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Les sources utilisées et le déroulement du terrain ethnographique

PARTIE I PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE

Chapitre 2 Cadre théorique, objectifs de recherche et méthode d’enquête

2.4 Méthode de collecte et d’analyse des données

2.4.3 Les sources utilisées et le déroulement du terrain ethnographique

l’ethnogenèse de communautés métisses dans l’Est, je me suis rendu compte que les chercheurs se trouvent confrontés à des sources historiques indirectes et morcelées, le plus souvent hostiles et ponctuelles concernant des groupes promis à la disparition ou à la non- apparition ethnique et politique. Le silence des archives coloniales et postcoloniales concernant l’existence du métissage dans l’Est, le peu de sources permettant d’apporter des

61 Wachtel (1978 : 1127-1130; 1978 : 890) a constaté un raccourci analytique de la sorte dans les travaux d’anthropologues concernant les populations andines, étudiées avec le modèle de la communauté villageoise alors qu’« une entité uru, uniforme et consciente d’elle-même, semble bien relever (si on la situe au XVIe siècle) d’un mythe ethnographique » (Wachtel 1990 : 611).

62 Il convient de distinguer identité ethnique et identité collective : « outre que la première risque d’être arbitrairement décrétée, la seconde ne s’étend pas nécessairement aux dimensions d’un groupe ethnique » (Wachtel 1992 : 49).

preuves objectives d’une ethnogenèse métisse constituent un problème méthodologique récurant pour traiter de l’histoire de ces individus63. Toutefois, compte tenu de l’objet de

recherche qui inscrit la recherche dans le présent pour plonger par après dans un passé dont les informateurs se souviennent, je privilégie dans cette thèse les données de sources orales issues de différents terrains ethnographiques. Il est donc question d’engager la recherche à partir des narrations des Métis eux-mêmes afin de découvrir des logiques culturelles distinctives.

Les descriptions et interprétations concernant les phénomènes socioculturels et le mode de vie des personnes à propos desquelles j’écris s’élaborent à partir des preuves que constituent les matériaux empiriques recueillis lors de l’enquête de terrain : principalement des transcriptions d’entretien et d’observations, mais aussi des dossiers d’archives personnelles, de nature culturelle, historique et biographique. L’analyse critique et interprétative proposée dans cette thèse (qui adopte le paradigme constructiviste) représente une relecture, parmi d’autres possibles, de ces matériaux délivrés par mes informateurs, lesquels expriment la compréhension qu’ils se font de leur situation particulière, de leur culture et du processus social dans lequel ils sont engagés. Ce travail interprétatif s’inscrit dans une compréhension du contexte politique, juridique et économique qui entoure l’identité métisse au Canada. Il est en outre étayé au moyen de travaux scientifiques qui permettent de mettre en perspective les expériences et les représentations des acteurs sociaux concernant par exemple leur histoire, l’existence dans les rangs (les marges), la religion catholique, leur parler ou encore leur mode de vie qu’ils mettent de l’avant dans la construction de leur identité.

Au début de mon travail ethnographique, j’ai fait appel à des données issues de procédés de recensions, de dispositifs construits d’observation ou de mesure systématiques, tels que des comptages, des inventaires, des nomenclatures, des listes et des statistiques. Il était question de constituer un « savoir global minimum organisé » (Olivier de Sardan 2003 : 41). Simples balises en début de recherche, ces données quantitatives m’ont permis de circonscrire géographiquement et démographiquement le culturalisme métis dans l’Est.

63 Voir notamment Bouchard (2005, 2006a et 2006b), Dickason (2001 [1984]), Gélinas (2011), Jean (2011), Lytwyn (1998), Morrison (1996), Peterson (2001 [1984]), Ray (1998) et Rousseau (2012).

Celui-ci se lit particulièrement bien dans les données statistiques quinquennales fournies par le gouvernement canadien : on y perçoit une augmentation importante du nombre de personnes se désignant comme Métis dans l’Est entre 1996 et 2006 (Michaux et Gagnon 2012 : 199). Je me suis servi de cette identification classificatoire et bureaucratique pour dresser un premier tableau de la situation des Métis d’origine canadienne-française et acadienne au Canada. Ces données statistiques ont dirigé mon investigation vers des régions où cette population se retrouvait bien représentée.

