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Les spécificités du régime de l’article 106 § 2 FUE Ayant examiné le cadre dérogatoire offert par l’article 106 § 2 FUE au regard des règles de concurrence du Traité (a),

Les régimes de droit applicables aux aides au transport maritime.

Section 1 / Les aides au secteur maritime.

1/ Les spécificités du régime de l’article 106 § 2 FUE Ayant examiné le cadre dérogatoire offert par l’article 106 § 2 FUE au regard des règles de concurrence du Traité (a),

on examinera leurs conditions d’applicabilité aux SIEG (b).

a/ Un régime dérogatoire aux règles de concurrence. Les dispositions de l’article 106 § 2 FUE permettent aux États membres d’intervenir, sans avoir reçu une autorisation préalable de la Commission à l’issue d’une notification, en soutien des entreprises qu’ils ont chargées de mettre en œuvre des services d’intérêt économique général pour autant que le respect des règles de concurrence est susceptible de nuire à la réalisation de la mission de service public qui leur est dévolue. Le régime de concurrence applicable aux entreprises assurant la gestion

150 CJCE 17 mai 1994.Corsica Ferries Italia Srl c / Corpo dei piloti del porto di Genova. Tribunale di Genova –Italie. Aff. C-18/93. Rec.

1994 p I – 017

151 CJCE du 18 juin 1998. Corsica Ferries France SA c/ Gruppo Antichi Ormeggiatori del porto di Genova Coop. arl, Gruppo Ormeggiatori

del Golfo di La Spezia Coop.arl Ministero dei Trasporti e della Navigazione. Tribunale di Genova - Italie. Aff. C-266/96. Rec. 1998 p I- 03949

d’un service d’intérêt économique général a suscité au tournant des années 2000, avec l’extension du marché intérieur à des catégories de services qui, comme le transport maritime, avaient échappé jusque-là au processus d’ouverture à la concurrence, beaucoup d’interrogations et de débats théoriques. Les enjeux en cause en matière de SIEG sont complexes et confrontent à la fois les conditions d’organisation et de gestion des services à finalité collective et les exigences du marché intérieur voulues par les États membres. Le Traité FUE prévoit, à l’article 106 § 2 que les entreprises chargées de la mise en œuvre des services d’intérêt économique général « sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence ». Cette disposition répond à l’exigence de garantir aux acteurs économiques, au regard des marchés ouverts à la concurrence, des conditions de compétition équitables. Dans ce cadre, un SIEG peut ainsi coexister sur un même marché en présence d’autres opérateurs économiques essentiellement mus par les soucis de l’efficacité économique et de la profitabilité. Cependant, pour tempérer cette disposition, le Traité indique aussi que les règles de concurrence doivent être respectées « dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ».

L’économie de l’article 106 § 2 FUE est marqué par la pondération : elle implique que les activités assurées par les entreprises dans le cadre d’un SIEG bénéficient d’une protection. Ainsi, les États membres ne peuvent déroger aux règles de concurrence que si la mission d’intérêt général ne peut être correctement réalisée par l’entreprise en charge du service d’intérêt économique général. Les dispositions de l’article 106 § 2 FUE donnent la capacité aux États membres d’intervenir financièrement en appui des services d’intérêt économique général sans notification préalable à la Commission, ce qui leur permet de déroger aux règles de concurrence prévues par le Traité. Cependant, comme on le verra, depuis 2005, cette capacité d’intervention, à la fois autonome et discrétionnaire des États, a été considérablement restreinte par la Commission. En effet, dans certains secteurs d’activité, comme celui des transports maritimes et aériens, la Commission a décidé de soumettre à l’obligation de notification toutes les aides destinées à assurer le fonctionnement d’un service d’intérêt économique général à partir du moment où elles dépassent un certain montant ou ne répondent pas aux critères retenus par la Cour l’arrêt Altmark trans. Les importantes dérogations aux règles de concurrence prévues par l’article 106 § 2 FUE ne sont pas, comme on aura l’occasion d’y revenir plus loin152, sans limites au regard des autres dispositions du

