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Glissements progressifs vers la guerre : le programme des cinémas à Düsseldorf

Dans le document Le « local » dans l’histoire du cinéma (Page 42-54)

au début de la Première Guerre Mondiale

Frank Kessler et Sabine Lenk

(Université de Utrecht — Musée du cinéma de Düsseldorf )

Qu’est-ce qu’apportent les études de l’histoire du cinéma à un niveau local ? Pourquoi devrait-on essayer d’identifier les adresses où, autre- fois, se trouvaient des salles de cinéma ? À quoi sert de savoir quels films étaient programmés dans tel cinéma à telle date ? Outre le fait que le tra- vail de recherche sur le passé de l’institution cinématographique à tel ou tel endroit précis constitue sans doute une contribution importante à la mémoire collective de la ville en question, ce type d’études locales permet également de nuancer les grandes fresques peintes par les His- toires de cinéma qui, la plupart du temps, se situent plutôt à une échelle nationale ou, à la limite, tendent à traiter du cas des grandes capitales comme Paris, Londres ou New York comme représentatifs pour l’en- semble d’un pays. L’essor qu’ont pris les recherches locales en matière du cinéma témoigne du fait qu’elles commencent à trouver leur place dans le champ des études cinématographiques.

Ce qui donne un intérêt particulier aux études locales, c’est qu’elles

déplacent l’attention des historiens des textes filmiques, ou de la pro-

duction tout court, non pas vers la réception (qui reste l’une des ques- tions les plus complexes pour l’historien), mais vers l’offre de films

en un lieu et à un moment précis, et donc vers lespossibilités de ren-

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contre entre le public et les œuvres. Cette perspective ouvre en outre le

débat sur un autre terrain que celui de l’histoire de l’art cinématogra- phique (bien qu’elle puisse fournir souvent des données intéressantes à ce niveau-là aussi, mais, généralement, plutôt de manière indirecte), à savoir celui d’une histoire culturelle du cinéma. Évidemment, de telles recherches, comme toute analyse à un niveau micro-historique, posent des problèmes en ce qui concerne le statut des données prélevées. Mais d’un autre côté le nombre croissant de travaux dans ce domaine com- mence à fournir des données très riches pour des études comparatives entre différentes villes et différents pays, qui seront très probablement les deuxième et troisième étapes dans le champ des recherches locales. Ici on se concentrera sur une période particulière, à savoir celle des premiers mois de la Première Guerre Mondiale. Le conflit, précédé par une montée générale du nationalisme dans beaucoup de pays euro- péens, a des conséquences importantes pour le cinéma qui fonctionne, lui, surtout à une échelle internationale. L’industrie cinématographique française exporte ses produits dans le monde entier, tandis que le mar- ché en Allemagne est pour une large part dominé par des importations, notamment de la France. Comment les exploitants réagissent-ils donc à cette situation nouvelle ?

Les cinémas de Düsseldorf

En , un nombre considérable de cinémas proposent un pro- gramme régulier aux environ   habitants de Düsseldorf. La ville fonctionne comme une « plaque tournante » pour la distribution des films, qui y sont envoyés de la capitale Berlin parce que c’est là que les producteurs ont établi leurs filiales pour la diffusion dans l’Ouest de l’Allemagne.

Pour cette étude, nous analyserons la programmation de deux salles représentatives : le Residenz-Theater et l’Asta-Nielsen-Lichtspiele, toutes les deux situées sur le « boulevard du cinéma », la Graf-Adolf- Straße, rue animée qui lie la gare centrale aux quartiers populaires du vieux centre-ville. Nous regarderons d’abord les programmes du mois précédant le conflit, puis nous verrons comment la guerre et l’avance- ment des troupes allemandes en Belgique et en France se reflètent dans les annonces et dans la programmation.

Glissements progressifs vers la guerre 

Les derniers moments de paix : juillet

La situation des exploitants est confortable en . Aller au cinéma fait partie des habitudes non seulement des jeunes qui fréquentent le Kaiser-Kinematograph ( places), l’Asta-Nielsen-Lichtspiele () ou le Nordlichttheater (). C’est également le cas pour une partie de la bourgeoisie, qui se rend alors plutôt au Residenz-Theater ( ), le Lichtspiele sur la Kö (), le Schadow-Lichtspiele ( ) ou le Palast- Theater () parce que ces salles offrent plus de confort.

