectacles vivants, et particulièrement dans le champ culturel, il s’avère nécessaire de prendre en compte l’expérience vécue des individus comme déterminants de la satisfaction, mais également ses antécédents. Parmi eux, un antécédent semble avoir été négligé par la littérature, à savoir le ressenti des spectateurs. Effectivement, si l’on s’en tient au paradigme de non confirmation des attentes vis-à-vis d’un spectacle vivant, les individus vont comparer leur vécu à des croyances. Ainsi, ils compareront leur expérience de consommation à des attentes relevant de l’expérience mais aussi de ses antécédents. Par conséquent, il faudra prendre en compte les aspects sociaux, affectifs, cognitifs et fonctionnels liées à l’expérience de consommation, mais également un antécédent particulier de l’expérience, la perception.

Partie 2 : La relation entre la perception du style musical et la satisfaction des spectateurs de festivals rock : une étude empirique

Chapitre 4 : Des construits à leur mesure, une rencontre avec les festivaliers

Chapitre 6 : Le perçu et le vécu, des ingrédients complémentaires favorisant la satisfaction

Chapitre 5 : La formation des jugements de satisfaction : le rôle moteur de l'expérience de consommation et de son antécédent

Chapitre 1 : Consommation et satisfaction des spectateurs dans le champ culturel des spectacles vivants

Chapitre 2 : Le cas particulier des festivals rock : la nécessaire prise en compte du style musical proposé et des facteurs expérientiels

Chapitre 3 : L’expérience de consommation, médiateur de la relation perception – satisfaction : une tentative de modélisation

Partie 1 : La satisfaction des spectateurs de festivals de musiques rock : une analyse croisée du produit festival et du type de musique

CHAPITRE 2 : LE CAS PARTICULIER DES FESTIVALS ROCK :

LA NECESSAIRE PRISE EN COMPTE DU STYLE MUSICAL