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Le local est-il universel ? (la méthode de Jean Rouch)

Dans le document Le « local » dans l’histoire du cinéma (Page 114-128)

Maxime Scheinfeigel

(Université Paul-Valéry, Montpellier)

Le cinéma est une invention occidentale. S’il est un art, il est aussi un commerce et une industrie. Sa vision des choses, relayée par la

camera obscura, repose sur la perspective centrée. S’il crée de l’illu-

sion et raconte des histoires, il est aussi impliqué dans les discours et les représentations des sciences, notamment celles dites « humaines ». Pour toutes ces raisons, le cinéma est marqué par un système de centre- ment, démultiplié à toutes sortes de niveaux, mais néanmoins constitu- tif. Lecinématographe des frères Lumière et les vues réalisées par leurs

opérateurs parachèvent en effet un processus de civilisation qui s’était mis en place au xviiie siècle quand est apparue la première science

humaine proprement moderne, l’anthropologie. Celle-ci est porteuse

d’une évolution de la pensée typique du xixe siècle. En effet, d’une

part elle transforme la finalité économique et religieuse des conquêtes coloniales et leur brutalité martiale en leur apportant un enjeu nou- veau, la connaissance de l’humanité par l’observation méthodique des êtres ; d’autre part, elle jette les bases de la pensée évolutionniste qui va marquer le xixesiècle occidental. On le sait, cette science moderne de

l’homme s’enlève sur l’examen d’une question principale : l’état d’hu- manité est-il répandu à un même degré chez tous les habitants de la terre ? Or, son système d’évaluation a pour référence l’homme occiden- tal considéré comme évolué. La pensée évolutionniste tient ainsi dans ce schéma de base : l’homme lointain, l’étranger, l’indigène, l’exotique

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devenu au xixe siècle un objet d’observation scientifique, est l’enjeu

d’un calcul du degré d’évolution idéal auquel il convient — progres- sisme aidant — qu’accède toute l’humanité.

Certes l’histoire politique et guerrière continue mais sa finalité tra- ditionnelle est désormais élargie au projet scientifique (Napoléon et Champollion en Égypte ne sont pas oubliés !). Les conquêtes coloniales apportent en effet une base logistique à l’anthropologie dès lors que celle-ci s’intéresse à des groupes particuliers d’individus : des ethnies. Au sein de l’anthropologie, l’ethnologie qui sert à une méthode d’ap-

proche spécifiquement territoriale des êtres, se développe bien comme un fleuron cultivé du colonialisme à l’ombre duquel elle prend nais- sance et s’enrichit en moyens matériels et humains. Née sous de tels auspices, l’ethnologie vise à observer et à analyser l’étrangeté des civi- lisations lointaines, non pas pour l’exalter ou au contraire la railler, mais plus précisément pour, selon le postulat de l’homme universel, en réduire la nature et l’étendue en la rapportant à une simple diffé- rence culturelle. Il semble qu’elle congédie le mépris, voire le racisme qui ont imprégné jusque là les entreprises coloniales, fût-ce sous le cou- vert de missions pacificatrices. Une telle avancée de la pensée morale et des mœurs politiques ne va pourtant pas sans un paradoxe : l’eth- nologue occidental s’éloigne de ses concitoyens pour s’approcher de son objet d’étude, toujours lointain, mais en fait il transporte avec lui le lieu mental de son centrement.L’ethnographie, la méthode d’observa-

tion de l’ethnologie déployée sur le terrain, y pourvoie. Elle prend corps en effet dans un protocole révélateur à cet égard : le couple observa- teur/observé s’inscrivant directement dans la descendance et la proxi- mité du couple colonisateur/colonisé, est distribué autour d’un centre dont il revient à une seule des deux parties en présence d’en être le foyer. Que le cinéma, prenant rapidement le relais de la photographie documentaire, intervienne très tôt dans l’entreprise d’observation eth- nographique, n’est alors guère étonnant puisqu’il fonctionne lui aussi sur la bipartition entre un sujet centré, mobile et un objet pareillement mobile mais qu’il convient de (re)centrer dans le champ variable de la caméra. En ce domaine, il n’y a sans doute pas de hasard si l’ethnolo- gie, le cinéma et la psychanalyse naissent à peu près au même moment. Dans les trois s’instaure un couple forcément inégalitaire puisque l’un des pôles, l’initiateur de la relation, est au lieu même du centre tandis que l’autre, visé et construit par l’observateur, est nécessairement en- dehors du centre, il estexcentré à proprement parler. Son lieu est par-