Au programme de tous les cinémas il y a aussi bien des films fran- çais que de films allemands, italiens, américains, britanniques ou scan- dinaves. Les annonces dans les journaux mentionnent régulièrement les producteurs des films de la semaine, parmi lesquels on trouve les sociétés françaises Pathé et Gaumont.

Tout le mois de juillet l’Asta-Nielsen-Lichtspiele, un cinéma très populaire, propose son programme habituel composé de comédies, de drames sociaux, d’histoires de détective, de films à sensations et de wes- tern américains. Si la programmation ne se distingue guère de celle des mois précédents, les actualités projetées à l’Asta-Nielsen le  juillet révèlent néanmoins les tensions politiques qui perturbent l’Europe. Aus den Schreckenstagen in Sarajewo et Begräbnisfeierlichkeiten des Erzherzogspaares rappellent l’assassinat de l’archiduc autrichien Franz Ferdinand von Habsburg et de sa femme Sophie dix jours avant (--). Les images de l’enterrement seront, par ailleurs, montrées par tous les cinémas importants de la ville.

Le - l’Asta-Nielsen présente un film de guerre, Im Schatten des grossen Krieges (Éclair, ), racontant des « événements dramatiques de la campagne de - ». Probablement, l’exploitant August Baltes cherche-t-il à projeter un film dont le thème répond aux attentes d’une bonne partie des Allemands concernant l’éclatement de la guerre. Qu’il soit de provenance française et qu’il illustre le siège hivernal de Paris (septembre  à janvier ) par les soldats allemands et ses consé- quences pour la population n’a apparemment guère d’importance.

Braun, « Patriotisches Kino im Krieg. Beobachtungen in der Garnisonsstadt Trier »,KIN- top , , p. -. Plusieurs titres projetés à Düsseldorf en août et septembre le

seront à Trèves seulement en novembre. La grande ville est servie plus tôt, les exploi- tants peuvent donc réagir plus rapidement aux événements politiques dans leur pro- grammation patriotique.

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Le  du mois, quatre jours avant la proclamation de la guerre contre la France par le Kaiser (-) et deux jours après la déclaration de guerre de l’Empire austro-hongrois contre la Serbie (-), le cinéma annonce : « Avertissement. En tenant compte de l’ambiance actuelle pleine d’en- thousiasme et de patriotisme nous avons décidé de montrer demain le grand film populaire et d’actualité Tirol in Flammen. Der Freiheits- kampf eines Volks [...]. » (c’est très probablement Tirol in Waffen, Messter, ). Ce spectacle en cinq actes racontant la « mort héroïque »

d’Andreas Hofer en  est présenté non seulement aux adultes mais également aux adolescents lors d’une matinée spéciale. Tirol in Flam- men fait de la propagande de guerre à un public avide d’histoires de victoire contre l’ennemi d’Outre-Rhin.

Parallèlement, l’Asta-Nielsen montre à partir du  juillet Die Affaire der Madame X (Pasquali, ), film sur l’épouse du ministre des finances français Joseph Caillaux qui avait tué au printemps de cette année Gaston Calmette, directeur duFigaro, pour ses attaques polé-

miques contre son mari. Contrairement à un autre cinéma important, les Lichtspiele sur la Kö, qui dans son annonce déclare de manière polé- mique que le film témoignerait de la situation actuelle (chaotique et scandaleuse) en France, l’Asta-Nielsen parle uniquement d’un « procès sensationnel parisien » qui occupe le monde entier.

