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La question de la définition : de la Confédération à aujourd’hui

PARTIE I PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE

Chapitre 1 Les Métis de l’Est : bilan des savoirs et des approches

1.1 Le contexte : métissages et identités métisses au Canada

1.1.4 La question de la définition : de la Confédération à aujourd’hui

[aux] terres réservées pour les Indiens. » Voici tout ce que dit la Loi constitutionnelle de

1867 à l’égard des Indiens du Canada, au paragraphe 91(24). Cette mention octroie au

gouvernement fédéral la responsabilité de poursuivre la politique de la Grande-Bretagne à l’égard des « Sauvages ». L’objet de la Confédération répondait principalement d’une vision expansionniste, avec au cœur des préoccupations d’alors la construction du chemin de fer transcontinental, ce qui ne permettait pas d’évacuer la question des Autochtones qui occupaient les terres encore non colonisées du Dominion. En 1867, les objectifs du gouvernement fédéral qui avait compétence sur les Indiens étaient non seulement de favoriser la colonisation de nouveaux territoires, mais aussi de mettre en place le processus d’intégration des « sauvages » dans la société canadienne. Ces deux objectifs ne sont pas nouveaux et découlent de la politique britannique qui avait cours depuis plus d’un siècle en Amérique du Nord britannique : reconnaissance du titre ancestral dans les « territoires indiens », nécessité d’établir des relations de nations à nations avec les Indiens, mais aussi politique de « civilisation » des Indiens depuis les années 1830 (Jones 2011 : 6 ; Canada 2013b : par. 353).

Au moment de l’union des deux Canadas en 1841 (le Bas-Canada et le Haut-Canada), le gouvernement colonial a commencé à se préoccuper du coûteux dossier indien qui était encore, mais plus pour longtemps, de la responsabilité de la Couronne britannique. À l’époque, « le remplacement de la fourrure par le bois au premier rang des produits exportés avait non seulement fait disparaître la pertinence économique des Indiens, mais les avait transformés en obstacle au développement économique de la colonie » (Hubert et Savard 2006 : 76). Pour en finir avec la question indienne et mettre fin à l’allocation annuelle de la Couronne britannique en faveur des « Sauvages », la commission Bagot, du nom du gouverneur général de l’Amérique britannique du Nord Sir Charles Bagot, a alors été mise en place entre 1842 et 1846. Il était notamment question d’établir la définition légale des personnes qui pouvaient être reconnues comme indiennes. D’après l’Historique

de la Loi sur les Indiens du Ministère des Affaires Indiennes et du Nord canadien (Leslie et

Maguire 1978), la définition du terme « sauvage » a été modifiée en 1851 (Canada- Uni 1851), soit un an après l’adoption de la loi de 1850 (Canada-Uni 1850). Il s’agissait de faire la distinction entre les sauvages « inscrits » et ceux qui étaient « non-inscrits ». Concrètement, l’idée du gouvernement d’alors était de favoriser l’assimilation des « sauvages », ce qui se perçoit mieux encore dans la loi de 1857 intitulée « Acte pour encourager la civilisation graduelle des Tribus Sauvages en cette Province, et pour amender les lois relatives aux Sauvages », qui prévoyait de faire disparaître graduellement toute distinction légale qui existe entre les « Sauvages » et les autres sujets canadiens de Sa Majesté (Canada-Uni 1857).

Mais qu’entendait-on alors par « Sauvages » ou « Indiens » ? Quelles populations étaient concrètement visées par ces politiques de colonisation et d’intégration ? Les quelques mots inscrits au paragraphe 91(24) de la Constitution ont fait couler beaucoup d’encre à ce sujet, dans la mesure où il était nécessaire d’interpréter ce que les Artisans de la Confédération entendaient par « Indiens ». Par exemple, la Cour suprême du Canada a confirmé en 1939 que les Inuits du Québec étaient des Indiens au sens de la Loi constitutionnelle de 1867. Il ressort en outre de ce jugement que le terme anglais « Indian » est assimilable au terme français « Sauvage », lequel comprenait l’ensemble des Autochtones du Canada ou des territoires d’Amérique du Nord qui relevait de l’autorité britannique (Canada 1939 : 117). Le 8 janvier 2013, treize ans après que le Métis Harry Daniels qui était alors président du

