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Spécificités locales dans le cinéma des premiers temps : exemple de Trèves

Dans le document Le « local » dans l’histoire du cinéma (Page 32-42)

Martin Loiperdinger

(Université de Trèves)

En feuilletant les premières années des revues professionnelles alle- mandes à l’intention des propriétaires de salles, on trouve souvent des annonces publicitaires pour la réalisation de ce qu’on appelle les prises de vues locales. Par exemple, l’entreprise de production fran- çaise Éclipse promeut ainsi l’achat de caméra : « les prises de vues locales remplissent les caisses ! Celui qui veut se procurer une caméra ne devrait pas, dans son intérêt, négliger de se renseigner sur nos camé- ras Urban connues dans le monde entier. » Éclipse prend également en

charge des pellicules impressionnées : « Envoyez-nous immédiatement les prises de vues que vous avez réalisées. Nous vous réexpédions le jour même les positifs que nous réalisons dans notre filiale de Berlin. » Une

entreprise de Freiburg offre ses services pour la réalisation de prises de vues locales aux propriétaires de salles qui n’ont pas de caméra : « vous pouvez acheter partout de bons drames ou comédies, et obte- nir un bon programme de n’importe quel distributeur. Mais vous ne trouverez que chez Express-Film Co. la possibilité d’avoir en très peu de temps les enregistrements d’un évènement survenu dans votre ville, qui vous garantiront une salle remplie même hors saison». Selon un grand

nombre d’annonces semblables dans les années  à , les prises

. Der Kinematograph, Nr. , --. . Der Kinematograph, Nr. , --. . Der Kinematograph, Nr , --.

 Martin Loiperdinger

de vues locales dans les programmes attiraient le public, surtout à la sai- son chaude. On ne trouve toutefois que peu de signes de prises de vues locales dans la presse spécialisée. Elles n’étaient qu’exceptionnellement proposées à la vente ou bien reprises dans les prospectus commerciaux d’autres régions. Les producteurs de prises de vues locales étaient en général des propriétaires de salles locaux. Ils ne proposaient habituel- lement à leur public les prises de vues locales que durant une semaine comme le ‘clou’ de leur programme. Pour cela, on n’avait besoin que d’une seule copie. Le taux de transmission (i.e : le pourcentage des films qu’on retrouve aujourd’hui) des prises de vues locales est donc très faible.

La recherche allemande en histoire du cinéma a longtemps laissé de côté le phénomène des prises de vues locales. Seule la découverte du fait qu’un certain nombre de prises de vues locales de Trèves ait sur- vécu a donné lieu, sur place, à des recherches plus étendues. Le cas de Trèves est un coup de chance : il est probable qu’un nombre aussi consé- quent de prises de vues locales n’ait été conservé dans aucune autre ville de taille comparable. Le fait que, dans beaucoup de pays, les prises de vues locales aient été jusque dans les années  et au-delà, un élé- ment du programme qui faisait venir le public, a été montré et confirmé depuis dans des publications de Vanessa Toulmin, Stephen Bottomore, Uli Jung, Brigitte Braun et de l’auteur [de cet article]. Les prises de vues locales étaient des «local films for local people». Ce qui était particu-

lièrement attractif pour la population locale, c’était manifestement que

. Cf. Vanessa Toulmin : « Local films for local people » : Travelling showmen and the commissioning of local films in Great Britain, -. In : Film History, vol. , no.  (), S. -. Cf. Vanessa Toulmin, Martin Loiperdinger : « Is it You ? Recognition, Representation and Response in Relation to the Local Film ». In :Film History, vol. ,

no.  (), p. - ; Brigitte Braun, Uli Jung : « Local Films from Trier, Luxembourg and Metz : A Successful Business Venture of the Marzen Family, Cinema Owners ». In :

Film History, vol. , no.  (), p. -. Brigitte Braun : « Lokalaufnahmen der Familie

