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Recension des écrits

2.2 Soutien social, santé et périnatalité

Dans cette section, nous rendons compte de recherches effectuées sur le rôle du soutien social en périnatalité dans la prévention des problèmes de santé et des difficultés d'adaptation parentale. Plusieurs des recherches présentées ici ont été menées auprès de femmes défavorisées occidentales qui constituent, tout comme les femmes immigrantes, une clientèle souvent isolée et confrontée à bien des difficultés. Nous terminerons en abordant plus spécifiquement des études réalisées auprès de mères immigrantes.

2.2.1 Soutien social et mères occidentales

Les effets positifs du soutien social pendant la grossesse, l'accouchement et après la naissance sont désormais reconnus. Ils concernent tant la santé de la mère et du nouveau-né que l'adaptation des parents à leur nouveau rôle et le développement de l'enfant.

Faisant suite à l'évaluation du programme de prévention en périnatalité Naître

étal. (1998) rapportent que le soutien fourni par l'intervenante a des impacts sur le

déroulement et le vécu de la grossesse. Le soutien contribue à rassurer et à valoriser les mères; il serait responsable de nombreux apprentissages et de l'adoption de saines habitudes de vie en plus de les encourager à une plus grande utilisation des ressources communautaires.

Des recherches ont montré que les facteurs de stress psychosociaux et l'absence de soutien de l'entourage familial peuvent affecter l'issue de la grossesse (Turner et

al., 1990; Orr et al, 1996; Herrera et al., 1997). Les interventions offrant aux femmes

enceintes vulnérables un soutien social adéquat (soins médicaux, suivi nutritionnel et services psychosociaux) ont permis de réduire les taux d'insuffisance pondérale (Norbeck et al, 1996) et de prématurité (Olds et Kitzman, 1993) en plus d'améliorer la qualité des soins à l'enfant (Olds, et al, 1997). (Auteurs cités dans Beaudoin et al, 1999).

Oakley, Rajan et Grant (1990) ont fait une étude portant sur un programme d'intervention de suivi effectué par une sage-femme pendant la grossesse auprès de femmes à risque de donner naissance à des bébés de faible poids. Les résultats ont montré que les mères et les bébés du groupe ayant bénéficié d'un tel soutien étaient significativement plus en santé dans les premières semaines que ceux du groupe contrôle (rapports de santé physique et psychosociale, utilisation de services de santé). Les programmes de suivi à domicile effectué par des infirmières auprès de clientèles vulnérables, pendant la grossesse et jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de deux ans, ont montré des résultats intéressants quant à l'issue de la grossesse, la santé et le développement de l'enfant, de même que sur l'autonomie financière de la famille (Olds et al, 1999).

Pendant le travail et l'accouchement en milieu hospitalier, le support émotionnel offert aux parturientes par la sage-femme, soit son suivi et ses encouragements, est relié à une expérience positive et moins douloureuse de la naissance (Tarkka et Paunonen, 1996).

Par ailleurs, l'étude de Klaus, Kennel et Klaus (1993) a montré l'efficacité du soutien d'une accompagnante (« doula ») dans la réduction de la durée du travail, des

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demandes d'anesthésie et des naissances par césarienne. De plus, les parturientes qui accouchent en maison de naissance et qui bénéficient du suivi d'une sage-femme se sentent plus compétentes et autonomes que celles qui accouchent en milieu hospitalier, ce qui favorise une image positive d'elles-mêmes lors de la naissance (Lachapelle, 2005).

Le réseau de soutien constitue un important facteur de protection face au stress entourant l'arrivée du nouveau-né. La possibilité de souffrir d'une dépression postnatale se trouve réduite chez les mères à risque (les mères de prématurés par exemple) lorsqu'elles peuvent compter sur un réseau de soutien adéquat (Younger et al., 1997; Beaudoin et al., 1999 ). Cutrona (1984) nous renseigne sur l'importance, pour les mères, de pouvoir compter sur d'autres pour recevoir l'aide dont elles ont besoin dans n'importe quelle circonstance. L'auteure appelle cette forme de soutien « reliable alliance » (les alliances fiables); elle contribuerait à prévenir la dépression des mères après la naissance. Ainsi, une mère qui bénéficie d'un réseau de soutien sera moins stressée après la naissance de l'enfant et plus compétente en tant que parent (Bozzini et Tessier, 1985).