Congrès des peuples autochtones ait déposé une poursuite concernant la situation de dénigrement des Métis et des Indiens non-inscrits (MINI), la Cour fédérale du Canada a conclu que les Métis « sont des ‘Indiens’ au sens de l’expression ‘Indiens et terres réservées pour les Indiens’, qui figure au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 », et qu’ils devaient dès lors être placés sous la responsabilité du gouvernement fédéral. Ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel fédérale le 17 avril 2014 (Canada 2013b ; Canada 2014). Il est ainsi nécessaire de distinguer les Indiens au sens de la Loi sur les

Indiens du gouvernement fédéral et les Indiens au sens de la Constitution qui regroupe les

Indiens inscrits, qui sont statués dans la mesure où ils répondent à des critères d’admissibilité modifiables en regard de ladite loi, mais aussi les Indiens non-inscrits, les Inuits et les Métis (Hogg 2007 : 28).

Suite à la Confédération, les personnes désignées comme métisses (le terme sang-mêlé ou

half-breed en anglais était plus fréquemment utilisé à l’époque) représentaient un problème

à régler pour permettre l’expansion et le développement du Dominion comme prévu dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867. Les Métis de la Rivière-Rouge ont été touchés par cette politique d’intégration dans la mesure où il était nécessaire de contrôler cette population d’ascendance autochtone qui réclamait certains droits fonciers. Le gouvernement fédéral, dans un rapport de 1980 intitulé Natives and the Constitution

Background and Discussion Paper (cité dans Canada 2013b : par. 136), mentionne que le

régime des scrips24 devait permettre de régler la question des droits fonciers des Métis en

éteignant leur titre « indien », et ce sur une base individuelle (Canada 2013b : par. 316). Si les Métis étaient ainsi considérés comme formant une partie de la population autochtone (les « Indiens » au sens de la Constitution), ils ont été soumis par le gouvernement fédéral au régime des scrips plutôt que des traités25.

24 Le scrip représentait un certificat sous forme papier remis aux Métis dès 1870 dans la province du Manitoba (dans les années 1880 dans le Nord-Ouest et les régions visées par les Traités 8 et 10), et jusqu’aux premières décennies du XXe siècle. Ce certificat était échangeable contre une terre de 160 ou 240 acres ou contre 160 ou 240$, selon l’âge et le statut du détenteur.

25 Dans le jugement Daniels (Canada 2013 : par. 513), le juge a rappelé toutefois que les Métis s’étaient vus offrir à l’occasion la protection et les bénéfices conférés par un traité. Dans deux cas au moins, des Métis ont obtenu une réserve, sur une base collective donc. Quinze familles métisses de la rivière à la Pluie en Ontario ont été incluses dans le Traité no 3 conclu en 1873 au lac des Bois (Ibid. par. 430-434). Un autre exemple est celui des Métis de Saint-Paul-des-Métis en Alberta qui ont obtenu une réserve, suite à une demande formulée en 1895 (Ibid. par. 439-441).

Mais les Métis des Prairies ne sont pas les seuls métis à pouvoir être considérés comme des « Indiens ». Selon l’historien William C. Wicken (2011), les Artisans de la Confédération avaient l’intention d’interpréter largement le terme « Indien » contenu au paragraphe 91(24), cela afin de prendre en compte le caractère hétérogène et dynamique de la population autochtone, et ce quel que soit le degré de métissage biologique et culturel des individus. Comme l’historien Russel Bouchard, il montre que dans la loi de 1850 susmentionnée, intitulée Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des sauvages

dans le Bas-Canada, le terme « sauvage » incluait les métis. En 1868, une loi fédérale qui

comportait la première définition officielle du terme « sauvage » (Canada 1868 : art. 15), mentionnait que devaient être reconnues « Sauvages » non seulement les personnes de sang pur sauvage appartenant à une nation, à une tribu ou à une peuplade de Sauvages, mais aussi les métis résidant parmi eux. Par la suite, et tout au long de l’histoire de la Loi sur les

Indiens, la portée du terme « sauvage » ou « Indien » est devenue de plus en plus

restrictive : dès lors, la population d’origine autochtone non inscrite n’a depuis cessé de croître (Wicken 2011 ; Canada 2013b : par. 151, 254 et 272-273 ; voir aussi Bouchard 2007b : 40, 53, 67 et 73). Malgré tout, selon la Cour fédérale du Canada (Canada 2013b : par. 491-493), le gouvernement fédéral depuis 1867 a conservé sa compétence sur les Métis : s’ils ne sont pas inclus dans la Loi sur les Indiens, le gouvernement fédéral est en mesure d’adopter des lois les concernant (la portée du terme « Indien » au sens de la loi étant plus restrictive qu’au sens de la Constitution).