Marzen in Trier ». In : Uli Jung, Martin Loiperdinger (Hg.) :Geschichte des dokumenta- rischen Films in Deutschland. Band : Kaiserreich -, p. -. Stephen Botto-

more : « From the Factory Gate to the ‘Home Talent’ Drama : An International Overview of Local Films in the Silent Era ». In : Vanessa Toulmin, Patrick Russell, Simon Popple (ed.),The Lost World of Mitchell and Kenyon. Edwardian Britain on Film. bfi Publish-

ing : London , S. - ; Uli Jung : « Local Views : a blind spot in the historiography of Early German Cinema ». In :Historical Journal of Film, Radio and Television, vol. ,

no.  (), p. - ; Karsten Hoppe, Martin Loiperdinger, Jörg Wollscheid : « Trie- rer Lokalaufnahmen der Filmpioniere Marzen ». In :KINtop  : Lokale Kinogeschichten

(), p. -. Michaela Herzig, Martin Loiperdinger : « Vom Guten das Beste » Kine- matographenkonkurrenz in Trier. In :KINtop  : Lokale Kinogeschichten (), p. -.

Spécificités locales dans le cinéma des premiers temps 

les prises de vues locales offraient une opportunité de se voir soi-même sur l’écran en une reproduction photographique « vivante ».

Toutes les prises de vues locales conservées de Trèves ont été pro- duites dans le cadre des entreprises cinématographiques d’une famille originaire de Trèves, la famille Marzen « Le théâtre électrique d’Edison des Marzen » (Marzen’s Edison elektrisches Theater) était un cinéma

ambulant, qui parcourut à partir de  le sud ouest de l’Empire Alle- mand, entre Metz, Coblence et le Grand Duché du Luxembourg. À la fin du mois de mars , la famille Marzen changea son entreprise en entreprise sédentaire et reprit le Central-Theater à Trèves, qui était libre suite à une cessation d’affaires. Pour faire face à la concurrence du

Parade-Theater, qui était équipé d’un système son-image pour synchro- niser le projecteur et le gramophone, la famille Marzen se concentra sur les spécificités locales. Dans ce but, ils reprirent pour les projections au Central-Theater les pratiques du cinéma ambulant — en particulier les commentaires des films en dialecte de Trèves et l’utilisation de prises de vues locales.

Il est connu que les films muets n’étaient en général pas muets, mais projetés avec un accompagnement sonore. Les exploitants du cinéma- tographe utilisaient pour cela, avant la Première Guerre Mondiale, un gramophone ou bien des musiciens qui jouaient en direct. Beaucoup de théâtres cinématographiques engageaient un commentateur, ou réci- tant, qui commentait en direct les films du programme très varié. Peter Marzen, qui signe à partir du  juin  les annonces du Central- Theater en tant que propriétaire, disposait déjà, en tant qu’« impresa- rio » de son entreprise de cinéma ambulant, d’une expérience de la pra- tique du commentaire de film longue de plusieurs années. Trois mois

et demi après la reprise du Central-Theater, on lit dans un article cir- constancié du journal de Trèves, à propos de ces projections :

Le cinéma ne devient vraimenttrévire que grâce au propriétaire qui

commente les images. La voix sanglote, pleure, pleurniche, gémit, rit, jure, murmure, fait du tapage, souvent en l’espace de cinq minutes, selon le besoin. Le Hochdeutsch le plus pur et le plus beau Platt

. Cf. Brigitte Braun, Karen Eifler : « Kommt all heirönn zum Marzens Pitt ». Kinoer- lebnisse mit dem Filmerklärer Peter Marzen. In :Neues Trierisches Jahrbuch, . Band

(), p. .

. En juin  le journal du Luxembourg désigne l’un des fils Marzen en tournée de cinéma comme « impresario ». il ne peut s’agir que de Peter Marzen. Cf. Norbert Etrin- ger :Lebende Bilder. Aus Luxemburgs guter alter Kinozeit. Imprimerie St-Paul, Luxem-

 Martin Loiperdinger

de Trèves alternent. Entre les deux, les canons tonnent, les éclairs jaillissent, les sifflets à vapeur crient, les salves de fusil crépitent.

