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La notion de local chez Jean Renoir

Dans le document Le « local » dans l’histoire du cinéma (Page 64-82)

Frank Curot

(Université Stendhal, Grenoble)

Dans un texte antérieur, « L’expression identitaire au cinéma : divi- sions horizontales et verticales, centre et périphérie», j’avais déjà

abordé la question dulocal, mais de façon encore partielle. Cette com-

munication me permet d’y revenir plus frontalement, à la fois par rap- port à cette notion et par rapport à Renoir.

La couleur locale dans Le Fleuve

Dans un article intitulé « Renoir à Calcutta», datant de , Satyajit

Ray relate sa rencontre avec le cinéaste français lors du voyage de ce der- nier en Inde pour les repérages et la préparation de son premier film en couleurs,The River (Le Fleuve). Le futur réalisateur indien accompagne

Renoir dans sa recherche de lieux de tournage et rapporte ses propos ; par exemple lorsqu’il compare les très belles fleurs rouges d’unpalas,

arbre très fréquent au Bengale, à des fleurs semblables de Californie, les «poinsettias », dont certaines existent à l’état sauvage : « Mais regardez ce massif de bananiers et cette mare verte à ses pieds. Cela, vous ne l’avez pas en Californie. C’est le Bengale. [...] On n’a pas besoin de mettre beau-

. In Le Renouveau de la parole identitaire, sous la direction de Jeanne-Marie Clerc, Université Paul-Valéry, Montpellier (France), Queen’s University Kingston (Canada), .

. Publié en français dans les Cahiers du cinéma, no, janv. , dans Écrits sur le

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coup de choses dans les films, mais il faut prendre grand soin de ne mettre que des choses justes. » Dans son commentaire, corollaire de ces pro-

pos, Ray souligne que «tout en cherchant de bons emplacements, Renoir se préoccupait aussi de la couleur locale, de ces éléments subtils du pay- sage qui, tout en étant visuellement frappants, traduisaient de manière exacte l’atmosphère du pays».

Ces deux citations appellent quelques remarques. Celle de Renoir, d’abord, indique la sélection qui est à faire pour rendre les couleurs caractéristiques d’un pays. Le nombre nécessairement limité de ces couleursjustes semble aller de pair avec le goût des « couleurs simples »

chez le cinéaste français qui fait remarquer, dans son entretien avec Jacques Rivette et François Truffaut, qu’un arbre du Bengale a moins de verts, deux ou trois seulement, que, par exemple, un arbre de l’ave- nue Frochot (sa résidence parisienne). En revanche, ces verts du Ben-

gale peuvent fournir «des fonds puissants», comme celui du bois de

bananiers et de l’étang dansLe Fleuve. Toujours soucieux de ses fonds,

animés ou colorés, en fonction du précepte hérité de Pierre-Auguste Renoir par l’intermédiaire d’Albert André (élève de Renoir père), de rem- plir toutes les zones d’un tableau, Jean Renoir dit être allé tourner dans ce massif de bananiers «exprès à cause du vert ». Le cinéaste ajoute

d’ailleurs modestement qu’«il y a encore beaucoup à faire, notamment avec les maisons », pour « rendre l’impression de couleurs du Bengale».

Cette recherche de l’effet coloré typique reste lié à la volonté de se rendre sur le lieu même où se trouve la couleur pour la filmer. En corol- laire, Renoir refuse les effets esthétiques obtenus par le traitement chi- mique de la couleur en laboratoire, préférant confier le résultat de son travail à ses propres sens, à ses yeux et à ceux de son opérateur.

La valorisation de la réalité locale par la couleur n’est d’ailleurs qu’un élément d’une démarche créatrice globale concernant tout autant le choix des acteurs et celui de la musique. Renoir a eu recours à beau- coup d’acteurs amateurs amalgamés aux professionnels, à commencer par l’interprète du personnage principal (Harriet), une jeune anglaise

. Propos de Jean Renoir, rapporté par Satyajit Ray, Écrits sur le cinéma, Ramsay- Poche-Cinéma, p. .

