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pour une nouvelle génération de cinéastes

Dans le document Le « local » dans l’histoire du cinéma (Page 98-112)

Guillaume Boulangé

(Université Paul-Valéry, Montpellier)

Local vs national ou l’éternel combat de David et Goliath

Transposé dans le champ du cinéma français, « local » définit couram- ment les tentatives, en général infructueuses, de représentation d’un lieu et d’une identité infranationales spécifiques. Peu nombreux sont, en effet, depuis l’invention du cinématographe, les cinéastes français qui ont réussi le pari du décentrement sans sombrer dans l’anonymat, la circonspection critique ou le repli communautaire. La matière était pourtant là. Déjà en , le critique André Bazin faisait valoir que bien des paysages de France restaient à conquérir si l’on voulait bien ouvrir les yeux. Il regrettait que notre cinéma, à l’instar de la littérature, ne soit pas encore parvenu à « révéler l’universel dans le singulier, l’hu- main dans les apparences de l’homme». Bazin appelait alors de ses

vœux un véritable cinéma des provinces qui ne soit pas un pittoresque et pitoyable « cinéma de province » !

On peut raisonnablement douter qu’il ait été entendu. Dès lors, pour un cinéaste désireux d’enraciner son univers dans un territoire forte- ment typé, comment concilier son « irrédentisme local » avec les exi- gences économiques et culturelles de l’identité nationale, sans som-

. A. Bazin : Le Tour de France dans revue L’écran français, du  juin  repris dans A.Bazin : Le cinéma français de la Libération à la Nouvelle Vague (-), édition Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, , p. .

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brer ni dans la caricature grossière ni dans l’isolement artistique ou l’ar- chaïsme ?

Regain : Guiraudie et Cie...

Un phénomène nouveau au sein du cinéma français est récemment venu bousculer l’ordonnance. A émergé une petite équipe de cinéastes de province pour qui l’articulation entre territoire géographique et quête identitaire est devenue essentielle. Ils ont pour originalité d’être natifs du Sud-Ouest et de tourner leurs films sur place. Leur «Volem

filmeral païs » n’est ni une stratégie régionaliste défensive ni la pein-

ture nostalgique d’un folklore en voie d’extinction. Alain Guiraudie, Yves Caumon, Arnaud et Jean-Marie Larrieu (et également leur ami drô- mois Philippe Ramos) participent d’une redéfinition stimulante du pay- sage cinématographique national. Leur propos, tant éthique qu’esthé- tique, n’est pas sans lien avec les remarques du critique Alain Bergala et du cinéaste Arnaud Desplechin sur la malédiction du cinéma français « surinstallé et déductif » qui veut qu’actuellement « les bons films tour-

nés en France n’appartiennent pas au cinéma français » ou qu’ils res- sortiraient d’une « bataille gagnée contre un paysage morne, une pesan- teur bien française». Ces films du Sud-Ouest ne seraient donc que pour

partie du cinéma français ? Après quinze ans de films de chambre pari- siens souvent plus nombrilistes qu’intimistes, parfois réalisés dans de splendides décors en province, il y eut comme une bouffée d’air frais

avecFin d’été, La Brèche de Roland, Un homme un vrai, La Beauté du monde, Amour d’enfance, Du soleil pour les gueux, Ce vieux rêve qui bouge, Pas de repos pour les braves, et Voici venu le temps. Le pano-

rama par trop lissé et monochrome du cinéma français peut s’enor- gueillir des quelques jolies notes. Souhaitons qu’elles incitent d’autres « troupes » de cinéastes conquérants à tenter l’échappée belle hors du territoire national sans renier ses caractéristiques propres. Tous ces films auraient mérité une étude approfondie, mais la place manque et il faut choisir. Les premiers longs métrages d’Alain Guiraudie,Pas de repos pour les braves, et des frères Larrieu, Fin d’été, sont deux œuvres suffi-

. Cf. A. Bergala : « À Arnaud D. ; qui sort son film dans une seule salle » et « Arnaud Desplechin : Le cinéma francais existe-t-il ? », respectivement dans revuesCahiers du cinéma, nos et , mars et avril .

