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Le contrôle de la notion de continuité territoriale La notion de continuité territoriale, qui constitue un héritage historique des politiques nationales de transport

L’examen de l’impact des dispositifs d’aide au transport maritime sur le fonctionnement du marché intérieur.

Chapitre 1. La pratique décisionnelle de la Commission en matière de dispositif d’aide au transport maritime.

2/ Le contrôle de la notion de continuité territoriale La notion de continuité territoriale, qui constitue un héritage historique des politiques nationales de transport

maritime (a), donne désormais lieu à une vigilance accrue de la Commission (b).

a/ Un héritage historique. L’intervention des États membres en soutien des services publics de transports maritimes se sont initialement développés sur la base de contrats de service public. Cette action s’est historiquement justifiée, tout au moins en France, sous l’appellation de continuité territoriale. La continuité territoriale est une politique publique nationale qui vise, à la fois, à compenser pour les populations, les contraintes de la géographie, mais aussi à connecter les lignes maritimes nationales aux autres réseaux de transport nationaux, suivant des modalités de régularité du train, de manière à

374 2002/149/CE: Décision de la Commission du 30 octobre 2001 concernant les aides de la France à la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) C(2001) 3279 JOUE n° L 050 du 21/02/2002 p. 66 -91 (Pt 78)

375 Ibidem (Pt 74).

3762005/163/CE: Décision de la Commission du 16 mars 2004 aides d’État versées par l’Italie aux compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (Gruppo Tirrenia), op cit (Pt 89).

377 Décision de la Commission concernant l’aide d’Etat SA.22843 2012/C (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la Société Nationale Corse Méditerranée et la Compagnie Méridionale de Navigation Bruxelles, le 02.05.2013C(2013) 1926 final (Pt 136)

assurer, dans un cadre national, la circulation des personnes et des marchandises. Les dispositifs répondant à cette logique sont désormais essentiellement fondées sur les dispositions combinées du règlement du Conseil n° 3577/92 et de l’article 106 § 2378 du Traité FUE. Au regard de ces dispositions, la Commission conditionne l’attribution des aides aux armateurs opérants des liaisons avec les îles sur la base d’obligations de service public similaires à celles existant sur terre ferme.

Ainsi, dans sa décision du 16 mars 2004, la Commission relève que la compagnie « Toremar opère exclusivement sur les routes de cabotage maritime entre le continent et les îles de la Toscane (…). Il s’agit pour l’essentiel d’un réseau de services locaux dont les fréquences et les horaires correspondent aux exigences d’approvisionnement et de mobilité des résidents insulaires. Les caractéristiques du réseau de services offert par Toremar permettent de comparer celui-ci à un réseau de services de transport local périurbain379 ».

En revanche dans sa décision SNCM du 30 octobre 2001, la Commission relève que la desserte de la Corse s'est effectuée de 1948 à 1976 dans un système encadré s'inscrivant dans le cadre d'un « monopole du pavillon national pour le cabotage. L'État versait aux compagnies prestataires du service une subvention forfaitaire d'équilibre en contrepartie des exigences du service public concernant les ports à desservir, la régularité, la fréquence, la capacité à prester le service, les tarifs pratiqués et l'équipage du navire 380». La Commission remarque que France a redéfini en 1976 les liaisons

maritimes vers la Corse avec la notion de continuité territoriale, un principe qui vise à « limiter les désavantages que représente l'insularité et à assurer la desserte de l'île selon des modalités aussi proches que possible de liaisons purement continentales. Un régime de concessions a été institué avec un cahier des charges fixant le cadre du service public 381 ». La Commission indique ne pas contester la légitimité de la politique territoriale mise en œuvre par la France « ni l'obligation des pouvoirs publics d'examiner et, le cas échéant, d'assurer la suffisance de services réguliers de transport maritime de passagers et de marchandises à destination et en provenance de la Corse de façon à

378 Cf Loïc Grard Le droit européen des transports une référence pour le service public en environnement de concurrence in Jean-Victor Louis, et Stéphane Rodrigues Les services d’intérêt économique. Op cit

3792005/163/CE: Décision de la Commission du 16 mars 2004 aides d’État versées par l’Italie aux compagnies maritimes du groupe Tirrenia, Op cit (Pt 19).

3802002/149/CE: Décision de la Commission du 30 octobre 2001 concernant les aides d'État versées par la France à la SNCM, op cit (Pt 18).

répondre aux besoins de développement économique et social de cette région insulaire382 ». Elle constate en outre que « cet objectif, qui relève d'un intérêt public

légitime, n'a pas été atteint historiquement par le simple jeu des forces du marché ». En effet, depuis 1976 et jusqu'à la fin des années 1990, la SNCM s'est trouvée dans une situation de monopole de fait sur la quasi-totalité des lignes concernées. La Commission indique que ce n'est qu'à partir de 1996 qu'un opérateur privé, Corsica Ferries, a « ouvert le marché à la concurrence en desservant l'île à partir de Nice avec des navires rapides pendant les mois d'été383 ».