. Satyajit Ray, Écrits sur le cinéma, op. cit., p. .

. Jean Renoir, « Entretien avec Jean Renoir » par Jacques Rivette et François Truffaut,

Cahiers du cinéma, no, mai , p. .

. Ibid., p. . . Ibid.

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vivant en Inde, recrutée dans une école de Calcutta. La même recherche des valeurs locales s’est effectuée pour la bande musicale, fondée sur des enregistrements faits sur place d’une «musique indienne exception- nelle, très classique, très pure, et pas du tout mélangée d’esprit occiden- tal. » Conseillé et orienté par ses jeunes collaborateurs, notamment

par Radha, l’interprète non professionnelle de Mélanie, la métisse, mais danseuse professionnelle connaissant bien la musique de son pays, Renoir a pu recueillir des accents musicaux authentiques dans la tradi- tion de «la gamme indienne » (que ne respectaient pas les producteurs

de films indiens eux-mêmes en l’adaptant à la gamme moderne de la musique occidentale).

Dans le domaine de l’image, comme dans celui des sonorités, le désir de mettre en valeur les tonalités locales a même poussé Jean Renoir, tel un peintre voulant faire ressortir une couleur par la juxtaposition d’une autre, à faire repeindre en vert par Eugène Lourié, son décorateur, l’herbe du jardin de la famille britannique, dansLe Fleuve, pour que le

gazon fasse plus typiquement anglais. Dans ce cas, assez rare, Renoir a un peu forcé la note dans sa représentation d’une réalité (sans pour cela choquer l’œil du spectateur), la justification étant qu’il s’agissait bien d’obtenir un effet de contraste avec la végétation indienne autour de la propriété de la famille anglaise. À partir d’oppositions entre éléments « naturels » et leurs couleurs, c’est l’élaboration de significations civili- sationnelles et sociales contrastantes qui était visée. En effet, le local indien pour le cinéaste français ce n’était pas seulement l’Inde pitto- resque et éternelle ayant «conservé un peu du charme et de la simpli- cité des temps primitifs » et lui rappelant « les fresques et les bas-reliefs égyptiens». C’était aussi l’Inde miséreuse de la saleté, des mendiants,

du travail très pénible dans une mine de charbon que Renoir avait visi- tée. Le spectacle de ces malheurs l’avait beaucoup affecté et « inspiré » en même temps, puisqu’il entrevoyait la possibilité d’un cinéma social en Inde, comme en témoigne Satyajit Ray qui le cite : «Si on pouvait seulement se débarrasser de l’influence d’Hollywood et créer son propre style, on pourrait faire de grandes choses ici. » Dans le contexte de pro-

duction duFleuve, « essentiellement destiné au public des États-Unis»,

. Ibid., p. . . Ibid.

. Jean Renoir, cité par Satyajit Ray, Écrits sur le cinéma, op. cit., p. . . Ibid. p. .

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à la grande déception de Satyajit Ray, Renoir ne pouvait aller très loin dans cette direction, mais une séquence montre tout de même les dures conditions de travail des Indiens dans le pressoir à jute dont le père d’Harriet est le contremaître.

La seconde citation, celle de Satyajit Ray, utilise donc le termecou- leur locale. En glissant du sens propre au sens figuré, la notion de cou-

leur locale, en littérature comme en peinture ou au cinéma, est sou- vent devenue synonyme, péjorativement, d’effet stéréotypé, de cliché exotique ou folklorique et de détail abusivement pittoresque ; dans ce sens, elle ne saurait rendre compte du style et de l’esprit du film de Renoir. Le cinéaste s’est efforcé au contraire de pénétrer la mentalité et la sensibilité indiennes, notamment à travers le personnage de la métisse Mélanie qui n’existait pas dans le roman et que Renoir a ajouté en récrivant le scénario avec Rumer Godden à la suite de son premier voyage en Inde. Cette modification résultant d’un contact avec le pays est caractéristique de la démarche renoirienne, rappelant celle de Fla- herty et annonçant celles de Rossellini (qui tourneraIndia en , don-