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ticulier, idiomatique, en un mot, il est « local » et assigné à sa localité, le mot valant ici pour désigner aussi bien un endroit géographique pré- cis qu’une qualité de l’être. Lalocalité est spécifique et distincte, elle

est réduite alors même que l’observateur est omnicentré, habitant la planète de la même manière que sa commune appartenance à l’espèce humaine lui fait trouver son lieu en chaque homme et dans tous les hommes. Le local, en l’espèce, n’accède pas à un tel partage des uni-

verselles qualités humaines, ce qui le maintient en deçà du stade d’évo- lution considéré comme satisfaisant de l’humanité.

R

Ce schéma très rapide est intentionnel : il s’agit de rappeler ici que tout le cinéma d’observation, né très tôt dans l’histoire même du cinéma, reçoit une détermination idéologique qui lui vient de sa double origine : d’un côté, son accointance naturelle avec la science anthropo- logique du xixesiècle, elle-même déterminée par l’ordre occidental du

monde, de l’autre la fonction documentaire du cinéma en tant qu’il est une fabrique d’images analogiques. Autre rappel : il faut un demi-siècle de films ethnographiques pour convaincre l’institution ethnologique de la capacité du cinéma à produire des analyses et, par conséquence, à élaborer un discours scientifique sur les réalités observées. Jusque

là, les images filmiques sont considérées comme les illustrations ou les supports d’un discours qui tire ses fondements légitimes de l’expres- sion verbale. Enfin : en , Nanook of the North de Robert Flaherty est le premier film à propos duquel le mot « documentaire » se voit consa- cré à la fois en tant qu’adjectif et substantif, marquant ainsi la nais- sance institutionnelle du cinéma documentaire comme genre à part entière. Jean Rouch débute sa carrière de cinéaste ethnographe dans les années quarante. Il désigne lui-même ses cinéastes inspirateurs, deux documentaristes notoires, Robert Flaherty justement, et Dziga Vertov. Sont également très connues ses relations professionnelles avec des ethnologues de renom qui sont mêlés à son travail sur le terrain.Au pays des mages noirs, son premier film tourné en , est une com-

. Quelques décennies plus tard, la moderne « déclaration universelle des droits de l’homme » vient parachever un tel édifice.

.  : André Leroi-Gourhan publie dans la Revue de Géographie no un article au titre explicite : « Le film ethnographique existe-t-il ? »

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mande de Marcel Griaule, l’ethnologue « découvreur » du pays dogon.

Rencontre décisive : Rouch, qui a fait l’école des Ponts et Chaussées à la fin des années trente et est ingénieur des Travaux Publics, sou- tient en  une thèse d’ethnologie sous la direction de Griaule. Par

ailleurs, il fréquente longuement Théodore Monod à l’Institut Français d’Afrique Noire (I.F.A.N.), il entre en contact avec Germaine Dieterlen, ethnologue réputée elle aussi du pays dogon et il fait plusieurs films avec ou pour elle. Par la suite, s’il reste cinéaste, il est également profes- seur au département d’anthropologie filmique qu’il a contribué à créer à l’université de Nanterre-Paris X et directeur de recherches au Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.).