Dans l’article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, le mot « Indien » n’est pas défini, pas plus que le terme « Métis » inscrit dans la Loi constitutionnelle de 1982 à l’article 35, lequel article stipule, à l’alinéa (1), que « Les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés » ; et, à l’alinéa (2), que « Dans la présente loi, ‘peuples autochtones du Canada’ s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada ». Le Parlement a établi des normes pour définir le terme « Indien » afin de déterminer à quelle population s’appliquait la Loi sur les

Indiens. Il n’a pas fait ce même travail concernant les Métis, du moins pas de manière aussi

systématique. Les deux paliers de gouvernement se sont en fait livrés à un évitement de compétence au sujet des Métis, particulièrement concernant la responsabilité financière. Et ces querelles ont privé les Métis des programmes, des services et des avantages qui leur

auraient été nécessaires (Canada 1996b : points 1.5 et 1.7). En 1980, rappelle le jugement Daniels (Canada 2013b : par. 117), le gouvernement fédéral a défini les Métis comme des Autochtones « ayant maintenu une forte affinité avec leur patrimoine indien, sans toutefois être des Indiens inscrits »26. Et, contrairement aux Indiens non inscrits, les Métis voient

leurs origines mixtes remonter spécifiquement à l’époque de la traite des fourrures, c’est-à- dire à une époque relativement ancienne (Canada 2013b : par. 93).

Si la question de la définition des Métis a été prise en compte en partie par le gouvernement fédéral en 1980, il faudra attendre encore plus de deux décennies pour que des critères plus précis soient proposés et qu’une méthode soit fournie pour déterminer qui est un Métis au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ces précisions n’émanent pas du gouvernement fédéral. À ce jour, c’est le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Powley rendu le 19 septembre 2003 (Canada 2003) qui représente l’arrêt de principe en ce qui concerne l’interprétation du terme « Métis ». L’arrêt précise que « L’inclusion des Métis à l’art. 35 traduit un engagement à reconnaître les Métis […] à favoriser leur survie en tant que communautés distinctes […] [et] à protéger les pratiques qui, historiquement, ont constitué des caractéristiques importantes de ces communautés distinctes et qui continuent aujourd’hui de faire partie intégrante de leur culture métisse » (Canada 2003 : par. 13).

Cela va dans le sens de ce qui est recommandé dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (Canada 1996b : point 1.7). Selon les auteurs de ce rapport, les Métis forment des peuples autochtones distincts issus d’un croisement entre Premières nations ou Inuits et Européens. Cette identité métisse repose sur deux éléments incontournables : si la question de l’ascendance est importante, « C’est avant tout la culture qui différencie les Métis des autres peuples autochtones », mais aussi des non autochtones (Canada 1996b : points 1.2). Qui plus est, toujours selon la Commission, il existe entre les divers groupes métis des différences culturelles qui en font des peuples multiples et

26 Le document en question, cité dans le jugement Daniels, est intitulé Natives and the Constitution Background and

Discussion Paper et a été préparé par le Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) en 1980. Dans ce

document, le gouvernement fédéral tend à reconnaître sa compétence envers les Métis, en fait envers toute personne possédant « des caractéristiques raciales et sociales ‘suffisantes’ pour être considérée comme ‘Autochtone’ » et qui sera reconnue comme « Indien » au sens de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (cité et traduit dans Canada 2013b : par. 136).

distincts (Ibid. point 1.3). La culture métisse représente ainsi une synthèse aux nombreuses variations entre les cultures amérindiennes et européennes, elles-mêmes multiples, changeantes et hétérogènes (Boisvert et Turnbull 1985). La CRPA fait la distinction entre les Métis de l’Ouest, lesquels composent une nation historique, et les « autres Métis » qui ne sont pas encore parvenus à une telle structuration sociopolitique. Ces derniers se trouvent notamment dans l’est du Canada. Pour les auteurs du rapport, ils ont tout autant que les Métis de l’Ouest la légitimité de se désigner et d’être désignés par l’ethnonyme « Métis ». Ce terme fait référence à toute personne s’identifiant à une culture proprement métisse qu’il partage avec une communauté métisse dont il fait partie. Ce rapport fait partie des doctrines citées dans l’Arrêt Powley.