En 2008, je me suis intéressé à l’évolution de la population métisse francophone de l’Ouest à partir des données de Statistique Canada (Michaux 2008a). Par la suite, je me suis davantage focalisé sur l’évolution démographique des Métis de l’Est d’origine canadienne- française et acadienne. En tenant compte de la variable de la langue parlée, il s’agit de rendre compte plus précisément, mais non exclusivement, des Métis d’origine canadienne- française et acadienne qui parlent encore le français. À partir du recensement canadien de 200664, deux questions m’ont tout particulièrement intéressé concernant cette dernière

variable : soit celle de la langue maternelle (première langue apprise et encore comprise) et celle de la première langue officielle parlée. Cette dernière variable, qui dérive des réponses concernant la connaissance des langues officielles, la langue maternelle et la langue parlée le plus souvent à la maison65, a été choisie pour croiser les données concernant l’identité

métisse afin de rendre compte de la population métisse francophone. Il ressort de ces données que cette population se concentre au Québec, dans les Maritimes, notamment dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, ainsi que dans certaines régions de l’Ontario et de l’Ouest, principalement dans le sud-est du Manitoba. À partir de ces données, il m’a été possible de réaliser un ensemble de cartes précises qui présentent pour chaque province et

64 D’après le tableau thématique de Statistique Canada :

<http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2006/dp-pd/tbt/Rp-

fra.cfm?LANG=F&APATH=3&DETAIL=0&DIM=0&FL=A&FREE=0&GC=0&GID=771240&GK=0&GRP=1&PID=9 9017&PRID=0&PTYPE=88971,97154&S=0&SHOWALL=0&SUB=0&Temporal=2006&THEME=70&VID=0&VNA MEE=&VNAMEF=> consulté le 03 mars 2013

65 Voir les informations données par Statistique Canada concernant les variables de recensement à l’entrée « Langue » : <http://www12.statcan.ca/census-recensement/2006/ref/dict/overview-apercu/pop5-fra.cfm#07>, consulté le 2 mars 2013 À noter que les données concernant les Métis de « langue maternelle » française et les Métis parlant le français, « première langue officielle parlée », sont très proches.

territoire du Canada la population affirmant une identité métisse et parler le français, première langue officielle parlée66.

J’ai également recoupé ces informations avec d’autres données compilées sur le site Internet des organisations métisses ou lors d’événements particuliers, comme l’Assemblée des communautés métisses historiques du Québec (ACMHQ) qui a regroupé en mai 2009 à Sherbrooke différentes communautés métisses d’origines canadiennes-françaises et acadiennes (dont l’AAMS de Nouvelle-Écosse, l’UNMSJM du Manitoba, la CMMYHQ et la CMDRSM au Québec). Cela m’a permis d’établir quelques balises ou « fonds de carte » qui allaient déterminer en quelque sorte mon terrain ethnographique.

Les données recueillies sur le terrain se présentent essentiellement sous la forme de transcriptions de cinquante-cinq entrevues semi-dirigées67. En novembre 2009, je me suis

rendu en Mauricie au Québec, plus précisément au Petit Village dans la municipalité de Yamachiche, afin de rencontrer les Métis magouas et d’enregistrer sept témoignages. En février et mars 2010, je suis allé à la rencontre des Acadiens-Métis, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. J’ai alors gravité autour de plusieurs villages appartenant aux municipalités de Clare (Par-en-Haut), d’Argyle (Par-en-Bas) et de Yarmouth, comme Meteghan, Pointe-de-l’Église, Wedgeport et Tusket, où j’ai recueilli onze témoignages enregistrés. J’ai également rencontré trois Métis d’origine canadienne du Nouveau- Brunswick dont le témoignage pour chacun d’eux a également été enregistré. Enfin, en mai 2010, je me suis rendu au Manitoba afin de rencontrer des Métis d’origine canadienne- française et acadienne de l’Ouest et d’enregistrer vingt-huit entrevues. J’ai mené dans un premier temps mes recherches dans plusieurs villages situés au sud-est de Winnipeg (Saint- Malo, Saint-Pierre-Jolys, Sainte-Anne, Richer ainsi que Saint-Boniface). Dans un deuxième temps, je me suis rendu au nord-ouest de la ville (Saint-Laurent et Saint-Eustache). Deux informatrices originaires de la région ont été rencontrées au Québec en juin 2010. En juillet 2010, je me suis rendu à Batoche en Saskatchewan pour la commémoration du 125e anniversaire de la résistance des Métis de l’Ouest en compagnie des Métis de l’Est. J’ai

