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Interprétation du discours des femmes

6.2 Les formes de soutien social pendant la période périnatale

6.2.2 Le post-partum

Durant la période post-partum, la satisfaction par rapport au soutien reçu diffère selon l'entourage des mères. Les participantes peuvent être regroupées en trois catégories, selon leur situation.

La première catégorie se distingue par la présence de leur mère, venue à Québec pour l'occasion. Les participantes qui étaient entourées de leur conjoint et de leur mère (ou de leurs parents) se sont dites comblées. Ces femmes se sentaient en sécurité grâce à la présence et à la disponibilité de leur mère; elles bénéficiaient de son expérience, de ses conseils pour les soins à donner au bébé et pour l'allaitement, tout en ayant de l'aide pour

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les tâches ménagères. De plus, la présence de leur mère leur offre un modèle parental de la culture d'origine qui favorise l'apprentissage du rôle parental (Moro, 2004). Ces mères se sont donc vues offrir diverses formes de soutien de la part d'une personne significative, soit les soutiens émotionnel, informatif et de reconnaissance, de même que le soutien instrumental. Dans cette situation, le rôle de l'infirmière était relégué au second plan. De son côté, leur conjoint leur apportait également un appui émotionnel et instrumental.

La deuxième catégorie de femmes paraissant très satisfaites du soutien reçu après la naissance comprend les mères qui étaient entourées de plusieurs personnes, soit de leur conjoint, de l'infirmière du CSSS et d'une aide-maman. Les visites de l'infirmière — avec laquelle une relation de confiance a été établie en prénatal— associées au rapport chaleureux et au soutien continu de l'aide-maman, en plus de l'appui du conjoint, ont permis d'offrir aux mères un soutien très satisfaisant. Concernant le développement de l'enfant et les soins à lui donner, l'infirmière a joué un rôle informatif et de reconnaissance important. L'appui de l'aide-maman s'est avéré particulièrement positif sur le plan de l'aide instrumentale, soit la garde du bébé et l'accomplissement de tâches ménagères, car il offre un répit bénéfique à la maman. Il a aussi été précieux au plan émotionnel et a donné aux mères l'accès aux façons de faire et de penser de la société québécoise (soutien de reconnaissance). En ce sens, le rôle de l'aide-maman facilite l'adaptation des mères à la société d'accueil. Ces mères, ayant également un appui émotionnel et instrumental de la part de leur conjoint, ont pu en grande partie compenser l'absence de leur famille.

La troisième catégorie regroupe les mères les plus isolées, qui semblaient les moins satisfaites. Elles étaient entourées de leur mari et de l'infirmière. Les visites à domicile de l'infirmière représentaient beaucoup pour ces femmes, car il s'agissait de la source d'information et de reconnaissance la plus importante leur permettant de valider et de parfaire leurs compétences parentales. En effet, les mères primipares comme les mères multipares avaient de nombreux questionnements et vivaient bien des inquiétudes dès leur retour à la maison. Elles avaient besoin d'être rassurées au sujet du développement de leur enfant, de s'assurer que leurs propres comportements étaient adéquats. Malgré les soutiens émotionnel et instrumental offerts par le conjoint, l'absence de leurs parents se faisait rudement sentir en post-partum, en particulier les premières semaines. Ces femmes ont moins bénéficié de

soutien émotionnel que celles qui étaient plus entourées et elles ont surtout reçu un soutien moins constant concernant l'apprentissage de leur rôle de mère, lequel implique les formes informative et de reconnaissance. Le conjoint fournit une aide pratique, mais ne peut remplacer une personne d'expérience parce qu'il ne possède ni ses compétences ni son savoir. C'est ainsi que les jeunes parents contactent leur mère dans le pays d'origine ou se documentent par des lectures pour obtenir des informations à propos du bébé.

Cette compréhension de la situation des mères en fonction de leur entourage nous a permis de saisir leurs besoins, reliés aux différents types de soutien, et de les hiérarchiser selon l'importance qu'elles leur accordaient dans leur discours.

Globalement, il apparaît que chez les mères immigrantes ayant participé à notre étude, ce sont surtout des soutiens informatif et de reconnaissance dont elles ont le plus besoin, pour le développement de leurs compétences maternelles en post-partum, et ce, de la part de personnes disponibles et expérimentées. Les soutiens informatif et de reconnaissance correspondent au concept de « Handling » ou savoir-faire. Cet apprentissage du rôle parental se déroule dans un nouveau contexte social qui leur offre peu de repères et auquel elles doivent s'ajuster. Plusieurs mères n'ont pas assisté aux cours prénatals et elles ont souligné le peu d'information obtenue à l'hôpital, d'où l'importance d'un appui à ce chapitre, dès leur retour à la maison, pour minimiser les facteurs de stress. L'étude de Landry (2004) souligne ainsi que le sentiment de ne pas avoir la compétence parentale requise peut être une source de stress lorsque la mère manque de connaissances pratiques touchant le développement de l'enfant. N'ayant personne pour la gratifier et l'encourager, la mère peut en venir à douter de ses capacités à prendre soin d'un enfant.