Des études ont rapporté que le soutien fourni par le conjoint pendant la grossesse et après la naissance est particulièrement important et que son absence serait associée à la dépression postnatale et au stress de la mère (Séguin et Cossette, 1991; Bernazzani, 1995; Lee, 1997). Durant la période périnatale, la présence du père est vue comme un facteur de protection pour la mère, lorsque la relation est satisfaisante et de qualité, car il est généralement la personne la plus proche et la plus disponible pour elle (Berthiaume

et al., 1996; Lacharitéet Robidoux, 1996).

Les résultats des études de Collins et al. (1993) et de Lee (1997) révèlent que les soutiens instrumental (pratique) et émotionnel apparaissent comme les formes de soutien les plus importantes pour les nouvelles mères. En effet, les symptômes dépressifs en post- partum sont significativement liés à la satisfaction envers ces deux formes de soutien. Collins

et al. (1993) rapportent que le support instrumental prime sur le support émotionnel. En

diminuant la charge de travail de la mère, il favorise son bien-être en réduisant les sources de stress (Lee, 1997). Chez les mères vivant en milieu défavorisé, selon Perreault et al. (1998), le soutien informatif viendrait au premier rang, suivi du soutien émotionnel puis du soutien

instrumental.

Le développement des compétences parentales serait favorisé par la présence de modèles parentaux (Cochran et Brassard, 1979). Frenette (1983) a observé que les adultes ayant des enfants peuvent servir de modèles aux nouveaux parents en facilitant ou en orientant l'apprentissage de leur rôle. Selon Hoffman (1978), les parents ont besoin de support idéologique pour faciliter ou renforcer les changements d'attitude requis par leur nouveau rôle. L'arrivée du nouveau-né engendrerait des besoins spécifiques chez les parents, comme celui d'avoir la possibilité de se comparer socialement et de se sécuriser en partageant les mêmes normes que d'autres (Wandersman et al., 1980). (Auteurs cités dans Lepage et al., 1989).

2.2.2 Soutien social et mères immigrantes

Comme la population étudiée dans le cadre de cette recherche est non occidentale — soit originaire de sociétés dites traditionnelles3 — et que la société d'accueil est

occidentale — ou moderne —, mentionnons tout d'abord quelques distinctions entre ces deux types de sociétés.

Les études relevées par Power et Parke (1984) montraient que la provenance des personnes qui fournissent le soutien en période postnatale varie en fonction de l'idéologie de la mère. En effet, les mères « traditionnelles » reçoivent cette aide de leur parenté, alors que les mères « modernes » s'entourent d'amies et de relations de travail. Cette distinction s'explique par le fait que, dans l'idéologie traditionnelle, la maternité est une culture féminine dont le savoir est transmis par les aînées; la mère fait ainsi figure d'experte. La tradition est « tout ce qui, du passé, est transmis dans le présent et accepté par les hommes qui, à leur tour, le transmettront à la génération suivante» (Lakehal, 2003, p. 194). Dans la pensée moderne, ce savoir est institutionnalisé et s'appuie sur la science occidentale (Horton, 1990); les professionnels de la santé possèdent donc ici l'expertise propre à la périnatalité.