Grâce aux commentaires en patois de Peter Marzen, les courts métra- ges, qui arrivaient en majorité de l’étranger, gagnaient, au plan de la représentation sonore, un contrepoint local :

Nous nous réjouissions beaucoup de voir notrePlatt utilisé de cette

façon chez nous, mais nous étions aussi vraiment surpris lorsque, sur les rivages bleus de la mer Méditerranée dans la ville riante de Nice, dans l’arène de la fière Espagne ou bien sur les boulevards de Paris, tel ou tel acteur se présentait à nous dans le patois de Trèves le plus authen- tique.

Bien que l’auteur de cet article exprime son étonnement, une partie considérable du public local a fait honneur auPlatt de Trèves. Dans

son autobiographie, Peter Marzen attribue directement les succès du Central-Theater face à la concurrence d’autres théâtres à la coloration locale unique de ses commentaires :

Ce n’était, par Dieu, pas une tâche facile de faire le commentateur des films projetés, tous les jours de  heures à  h  le soir, mais, enfin, j’aimais bien le faire du moment que je pouvais me rendre compte que les affaires de mes concurrents reculaient toujours.

Lorsque les commentaires de Peter Marzen en patois de Trèves donnaient aux projections du Central-Theater quotidiennement une touche locale qu’on ne pouvait pas ne pas entendre, les prises de vues locales étaient des évènements singuliers du programme. Par leurs sujets pittoresques (ortsgebunden), elles parlaient directement

aux spectatrices et aux spectateurs en tant que public local. (Dans le journal, les annonces du Central-Theater pour les prises de vues locales de Trèves s’accumulent de façon inhabituelle dans les trois mois qui suivent la reprise.) Afin d’accéder au marché face à la concurrence du Parade-Theater, qui est bien établi, la famille Marzen suivit visiblement

. « Dans un “cinématographe” de Trêves ». Causerie de K. Sch., in : Trierische Zei-

tung, Nr.  (Abend-Ausgabe), -- ; réédité un mois plus tard dans le corporatif Der Kinematograph, Nr. , --. Réédité dans : KINtop  : Lokale Kinogeschichten

(), S. -. . Ibid.

. Peter Marzen. Aus dem Leben eines rheinischen Filmpioniers. Eine Erinnerungs-

gabe zum fünfzigsten Geburtstag und seinerjährigen Zugehörigkeit zur Filmindustrie

Spécificités locales dans le cinéma des premiers temps 

une stratégie concertée qui consistait, en plus de la présence perma- nente du dialecte local pendant les projections de films, à mettre massi- vement en avant le côté local de la programmation. D’avril à juin , les annonces du Central-Theater ne listent pas moins de sept prises de vues locales tournées à Trèves : Sortie de la cathédrale le dimanche de Pâques, Concert sur la promenade près de la Porta Nigra, La vieille ville romaine de Trèves et ses curiosités, Essai des lances à incendies de nos pompiers volontaires le 3 mai près du théâtre muni- cipal, Vie et animation sur le marché aux bestiaux le 5 mai, Proces- sion de la Fête-Dieu à Trèves en 1909, Festivités pour le eanniver- saire de la fondation de la chorale des hommes « Eintracht » (har- monie) le dimanche de la Pentecôte.

Le sujet préféré de ces prises de vues locales consiste à filmer de nombreuses personnes à Trèves lors de processions, de cortèges ou d’autres manifestations publiques. « Des centaines de personnes gran- deur nature et en mouvement ! » était le slogan publicitaire principal, en Allemagne en , des projections du Cinématographe Lumière.

Pour la prise de vues locale Concert sur la promenade près de la Porta Nigra, en , le Central-Theater fait sa publicité avec un slo- gan très similaire : « des milliers d’habitants de Trèves en mouvement. »

Dans les deux cas, lors des tournages, il s’agissait de filmer le maximum de personnes, qui se déplaçaient en défilés plus ou moins organisés, selon la meilleure perspective possible et au meilleur moment possible, pour qu’on puisse ensuite, au moment de la projection, les reconnaître sans problème et les observer précisément dans leurs mouvements. La projection de ces enregistrements poursuivait par contre des objec- tifs différents : dans le commerce mondial de la Société Lumière en , il s’agissait de faire la démonstration auprès d’un public interna- tional et pouvant payer de la performance d’une nouvelle technologie photographique pour l’enregistrement et la reproduction de ce qu’on appelait des ‘photographies vivantes’. Lors de la projection au Central- Theater de Trèves de « Milliers d’habitants de Trèves en mouvement », en , il s’agissait d’offrir la possibilité à un maximum de spectateurs de se reconnaître sur l’écran, eux ou bien des parents, des amis ou des connaissances. C’était la performance qui décida du grand succès des prises de vues locales auprès du public autochtone.