66 Ces cartes sont présentées en annexes 1 à 10. J’ai fait appel au logiciel de visionnement des statistiques Beyond 20/20 pour recouper les données statistiques qui m’intéressent, lesquelles ont ensuite été manipulées d’un point de vue cartographique à l’aide du logiciel ArcGIS d’ESRI et à partir de fichiers géographiques fournis par le Centre Géo/Stat de l’Université Laval.

recueilli sur place les impressions d’un leader métis de l’Est ainsi que d’un leader métis de l’Ouest concernant l’événement, soit deux entrevues.

Ces entrevues duraient généralement plus d’une heure et pouvaient s’étendre jusqu’à près de quatre heures. Je les ai retranscrites verbatim. J’ai fait ce choix, c’est-à-dire celui de ne pas standardiser ou normaliser leurs propos, afin de préserver et de respecter la richesse de leurs parlers, des vernaculaires du français : l’akadjonne dans le sud-ouest de la Nouvelle- Écosse, le magoua dans le Petit-Village de Yamachiche au Québec ou encore le français

mitchif dans différentes localités du Manitoba. Il s’agit de variétés régionales du français

dont ils sont fiers et qu’ils affirment aujourd’hui. Par exemple, plutôt que d’écrire « des chevaux », j’ai gardé la forme « des j’vals »68. C’est une position éthique vis-à-vis de

personnes qui valorisent leurs parlers régionaux. Si l’élite francophone considère leurs parlers comme étant du mauvais français, ils en font quant à eux une caractéristique de leur identité culturelle (voir section 6.3).

Les données recueillies portent essentiellement sur les pratiques socioculturelles ayant survécu jusqu’à aujourd’hui, sinon dans les faits du moins dans la mémoire collective, et sur l’affirmation métisse et son contexte aujourd’hui. Les personnes rencontrées ne s’identifiaient pas nécessairement (encore) comme des Métis. C’est le cas d’un Magoua rencontré et de deux Acadiens (voir annexe 11). La moyenne d’âge des personnes est d’un peu plus de 65 ans pour les hommes et de 75 ans pour les femmes, exception faite du Petit Village où cette moyenne se situe plutôt aux alentours de 55 ans69. Si la moyenne d’âge de

mes informateurs dépasse 65 ans, c’est probablement dû au fait que j’ai été dirigé par mes informateurs privilégiés vers des hommes qui pratiquent encore des activités dites « traditionnelles » en forêt et en mer, et vers des femmes âgées considérées comme détentrices des savoir-faire ancestraux. Comme l’objet de cette thèse est le culturalisme des Métis de l’Est, c’est-à-dire leurs narrations dans un contexte particulier, cela ne représentait pas vraiment un problème pour ma recherche, concernant la représentativité de l’échantillonnage ainsi fait de la population considérée. Il m’était nécessaire de rencontrer les personnes qui étaient, aux yeux des Métis eux-mêmes, les plus à même de rendre

68 Léandre Bergeron dans son Dictionnaire de la langue québécoise écrit plutôt « jval » (1997 : 286).

69 Je donne en annexe 11 des informations concernant l’âge et le nombre d’hommes et de femmes rencontrés lors de ces entrevues individuelles ou de groupes.

compte de la nature et de la portée de leur héritage culturel, que ces personnes soient de fervents défenseurs de cette identité ou non (ou pas encore).

Les personnes interviewées s’affirmant comme Métis appartenaient à diverses organisations métisses, certaines regroupant parfois plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’individus, d’autres seulement quelques individus70. D’est en ouest, il s’agit de :

 l’Association des Acadiens-Métis Souriquois (dorénavant AAMS) et du Kespu'kwitk Métis Council en Nouvelle-Écosse ;

 la Communauté métisse du Soleil Levant au Nouveau-Brunswick;

 la Communauté métisse amérindienne de l’est du Canada de Rivière-Bleue (CMAEC), la Communauté métisse de la Gaspésie, la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan (CMDRSM) et la Communauté Métis magoua Yamachiche Historique du Québec (CMMYHQ) pour le Québec ;  la Manitoba Métis Federation (MMF) et l’Union nationale métisse Saint-Joseph du

Manitoba (UNMSJM) pour l’Ouest.