Le rôle joué par leurs parents, principalement par leur mère, était omniprésent dans le discours des femmes. Les études de Battaglini et al. (2000) et de Lazure et Benazera (2006) ont également constaté que l'expérience de leur mère est jugée inestimable par les immigrantes. D'ailleurs, certaines participantes ont exprimé leur désir de faire venir leur mère au moment du prochain accouchement, si cela s'avérait possible financièrement. Pour Cutrona (1984), la présence de personnes fiables et compétentes pouvant fournir des conseils et de l'information permet aux mères de mieux surmonter leurs problèmes quotidiens. Lorsque

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les relations avec ces personnes sont intimes, elles procurent en outre un sentiment de sécurité. De plus, Moro (2004) mentionne que les mères immigrantes ne recevant pas le « Holding culturel » — concept qui correspond au soutien social et à l'accès aux manières de penser et de faire de leur culture — présentent une vulnérabilité spécifique au cours de la période périnatale. Pour ces mères issues de sociétés traditionnelles, la transmission de l'identité et du savoir-faire maternels paraît essentielle pour développer leurs capacités à prendre soin d'un enfant.

Pendant la période postnatale, les infirmières en périnatalité jouent un rôle déterminant auprès des mères immigrantes sur les plans informatif et de reconnaissance, lorsqu'elles ne sont pas entourées de femmes appartenant à leur famille. Lazure et Benazera (2006) ont également souligné l'importance du rôle de l'infirmière auprès des mères immigrantes, lequel se rapprocherait le plus de celui occupé par les femmes de la famille.

Viennent ensuite les soutiens instrumental et émotionnel, qui apparaissent comme étant les plus importants après ceux d'information et de reconnaissance. L'aide pour les tâches ménagères est très appréciée par les mères en période postnatale compte tenu du temps qu'elles consacrent à l'enfant (ou aux enfants) et représente beaucoup pour les femmes qui allaitent. De plus, sans services de garde, les mères sont confinées à la maison et ne bénéficient d'aucun moment de répit. Le soutien émotionnel occupe une place importante tout au long de cette phase de transition à devenir parent, mais le début du post-partum semble être une période cruciale. L'absence des proches, soit de la famille et du réseau féminin d'origine, prive les femmes de soutien instrumental et émotionnel. Pour l'une de nos participantes, le rôle de l'aide-maman s'avérait le plus proche de celui de la famille.

De plus, le soutien dit de socialisation occupe, quelque temps après la naissance, une place non négligeable dans le discours des mères. En effet, les immigrantes rencontrées cherchaient à établir des relations avec d'autres parents, en fréquentant à l'occasion des groupes ou des connaissances, pour partager leurs expériences parentales. Ce soutien dit de socialisation leur permet de se comparer et de relativiser leurs problèmes, ce qui diminuerait le stress selon Cutrona (1984). Cette auteure insiste également sur le renforcement positif que peuvent recevoir les mères au moyen d'activités récréatives. Cette

forme de soutien que recherchent ici les mères leur permettrait d'améliorer leurs compétences parentales en leur fournissant des modèles.

Finalement, les besoins matériels apparaissent comme étant les moins importants aux yeux des participantes, ce qui peut étonner compte tenu des revenus modestes de la plupart des familles. C'était également le cas dans le cadre de l'étude de l'équipe de Battaglini (2000). Les revenus provenaient ici du travail du conjoint, de bourses d'études et de l'aide sociale. Cependant, étant donné que l'aide matérielle reçue par certaines fut très appréciée (fournitures pour bébé), il serait important de favoriser l'accès à de tels biens à un plus grand nombre de femmes.

Le discours des femmes révèle donc que les soutiens informatif et de reconnaissance sont les plus importants (« handling »), suivis des soutiens instrumental et émotionnel, puis du soutien dit de socialisation, et enfin du soutien matériel.

De leur côté, les études de Battaglini et al. (2000) et de Clark (2001) mentionnent que les besoins des mères immigrantes sont essentiellement d'ordre instrumental et émotionnel. Cette différence hiérarchique des besoins pourrait s'expliquer par le fait que ces recherches ne considèrent que quatre types de soutien, sans tenir compte du soutien de reconnaissance, et que la majorité des femmes ayant participé à notre étude étaient primipares (6/9). En effet, comme il s'agissait d'une première expérience de maternité pour elles, les mères primipares avaient peut-être plus besoin d'information et de reconnaissance, pour le développement de leurs compétences maternelles, que les mères multipares.

Pour conclure, soulignons l'importance du rôle du conjoint dans les sociétés occidentales, pendant et après la grossesse, pour la santé mentale de la mère (Bernazzani, 1995; Berthiaume étal., 1996; Lacharité et Robidoux, 1996; Lee, 1997). Dans nos sociétés modernes basées sur la famille dite nucléaire, le conjoint est la personne la plus proche et la plus disponible pour la mère, au point que la mobilisation du réseau social de la mère ne peut pallier le faible soutien du conjoint (Séguin et Cossette, 1991). Or, il semble qu'il en va autrement chez les mères immigrantes non occidentales. De fait, les résultats de notre étude

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auprès d'elles rejoignent les connaissances selon lesquelles le rôle de leur réseau féminin est fondamental pendant la période périnatale (Gravel, 1993; Battaglini et al, 2000; Clark, 2001; Lazure et Benazera, 2006). Nous constatons, en effet, que chez les mères issues de sociétés traditionnelles et récemment immigrées, le soutien de leur conjoint ne peut pallier l'absence de leur mère ni celle de leur famille pendant cette période. Selon Gravel (1993) et Battaglini et al. (2000), leur absence représente un facteur de risque important chez les mères immigrantes.