. Déraciné au cœur des Alpes, Peindre ou faire l’amour le dernier film des Frères Larrieu sorti en  en serait un exemple tout à fait intéressant à analyser.

Le Sud-Ouest, territoire « idéal » 

samment riches et décisives pour aborder les mentalités du Sud-Ouest et l’imaginaire des cinéastes qui contribuent à sa spécificité. Pour faire apparaître, en creux, l’originalité de leur démarche artistique, nous lui avons opposé celle du publicitaire Etienne Chatiliez qui, pourLe Bon- heur est dans le pré en , avait lui aussi braqué sa caméra vers les col-

lines verdoyantes du Gers avec le succès public marqué de cinq millions d’entrées. De cette confrontation doit émerger l’idée (pas neuve mais toujours utile à rappeler) que s’il existe effectivement une réalité locale, il y a diverses façons d’en rendre compte au cinéma. Avant de mettre en regard ces différentes approches, examinons succinctement quels élé- ments filmiques récurrents permettent de constituer le Sud-Ouest en « territoire singulier » à défaut d’être autonome.

Petit manuel géographique du « Sud-Ouest » au cinéma

Il est étonnant de mesurer que dans tous ces films, le Sud-Ouest apparaît comme un voyage en soi avant d’être un cheminement dans un territoire géographique clairement délimité. « Nous ne sommes pas très racines ; C’est le passage d’un lieu à un autre qui nous intéresse » déclarent les Larrieu. Empruntant tantôt l’aspect d’un trajet, d’un par-

cours ou d’une direction idéale, ce Sud-Ouest français se définit le plus souvent par rapport à Paris, au Nord. Que l’on vienne de la capitale ou d’une autre province (le Jura dans Le Bonheur est dans le pré), le

spectateur est alors sommé d’entreprendre une balade main dans la main avec les personnages. Si la route est belle et pleine de rencontres décisives, elle est surtout longue et sinueuse, semée d’embûches et de chausse-trapes spatiotemporelles propices aux plus étranges éga- rements. Comme le North by Northwest hitchcockien, ce « Sud-Sud-

Ouest » se veut quête et métamorphose identitaire plus que circuit d’agrément. Plus proche d’eux tant géographiquement que cinéma- tographiquement, le cinéma d’André Téchiné est une source d’inspi- ration pour ces jeunes cinéastes, même si la plupart des migrations orchestrées par ce célèbre « grand frère » se déroulent à rebours des leurs. À chaque époque, son voyage idéal. Chez Guiraudie, le Sud-Ouest est ainsi toujours une pérégrination intérieure, un voyage immobile qui n’a nul besoin de Paris ou d’un autre lieu pour exister. De l’avion

. A. & J.-M. Larrieu : « Même la montagne, dans nos films, est un voyage en soi plu- tôt qu’un pays »/Sébastien Bénédict (Interviewer), Marie-Anne Guérin (Interviewer), Olivier Joyard (Interviewer), dans revueCahiers du cinéma, no

 Guillaume Boulangé

rouge qui roule sans décoller aux multiples « trajectoires rectilignes en boucle » que décrivent ses personnages, son film accumule les figures du mouvement en vase clos. Cela ne saurait être un hasard, il est le seul de la bande du Sud-Ouest à n’avoir jamais subi l’exil parisien pour réaliser ses films. Peut-être est-il actuellement l’unique authentique « cinéaste provincial de France » ?

Dans tous ces films, les indications toponymiques telle que noms de villes et de villages, carte et panneaux routiers, plaques d’immatri- culations des véhicules, radios et journaux locaux, jouent évidemment un rôle déterminant pour « cadrer » le territoire investi. Chacun à leur façon, les Larrieu et Guiraudie parviennent néanmoins à jouer avec ces conventions en inventant à partir de leur Sud-Ouest, un nouvel espace imaginaire à mi-chemin entre fiction et documentaire. Dans