nant son point de vue sur ce pays dans un style documentaire), de Rosi, de Loach. Bien que Renoir ne soit guère romantique, l’approfondisse- ment réaliste de l’univers duFleuve correspond à la définition program-

matique de Victor Hugo dans la préface deCromwell : « Ce n’est point à la surface du drame que doit être la couleur locale, mais au fond, dans le cœur même de l’œuvre. » Nous sommes aux antipodes de la vision

hollywoodienne, refusée par le cinéaste, d’une Inde filmique de maha- radjahs, d’éléphants, de tigres du Bengale voire de tombeaux hindoux, ingrédients qui auraient fait, eux, très couleur locale.

Un double mouvement : désir d’intégration et opposition

Lorsque Ray demande à Renoir ce qu’il pense de l’Inde, le cinéaste répond : «Cela je vous le dirai quand je connaîtrai mieux votre pays. Pour le moment, je commence juste à comprendre la ville de Calcutta que je trouve des plus intéressantes. » Ce besoin de connaître et de com-

. Au sens initial, la couleur locale, terme pictural, désigne techniquement la couleur propre d’un objet, indépendamment des valeurs lumineuses auxquelles il est exposé.

. Le paragraphe consacré à la couleur locale est placé en tête du chapitre intitulé « Ce qu’on doit demander au drame », avant les deux autres éléments, que sont le vers et la langue. Victor Hugo,Préface de Cromwell, Classiques Larousse, , p. .

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prendre constitue le désir renoirien de s’initier aulocal sous différentes

formes : pays, sociétés, régions, comme en témoigne sa large carrière internationale. Son fils, Alain Renoir, estime «qu’il était psychologique- ment incapable de jouer le rôle d’étranger » et insiste beaucoup sur sa

capacité d’empathie à l’égard des individus, «des classes sociales et des nations les plus diverses». Pour le cinéaste, en particulier à partir de

Toni, il s’est agi de représenter la réunion des hommes et de ne pas res-

ter lui-même isolé, mais de s’intégreret de traduire au cinéma lelocal

régional comme lelocal d’autres pays, y compris le local américain. Réa-

liser un grand film aux États-Unis, représentatif d’une certaine authen- ticité de la nation américaine, fut une constante ambition de Renoir qui le fit s’opposer à l’hollywoodisme. C’est donc une opposition résul- tant de sa déception face aux méthodes de production et de représen- tation d’une cinématographie qu’il admirait auparavant, mais qui n’est plus celle de Griffith, Chaplin ou Stroheim. Le conflit initial avec Dar- ryl Zanuck, le producteur du premier film américain de Renoir,Swamp Water (), concerne justement l’option de tournage des extérieurs

naturels diégétiques (les marais d’Okefenoke) : en studio selon Zanuck ou en décor afilmique selon Renoir («on location », comme l’indiquent

aujourd’hui les génériques de fin). Le cinéaste français aura finalement gain de cause sur ce point, mais Zanuck ne cessera d’intervenir pendant la réalisation pour critiquer sa mise en scène, excentrique par rapport aux normes hollywoodiennes.

L’anti-hollywoodisme de Renoir était totalement partagé par Satya- jit Ray qui rapporte, dans son article déjà cité, Renoir à Calcutta, la

réponse du réalisateur à la question qui lui fut posée, lors d’une récep- tion organisée en son honneur par la Calcutta Film Society, concernant la difficulté des rapports entre les grands cinéastes européens et Holly- wood. «C’est la manie américaine de l’organisation » qui en est respon-

sable pour Renoir : elle se traduit par la multiplication des contrôles, notamment techniques, mais qui s’exerce aussi sur l’inspiration du réa- lisateur. D’autres facteurs interviennent, comme le vedettariat, la cen-

. Préface des Actes du colloque international Jean Renoir, nouvelles approches, Montpellier, Publications de l’Université Paul-Valéry, , p. .

