• Aucun résultat trouvé

Interprétation du discours des femmes

6.1 Les réseaux de soutien

6.1.1 Description des réseaux de soutien

D'une façon générale, les mères immigrantes ayant participé à l'étude (séjours de moins de six ans) considèrent qu'elles connaissent peu de gens, d'où leurs possibilités réduites d'obtenir de l'aide. Cette constatation rejoint les observations de Massé (1995) qui mentionnait que les contacts avec la société d'accueil sont rares pendant les premières années d'immigration. Le sentiment de solitude que certaines participantes ont exprimé peut se comprendre à la lumière de leurs références au pays d'origine où elles étaient très entourées, par leur famille notamment. Soulignons que, dans les sociétés traditionnelles, l'ensemble du soutien offert à la mère pendant la maternité provient des femmes de la famille, surtout de leur mère. Le rôle du père durant cette période est d'assurer le soutien financier et matériel de la famille (Hernandez, 2002).

Mémoire :

Le soutien social pendant la période périnatale :

la perception de mères immigrantes de la ville de Québec

102

Le réseau informel

La composition du réseau informel —ou primaire— des participantes est caractérisée par l'absence de la famille immédiate et élargie, de même que par la perte des amies d'origine, ce qui les prive d'une source d'aide considérable et de relations d'intimité et de confidence essentielles. L'absence partielle ou totale des réseaux de soutien traditionnels des immigrantes, soit de la parenté, a largement été soulignée dans la littérature (Bertot et Jacob, 1991; Alvarado et Gravel,1991; Duval, 1992; Legault et Lafrenière, 1992; Gravel,1993; Guberman, 1993; Heneman et al., 1994; Massé, 1995; Battaglini et al., 2000; Clark, 2001; Lazure et Benazera, 2006).

Les personnes significatives sur lesquelles les mères peuvent compter se réduisent ici à leur conjoint. Selon le discours des mères, leurs maris s'impliquent beaucoup auprès d'elles et de leur(s) enfant(s), contrairement à ce qu'ils font dans leur pays d'origine, étant donné qu'elles ne sont pas entourées de leur famille. Ces changements de comportement semblent être liés au fait que les circonstances s'y prêtent. Nos résultats rejoignent la littérature montrant que le contexte migratoire oblige le couple à renégocier la répartition des tâches familiales et domestiques (Bertot et Jacob, 1991; Juteau, 1991; Massé, 1995; Battaglini étal., 2000; MSSS, 2000; Bérubé, 2004; Lazure et Benazera, 2006).

D'après les propos des mères, les amies récentes sont rares. Le cercle de leurs nouvelles connaissances est constitué essentiellement de compatriotes et d'immigrants d'autres pays qui ont été rencontrés dans leur milieu d'études, dans un milieu religieux ou par l'intermédiaire de leur communauté ethnique d'appartenance. Le niveau de fréquentation de ces connaissances est faible. Après la naissance de l'enfant, on remarque que les mères cherchent à joindre des groupes de femmes ou à rencontrer d'autres parents avec leur conjoint pour échanger, qu'ils soient québécois ou étrangers.

Le réseau formel

Les services périnatals publics ont été largement utilisés par les participantes de notre étude. Tout comme le soulignaient Battaglini et al. (2000), l'Institut de la statistique du Québec (2002) ainsi que Lazure et Benazera (2006), les immigrantes ont volontiers recours

au suivi médical périnatal. Par ailleurs, la majorité de nos participantes ont bénéficié du programme de soutien intégré OLO (7/9). Ce service était celui que les femmes immigrantes utilisaient le plus, dans les études de Lazure et Benazera (2006) et de Battaglini et al. (2000). Ces derniers auteurs spécifiaient que 47/70 de leurs répondantes avaient été suivies dans le cadre de ce programme.

Concernant les cours prénatals, près de la moitié de nos participantes les avaient suivis (4/9). Ceci correspond aux résultats de l'étude de Battaglini et al. (2000) qui mentionnaient que la moitié de leurs répondantes (35/70) avaient participé à cette activité. Rappelons que cette participation est supérieure à celle avancée par Doucet et al. (1996) qui spécifiaient que les femmes immigrantes participent moins aux cours prénatals (32%) que les femmes nées au Québec (57%).

Les services communautaires en périnatalité qui ont été utilisés par les femmes immigrantes ayant participé à notre étude, soit ceux de l'accompagnante, de l'aide- maman, les prêts de fournitures de bébé et les services de garde, ont été éminemment appréciés. Les mères qui en ont bénéficié, ont été informées verbalement par une amie ou une infirmière. Cependant, la majorité des participantes ne connaissaient pas ces services malgré le fait que certaines d'entre elles ont mentionné qu'elles souhaitaient avoir de l'aide au moment de leur retour à la maison et pendant les premières semaines du post-partum.

En revanche, les organismes communautaires d'accueil pour les immigrants étaient largement connus des participantes et la majorité d'entre elles ont utilisé et apprécié leurs services. Ils ont dirigé les femmes vers les services publics de santé, mais non vers les organismes communautaires en périnatalité.

On décèle, dans le discours des femmes, bien des lacunes concernant les informations qui leur sont transmises par les médecins, le personnel de l'hôpital et celui du CSSS au sujet des différents services disponibles en périnatalité. Les propos des mères laissent entendre que le réseau public offre peu aux femmes l'occasion d'accéder au réseau communautaire et on remarque également que, à l'intérieur de ce dernier, il semble y avoir peu de communication entre les différents secteurs.

Mémoire :

Le soutien social pendant la période périnatale :

la perception de mères immigrantes de la ville de Québec

104

Ainsi, il ressort que le manque d'information est un facteur qui limite, chez les immigrantes de notre étude, l'utilisation de services en périnatalité. La méconnaissance des ressources disponibles par la population immigrante est une barrière limitant l'accès aux services de santé bien documentée (Allen et Gagnon, 1994; Gravel et Battaglini, 2000; le Collectif « Les Accompagnantes », 2005). Or, pour ces femmes qui ne peuvent compter que sur un nombre restreint de personnes dans leur entourage, la connaissance des ressources existantes nous paraît essentielle. À ce propos, une participante a exprimé son point de vue; selon elle, il revient au personnel du CSSS d'informer les mères des services disponibles en périnatalité dans la région.

Pendant la période périnatale, les réseaux de soutien des mères immigrantes sont donc largement composés de professionnels de la santé qui pallient, en quelque sorte, l'absence du réseau familial des femmes. L'implication du conjoint est favorisée par cette situation. Les recherches effectuées auprès de cette clientèle sont arrivées à des résultats tout à fait similaires (Battaglini et al., 2000, 2002; Lazure et Benazera, 2006).