Pas de repos pour les braves, entre la lecture d’un improbable « La Mon-

tagne Libre », la traversée de « Village qui meurt » et de « Village qui vit » et la découverte d’une vieille C.X. rouge immatriculée « AZF  » qui sème légèrement le doute en renvoyant à la dramatique actualité tou- lousaine, Guiraudie paraît refuser les contraintes d’une toponymie réa- liste, mais installe ses personnages à l’Hôtel de France et insiste pour que le Tarn arrose la ville occitanisée de Buenozères. Tous ses films mettent ensuite l’accent sur la profonde naturalité du Sud-Ouest. Si l’on passe brièvement sur le Pont Neuf dans la « Ville Rose » au pro- logue de Fin d’été, la nature et ses multiples variations saisonnières

occupent partout ailleurs une place considérable dans les images et dans les récits de ces films, logiquement tournés en décors réels. Ces paysages en fête s’opposent d’évidence à la grisaille urbaine saturée de béton et de fumées industrielles, mais également à toute une frange du jeune cinéma français qui opte régulièrement pour un anonymat géographique de bon aloi, empruntant aux westerns américains leur vision des paysages nationaux qui n’appartiennent plus dès lors à une culture particulière pour devenir de purs espaces cinématographiques. Ici ces montagnes, ces hauts plateaux rocailleux et ces villages sont du Sud-Ouest et ne peuvent être assimilés à ceux des Alpes, du Jura ou des Rocheuses! Ces cinéastes se veulent universels autrement que par un

. L’influence du western est manifeste chez Alain Guiraudie, Philippe Ramos et dans certaines œuvres des frères Larrieu (souvenez-vous des «Wild Pyrénées » et des

«frenchs far west mountains » d’Un homme un vrai), mais pour d’autres raisons que la

traditionnelle confrontation entre les hommes et la nature. Comme dans les meilleurs films de leurs aînés américains, ces cinéastes du Sud-Ouest se posent la question fonda-

Le Sud-Ouest, territoire « idéal » 

travail d’acculturation des formes cinématographiques et de standar- disation d’un monde mondialisé. Conséquence directe du point précé- dent, le Sud-Ouest apparaît comme un « pays » presque exclusivement rural, préservé de l’urbanisation et du mode de vie citadin. Ici nul risque de voir des banlieues en flammes, d’immenses zones commerciales ou des périphériques embouteillés. L’échelle de vie pertinente demeure le village, qui se définit invariablement par ses vieilles bâtisses de pierres aux volets de bois, sa « grande place » du marché déserte, son café du commerce ouvert sur l’extérieur, et son monumental clocher d’église toujours aperçu de loin.

À ce décor s’ajoutent ensuite tout ce qui caractérise les hommes qui peuplent ce territoire, leur mode de vie et leur culture. De nom- breuses récurrences existent qui tendent à imposer un modèle : le couple vedette de ces fictions du Sud-Ouest met ainsi fréquemment en miroir, un paysan (ou un ouvrier) à la retraite avec un jeune qui peine à trouver sa place ou qui, s’il l’a trouvée, s’interroge. À travers cette typologie de personnages archétypaux, tous ces films abordent peu ou prou les mêmes problèmes : exode rural, difficultés grandis- santes de l’agriculture et de l’artisanat, chômage, départ des jeunes vers les grands centres d’activités, fossé intergénérationnel, solitude,... Tous racontent l’histoire de « village qui meurt », même si Guiraudie préfère parler ouvertement d’une « France qui meurt ! ». Comme pour le Jean Renoir deToni ou du Déjeuner sur l’herbe, leur « grand-père » de cœur, le

cadre géographique est toujours aussi un cadre social. Territoire vieillis- sant et languissant où l’ennui et le désœuvrement sont le lot quotidien de nombreux autochtones, ce Sud-Ouest est sans point commun avec la suractivité et le « jeunisme » ambiant dont se piquent le cinéma et la télévision française. Chez Guiraudie, les panneaux de limitation de vitesse à  kilomètres heures sont évidemment à interpréter dans ce sens, tout comme la prédilection des frères Larrieu dansFin d’été pour

les longs plans fixes sur des personnages statiques. Chez eux, même les séquences de bal ou de concert se jouent plus du côté du comptoir du bar ou de la buvette que sur la piste de danse. Cette manière particu- lière de vivre le temps et d’être au monde se traduit également par un certain nombre d’occupations plus végétatives et ludiques que réelle- ment sportives (le rugby n’y est pas comme chez Chatiliez l’activité la mieux partagée). Toutes se caractérisent encore par un profond désin-

mentale des origines culturelles et historiques d’une identité, non plus nationale, mais locale.