Le Residenz-Theater, situé dans la même rue et offrant plus d’élé- gance, de confort et de places que son voisin, est géré par Fritz Genandt et Emil Schilling. Genandt sera plus tard un partisan du national- socialisme. On ne s’étonnera donc pas s’il affichait à la veille de la guerre une attitude plutôt nationaliste. Pourtant, son programme de juillet est composé de tous les genres et même dominé par des thèmes français : le - il joue Das Geheimnis der Münze (Hübsch & Co., ), « drame excitant de la période de la campagne napoléonienne en Russie », et le - Bau einer Brücke und eines Bahngleises durch französische Genietruppen-Construction d’un pont et d’une voie ferrée par l’ar- mée française (Pathé, ), « vue militaire très intéressante » qui en France sort même après sa première en Allemagne et en Angleterre. En

juillet, aucun film antifrançais ou en faveur de la guerre n’apparaît dans les annonces duD.G.A.. Mais à la fin du mois, Genandt, tout comme les

autres exploitants de Düsseldorf, informe sa clientèle : « Message impor-

. Düsseldorfer General-Anzeiger (par la suite : D.G.A.), --.

. Voir Henri Bousquet, Catalogue Pathé des années  à , s.l. [Bures-sur-Yvette], chez l’auteur, , p. .

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tant ! Les télégrammes relatifs au danger de guerre seront présentés à l’écran de notre théâtre à l’instant de leur publication. »

Août — L’attitude patriotique des exploitants

La déclaration de la guerre contre la France a été attendue depuis un certain temps et — il faut le dire — avec impatience. Une grande partie de la population allemande se réjouit d’avance de la nouvelle défaite de l’« Erbfeind » que l’on croit certaine.

On pourrait s’attendre à une fermeture des salles, vu le nombre de jeunes employés qui sont recrutés ou qui s’engagent en tant que volontaires dans les régiments. En plus, les exploitants prévoient un règlement gouvernemental. Celui-ci ne concernera finalement que « les salles de danse et d’autres établissements de distraction similaires».

Tout comme à Paris, les cinémas ne sont guère touchés par les res- trictions qui frappent par ailleurs le secteur des amusements publics.

Par conséquent, la plupart des salles ne ferment pas. S’il y a fermeture comme dans le cas du Theater Gross-Düsseldorf (-/), il s’agit pro- bablement de la pause estivale habituelle. Le variété Apollo ferme du  au - et tient ainsi compte « de la situation politique plus que sérieuse et des sentiments du public».

Parmi les cinémas, à part le Rheinische Lichtspiele, seul le Schadow- Lichtspiele interrompt ses activités pour quelque temps. Le lendemain de la déclaration de guerre à la France on annonce : « Avertissement ! Par ceci nous faisons savoir de nouveau que le ‘Schadow-Lichtspiele’ restera fermé jusqu’à nouvel avis à cause de la guerre, des temps sérieux et du recrutement du personnel. »

. D.G.A., --.

. Der Kinematograph, --. Le Kaiser, « première vedette du cinéma allemand » (Martin Loiperdinger), est favorable à la cinématographie et reconnaît tôt son pouvoir de propagande. Ceci pourrait être une des raisons pour lesquelles les cinémas ne sont pas obligés de fermer.

. Cf. Jean-Jacques Meusy, Paris-Palaces ou le temps des cinémas (-), Paris : C.N.R.S. Éditions, , p.  sq. La guerre étant plus proche, il y a cependant un couvre-feu à partir de  heures à Paris et les salles sont contraintes à ne donner qu’une seule séance relativement courte par soirée. À Düsseldorf, par contre, les programmes continuent de la même manière qu’avant.

. D.G.A., --.

. D.G.A., --.Les Schadow-Lichtspiele rouvriront le - à  heures avec un « programme patriotique ! Correspondant au sérieux des temps et aux sentiments du peuple. Le gain net de chaque vendredi au profit de la Croix Rouge. »

 Frank Kessler et Sabine Lenk

La vie quotidienne continue comme avant, le front est loin et ses atrocités ne s’affichent pas encore visiblement : les mutilés sont encore peu nombreux, la mort d’un proche ne touche que quelques familles. La guerre est suivie dans la presse et dans les actualités cinéma- tographiques. Évidemment, l’intérêt pour le conflit est énorme. Les exploitants y répondent en proposant des thèmes patriotiques. L’Asta- Nielsen et le Residenz montrent mi-août Theodor Körner (Deutsche Mutoskop- und Biograph-Gesellschaft), un « tableau colossal patrio-