Au cours de l’enquête de terrain multisituée, j’ai habité plusieurs semaines chez des Métis, déménageant à plusieurs reprises pour me rendre dans d’autres villages ou d’autres municipalités d’une même région. Cette présence durant plusieurs semaines dans une région donnée m’a permis de me faire connaître des populations étudiées et de me familiariser avec leurs habitudes de vie, notamment avec les dialectes régionaux parlés. Cette période de familiarisation m’a permis de comprendre ce qui importe pour les gens rencontrés, c’est-à-dire le sens de leurs préoccupations et de leur affirmation. À ce titre, mes interlocuteurs privilégiés m’ont aidé à mener à bien ce moment du processus de l’enquête de terrain qui a précédé la conduite d’entretiens formels. J’ai pu m’imprégner durant quelques jours de mon terrain, posséder une meilleure connaissance, plus sensible, et un « savoir intuitif » (Sperber 1982 : 7).

Ainsi, lorsque je rencontrais par la suite des interlocuteurs qui m’ont conté leur histoire de manière plus formelle, il m’était possible de me représenter les choses avec plus d’exactitude, d’entrer davantage dans leur imaginaire. L’ensemble de mes données pouvait être interprété d’une manière plus fine. Il est en effet difficile à l’anthropologue de rester extérieur à son objet pour comprendre le sens des pratiques (Bouveresse in Wittgenstein

70 Ces organisations métisses ne sont pas exclusives : ainsi, il n’est pas rare qu’une même personne appartienne à plusieurs organisations métisses.

1982 : 104). En somme, ces moments d’initiations intenses, qui m’ont permis d’intégrer en quelques jours un univers qui m’était jusque-là totalement inconnu, m’ont placé dans la situation où je pouvais observer ce à quoi je n’étais aucunement préparé, et non pas seulement ce que je connaissais déjà ou ce que je m’attendais à voir, notamment en ce qui concerne leur culturalisme. D’ailleurs, cette période d’initiation semblait importer plus encore à mes hôtes qu’à moi-même : l’impression était que ce qu’ils avaient à me dire dépassait largement la surface objective d’une identité métisse normalisée et mal-comprise dans sa diversité et d’une histoire trop largement incomplète, faussée et partiale à leurs yeux; il me fallait entrer dans leur univers pour comprendre l’importance et la légitimité de leurs affirmations et revendications.

Si la situation d’entrevue représente une interaction problématique, désirée par le chercheur, les Métis de l’Est ressentent un besoin de se dire pour être davantage entendus. J’ai choisi de mener les entretiens en les assimilant le plus possible à un mode de communication souple. Le canevas d’entrevue, contenant les thèmes de recherche qui portent sur les aspects socioculturels et la nature du culturalisme des Métis, laissait à mes interlocuteurs la possibilité de faire prendre aux entretiens des directions insoupçonnées et intéressantes. Le sens de ce qui était dit par mes interlocuteurs ne m’était pas toujours directement accessible. Ce qui gênait la compréhension, ce n’était pas tant un problème lié au contexte concernant ce qui était dit qu’un problème concernant l’accent, les mots et les expressions utilisés.

Pour les transcriptions, concernant les mots et expressions qui m’étaient inconnus, je me suis servi du Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron (Bergeron 1997). Ce dictionnaire s’est révélé très complet en ce qui concerne les entretiens réalisés dans les Maritimes, au Québec et dans l’Ouest. Cependant, concernant l’akadjonne, un certain nombre de mots ont été compris grâce à d’autres ressources, principalement Le glossaire

acadien de Pascal Poirier (Poirier 1993). Pour ce qui est des entrevues compilées au

Québec, le Dictionnaire des expressions québécoises de Pierre DesRuisseaux (2009) a également été sollicité. Enfin, lorsque ces sources ne suffisaient pas concernant les retranscriptions des entrevues effectuées en Acadie et dans l’Ouest, j’ai à plusieurs reprises sollicité l’aide, respectivement, de Paul Tufts, alors président de l’AAMS, et celle du

linguiste Robert Papen de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), spécialiste du français mitchif.