Outre son importance pour le groupe métis de la région de Sault Ste. Marie en Ontario27, le

jugement Powley a mis en place des critères pouvant être utilisés pour déterminer l’existence d’autres groupes métis au Canada et de leurs droits ancestraux. Il n’a pas été question pour la Cour suprême d’établir une définition exhaustive et définitive des « Métis » au moyen de critères rigides, mais bien plutôt d’exposer une méthode pour trancher les situations au cas par cas, afin de déterminer qui est un Métis au sens de l’article 35. Selon le jugement Powley, le terme « Métis » dans la Constitution ne concerne pas toutes les personnes d’ascendance mixte indienne et européenne, mais vise comme cela est mentionné en préambule du jugement « les peuples distincts qui, en plus de leur ascendance mixte, possèdent leurs propres coutumes et identité collective reconnaissables et distinctes de celles de leurs ancêtres indiens ou inuits, d’une part, et de leurs ancêtres européens, d’autre part » (Canada 2003). Cette conclusion a été réaffirmée par la Cour suprême du Canada dans des arrêts ultérieurs, à savoir l’arrêt Cunningham (Canada 2011 : par. 80-81) et l’arrêt Manitoba Métis Federation (Canada 2013a : par. 53). La Cour fédérale du Canada a mentionné que ce qui distingue les Métis des Eurocanadiens, c’est leur ascendance autochtone, leur forte affinité avec leur patrimoine autochtone (Canada 2013b : par. 531-532 et 544), un propos précisé en appel par la juge Dawson qui précise que le

27 Ce jugement clôt une procédure judiciaire longue de dix ans, qui opposait la Couronne à deux chasseurs métis de la région de Sault Ste. Marie en Ontario. Ces derniers, Steve et Roddy Powley, ont été accusés d’avoir violé la législation en matière de chasse et de pêche de l’Ontario. Ils se sont alors défendus en prétextant un droit ancestral de chasser pour se nourrir en tant que Métis, sous couvert de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les juges de la Cour suprême du Canada ont finalement donné raison aux deux chasseurs, reconnaissant l’existence d’une communauté métisse historique dans la région de Sault Ste. Marie et par conséquent d’un droit ancestral de chasser pour se nourrir aux Métis de cette collectivité.

terme « Métis » doit recevoir une interprétation large et évolutive ne s’arrêtant pas à la dimension raciale et aux liens avec des ancêtres indiens : la question de la culture est capitale (Canada 2014 : par. 95-96).

L’arrêt Powley portait sur la question du droit de chasse collectif : il précise que la reconnaissance de droits ancestraux de chasse et de pêche pour se nourrir des communautés métisses est conditionnelle à l’existence d’une communauté métisse historique (Ibid. par. 21-23) et d’une communauté métisse contemporaine (Ibid. par. 24-28), ainsi qu’à l’appartenance du demandeur à la communauté actuelle, lequel doit s’identifier comme Métis (Ibid. par. 29-35). Correspondant à ces trois principaux points, différents critères juridiques sont établis par la Cour suprême du Canada dans l’Arrêt Powley. Tout d’abord, cinq critères concernent l’existence de la « communauté métisse historique titulaire des droits », exigence mentionnée au point (2) du jugement Powley (paragraphes 21 à 23) :

 L’ascendance mixte européenne et indienne/inuite de ses membres : point (2) du jugement Powley (paragraphes 22 et 23);

 Les pratiques, la culture, le mode de vie et les traditions « reconnaissables et distinctifs », par rapport à ceux des Européens et des Indiens/Inuits : points (6) du jugement Powley (paragraphes 41 à 44) ;

 L’identité collective reconnaissable et distincte de celle des Européens et des Indiens/Inuits : point (2) du jugement Powley (paragraphe 23);

 Un territoire déterminé;

 La communauté métisse constituée postérieurement aux premiers contacts avec les Européens et antérieurement à la mainmise « de Sa Majesté » sur le territoire : point (5) du jugement Powley (paragraphes 36 à 40)28.