 Guillaume Boulangé

térêt pour l’actualité immédiate et les modes. Le nudisme parfaitement assumé par la petite communauté post-soixante-huitarde deFin d’été

éloigne le spectre d’un prêt-à-porter ringard et désuet « typiquement » provincial.

Ce « local » cinématographique accumule enfin de nombreux signes d’une tutelle nationale fatiguée, aveugle à leur quotidien et à leurs aspi- rations profondes. Quand il n’est pas forcé et qu’il n’est pas confondu avec celui du Midi, l’accent chantant du Sud-Ouest nous rappelle ainsi que ce territoire fut celui des poètes albigeois et des « fabulous trouba- dours » avant d’être celui des rugbymen du Top . Si la langue fran- çaise est, par force, commune, elle n’est pas la seule parlée dans ces films. Nécessité touristique oblige (ou réalisme sociologique !), l’anglais gagne du terrain (parfois mélangé au français à des fins comiques) ; de nombreux emprunts à l’espagnol rappellent également que la frontière établie par le Traité des Pyrénées de  est plus théorique qu’effective.

Enfin, l’occitan est mentionné et parfois entendu, preuve d’une histoire passée et d’une culture toujours vivace en marge de la communauté nationale. Lorsqu’ils ne sont pas clairement désignés comme des enne- mis ou des agents de la soumission, le Préfet, les élus politiques locaux, les gendarmes, les banques, les promoteurs immobiliers, la télévision et même la presse régionale, paraissent tous d’étranges visiteurs en ces contrées. Le plus décalé (mais également le plus proche des cinéastes) est probablement le président du Conseil Général deFin d’été « impro-

visant » la récitation deSensation, le poème programmatique d’Arthur

Rimbaud, lors de l’inauguration officielle d’un centre de développe- ment informatique : « ... Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien, par la Nature, — heureux comme avec une femme. » Qu’elle semble alors loin la politique rigoureuse et prospective du fameux Schéma des Pyrénées élaboré fin  pour « combattre la désespérance », « affirmer qu’un avenir était possible », en « favorisant l’innovation sous toutes ses formes » et en « créant des lieux de pouvoir réel spécifiquement monta- gnards» ! ! Seule la « maire autocratique » du village deFin d’été semble

encore vouloir croire à ces possibles bienfaits en incitant les jeunes à

. Tous les cinéastes montagnards du Sud-Ouest savent parfaitement l’inanité de cette frontière ; les Larrieu en tête de cordée, eux dont chaque film paraît s’ingénier à effacer cette limite en accompagnant leurs personnages de l’autre côté des cimes sans jamais donner l’impression d’un quelconque passage ou d’une rupture franche avec l’autre territoire.

. Extraits du Schéma des Pyrénées dans Collectif : Le Local dans tous ses États/

Décentralisation et développement : la grande bataille du Septennat, Éditions Autre-

Le Sud-Ouest, territoire « idéal » 

s’implanter au village. Son prénom y résonne à lui seul comme un pro- gramme : Marianne...

Le Sud-Ouest : nouvelles frontières pour cinéastes libérés

À partir des différents éléments constitutifs de cette entité locale, il serait logique à présent de comparer méthodiquement leurs mises en scènes respectives. Rapidement, de nombreuses divergences apparaî- traient entre le Sud-Ouest dépeint par les jeunes cinéastes « indigènes » et celui exotique vu par Etienne Chatiliez (« Ca me rappelle l’Afrique ! » avoue son personnage principal). Il suffirait d’évoquer par exemple le rôle crucial de la nourriture en montrant comment celle-ci cannibalise littéralement le récit et les personnages duBonheur est dans le pré, trans-

formé en véritable film A.O.C. destiné à promouvoir les « bons produits » du terroir, quand elle n’est chez Guiraudie et les Larrieu qu’un moyen commode d’établir ou non, un lien avec le reste du monde. Mais plu-

tôt que d’opérer à la loupe, luttons contre l’idée tenace qui veut que la proximité avec l’objet d’étude impliquede facto une meilleure connais-

sance de celui-ci, et suivons la pente naturelle de ces films pour les- quels, ascension rime souvent avec liberté. Prenons un peu de hauteur et optons pour un regard plus général afin de saisir l’essence du rapport de ces cinéastes avec leur territoire.