Traité. En effet, l’article 106 § 2 indique que « le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union ». Cette disposition implique que les éventuelles aides sous forme de compensation de service public attribuées par les États membres aux entreprises gestionnaires de SIEG doivent, pour satisfaire aux exigences du Traité, être neutres, c’est-à-dire sans effet sur le fonctionnement du marché intérieur et donc sur les échanges entre les États membres. Cette restriction à l’intervention discrétionnaire des États membres au regard des entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général apparaît d’une certaine manière comme un garde-fou destiné à rappeler la finalité du Traité FUE. Ne pas faire un rappel à la nécessaire discipline collective aurait donné l’occasion aux États membres d’abuser de la liberté qui leur était accordée pour remettre en cause tous les efforts de la Commission et de l’Union pour structurer et organiser le marché intérieur sur des bases concurrentielles. Cependant, les conditions d’application de cette disposition restrictive doivent être appréciées au regard des dispositions de l’article 14 FUE et du protocole additionnel du Traité FUE n°26. Ces dispositions reconnaissent aux États membres une capacité d’intervention au profit de leurs services d’intérêt économique général. Dès lors, on comprend que l’analyse économique par la Commission, sous le contrôle de la Cour de justice, des marchés susceptibles d’être affectés par des dispositifs d’aide aux entreprises assurant la gestion d’un service d’intérêt économique général revêt un caractère particulièrement sensible. On observera, en matière de transport maritime, que la Commission s’est montré peu encline à procéder à un contrôle efficace des marchés. Cette réserve montre que la Commission cherche, au regard de l’état du marché intérieur, à préserver dans une certaine opacité des marges de manœuvre des États membres au regard des éventuelles affectations des échanges dont ils pourraient être à l’origine.

b/ Les conditions d’applicabilité du régime de l’article 106 § 2 FUE. La détermination des conditions de mise en œuvre de l’article 106 § 2 doit beaucoup à la jurisprudence de la Cour. Trois éléments doivent être réunis : une entreprise opérant une activité économique, une investiture étatique, une mission d’intérêt général.

- La présence d’une activité économique. Elle constitue, avec l’autonomie de comportement sur le marché, le critère de reconnaissance de l’entreprise. Pour la Cour, l’entreprise est constituée par « une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels, et immatériels, rattaché à un sujet de droit autonome et

poursuivant de façon durable un but économique déterminé153 ». En outre, l’entreprise exerce une activité économique, « indépendamment du statut juridique de cette activité et de son mode de financement154». S’agissant de l’autonomie de comportement sur le marché, la Cour a retenu dans l’arrêt ICI155qu’une filiale n’est pas une entreprise si cette dernière n’est pas en mesure de déterminer et de suivre sa propre stratégie selon ses intérêts. En conséquence, un groupe de sociétés peut ne constituer qu’une seule entreprise si ses filiales ne disposent pas d’une autonomie décisionnelle suffisante156. La notion d’entreprise, qui peut être appliquée à des entités de statut privé ou public, a été retenue pour la Poste157 mais

pas pour un organisme assurant une mission de puissance publique158. La Cour a

indiqué que « les entreprises privées déterminent, dans les limites posées par la législation applicable, leur stratégie industrielle et commerciale en tenant compte, notamment, des exigences de rentabilité. Les décisions des entreprises publiques, par contre, peuvent subir l'impact de facteurs d'un ordre différent, dans le cadre de la poursuite, par les autorités publiques qui peuvent influencer ces décisions, des buts d'intérêt général159 ». La Commission a précisé que l’on entend par « pouvoirs

publics, tous les pouvoirs publics, y compris l’État, ainsi que les autorités régionales et locales et toutes les autres collectivités territoriales » et que cette notion est applicable à « toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent160 ».

