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Interprétation du discours des femmes

6.1 Les réseaux de soutien

6.1.2 L'adaptation à la société d'accueil

Rappelons que notre étude est centrée sur le soutien social reçu pendant la période périnatale par des mères d'immigration récente. Nous savons que les parents auront plus de facilité à s'adapter à leur rôle ainsi qu'à la société d'accueil s'ils bénéficient d'un bon support social, mais qu'ils auront plus de difficultés s'ils se sentent isolés et s'ils ont peu de contacts avec leur milieu (Bertot et Jacob, 1991; Massé, 1995; Battaglini ef al., 2000; Bérubé, 2004).

Notre intention est toujours ici d'étudier les réseaux de soutien, en considérant les indicateurs sociaux qui reflètent la présence de liens, mais surtout de mieux comprendre les conditions sociales qui constituent des obstacles ou de l'aide dans l'adaptation des mères immigrantes à la société d'accueil. Nous avons donc également tenu compte des facteurs influant sur leur processus d'adaptation afin de découvrir leurs besoins particuliers en matière de soutien. Notons que ces facteurs permettent également d'apprécier l'isolement social.

Les conditions sociales favorables au processus d'adaptation

Dès leur arrivée au Québec, les participantes francophones ont pu communiquer avec les citoyens, ce qui leur a permis d'étudier et d'avoir accès à divers services. Après quelques années d'immigration (3,5 et 4 ans), ce fut également le cas de celles qui avaient appris le français.

Les femmes qui avaient été parrainées par leur conjoint et celles qui avaient des amies de même origine et déjà installées, ont été accueillies à leur arrivée et leurs démarches d'installation ont été ainsi facilitées. Les participantes chrétiennes ont pu rapidement entrer en contact avec un milieu d'appartenance qui leur a procuré un important support sur les plans moral, social et affectif. La religion représente un dénominateur commun qui favorise l'établissement de liens, avec les Québécois notamment.

Les participantes dont le conjoint avait un bon emploi étaient au Québec depuis quelques années (5 ans/ 5ans 8 mois). Elles bénéficiaient de leurs contacts et avaient de meilleures conditions de vie (revenus, logement) que celles dont la durée de séjour était plus brève. Leurs situations socioéconomiques s'étaient améliorées avec le temps, ce que mentionnaient Battaglini et al. (2000). De plus, les femmes qui étaient aux études ont ainsi pu établir quelques relations. Le réseau des nouvelles connaissances des mères était composé essentiellement de compatriotes et d'immigrant-e-s, ce qui est considéré comme favorable à la transition grâce à son effet réducteur de stress (Bertot et Jacob, 1991). La majorité des mères interrogées avaient comme projet de retourner sur le marché du travail à plus ou moins long terme, ce qui devrait favoriser ultérieurement leur intégration dans la société québécoise.

Les organismes d'accueil et d'intégration ont fourni aux mères et à leur famille un important soutien, soit de multiples informations sur la société québécoise ainsi que des services d'accompagnement, d'interprétation, d'aide à la recherche d'un emploi ou d'un logement. Pour les allophones, l'apprentissage du français a été facilité par les cours proposés dans divers établissements d'enseignement. Dirigées vers les services de santé et de soutien psychosocial, des mères ont pu recevoir également un encadrement professionnel et bénéficier du soutien d'un réseau d'intervenants. De plus, bien des participantes bénéficiaient d'une aide financière gouvernementale et les services de santé ont été assumés par l'État.

Mémoire :

Le soutien social pendant la période périnatale :

la perception de mères immigrantes de la ville de Québec

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Les difficultés rencontrées au cours du processus d'adaptation

Plusieurs allophones ne maîtrisaient pas le français au moment de l'entrevue. Parmi elles, deux femmes étaient au Québec depuis quelques années (3,5 et 5 ans) et parlaient anglais. Les deux autres étaient arrivées depuis peu (9 mois et un an) et devaient poursuivre leur apprentissage du français. La méconnaissance du français représente ici une barrière à l'accessibilité des services, au marché de l'emploi et au développement des relations avec la société d'accueil. Les deux participantes qui étaient à Québec depuis un an et moins, étaient enceintes à leur arrivée. Elles ont donc dû faire face à l'installation et à la maternité en parallèle, et ce, sans maîtriser le français. Elles ont trouvé cette période particulièrement difficile. L'une d'elles était requérante du statut de réfugié, ce qui ajoute une autre source de stress. Ce statut a, en effet, occasionné à toute la famille des démarches laborieuses, a créé de l'incertitude quant à l'éventuelle réponse à la demande d'un statut de résident et a limité l'accès à certains services. La plupart des familles ont des revenus modestes, ce qui peut s'expliquer par la difficulté de trouver du travail mentionnée par les mères. Cette situation caractérise la plupart des familles immigrantes au cours des premières années de leur immigration, selon Legault et Fortin (1996) et Battaglini et al. (2000). Des femmes de niveau universitaire ont subi une déqualification professionnelle et leur statut social, ici, est inférieur à celui qu'elles avaient dans leur pays d'origine. Elles ont dû retourner aux études et ont exprimé leur insatisfaction et leur déception à ce sujet. Des conjoints occupaient, pour les mêmes raisons, des emplois qui ne correspondaient pas à leur formation. Les maris qui étaient sans emploi au moment de l'entrevue ne parlaient pas français ou étaient aux études. Les règlements concernant les équivalences d'études et de travail se sont avérés nuisibles à l'intégration socioprofessionnelle des immigrant-e-s. Il s'agit d'une problématique qui interpelle, à l'heure actuelle, le Conseil du statut de la femme (2005).

