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Le contrôle des conditions de validité de l’aide La Commission apprécie l’existence d’une défaillance du marché (a) et contrôle de la nécessité de l’aide au regard

L’examen de l’impact des dispositifs d’aide au transport maritime sur le fonctionnement du marché intérieur.

Chapitre 1. La pratique décisionnelle de la Commission en matière de dispositif d’aide au transport maritime.

1/ Le contrôle des conditions de validité de l’aide La Commission apprécie l’existence d’une défaillance du marché (a) et contrôle de la nécessité de l’aide au regard

des obligations de service public (b).

a/ L’existence d’une défaillance du marché. La notion de défaillance du marché n’a pas, au regard du droit de l’Union, de définition précise. Elle nécessite une appréciation empirique du marché en cause. Le recours à des financements publics pour assurer l’équilibre financier d’une activité relevant du régime de l’article 106 § 2 suppose la présence d’une défaillance du marché telle que le service en cause ne puisse être réalisé dans des conditions satisfaisante. Cependant, la notion de défaillance de marché ne bénéficie pas d’une définition précise qui puisse être appliquée sans réserve par les États membres sous le contrôle de la Commission. Les orientations de 2004 ne donnent pas de définition des défaillances des marchés en matière de transport maritime car la Commission se limite à relever l’existence de besoins et laisse le soin aux États d’en déterminer les modalités de réponse. Par une application rigoureuse du principe de

subsidiarité « les États membres disposent d'un large pouvoir d'appréciation quant à la nature des services susceptibles d'être qualifiés d'intérêt économique général. Dès lors, la tâche de la Commission est de veiller à ce que cette marge d'appréciation soit appliquée sans erreur manifeste en ce qui concerne la définition des services d'intérêt économique général364».

L’absence de définition de la défaillance du marché permet aux États d’avancer leurs justifications. Ainsi pour les autorités françaises, à propos de la desserte de la Corse365, l’intervention des pouvoirs publics serait motivée par la faiblesse et le déséquilibre saisonnier du trafic maritime, les capacités de transport requises pour la période estivale sans être nécessaires le reste de l'année, la dissymétrie des trafics, le nombre élevé de ports à desservir considéré comme essentiel pour des raisons d'aménagement du territoire. Les autorités françaises soulignent qu’en dehors de la saison estivale, il y aurait une insuffisance des services réguliers de transport par rapport aux obligations de service public. La Commission remarque qu’en 1999 « le trafic toutes lignes maritimes confondues entre la France continentale et la Corse s'est élevé à environ 1,626 millions de passagers et à 1,480 millions pour les relations internationales régulières. Neuf compagnies desservaient l'île à partir de treize ports continentaux (trois ports français : Marseille, Toulon et Nice, et dix ports italiens) 366». Ici, la carence du

marché est relative : non seulement elle ne concerne qu’un segment du marché de la déserte de la Corse, mais elle n’est pas continue dans le temps...

En mai 2013, par sa décision concernant l’aide en faveur de la SNCM et de la Compagnie Méridionale de Navigation, la Commission367 remet en cause le dispositif de

continuité territoriale et rappelle qu’elle avait indiqué « qu'elle analyserait si le champ du service public tel que défini par la CDSP était nécessaire et proportionné par rapport à un besoin réel de service public, démontré par l'insuffisance des services réguliers de transport dans une situation de libre concurrence368 ». Dans ses conclusions, elle considère que les compensations reçues par la SNCM et la CMN « constituent des aides d'État illégales mais compatibles avec le marché intérieur en vertu de l'article 106, paragraphe 2, du TFUE. Les compensations perçues par la SNCM au titre du service

364Encadrement des aides d'État sous forme de compensations de service public, op cit, (Pt 9).

3652002/149/CE: Décision de la Commission du 30 octobre 2001 concernant les aides d'État versées par la France à la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) C(2001) 3279. Op cit (Pt50).

366Ibidem (Pt13).

367 Décision de la Commission concernant l’aide d’Etat SA.22843 2012/C (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la Société Nationale Corse Méditerranée et la Compagnie Méridionale de Navigation Bruxelles, le 02.05.2013C(2013) 368 Ibidem (Pt 133)

complémentaire prévu par la CDSP sur la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013 constituent des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur. Les autorités françaises doivent donc annuler, à partir de la date de notification de la présente décision, tous les versements en faveur de la SNCM au titre de la compensation du service complémentaire. Cela concerne notamment le reliquat annuel de la compensation pour l'année 2012 (si ce versement n'a pas encore été effectué), ainsi que les acomptes mensuels pour l'année 2013 qui seraient susceptibles d'être versés après cette date369 ».

Compte tenu de l’absence de définition de la notion de carence de marché, la Commission peut soit recourir à des tests de marché pour apprécier in abstracto la réalité d’une situation, soit encore vérifier que la mesure d’aide a été déterminée à l’issue d’un appel d’offre donnant les garanties d’un test de marché grandeur nature. Ainsi, dans sa décision Tirrenia du 21 juin 2001, la Commission considère que l'absence de concurrence « démontre que le libre jeu des seules forces du marché n'a pas permis de garantir les services de transport que Tirrenia a assurés en application de la convention. Par conséquent, la compensation s'avère nécessaire pour permettre à l'entreprise de faire face aux surcoûts engendrés par les services en question370 ».