Ces quelques remarques sont destinées à mettre en valeur ce qui, selon nous, caractérise le mieux le cinéma de Jean Rouch, sonexcen- tricité, le mot étant ici d’abord entendu dans son sens topographique

le plus strict. Jean Rouch part au loin pour faire des films, mais à la différence de la plupart des autres cinéastes ethnographes avant lui, il cherche à radicaliser la procédure de son expatriation en s’aban- donnant à une forme inédite de dérive qui met en jeu le caractère (auto)centré de sa présence parmi des étrangers, derrière l’objectif de sa caméra, en posture d’observateur. Rapidement, on dira ici que Rouch déplace quelque peu les enjeux de l’anthropologie puisque, en ses propres termes, il la souhaite « partagée ». Comment ? Il trouve très rapi- dement une méthode à laquelle il donne un nom particulièrement évo- cateur : c’est la «ciné-transe ». Une telle appellation résonne d’emblée

sur quelque chose qui concerne le problème majeur de l’ethnologie :

l’autre, sa présence, sa nature, autrement dit, c’est la question de l’alté- rité. La « transe » est en effet une pure étrangeté, à plusieurs points de

vue. Elle est un phénomène psychique, elle concerne une minorité de gens qui, soit ont des pouvoirs spécifiques, soit sont sous l’emprise de produits psychotropes, soit appartiennent à des sociétés animistes, les trois états pouvant être réunis dans la personne d’un sorcier (chaman,

. Marcel Griaule a conduit en  la fameuse mission « Dakar-Djibouti » sur la falaise de Bandiagara au Mali, où vivent les Dogons jusqu’alors inconnus de l’ethno- logie. En , de retour au pays dogon, il s’est longuement entretenu avec un vieillard aveugle et a transposé l’entretien dans un livre considéré comme un des textes majeurs de l’ethnologie moderne :Dieu d’eau. Entretiens avec Ogotemmêli, éd. Fayard, 

(réed.).

. Essai sur la religion et la magie, thèse d’État soutenue en , la cinquième après Marcel Griaule (), André Leroi-Gourhan (), Claude Lévi-Strauss () et Ger- maine Dieterlen ().

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voyant, etc). Plus abstraitement peut-être, la transe est « une expérience intérieure intense », « un état de déconnexion avec le milieu propre».

Ceux ou celles qui entrent dans la transe sont des intermédiaires entre l’humain et autre chose, tous participent, via le phénomène de posses- sion, à la constitution « d’un champ d’immanence du sacré», dans

lequel l’humain se révèle étranger à lui-même.

Or, voilà à quoi Rouch commence par identifier son désir de faire des films ethnographiques. En effet, c’est à partir de sa première expérience d’observation d’un rituel de transe vécue par lui comme une rencontre initiatique avec l’Afrique inconnue, qu’il pose les fondements de tout son cinéma à venir. Pour lui, l’enjeu dont il a une révélation immédiate,

c’est l’Autre. Le possédé en offre la meilleure incarnation qui soit et du coup, il fait l’objet de l’aspiration identitaire du cinéaste. Car il s’agit de cela : il ne faut plus seulement approcher et observer les autres en res- tant en deçà du cercle dans lequel ils évoluent, il faut évoluer avec eux, à l’intérieur du cercle. Pour cela, Rouch se fait un « génie » du cinéma en entrant, justement, dans cet état de dépossession de soi-même et d’in- corporation de l’autre qu’est la « ciné-transe ». À cet égard, il a précisé- ment décrit les aspects pratiques de sa méthode dans un texte notoire, « La caméra et les hommes » : « Pour moi, la seule manière de filmer est de marcher avec la caméra, de la conduire là où elle est le plus effi- cace, et d’improviser pour elle un autre type de ballet où la caméra devient aussi vivante que les hommes qu’elle filme. C’est la première synthèse entre les théories vertoviennes du “ciné-œil” et l’expérience de la “caméra participante” de Flaherty. [...] au lieu d’utiliser le zoom, le caméraman réalisateur pénètre réellement dans son sujet, précède ou suit le danseur, le prêtre ou l’artisan, il n’est plus lui-même mais un “œil mécanique” accompagné d’une “oreille électronique”. C’est cet état

. Jean-Marie Gibbal, Les Génies du fleuve. Voyages sur le Niger, Presses de la Renais- sance, , p. .

. Jean-Marie Gibbal, ibidem.