- L’investiture étatique. Elle consiste, pour un État membre, à établir un lien juridique avec l’entreprise chargée par lui d’une mission d’intérêt général. Le juge de l’Union a retenu qu’il devait s’agir d’un acte de puissance publique tel qu’un contrat public. La Cour a indiqué que l'article 106 § 2 FUE, permet, dans certaines circonstances, « une dérogation aux règles du traité de telle sorte qu'il faut définir strictement les entreprises qui peuvent l'invoquer. Si des entreprises privées

153 CJCE, 13 juillet 1962, Mannesman AG c/ Haute autorité. Aff. 19/ 62. Rec., p. 675 154 CJCE 23 avril 1991, Höfner et Elser c/Macrotron GmbH. Aff. C-41/90, Rec., I. 1979 155CJCE, 14 juillet 1972, Badische Anilin et autres c/ Commission. Aff. C- 48 / 69; Rec., P. 619. 156CJCE, 24 octobre 1996, Viho c/ Commission. Aff. C-73 / 95; Rec., I 5457.

157 TPICE, 27 février 1997, Aff. T- 106/95.

158 CJCE, 19 janvier 1994, SAT Fluggesellschaftmb H c/ Eurocontrol. Aff. C-364/92, Rec. I- 00043

159 CJCE 6 juillet 1982. République française, République italienne et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

c/Commission. Aff. C-188 à 190/80. Rec., p. 02545.

160 Directive 2006/111/CE du 16 novembre 2006 : « Transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises ».

peuvent relever de cette disposition, elles doivent cependant être chargées de la gestion de services d'intérêt économique général par un acte de la puissance publique161». Pour que le recours à la gestion par une entreprise d’une activité SIEG soit légale, il faut en outre, selon l’arrêt Altmark Trans, que le choix de l’entreprise ait été effectué à l’issue d’une procédure de marché public, ou, que l’économie du contrat repose sur une analyse des coûts que pourrait encourir une entreprise moyenne et bien gérée.

- La réalisation d’une mission d’intérêt général. La présence d’un service d’intérêt économique général est avérée lorsque l’activité opérée par l’entreprise inclut des exigences telles qu’une entreprise agissant dans des conditions normales de marché n’aurait pas à supporter. Ces exigences sont des obligations de service public. La réalisation d’une mission d’intérêt général est essentielle pour que le régime de l’article 106 § 2 FUE puisse être appliqué. Dans cette perspective, le critère justifiant le recours à ce dispositif dérogatoire aux règles de concurrence réside dans le fait que la mission de service public «procure aux usagers des prestations qui ne sauraient être fournies par un opérateur guidé par la seule recherche du profit162 ». La mise en œuvre d’un service d’intérêt économique

général conduit à un accroissement des charges de l’entreprise ce qui peut remettre en cause l’équilibre économique de l’entreprise concernée. La mission d’intérêt général, répondant à une logique d’offre, doit être fournie aux usagers en quantité suffisante et à un prix abordable. Le désavantage occasionné à l’entreprise par l’exécution des obligations de service public donne droit à une compensation financière au profit de l’entreprise. Néanmoins, le montant de la compensation ne doit pas dépasser pas ce qui est nécessaire à la réalisation de la mission en cause. Il ressort de la jurisprudence Altmark trans que le montant de la compensation dépassant ce qui est nécessaire à la réalisation de la mission doit être considéré comme une aide d’État et faire l’objet d’une notification à la Commission au titre de l’article 108 FUE. Trois causes motivent le recours au régime de l’article 106 § 2 : la carence d’opérateurs susceptibles d’accomplir le service attendu sur le marché géographique considéré, le coût des obligations de service public imposées

161 CJCE, 27 mars 1974. Belgische Radio en Televisie et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs c/ SV SABAM et NV

Fonior. Aff. C 127-73., Rec., p 00313

à l’entreprise déléguées par l’État membre, le coût élevé des infrastructures de réseau nécessaires à certaines prestations de service.

2/ Les activités susceptibles d’être reconnues comme mission de service public. Les

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