. Trierischer Volksfreund, --, --, --, --.

. Martin Loiperdinger : Film & Schokolade. Stollwercks Gschäfte mit lebenden Bil-

dern. Stroemfeld : Frankfurt am Main, Basel , p. XXX-XXX.

 Martin Loiperdinger

Ainsi, en juillet , la Freiburger Welt-Kinematograph recommandait aux propriétaires de salles de faire appel à ses services pour les prises de vues locales lors d’évènements locaux tels que « [les] cérémonies d’accueils ou enterrement de personnalité importantes, [les] spectacles ou parades militaires, [les] incendies et autres catastrophes, [les] fêtes associatives, surtout les appels au drapeau et les cortèges, les tournois ou autres évènements sportifs ». Elle justifie : « chaque participant veut ensuite se voir à l’image, et votre théâtre sera toujours complet. » De

façon tout à fait analogue, la rédaction duKinematograph de l’édition

précédente écrit :

Qu’est-ce qui pourrait intéresser plus le public que de se voir sur l’écran ? C’est sur cette idée que les pionniers fondèrent leur plan, et ils font de bonnes affaires. [...] Dans chaque ville ont lieu en ce moment toutes sortes d’évènements festifs qui donnent au propriétaire de salle la meilleure matière pour en tirer profit. Il fait simplement réaliser un enregistrement cinématographique de ce type de festivité, pour sa publicité ; il annonce, si possible quelques jours auparavant, qu’un enregistrement cinématographique de la fête sera projeté dans son théâtre, et les affaires sont assurées. Hommes et femmes viendront en masse voir cette chose extraordinaire en espérant s’admirer peut-être soi-même sur l’image.

Les projections des prises de vues locales étaient des événements que le public autochtone présent vivait et créait ensemble. Il se pro- duisait alors une inversion remarquable de l’intérêt du spectateur : ce n’était plus l’événement local lui-même qui se trouvait au premier plan, mais le fait de se reconnaître soi-même pendant cet événement. La res- titution sur l’écran de compétitions sportives, de cortèges festifs, de parades militaires et d’enterrements offrait aux participants et aux res- quilleurs l’occasion de « s’admirer » et de « dire du mal » des autres. C’est en tout cas exactement de cette façon que l’article du journal de Trèves cité plus haut décrit le comportement du public de Marzen vis-à-vis des prises de vues locales :

C’est au Kintop que c’est le plus intéressant, quand on passe des

prises de vues de Trèves au public exultant. Nous voyons alors des visages connus de Trèves, à la sortie de la cathédrale, pendant l’exer-

. Der Kinematograph, Nr. , --.

. Der Kinematograph, Nr. , --, contribution de la rédaction qui s’inspire d’une annonce de laFreiburger Express-Films.

Spécificités locales dans le cinéma des premiers temps 

cice des pompiers, l’entrée des chanteurs, sur le marché aux bestiaux. Les enfants exultent :elao dän es dän Häns, et Katt ! [tiens ! le Hans ! la Käte !] — les « plus grands » disent plus bas les noms de leurs connais-

sances. L’un ou l’autre se réjouit d’apercevoir sur l’écran n’importe quel visage connu, et se réjouit particulièrement de voir son portrait lui ren- voyer un sourire, comme, au contraire, il se met en colère en voyant face à lui son visage renfrogné, peu aimable ou peu avantageux.