3 « Par opposition aux sociétés modernes (les sociétés industrielles), on qualifie les autres de « sociétés traditionnelles », car elles se réfèrent à la tradition pour justifier leur ordre social » (Lakehal, 2003, p. 194). Afin de poursuivre cette réflexion, nous vous proposons l'article de Loiselle et Hernandez (2004) qui aborde les caractéristiques propres à ces sociétés : « L'homme immigrant de société « collectiviste » : dilemmes, tensions, besoins et propositions d'intervention ». Le travail social et les pratiques interculturelles,

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Soulignons également que dans les sociétés traditionnelles, la notion de famille réfère à la famille élargie, comprenant le père, la mère, les enfants, les grands-parents, les oncles et les tantes, plutôt qu'à la famille dite nucléaire, soit les parents et leurs enfants (Lafrenière, 1992).

L'étude ethnographique longitudinale de Clark (2001), menée aux États-Unis auprès de 28 mères immigrantes mexicaines, rapporte deux formes de soutien non comblées durant la période périnatale, soit le besoin d'aide pour les tâches quotidiennes et le besoin d'amour et de compréhension. Elle souligne l'absence de la famille et le fait que les mères ont besoin de pouvoir compter sur d'autres. De plus, près de la moitié des répondantes ont mentionné avoir un réseau social non soutenant ou contraignant.

Une autre étude américaine portant sur 911 femmes enceintes d'origine mexicaine (Zambrana et al., 1997) met en évidence la diminution, avec le temps d'immigration, des facteurs de protection spécifiques à leur culture liés à la qualité de l'environnement social dans lequel elles vivaient.

En France, Moro (2004) insiste sur l'importance, pour les mères immigrantes, de recevoir ce qu'elle appelle le « Holding culturel » et qu'elle définit comme le soutien social et l'accès aux manières de penser et de faire de leur groupe ethnique pour leur adaptation parentale, ceci afin de leur offrir des modèles parentaux issus de leur culture. Selon cette auteure, les mères privées de cet avantage présenteraient une vulnérabilité spécifique au cous de la période périnatale.

Au Québec, les principales recherches dont nous disposons sur la situation des femmes immigrantes pendant la période périnatale sont les suivantes.

L'étude de Gravel (1993) rapporte que les facteurs de risque chez les femmes, pendant la période périnatale, diffèrent selon qu'elles sont nord-américaines ou immigrantes. Chez les nord-américaines, le manque de soutien social proviendrait de l'absence du conjoint et de l'isolement, tandis que chez les femmes immigrantes, il serait causé par l'absence de la famille élargie de même que par l'absence du réseau féminin.

À Montréal, l'équipe de Battaglini (2000) a mené une recherche exploratoire de nature qualitative auprès de 91 mères immigrantes et de 19 intervenantes issues de quatre CLSC. Elle révèle que l'absence du réseau féminin, celle de la famille immédiate et du conjoint (ou le non-ajustement de ses comportements parentaux), seraient des facteurs de risque importants chez les mères immigrantes. Il apparaît également que les soutiens instrumental et moral sont les plus importants pour les mères pendant la période périnatale.

L'étude de Landry (2004) portait sur 196 femmes ayant été suivies dans le cadre du programme OLO, dont 82 étaient immigrantes; elles provenaient de différentes régions du Québec. Les résultats révèlent que le soutien social s'avère déterminant dans l'apparition de symptômes dépressifs en période post-partum, particulièrement chez les femmes immigrantes.

À Québec, Lazure et Benazera (2006) ont réalisé une recherche auprès de 40 familles immigrantes afin de connaître leur situation pendant la période périnatale. Cette étude documente notamment les circonstances migratoires, le soutien parental et les réseaux formel et informel d'aide. Les auteures constatent que les immigrantes sont privées du réseau familial féminin qui les soutenait dans leur pays d'origine et que les infirmières en périnatalité jouent alors auprès d'elles un rôle déterminant.

Tel que décrit dans la littérature, le soutien social joue un rôle important durant le processus d'adaptation à la maternité. Pendant la période périnatale, le réseau de soutien procure un sentiment de sécurité aux femmes et leur permet de composer avec les événements stressants. Ce réseau contribue ainsi à réduire les problèmes de santé de la mère et de l'enfant en plus de favoriser le développement des compétences parentales.