Les témoignages ont été rendus anonymes au moyen d’un code, excepté lorsque j’ai reçu de mes informateurs l’autorisation écrite d’exploiter les données de manière non anonyme. Les citations présentées dans la thèse ont été codées en suivant ce format : un nombre renvoie tout d’abord au numéro assigné à chaque locuteur ; les lettres « H » et « F » désignent ensuite le sexe des informateurs ; enfin, les deux derniers chiffres indiquent l’âge de chaque informateur en 2010.

Les données collectées sur le terrain se présentent également sous la forme de notes et de descriptions prises sur le vif, au cours des observations sur le terrain. Ces observations ont été menées principalement sur le terrain ethnographique proprement dit, lors d’expéditions de chasse à l’orignal dans les montagnes de Gaspésie ou au chevreuil sur les rives du lac Saint-Pierre, lors de sorties de pêche en mer au large du Cap Sainte-Marie en Nouvelle- Écosse ou d’une séance de smudge à Saint-Laurent au Manitoba, lors du dépeçage d’un castor et de la confection de produits artisanaux autochtones à Yamachiche au Québec. Mais j’ai pu également observer d’autres types de pratiques impliquant des Métis, que ce soit lors de tables rondes à Winnipeg ou encore lors d’événements organisés par l’Assemblée des Communautés métisses historiques du Québec (ACMHQ). Toutes ces observations ont fait l’objet de prises de notes et j’ai pu dresser sur le vif ou après coup quelques descriptions détaillées de ces pratiques.

Lors de mes enquêtes, j’ai abouti à une certaine saturation des données qui, malgré le parcours toujours particulier des informateurs, rend compte d’expériences partagées. Des points de vue divergents, des discours contrastés ont été recueillis auprès de personnes qui se disent Métis, mais qui ne font pas partie d’une communauté ou d’une organisation métisse, ou qui ne se disent tout simplement pas Métis alors qu’ils partagent apparemment la même histoire, la même culture, les mêmes ancêtres et les mêmes expériences que mes autres informateurs.

À ces témoignages et descriptions d’observations s’ajoutent encore un autre type de données qui composent les archives personnelles des personnes rencontrées, notamment

des photos, des croquis, des généalogies, des artefacts et autres objets personnels ayant parfois traversé les époques. J’ai aussi recueilli un certain nombre de documents archivistiques (photos notamment) à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse concernant l’histoire des Acadiens de Clare et d’Argyle. J’ai obtenu l’autorisation de numériser et d’utiliser certains des documents disponibles.

Pour compléter ces données, j’ai fait appel à des témoignages recueillis il y a plusieurs années voire plusieurs décennies, et qui concernent parfois d’autres régions que celles dans lesquelles j’ai mené mes recherches. Dans cette thèse, ces données complètent mes analyses, notamment celles recueillies par Jessy Baron concernant le Saguenay-Lac-Saint- Jean et la Côte-Nord :

 Les témoignages qui composent le fonds Henri Létourneau, lesquels ont été enregistrés principalement entre les années 1969 et 1973 au Manitoba et en Saskatchewan71 ;

 Certains des témoignages qui composent les quelque 850 dossiers de la collection « Mémoires de Vieillards » de la Société Historique du Saguenay, lesquels ont été collectés auprès d’hommes et de femmes durant la décennie 1930, mais aussi durant la décennie 1960 ;

 Plus récemment, en 2007, Jessy Baron a mené une recherche ethnographique auprès de la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan (CMDRSDM) pour le compte de la Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse (CRCIM). Ce corpus comporte trente-et-une entrevues menées dans les régions du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord au Québec, lesquelles ont fait l’objet d’un rapport d’analyse (Michaux et Baron 2010).

 Il est aussi question du corpus compilé en 1987 par Guy Lavallée, alors étudiant en anthropologie, lequel corpus est composé de 51 témoignages recueillis auprès de la communauté métisse de Saint-Laurent au Manitoba (Lavallée 1987)72. Ces

entrevues ont été transcrites pour le compte de la CRCIM par Davy Bigot, sous la direction du linguiste Robert Papen, et ont fait l’objet d’une analyse systématique (Michaux 2009).