Deux autres critères portent sur l’existence d’une « communauté métisse contemporaine titulaire des droits revendiqués », exigence mentionnée au point (3) du jugement Powley (paragraphes 24 à 28) :

 Un certain degré de continuité et de stabilité jusqu’à aujourd’hui : point (7) du jugement Powley (paragraphe 45);

28 Ce critère vient confirmer une remarque soulignée dans l’arrêt Van der Peet (Canada, Cour suprême 1996). L’accent mis sur l’antériorité de l’occupation du territoire pour justifier la reconnaissance de droits ancestraux aux sociétés autochtones se révèle inadéquat concernant les Métis, « puisque, par définition, les cultures métisses sont postérieures au contact avec les Européens. […] L’objet de l’art. 35 en ce qui concerne les Métis n’est donc pas le même qu’en ce qui concerne les Indiens et les Inuits » (Canada 2003 : par. 16 et 17). Compte tenu de cette remarque, ce qui caractérise les Métis du point de vue constitutionnel est leur apparition en tant que peuple entre les premiers contacts euro-indiens et la mainmise effective des Européens sur le territoire, c'est-à-dire dans des régions qui n’étaient pas encore ouvertes à la colonisation.

 La non-extinction du droit ancestral revendiqué : point (8) du jugement Powley (paragraphe 46).

Enfin, trois critères établissent l’identité métisse dans le cadre d’une revendication fondée sur l’article 35 de la Constitution et permettent de rendre compte de l’« appartenance du demandeur à la communauté actuelle concernée », exigence établie au point (4) du jugement Powley (paragraphes 29 à 35) :

 L’auto-identification en tant que Métis du demandeur;

 Les liens ancestraux avec les membres de la communauté historique;  L’acceptation du demandeur par la communauté actuelle.

Cette décision a placé les questions relatives aux Métis sur la table des négociations politiques. Elle constitue le fondement sur lequel pourront être négociés d’autres droits : droits de chasse, mais aussi droits de pêche, devoir de consultation et d’accommodement, programmes sociaux autochtones, revendications territoriales, participation aux ententes de répartition des recettes et de développement29. Toutefois, comme il sera question de le

montrer dans la section 3.3 de cette thèse, les deux paliers de gouvernement n’entendent toujours pas entrer en négociation avec les groupes métis de l’est qui revendiquent leurs droits ancestraux, ce qui conduit à d’autres causes juridiques impliquant des « Métis ». Dans ces procès, les critères proposés par le jugement Powley servent de repères jurisprudentiels et une bataille s’engage entre interprétations discordantes, notamment concernant la question de la date de la mainmise effective du territoire par les Européens. Les Métis de l’Est considérés dans cette thèse ne sont pas encore reconnus légalement ni même juridiquement comme des Métis. Ils revendiquent l’identité métisse depuis quelques années, parfois depuis deux ou trois décennies tout au plus. Il s’agit de l’identité autochtone mentionnée explicitement dans l’article 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 la plus à même, selon eux, de les représenter dans leurs particularités socioculturelles et historiques et de protéger leur identité culturelle distinctive. Si l’arrêt Powley donne à leur démarche une certaine légitimité, l’identité métisse leur est refusée d’office par certains dignitaires métis de l’Ouest.

29 Voir le rapport JusteRecherche numéro 15 du Ministère de la Justice du Gouvernement du Canada : <http://www.justice.gc.ca/fra/pi/rs/rap-rep/jr/jr15/p5.html>, consulté le 3 avril 2013

Il est difficile de savoir ce que l’on entend par Métis au Canada, tant il existe, au sein même de la population qui se réclame de cette identité, de divergences « d’opinions quant à la composition et la base géographique » (Canada 2013b : par. 111). La Manitoba Métis Federation (MMF), parmi d’autres organisations de l’Ouest, entend réserver l’usage de l’ethnonyme « Métis » aux descendants des Métis de la colonie de la rivière Rouge. Cette position n’est pas celle de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba (UNMSJM), la plus vieille organisation métisse au pays, qui a tendu la main aux Métis de