L’importance conjointe des changements géographiques et clima- tiques, l’attention accordée au passage des saisons (le titre Fin d’été

met évidemment l’accent dessus), enfin la nature étrange des voyages proposés par Guiraudie et les Larrieu prouvent que cet attachement au « pays » n’est pas chez eux une stratégie pour circonscrire leur ter- ritoire cinématographique aux seuls cadres administratifs, politiques et culturels existants, mais au contraire, le plus sûr moyen d’échapper à de telles limites. À des années lumières de l’utopie champêtre « bornée »

du Bonheur est dans le pré avec sa vision stéréotypée et conservatrice

du Sud-Ouest, ces cinéastes s’ingénient avec obstination à inventer

de nouvelles frontières. Pour situer le lieu-dit Les Ponches, le film de

. Même l’évocation de la crise du monde rural dans le film de Chatiliez est rame- née à une discussion de politesse au café du coin, ou alors servie entre « la poire et le fromage ».

. Ces frontières sont d’ailleurs autant géographiques que culturelles, le film étant carrément odieux envers les vieux paysans du Gers assimilés à de gros couillons super- stitieux, s’extasiant devant un billet de cinq cents francs évidemment parisien ou sur- veillant vingt cinq ans un puits pour s’assurer que l’homme tombé dedans n’en sortirait pas vivant.

 Guillaume Boulangé

Chatiliez reprend par le menu l’habituel découpage administratif de la France, en nommant successivement la région Midi-Pyrénées, le dépar- tement du Gers et enfin la commune de Condom concernés. Tout en nous envoyant au cœur de la France profonde, le film ne se dépare jamais d’une toponymie spécifiquement nationale (que renforce la lec- ture du guide Michelin et du quotidienl’Équipe) et d’une image exclu-

sivement parisienne de cette province. Le panoramique consternant sur le panneau routier indiquant l’entrée de « Condom, station verte de vacances » résume à lui seul l’esprit du film : comme son person- nage principal, Chatiliez débarque en vacancier et filme en touriste. Toujours contemplé superficiellement, son Sud-Ouest a tout de la jolie carte postale pour badauds en villégiature. « Quelle belle région ! » s’exta- sient sans cesse ses personnages. Ici tous jouissent du spectacle d’une nature purement décorative, qui d’ailleurs se limite à un unique fond de jardin filmé en plan large ; aucun personnage ne l’habite vraiment ; seuls peut-être les canards en liberté au dernier plan du film...

Dans le prologue deFin d’été aussi, les frères Larrieux semblent assi-

gner au spectateur une position de touriste parisien. Un commentaire en voix off encourage à quitter Paris pour gagner le Sud-Ouest à toute vitesse. Cependant le film propose assez vite d’arpenter d’autres che- mins que ceux archi-rebattus des traditionnelles vacances estivales : Une fois passé « le pont neuf dans la ville rose », pénétré en « pays cathare, royaume de l’amour courtois », le récit bifurque et se perd au cœur de la Montagne Noire dans le village de Castan, (« châtaigne » en occitan) lui-même décomposé en trois petits hameaux distincts étagés à différentes altitudes. La voiture n’est plus alors d’aucune utilité, un enfant sauvage et un âne aux regards bressoniens servent désormais de guides ! À  mètres au-dessus du niveau de la mer, dans ce « terri- toire des hommes libres » évoqué par le commentaire off, ce « là-haut » qui restera sans nom tout au long du film, l’égorgement d’une chèvre indique que le récit change de tonalité. Fin de l’été, fin du tourisme, et commencement de la véritable fiction du Sud-Ouest : Le sang versé sur la terre blanche se veut annonciateur ; le lourd soleil de plomb qui écrase les hommes, la nature sauvage qui sans cesse brouille les pistes

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