tique » de la vie du poète et auteur dramatique sortie déjà en  et qui décrit le parcours du héros « du berceau jusqu’à sa mort héroïque ». Apparemment on n’est pas perturbé par la fin tragique de Körner, auteur du vers célèbre «Morgenrot, leuchtest mir zum frühen Tod»,

combattant Napoléon en  et tué la même année dans la bataille de Gadebusch. Cinq jours plus tard cet exemple d’héroïsme masculin est suivi à l’Asta-Nielsen par un autre tableau historique consacré à la Reine de la Prusse, Der Film der Königin Luise (DMB, )ainsi que

par Unsere blauen Jungens (Eclipse, ), film documentaire (d’une firme française !) sur la marine allemande, protectrice de l’île Helgoland. La recette nette de Theodor Körner, encore à l’affiche, ira d’ailleurs à la Croix Rouge.

L’industrie cinématographique allemande profite de l’ambiance nationaliste pour re-sortir fin août la seconde et la troisième partie de Der Film der Königin Luise (DMB, ). L’Asta-Nielsen propose en plus les « prises de vues militaires les plus récentes, tournées à la demande de Sa Majesté, le Kaiser ». Selon la description il s’agit de vues peu spectaculaires : des scènes d’entraînement datant probablement d’avant la guerre. Mais la population de Düsseldorf, ville de garnison, apprécie ces images, car elles montrent les Uhlans dont un régiment est stationné ici depuis .

L’Asta-Nielsen clôt le mois par le drame Das ist der Krieg (Continen- tal, ) suivi d’autres vues militaires qui constituent maintenant une rubrique permanente du programme. On présente « La vie quotidienne et les occupations des environ   prisonniers belges et français au camp de Munster. » Dans l’annonce on lit : « Ne manquez pas de visi- ter notre théâtre ! Vient d’arriver : des prisonniers belges et français en

. Par la suite D.M.B.

. « Aurore, tu brilles pour ma mort prochaine » (trad. F. de la Bretèque). . Le Residenz-Theater l’avait montré une semaine avant.

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film. » Parmi les dix nouveautés fictionnelles et documentaires du mois d’août, six concernent donc directement ou indirectement la guerre.

Le Residenz présente en août un programme délibérément patrio- tique. Dès la deuxième semaine de la guerre Genandt annonce : « Les films français et anglais ne seront plus projetés. » Pendant la première

semaine il avait affiché Der Brückensturz — La passerelle tragique, un film de Pathé (), compagnie qui figurait souvent au programme de son cinéma. Comme il est presque coutume en Allemagne en ce temps-là, cette projection a probablement provoqué des protestations du public. Genandt ne programmera par la suite que des œuvres de pro- venance américaine, italienne, danoise, néerlandaise et, naturellement, allemande. Par ailleurs, les premières actualités de la guerre arrivent ce même jour : Treu zur Fahne ! présente plusieurs vues de l’Empereur parlant au peuple, puis des troupes ainsi que la foule exaltée devant la résidence de Guillaume II. Mais ce n’est qu’à partir du  octobre que sept grandes maisons de distribution de la Rhénanie-Westphalie ne diffuseront plus de films français, russes ou anglais. L’union régio- nale des professionnels de la cinématographie et des professions qui s’y attachent déclare qu’on n’acceptera pas que les productions françaises puissent jouer de nouveau un rôle prédominant après la guerre.

Comme ses concurrents de l’Asta-Nielsen, Genandt programme à la mi-août Theodor Körner, « Représentation authentique [...] qui pas- sionnera tous les Allemands en cette période si difficile», suivi par Lieb’

Vaterland, magst ruhig sein (DMB, ) dont le titre est emprunté à un chant nationaliste de Max Schneckenburger intitulé « Die Wacht am Rhein », et qui contient, entre autres, « les images les plus récentes de sa Majesté ». Le bilan du Residenz : onze nouveaux films documentaires et de fiction idéologiquement plutôt neutres, contre huit ayant un rapport avec la guerre.

La programmation des deux cinémas ne reflète pas les problèmes inattendus qui s’annoncent au cours du mois d’août : l’appel aux armes des Belges qui refusent que leur patrie serve de pays de passage vers la France, ce qui ralentit considérablement l’avancée des envahisseurs allemands vers Paris.

. D.G.A., --.