Dans quelques prises de vues locales, ces réactions du public sont déjà inscrites dans les images mêmes. Par exemple, dans Congrès international marial de Trèves 3-6 août 1912, le prétexte de l’enre- gistrement est un défilé festif d’enfants de chœur, d’évêques, d’abbés et de prélats. À l’arrière des rangs des dignitaires du clergé auxquels la caméra n’accorde presque aucune attention, les curieux, qui formaient plus tôt une haie, envahissent la rue et se pressent, pleins d’entrain, vers la caméra posée en hauteur. La foule souriante et saluant de la main était au moins aussi intéressante pour l’opérateur que l’autorité spi- rituelle marchant dignement dans de somptueux costumes. Les habi- tants de Trèves pouvaient ainsi voir leur visage au Central-Theater de Marzen : tous ceux qui étaient, au milieu de la foule joyeuse, devant la caméra, obtenaient la possibilité de prendre la projection comme un jeu de recherche pour se reconnaître dans la cohue. La foule enregis- trée ici ne s’arrangeait pas selon un cérémonial prévu à l’avance, mais se regroupait spontanément autour de la caméra placée en hauteur — en sachant pertinemment qu’on tournait et que tous les participants s’amuseraient bientôt à jouer à se reconnaître avec leurs silhouettes cinématographiques sur l’écran du Central-Theater.

Selon le journal du Land de Trèves, les prises de vues locales favo- risaient une ambiance spontanément intime et charmante dans le Central-Theater de Marzen :

La salle perd alors son caractère d’un théâtre proprement dit. Les spec- tateurs se sentent plutôt comme chez eux et peuvent exprimer sans gène leur critique sur leurs connaissances, leurs amis ou ennemis. La salle est devenu le miroir de Trèves, non plus leAllgemeine Anzeiger

(journal d’annonces) des évènements officiels de Trèves, mais bien plu- tôt le magasine de mode bon marché pour nos dames.

. Référence cf. N. . . Ibid.

 Martin Loiperdinger

L’auteur de cet article ne dissimule pas que ce cadeau reçu dans l’at- mosphère pour ainsi dire privée de la salle de cinéma était véritable- ment à double tranchant :

L’appareil cinématographique ne ment pas. Il montre tout le monde et toutes les choses comme elles sont, comme elles semblent être et devraient être. Il nous dit qui était dimanche à la cathédrale, qui traî- nait pendant le concert sur la promenade et ‘contrôle’ finalement aussi les présences aux processions.

Puisque les prises de vues locales alimentaient auprès du public, en tant que témoins photographiques, les cancans de toute sorte, elles pou- vaient même acquérir le statut d’organe de contrôle informel. Ainsi, les prises de vues locales offraient de temps à autre à la presse du lieu de réjouissantes anecdotes. Le journal spécialiséDer Kinematograph

reprend par exemple l’anecdote suivante duLandeszeitung paraissant

à Mulhouse, en Alsace, sous le titre : « Le cinématographe-traître » :

En ce moment, l’Apollo Kinematograph Tonbild Theater à Mulhouse montre un enregistrement d’un concert militaire au Salvatorgarten. On entend la musique de l’orchestre des dragons et on voit les nombreux spectateurs se promener. Les images sont d’une clarté bluffante et les personnes sont bien reconnaissables. Cela sera fatal à une mignonne petite dame. Il y avait assis là dans la salle un couple digne qui regardait ces images. Soudain, la maman tressaillit, donna un petit coup au papa et dit (en alsacien) : «Lueg emol do, Fernand, isch das nit unser Lucie, wu do mit dam Büe spaziert ? — E frili, wart dü, bis ass ich heimkumm, dir will ich lehre, jetz schu mit Büewe az’bandle. » [« regarde un peu là, Ferdinand, n’est-ce pas notre Lucie qui se promène avec ce gars ? Eh mais si ! Attends un peu que je rentre à la maison ! Je vais t’apprendre à fricoter déjà avec des garçons ! »] La femme avait reconnu sa fille sur les images

et, à la maison, face à cecorpus delicti, la fillette a pu difficilement se

tirer de là. Et cela a certainement arrangé les choses car la mère a, selon leLandeszeitung, montré une indignation exagérée. Il va de soi que les

voisins de la femme dans la salle se sont amusés de tout cœur à cause de cet incident.

La prise de vue locale Sortie de la cathédrale le dimanche de Pâques prouve bien que Peter Marzen avait effectivement compris depuis le début qu’il fallait créer dans le Central-Theater de Trèves une

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