. Renoir écrit dans Ma vie et mes films : « Je ne me contentais plus d’un monde qui ne

serait autre chose que l’habitat d’individus sans lien entre eux. » Paris, Flammarion, ,

p. -.

. Pour plus d’informations à ce sujet, voir Renoir en Amérique, vol.  des Cahiers

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sure et la conception des films en tant que «produits de consommation à fabriquer en série». L’opposition du cinéaste français à Hollywood

est à situer dans le contexte plus général d’une dualité entre « centra- lité » et « localité » (ou périphérie). Le centralisme hollywoodien consis- tait à la fois à vouloir reconstituer en studio aussi bien le marais d’Oke- fenoke, dans le sud des États-Unis, que le décor de n’importe quelle ville européenne — aujourd’hui le traitement numérique de l’image ne peut qu’accentuer cette tendance à s’éloigner du local par le virtuel

dans la reconstitution — ou à inonder de ses productions le marché européen comme ceux du tiers-monde : tout centraliser et en même temps étendre sa domination. On connaît l’histoire des luttes cinéma- tographiques et culturelles en Afrique ou au Brésil, comme exemples significatifs, face à cet impérialisme économique, esthétique et idéolo- gique. Satyajit Ray a connu de semblables difficultés de création et de production en s’opposant au centralisme du cinéma indien dans les années Cinquante, tant au plan économique qu’aux plans stylistique et thématique. Cette industrie du film, qui sera surnommé Bollywood, correspond bien à la définition par Renoir, citée plus haut, des pratiques hollywoodiennes.

Dans ces différentes occurrences, loin d’être exhaustives, d’opposi- tion entrecentre dominant et local défavorisé, la notion d’identité, la

revendication d’une identité locale, sont évidemment omniprésentes quel que soit le niveau ou le développement géographique de cette rela- tion, de cette dualité : une identité régionale face à une centralité natio- nale, une identité nationale face à une centralité mondiale impéria- liste émanant des États-Unis d’Amérique, une identité tchèque ou géor- gienne face aux normes (idéologiques, culturelles, esthétiques) impo- sées par le centralisme soviétique, mais aussi, pour les pays d’Europe, face à une centralité européenne, etc. Sur ce dernier point, Renoir s’est exprimé dansLe Déjeuner sur l’herbe, en , à une époque où l’Eu-

rope est limitée à une communauté économique. La fiction renoirienne, en préfigurant une unification politique (les États-Unis d’Europe domi- nés par les cousins allemands et français du capitalisme européen), annonce les critiques de gauche qui sont adressées aujourd’hui encore à une Europe marchande. La future présidence de ces États-Unis d’Eu- rope va être exercée, dansLe Déjeuner sur l’herbe, par un savant très

éloigné des réalités humaines et qui veut appliquer à la femme ses expé-

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riences d’insémination artificielle sur les rats. Renoir évoque plusieurs dangers : l’unification européenne par l’argent ; la suppression des dif- férences nationales, de ce qui en faisait le charme et la saveur, donc un nivellement dulocal ; la réduction à néant de la sexualité humaine, de

la procréation naturelle et donc de l’amour charnel. Le cinéaste redoute la disparition des valeurs locales, sensuelles, de proximité chaleureuse autant que de contact corporel dans les relations humaines.

« Feu la nation » est le titre du dernier chapitre deMa vie et mes films ;

Renoir y exprime une conception très locale, concrète, affective et sen- suelle de la nation : «C’était bien agréable, la nation ! La nation, c’était la vitrine de l’épicier du coin. C’était l’accent auvergnat du marchand de charbon. C’était l’odeur de friture qui montait de chez le concierge.