. « Filmfragen zur Kriegszeit », D.G.A., --. . D.G.A., --.

 Frank Kessler et Sabine Lenk

Septembre — Le retour des soldats blessés

En septembre, tous les cinémas offrent leur appui aux soldats retour- nant du front. Dans leD.G.A. on lit le -- : « Comme nous venons

de l’apprendre, toutes les salles de cinéma mettent un grand nombre de places gratuites à la disposition des soldats blessés. » Certains exploi- tants le confirment dans leurs annonces, soulignant ainsi leur solidarité avec les troupes ainsi que leurs sympathies pour les jeunes hommes qui continuent à s’inscrire comme volontaires. Et ils démontrent leur sou- tien pour l’armée en offrant gratuitement des places aux blessés, muti- lés et invalides de guerre.

L’Asta-Nielsen annonce : « Des vues du front arrivent tous les jours! »

Même si les opérateurs ne peuvent pas filmer l’action sur les champs de bataille, ils rendent la sphère de la vie quotidienne directement derrière les lignes. Ainsi ils donnent aux familles des soldats une image de ce que vivent les maris, frères, fils, cousins et fiancés. À travers les programmes, le public peut suivre l’avancement des armées : Von Aachen nach dem belgischen Kriegsschauplatz Lüttich — Namur, Deutscher Soldat im Felde ou Der Einmarsch der deutschen Truppen in Lüttich und Brüssel sont des titres typiques de cette époque. Ces films sont projetés dans toutes les salles de la ville, qui restent fidèles à la promesse de mon- trer la situation actuelle du front. Toutefois, ces nouvelles sont datées,

car la production demande son temps. Les images de la Belgique sont présentées le  septembre au Asta-Nielsen, tandis que l’armée a franchi la frontière de la Belgique neutre le  août déjà. Elle se trouve depuis le  août à Liège, puis depuis le  août à Bruxelles, le  à Namur.

Or, entre-temps la situation a changée. Contre toute attente l’armée a rencontre de la résistance en Belgique. En appelant son armée au secours de la patrie, le roi Albert I a manifesté la volonté de se battre. Les soldats allemands n’arrivent en France que vers la fin août. Des batailles de Mulhouse (entre le  et -) l’armée allemande sort victo- rieuse, mais dans la bataille de la Marne ( au -) les troupes françaises arrêtent son avancée vers Paris. Le « miracle de la Marne » est un échec lourd de conséquences pour les Allemands.

. D.G.A., --.

. Le Residenz-Theater n’est d’ailleurs pas satisfait par ces titres plutôt neutres. Dans ses annonces il y renonce et préfère ses propres commentaires tels « Liège, Namur, les villes prises » et « d’excellentes vues spéciales des effets de l’artillerie allemande en Bel- gique », D.G.A., --.

Glissements progressifs vers la guerre 

Les projections du Asta-Nielsen ne reflètent pas ces difficultés. On y propose un « programme patriotique brillant » afin de distraire et d’en- courager ceux qui sont restés en Allemagne. Ce programme continue à être l’expression de l’espoir général que la guerre sera bientôt termi- née par une victoire des Allemands. Une semaine après le « Sedans- tag » (erseptembre) le cinéma joue une re-sortie que le Residenz avait

déjà montrée le - : Aus Deutschlands Ruhmestagen (D.M.B., ), « grand tableau de guerre en  actes », rappelant « les grands jours » de la défaite de la France en . L’actualité Die Einholung der erbeute- ten russischen, französischen und belgischen Geschütze und Feld- zeichen in Berlin (rentrée des armes et insignes russes, françaises et belges à Berlin) renforce ce sentiment trompeur.

Plus propagandiste encore, Markante Aussprüche in grosser Zeit (propos marqués à des moments héroïques), présente une série de por- traits de personnalités historiques et contemporaines favorables à la guerre que l’on cite pour justifier les sacrifices imposées par le gou- vernement. Au cours du mois on trouve encore deux autres « tableaux de guerre » à l’écran : Madeleine (D.M.B.), une re-sortie de  racon- tant les actes héroïques d’un officier de la garde allemand en -, et Das treue deutsche Herz (D.M.B., ), le récit des « aventures de

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