. Récit de Rouch quant à cet épisode fondateur : « Dans un village, un homme avait été tué pendant l’orage, personne ne savait si c’était la foudre qui l’avait tué ou s’il était mort noyé (donc tué par le génie de l’eau). Un copain nigérien nous a dit de faire appel à sa grand-mère, une merveilleuse lady africaine. Elle arrive [...]. J’ai ressorti mon Voïtlander ˆ, et suis parti assister au premier rituel de possession d’esprit de ma vie. Je n’y comprenais rien, mais c’était formidable [...]. C’est à cette occasion que j’ai écrit mon premier texte d’ethnographie ». Propos citésin « Le monde selon... Jean

Rouch », propos recueillis en  par Jean-Luc Bitton et Laurent Pinsard, site Internet

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bizarre de transformation de la personne du cinéaste que j’ai appelé, par analogie avec les phénomènes de possession, la “ciné-transe”».

Le moindre film de Rouch, tous ses films, laissent transparaître cet aspect déterminant de sa conception filmique avec une constance qui paraît d’autant plus remarquable que son œuvre est vaste (on dénombre à peu près cent quarante films) et surtout, hétérogène, diver- sifiée : les courts et les longs métrages, le documentaire et la fiction, les films d’Afrique et de France, les commandes institutionnelles et les réalisations en roue libre, etc, se côtoient. La « ciné-transe » est bel et bien une méthode fondatrice et unificatrice. Des débuts purement eth- nographiques dans les années quarante et cinquante jusqu’à l’ultime développement de la veine imaginaire à travers un de ses dernier long- métrage de fiction,Dionysos (), Jean Rouch a fait en sorte d’adap-

ter les moyens technologiques offerts par le cinéma à une recherche identitaire d’un type particulier puisque fondée sur le désir, sur l’utopie plutôt, de confondre le lieu du sujet et celui de l’objet, le centre et la périphérie, le général et le particulier, l’universel et le local. Par ce biais d’une méthode pour le moins innovante, Rouch œuvre à un cinéma qui tend à récuser certaines limites inévitables. Notamment, la séparation entre le filmant et le filmé est une contrainte technique du dispositif de réalisation des films, la sphère de l’action de l’un et l’aire de déplace- ment de l’autre n’étant pas échangeables. À cet endroit, Rouch fait de la résistance, plutôt, il contourne l’obstacle qui empêche la (con)fusion effective des deux, il instaure celle-ci imaginairement par la ciné-transe mais en s’aidant de techniques de filmage ducinéma direct, qui per-

mettent que s’actualisent dans l’image l’empreinte du sujet filmant (hors-cadre), venant se mêler aux figures qu’engendre tout objet réel (profilmique) lors de son passage devant une caméra « participante ».

Bien sûr, les méthodes de tournage de Rouch ne font pas de lui un cas isolé, au contraire, elles l’inscrivent dans une vaste école de cinéma qui a vu le jour à la fin des années cinquante dans plusieurs pays et notam- ment au Canada, aux États-Unis, en Angleterre et en France : c’est le « cinéma direct». Mais ses films prennent un caractère particulier à

. Jean Rouch, « La caméra et les hommes », Pour une anthropologie visuelle, Clau- dine de France dir., éd. Mouton, coll. Cahiers de l’Homme, , p. .

. Voir Gilles Marsolais, L’Aventure du cinéma direct, une somme publiée en  dans laquelle l’auteur fait le tour complet des différentes tendances du cinéma direct. Parmi ces tendances, il relève celle de la « caméra participante », propre à Rouch. Seghers éd.