[...].C’est la chevelure de la femme aimée, la caresse d’un animal fami- lier. » On voit que la définition renoirienne d’une identité nationale

n’a rien à voir avec une entité légale quelque peu désincarnée, ni avec un patriotisme ou un nationalisme. Dans Elena et les hommes (),

Renoir stigmatise le rôle pernicieux de la presse belliciste sur les esprits dans l’acheminement vers la guerre par un montage de titres drama- tisants de journaux d’époque — aussi chauvins et de mauvaise foi des deux côtés de la frontière franco-allemande — à propos de l’atterrissage accidentel d’un aérostat militaire français en territoire allemand. Pour le cinéaste, la territorialisation nationaliste est une forme delocal ou de localisation particulièrement négative et fausse, elle est mythifiante et

mensongère. D’abord, parce que ce nationalisme idéologique masque un internationalisme des intérêts capitalistes, comme cela est montré notamment dansLe Déjeuner sur l’herbe et dans Elena et les hommes,

ensuite parce que, comme le dit (avec un fort accent italien) l’un des cheminots immigrés travaillant sur la voie ferrée dans la deuxième séquence deToni : « Mon pays, c’est celui qui me fait bouffer. »

De même, dansLe Caporal épinglé (), les deux prisonniers évadés,

Caporal et Pater, rencontrent, vers la fin du film et de leur évasion, un soldat français qui travaille chez une fermière allemande dont le mari

. Jean Renoir, Ma vie et mes films, op. cit., p. .

. Il faut ajouter que, aussitôt, son collègue de travail rétorque : « Et c’est pour ça que tu es si gros ! » C’est un trait caractéristique du style de Renoir de ne pas vouloir finir la séquence sur un ton grave et sérieux, presque doctrinaire. Ainsi, cette parole lourde, dans sa trivialité, d’implications sociales et économiques, est allégée par la seconde réplique, en fonction d’une sorte de pudeur expressive, non pas en raison d’une quel- conque crainte de la censure, mais par souci de conserver une certaine légèreté stylis- tique.

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est mort à la guerre. Comme ils s’étonnent que leur compatriote ne cherche pas à regagner la France, ce dernier répond que dans son pays il était ouvrier agricole et travaillait sur la terre des autres, alors qu’ici, en Allemagne, il pourra enfin avoir quelque chose à lui, en se mariant avec la fermière après « cette pourriture de guerre ». Le mythe d’une patrie uniformément généreuse et juste pour tous est dénoncé par Renoir. Là encore, la réalité socio-économique constitue le véritable clivage — qui est horizontal — selon notre cinéaste, celui des classes sociales, par-delà les oppositions bellicistes et les unifications aliénantes à l’in- térieur des divisions verticales des frontières nationales. La conclusion duCaporal épinglé semble plus réaliste, moins idéaliste que celle de La Grande illusion : l’ouvrier, soldat français, n’obéit plus à l’idéal du

devoir guerrier et à l’illusion que la paix en résultera, il ne quitte pas sa fermière allemande avec la promesse de revenir après la guerre. Lelocal

correspond donc à la réalité concrète, présente et positive pour l’indi- vidu, face à l’idéalité négative pour lui de grands principes qui peuvent être aliénants.

La Grande illusion montre aussi le dépassement du cloisonnement

nationaliste par une égale valorisation des éléments communs aux nations et des caractéristiques différentes, distinctives des peuples, des nationalités. Les deux premières séquences du film (qui se déroulent successivement dans deux cantines, française puis allemande) sont par- ticulièrement représentatives de cette double caractérisation, obtenue par Renoir à travers le traitement des décors, des mouvements d’appa- reil, de l’ambiance sonore et bien sûr des comportements humains. Le cinéaste marque les caractères communs par le même type de décor et de scénographie : un baraquement, dont le mobilier comprend un bar, dans lequel les personnages entrent ou sortent par une porte située au fond. En raison de la structure semblable des deux décors, une impres- sion de symétrie se dégage de la succession des scènes, mais Renoir insiste aussi sur leurs différences. Ainsi, la disposition des tables et des chaises est plutôt libre voire désordonnée dans le camp français où les convives sont installés de façon très décontractée, s’interpelant, par exemple, d’un « Tiens, passe-moi le camembert ! », tandis que la caméra recadre en travelling avant le comptoir du bar où l’on peut lire sur une pancarte : « L’alcool tue, l’alcool rend fou, le chef d’esca-

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