Dans sa décision Tirrenia, du 16 mars 2004, la Commission établit que «les lignes de cabotage desservies par les compagnies régionales relient des îles au port continental le plus proche et constituent le seul moyen de garantir la continuité territoriale des régions insulaires concernées384 ». Elle remarque que les marchés « se

présentent comme des marchés locaux, dépendant étroitement du port continental d’embarquement et de débarquement. La courte durée des voyages et la fréquence des rotations dans la journée permettent d’ailleurs souvent de comparer le trafic de ces lignes maritimes à un réseau de transport terrestre périurbain385 ».

b/ Une vigilance accrue de la Commission. Le consensus historique de la Commission européenne sur le bien-fondé des politiques nationales de continuité territoriale parait désormais s’affaiblir dans la mesure où ces politiques nationales semblent opposer une puissante résistance passive aux logiques d’intégration portées par le marché intérieur. Signe de cette évolution, la Commission a lancé386, du 14 février au 14 mai 2012, une

consultation publique en vue de redéfinir à termes les orientations sur les aides d'État au transport maritime établies 2004.

S’agissant une nouvelle fois de la continuité territoriale de la Corse, la Commission (singulièrement la Direction général concurrence et non la Direction générale transport comme cela était le cas jusque-là) a diligenté une enquête approfondie sur ce dispositif. Elle a conclu que si les compensations de service public

382 Ibidem (Pt 71) 383 Ibidem (Pt 72)

384 2005/163/CE: Décision de la Commission du 16 mars 2004, op cit (Pt 150) 385 Ibidem.

reçues depuis le 1er juillet 2007 par les compagnies SNCM et CMN pour la desserte maritime dite "de base" entre la Corse et Marseille, sont conformes aux règles de l'Union en matière d'aides d'État applicables aux SIEG, il en va différemment des aides perçues pour le service dit "complémentaire" destiné à couvrir les périodes de pointe de la saison touristique, car ces aides, selon la Commission, ne compensent, aucun besoin réel de service public. Pour elle, ces subventions (plusieurs centaines de millions d’euros) ont procuré un avantage injustifié à la compagnie SNCM et doivent, par conséquent, être restituées aux contribuables français. Dans cette affaire, le Commissaire à la concurrence Joaquín Almunia a notamment déclaré : « les citoyens ont besoin de services publics efficaces et répondant à de vrais besoins. Il est légitime de recourir à des subventions pour compenser le coût du service public de desserte maritime de la Corse, qui permet d'atténuer les contraintes liées à l'insularité. Mais lorsque le marché peut répondre aux besoins des voyageurs dans les mêmes conditions, il est anormal d'utiliser l'argent du contribuable pour favoriser un opérateur particulier. Les règles de l'Union Européenne ne permettent pas seulement de préserver une concurrence saine ; elles garantissent aussi la transparence des financements accordés et le bon usage des deniers publics387 ».

Les évolutions de la politique de la Commission ne sont pas isolées. La question de la structuration des liens maritimes se pose avec acuité au sein même des autorités antitrust des États membres. Dans son avis n° 12-A-05 du 17 février 2012 relatif au transport maritime entre la Corse et le continent, l’Autorité de la concurrence française a émis des interrogations sur la nécessité de recourir à une délégation de service public pour la desserte de la Corse, elle recommande à l’Office des transports de la Corse d’étudier la possibilité « d’abandonner, au moins provisoirement, le régime de la DSP à compter du 1er septembre 2012 (date à laquelle la cour administrative d’appel de Marseille a ordonné la rupture des conventions actuelles), et de mettre en place un régime d’OSP généralisées au départ de chacun des ports y compris celui de Marseille. Conformément aux textes applicables et à la jurisprudence précités, l’Autorité rappelle qu’avant d’envisager de recourir à une DSP, la CTC doit s’assurer que la généralisation des OSP ne suffit pas et que les forces du marché ne sont pas à même de satisfaire les besoins de l’île ». Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence a engagé un travail sur le

387 Communiqué de presse. Aides d’État, la Commission ordonne à la France de recouvrer certaines aides incompatibles reçues par la SNCM. IP/13/393, 02/05/2013

problème des ententes entre compagnies assurant, dans le cadre de liaisons ultra- marines, la desserte des îles et territoires de l’outremer. Ainsi par ses avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux « mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer » et n° 13-D-15 du 25 juin 2013, relatif à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport maritime de fret entre l’Europe du Nord et les Antilles françaises, l’autorité de la concurrence a mis en évidence qu’il y avait une corrélation entre les modalités de mise en œuvre des services de frets maritime par plusieurs compagnies et le prix de vente, au consommateur final, des produits importés depuis l’Europe continentale. En outre, dans le cadre du contrôle des aides de l’Italie à la Tirrenia, la Commission a aussi modifiée son approche et indiqué qu’elle entend « examiner les compensations de service public octroyées aux entreprises de l'ancien groupe Tirrenia pour l'exploitation de certaines routes maritimes. Jusqu'à présent, l'enquête concernait la période 2009-2011. La Commission doit maintenant vérifier si les compensations accordées à partir de janvier 2012 jusqu'à l'achèvement complet du processus de privatisation des entreprises sont conformes aux règles de l'UE applicables aux services d'intérêt économique général (SIEG) 388».

C/ Le contrôle de proportionnalité des compensations.

Elément décisif de leur compatibilité, le contrôle de la proportionnalité des mesures d’aide sous forme de compensation implique des appréciations de nature politique. On examinera, le contrôle de la Commission sur la proportionnalité de la mesure (1), et sur le montant de la compensation (2).

1/ La proportionnalité de la mesure. La Commission a indiqué que la dérogation

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