Aux yeux des mères immigrantes interrogées, leur groupe d'appartenance ethnique ne leur a pas offert de soutien, malgré le fait qu'elles l'auraient apprécié. Il apparaît que les associations et les organisations de ces différentes communautés ne se sont pas manifestées au moment de leur arrivée à Québec ou lors de la naissance de l'enfant. Les résultats de la recherche menée par Lazure et Benazera (2006) révèlent pourtant que certains groupes ethnoculturels de Québec ont mis en place des mesures d'accueil pour leurs compatriotes et que le soutien offert se manifeste également lors de l'arrivée de l'enfant. Selon

Bertot et Jacob (1991) et Massé (1995), les mères ont d'autant plus besoin du soutien de la collectivité d'accueil lorsqu'elles sont privées de ce support ethnoculturel. Or, les attitudes des Québécois envers les femmes interrogées issues des minorités visibles (8/9) n'étaient, dans l'ensemble, pas perçues de manière positive et les mères ont souligné la difficulté de se faire des ami-e-s à Québec. On peut penser que l'origine ethnique joue ici un rôle, car les femmes sont issues de sociétés traditionnelles où les rapports sociaux s'établissent plus facilement que dans une société moderne et individualiste comme la nôtre. Il en résulte que les femmes doivent se mobiliser davantage que dans leur pays d'origine pour entrer en contact avec les gens. De plus, aucune participante n'a bénéficié d'un jumelage interculturel qui représente, selon Bertot et Jacob (1991), une condition importante du processus d'adaptation en permettant aux nouveaux arrivés de se familiariser progressivement à la culture québécoise et en garantissant un réseau social minimal. L'étude de Lazure et Benazera (2006) révèle que seules deux familles sur 40 ont vécu une expérience de jumelage avec une famille québécoise à leur arrivée, laquelle leur est également venue en aide au moment de la naissance.

Dans le cadre de cette recherche, l'analyse ne nous a pas permis de dégager des distinctions en fonction du nombre d'enfants présents dans la famille, c'est-à-dire d'observer des effets positifs ou négatifs sur le processus d'adaptation à la société d'accueil des mères, ni de déceler des différences entre les mères immigrantes et les réfugiées.

L'étude des réseaux de soutien nous a permis d'apprécier l'isolement des mères durant les premières années de leur immigration. Précisons que leurs réseaux de soutien étaient comparables, malgré des durées de séjour variables (de 9 mois à 5 ans et 8 mois). Brièvement, les femmes ayant participé à l'étude sont séparées de leur famille et de leurs ami-e-s de longue date, ce qui les prive d'une source d'aide considérable; l'absence de ces liens affectifs est un important facteur d'isolement psychosocial. Le réseau d'intervenant- e-s favorise toutefois leur adaptation à la société d'accueil, mais il constitue les seuls échanges des immigrantes avec les Québécois. Sur le plan socioéconomique, nous observons des situations modestes de même qu'une rupture importante avec les milieux qui permettent de participer à la vie collective. Les mères n'ont ni travail ni loisirs, n'ont pas de relations de voisinage ni de vie de quartier et, pour certaines, les études représentent le seul contact avec la société. Sur le plan socioculturel, l'isolement est dû au manque de soutien des

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groupes de compatriotes et aux différences culturelles, notamment dans les modes d'établissement des liens sociaux. De plus, l'appartenance religieuse est, selon le cas, un facteur facilitant l'adaptation ou un facteur qui la contraint, tout comme la maîtrise de la langue.

Nos résultats concordent avec les études relatives aux facteurs influant sur le processus d'adaptation à la société d'accueil (Bertot et Jacob, 1991; Massé, 1995; Battaglini

et al., 2000) et montrent leur importance pour comprendre les conditions parentales des

femmes récemment immigrées lorsqu'on cherche à identifier leurs besoins. Rappelons que l'arrivée de l'enfant s'effectue dans un contexte migratoire et que les immigrantes socialement isolées sont exposées à des risques élevés de dépression.