Dans d’autres situations, les décisions de la Commission témoignent d’une analyse des défaillances du marché pour le moins laconique. Ainsi, la Commission a autorisé, par sa décision du 21 février 2007, prise sur le fondement de l’article 106 § 2, une aide sous forme de compensation à la compagnie italienne Adriatica di Navigazione en vue d’assurer des liaisons entre des ports italiens, slovènes et croates. Pour justifier les aides, la Commission indique notamment qu’il s’agit d’améliorer les services de transport et de décongestionner les routes de la région Frioul-Vénétie-Julienne371. Cependant, la Commission ne justifie pas sa décision sur la base d’une défaillance du marché des transports maritimes sur les lignes concernées. Dans ce cas d’espèce, la décision d’agrément est fondée sur l’article 106 § 2 alors qu’elle aurait dû l’être sur l’article 107 § 3 - c dont la finalité est mieux appropriée aux objectifs de la mesure. La Commission peut avoir des doutes sur la nécessité de gérer une ligne dans le cadre d’un SIEG. Elle relève, dans sa décision du 28 octobre 2009, pour la ligne Gourock-Dunoon,

369 Ibidem (Pt 213/214)

370 2001/851/CE: Décision de la Commission du 21 juin 2001 concernant les aides d'État versées par l'Italie à la compagnie Tirrenia di Navigazione C (2001) 1684 JOUE n° L 318 du 04/12/2001 p. 09 - 27 (Pt 36)

371 Décision de la Commission du 21 février 2007 C (2007) 449 ; Aide d’État N 62/2005 – Italie, « Contratto di servizio pubblico per una linea marittima regolare fra la Regione Friuli-Venezia-Giulia da un lato e la Croazia e la Slovenia dall’ altro ».

que les autorités britanniques reconnaissent qu’on peut se demander si le service assuré par Cal Mac constitue un SIEG légitime, étant donné qu’un opérateur du secteur privé exploite une liaison adjacente sans subvention. Toutefois, elles considèrent que le service fourni par Western Ferries est largement perçu par la population locale comme un service complémentaire et utile, mais non comme un substitut effectif à la liaison de centre-ville à centre-ville desservie par Cal Mac372 ».

b/ Le contrôle de la nécessité de l’aide au regard des OSP. L’appréciation du caractère nécessaire de la mesure d’aide sous forme de compensation se fonde tout à la fois sur l’état du marché, c’est-à-dire de son éventuelles défaillance, et sur la nature des obligations de service public. En matière de transport maritime, la défaillance du marché se traduit par l’absence ou l’insuffisance d’offre de service sur la ligne concernée. En raison de leurs coûts fixes élevés, les activités de transport maritime requièrent, pour être rentables, une demande à la fois importante et régulière. Cette exigence, peut amener les armateurs à ne pas assurer des services de ligne si le résultat de la vente des titres de transport est inférieur aux coûts de la traversée. Ainsi, pour les lignes qui seraient déficitaires373, l’intervention des États-membres dans le cadre d’un contrat de

service public, adossé à des obligations de service public, peut se révéler nécessaire si ces transports constituent le seul moyen d’acheminement des personnes et des marchandises vers des îles conformément au règlement du Conseil n° 3577/92.

Dans sa décision SNCM d’octobre 2001, la Commission s’interroge sur la nécessité d’attribuer des aides publiques à la compagnie nationale française. Elle relève, qu’en ce qui concerne la desserte de la Corse au départ des ports français, la situation du marché a évolué au point de remettre en cause « la nécessité de l'existence d'obligations de service public pour toutes les lignes pendant toute l'année. Selon les données de l'Observatoire régional des transports de la Corse, depuis 1995, l'évolution de l'offre estivale sur les lignes françaises, résultant principalement de l'ouverture successive à la concurrence des lignes de Nice puis de Toulon et de la mise en service de nouveaux moyens de transport maritime, s'est traduite par un triplement du nombre de traversées

372Décision de la Commission du 28 octobre 2009 concernant l’aide d’État C 16/08 (ex NN 105/05 et NN 35/07) mise en exécution par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord — Subventions à Cal Mac et North Link pour des services de transport maritime en Écosse (Pt 152).

373 Reste à connaître précisément l’origine de ce déficit : réside-t-il dans l’insuffisance de la demande, ou dans des surcouts liés aux conditions d’exploitation des navires concernés….

proposées et une progression de 77 % du nombre de places offertes374 ». Cependant, la Commission constate qu’aucun opérateur concurrent ne répondait aux exigences de régularité annuelle et de fréquence du service prévues par le régime de la convention, tant en ce qui concerne le transport de passagers que le transport de marchandises. Même la présence, depuis 1996, « d'un opérateur privé sur un nombre de lignes limité et pendant une partie de l'année seulement, ne permet pas de satisfaire aux exigences de service public jugées nécessaires par les autorités publiques françaises375». Pour la

Commission, le critère de nécessité s’applique avec rigueur : les compensations doivent être « nécessaires, en ce sens qu’elles répondent à un besoin réel que le jeu des forces du marché ne permet pas de satisfaire, et strictement proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent376 ». Dans sa décision concernant l’aide mise à exécution par la France en

faveur de la SNCM et la Compagnie Méridionale de Navigation, la Commission considère par analogie avec l'arrêt ANALIR « que le champ du service public tel que défini par un contrat de service public doit être nécessaire et proportionné par rapport à un besoin réel de service public, démontré par l'insuffisance des services réguliers de transport dans des conditions normales de marché 377».

2/ Le contrôle de la notion de continuité territoriale. La notion de continuité

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