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travers le postulat de la ciné-transe et la manière dont il s’exerce aussi bien dans ses documentaires ethnographiques que dans ses films de fiction. C’est par là, en effet, que son œuvre renverse la question identi- taire sur laquelle s’enlève la pensée de l’autre. Comment ? Pourquoi ? Le fil à suivre c’est la transe. Il s’agit d’un processus traditionnel, ritualisé : un « génie » s’empare d’un humain, il le « chevauche », il le « possède ». Le possédé perd son identité, telle Wazi, par exemple, une tranquille vil- lageoise du Zermaganda au Niger, qui au détour d’une danse rituelle dont elle est une des protagonistes, « n’est [soudain] plus la ménagère de Simiri mais Hadjo, la captive peule ». Le film qui documente en  la possession de Wazi par Hadjo s’appelleTourou et Bitti, les tambours d’avant et c’est Jean Rouch qui commente l’événement en voix off. Or,

dans le processus de la possession s’instaurent une réciprocité de fond et un échange substantiel : pour autant que Wazi est dépossédée de son corps propre, Hadjo se dépossède de son être propre. Autrement dit, un phénomène d’identification unit les deux, la captive peule à la paysanne djerma, la revenante à la vivante, la possédante à la possédée. Elles sont indistinctes, formant un même être ambivalent.

Wazi est une figure de la transe parmi d’autres. Rouch a très sou- vent filmé de tels événements, il s’en est fait une spécialité qui entre de toutes façons dans le cadre du strict cinéma ethnographique. Mais ce n’est pas tout. Dès ses débuts puis au fil des ans, il a transgressé une loi fondamentale de ce cinéma qui prescrit le maintien d’une bonne

distance entre l’observateur et l’observé, la distance à respecter garan-

tissant justement la légitimité scientifique de l’observation. Rouch s’est en effet identifié aux processus de transe si souvent documentés par lui, il s’estprojeté en lieu et place des possédés, le génie visiteur spé-

cifiquement attaché à sa personne étant sa caméra, un « œil méca- nique » et une « oreille électronique » à la puissance desquels il s’est abandonné. Ici, on ne se demandera pas si cet abandon, revendiqué comme un programme gouvernant toute l’œuvre de Rouch livrée à la « ciné-transe », fut total ou partiel, authentique ou feint, réel ou imagi- naire. Peu importe d’ailleurs puisque les effets produits par la méthode sont déchiffrables comme autant de déplacements essentiels, le pre- mier, repris d’une parole bien connue d’Arthur Rimbaud, étant que désormais « Je est un autre ». Trait substantiel supplémentaire, l’altérité fonctionne dans les deux sens (WaziôHadjo). Rouch cherche par le fait à entrer en imagination dans le cercle des gens en transe qu’il filme, à s’approprier en quelque sorte leurs affects. Le processus a d’autant

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plus de chance de s’accomplir qu’il s’instaure dans la sphère de l’imagi- naire où a priori tout est probable, sans limites. À savoir, une circulation tout-à-fait nouvelle du phénomène de la transe entre en jeu dans les films de Rouch et contribue grandement à leur singularité : la transe ani- miste part des personnes filmées, elle gagne le cinéaste dont la média- tion la transforme en transe filmique pour, en fin de circuit, revenir dans le cercle toujours plus grand des protagonistes de ses films.

En l’occurrence, tout spectateur rouchien averti le voit bien : ses films, documentaires et fictions confondus, présentent des person- nages incarnés par des acteurs d’un genre particulier. Oumarou Ganda dansMoi, un noir (), Damouré Zika dans Jaguar (-), Petit à Petit () et Cocorico ! Monsieur Poulet () sont exemplaires à cet

égard. Dans le sillage de Rouch, tous deux investissent à leur tour un lieu imaginaire pour eux : la place du cinéaste. Oumarou Ganda, sur- nommé Robinson, emmène le spectateur de Moi, un noir dans une

visite guidée et commentée de Treichville et c’est lui qui présente un à un tous les autres protagonistes du film. Ce déplacement paraît d’au- tant plus spectaculaire et insolite qu’il est le premier du genre dans l’œuvre de Rouch. Le filmage en caméra portée au plus près du person-

nage, pratique typique du cinéma direct, n’en est pas la seule cause effi- ciente. Rouch invente de surcroît un protocole sonore qu’il a lui-même appelé « l’effet feed-back ». Ainsi, à l’image, il filme les rues de Treich- ville comme s’il les regardait par-dessus l’épaule de Robinson, confon-

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