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Chapitre 1 L'étude d'une trajectoire universitaire : éléments de problématique

1.4 Les sources documentaires

Cette préoccupation d'une reconstitution précise des événements nous a amené à prendre comme matériau de base les sources documentaires qui leur étaient contemporaines, afin de pouvoir en exploiter toutes les traces et de les confronter entre elles. À cet égard, si le fait d'appartenir à l'institution étudiée peut poser des problèmes d'interprétation, il s'avère par contre un avantage indéniable pour ce qui est de l'accès aux documents institutionnels, surtout lorsque le témoin a été présent durant une grande partie de la période de référence.

Pour réaliser notre étude, nous avons eu accès à un grand nombre de sources écrites, provenant essentiellement de la Télé-université et de certains de ses acteurs, de l'Université du Québec, procès-verbaux des organismes statutaires (Commission

100 Gagnon, N., Hamelin, J. et al. L'Homme historien..., op. cit. p. 37.

de la Télé-université, Commission de planification de l'Université du Québec, Assemblée des Gouverneurs), et rapports des organismes ayant entouré l'étude du projet institutionnel (Commission d'étude sur la formation des adultes, Rapport de la vice-présidence à l'enseignement et à la recherche sur l'enseignement hors-campus) ou ayant porté directement sur le projet de lettres patentes (Conseil des universités, Groupe de travail sur l'avenir de l'Université du Québec, Conseil supérieur de l'éducation). Cette documentation comprend notamment :

- les documents produits à l'occasion de l'élaboration et du lancement du projet de télé-université;

- les documents ayant marqué ses premières années d'existence, notamment ceux relatifs à la reformulation de son mandat;

- les projets de lettres patentes élaborés par la Télé-université et les documents ayant entouré cette élaboration;

- les rapports d'organismes impliquant les activités de la Télé-université et les prises de position publiques de cette dernière;

- les rapports directement relatifs au projet de lettres patentes de la Télé-université et les textes témoignant des échanges et prises de position à ce sujet;

- les rapports et les prises de position émanant du ministère de l'Éducation concernant les activités de la Télé-université et sa demande de lettres patentes;

- les données statistiques compilées par l'Université du Québec, permettant de comparer la situation de la Télé-université à celle des autres constituantes selon plusieurs indicateurs sur une période de plusieurs années.

À cette documentation se sont ajoutées d'autres sources témoignant de l'intérieur et de l'extérieur du parcours institutionnel de la Télé-université. Le regard interne était représenté par les documents vidéo réalisés par la Télé-université afin de témoigner de son histoire, ainsi que les entrevues réalisées à cette occasion avec ses principaux acteurs et les textes présentant le canevas historique ayant présidé à l'élaboration de ces archives officielles constituent la trace principale de ce regard interne. Quant au regard externe, l'ouvrage de Lucia Ferretti présentant l'histoire de

l'Université du Québec, commandé par cette dernière à l'occasion de son vingt- cinquième anniversaire102, a constitué une toile de fond essentielle à nos analyses.

Les entrevues ont certes leurs limites, liées notamment à l'imprécision de l'information orale et au risques de l'autojustification ou du règlement de comptes, parce que « non seulement la mémoire des individus sélectionne-t-elle les faits, mais en plus elle réordonne les événements et les rationalise »103 ; toutefois, elles s'avèrent

des sources d'information précieuses. En effet, d'une part certains acteurs ne laissent que fort peu de traces écrites de leurs actions, de l'autre, les entrevues permettent d'éclairer les traces disponibles en mettant l'accent sur des points saillants ou des circonstances qui ne sont pas mises en valeur dans les textes; enfin, elles peuvent permettre d'avoir accès à de nouvelles sources documentaires, notamment la correspondance privée. Mais surtout, comme le souligne Trépanier, « c'est là l'aspect le plus important, elles permettent de confronter notre propre interprétation des événements à celle des individus qui ont fait l'histoire que nous voulons raconter et analyser »104. Encore faut-il, comme l'indique Cohen, que ces entrevues soient

soigneusement préparées, afin de témoigner du degré de préparation du chercheur et de sa vigilance : « L'enquêté doit savoir qu'il a à faire à un spécialiste, pas à un dilettante absorbant passivement quelques vagues généralités que les diplomates savent si bien distiller, et que ses dires seront soumis à la vérification par le biais d'autres témoignages »105. Ainsi réalisé, souligne-t-il, « l'entretien peut s'avérer une

source de connaissance dont il serait regrettable de se priver. Les archives ne révèleront pas tout »106.

Quant à la démarche à suivre, la plus grande prudence est de mise, et l'on recommande généralement l'enregistrement de l'entrevue, d'où l'on tire une copie dactylographiée qui sera corrigée par l'interviewé107. Suivant ce principe, nous avons

102 Ferretti, L. L'Université en réseau…, op. cit., 1994.

103 Pestre, D. Some characteristic features of CERN in the 1950s and 1960s, Genève :

CERN-CHS-28, May 1989, p. 22 (cité par Trépanier, M. La construction du Tokamak de Varennes..., op. cit. p. 47).

104 Trépanier, M. La construction du Tokamak de Varennes..., op. cit. p. 47.

105 Cohen, S. « Modèles conceptuels et méthodes d'enquête », in Denis Peschanki,

Michael Pollak et Henry Rousso, Histoire politique et sciences sociales, Paris : Éditions Complexe, 1991, p. 72 - 80.

106 Cohen, S. « Modèles conceptuels... », art. cit., p.78.

107 Thuillier, G., Tulard, J. La méthode en histoire, Paris : Flammarion, Coll. Que sais-je

choisi en outre d'adresser à l'avance à chaque interviewé les questions détaillées constituant le canevas de l'entrevue, les questions posées lors de l'entrevue proprement dite reprenant ce canevas ou ayant pour but d'approfondir les réponses le cas échéant. Ces questions avaient été préparées de façon à résumer les principaux enjeux discutés, en mettant en évidence, le cas échéant, les tensions existant entre propos des personnes interviewées, à partir de leurs traces écrites éventuelles, ou entre leurs propos et ceux d'autres personnes ayant commenté les mêmes événements, ou encore entre ces propos et les données chiffrées disponibles. Il s'agissait donc d'entrevues en profondeur visant à permettre aux interviewés d'expliciter et de justifier leurs prises de position en les confrontant aux autres données disponibles, quitte à sortir du cadre des questions posées pour situer leurs réponses dans un cadre plus général108. Tous les acteurs-clés de l'histoire de la Télé-université ont ainsi été

interrogés, c'est-à-dire les fondateurs (à l'exception de Francine Mc Kenzie, décédée), les directeurs généraux de l'établissement durant cette période, les présidents de l'Université du Québec (à l'exception de Claude Hamel, président en exercice en 1992, qui déclina l'invitation), le président du Conseil des universités et celui du Conseil supérieur de l'éducation à l'époque où les rapports relatifs à la Télé-université furent rédigés, ainsi que le président du Groupe de travail sur l'avenir de l'Université du Québec109, le ministre en poste au moment où fut présentée la demande de lettres

patentes —Claude Ryan— lequel choisit de répondre aux questions par correspondance avec l'assistance de son chef de cabinet, et la ministre en poste lors de l'octroi des lettres patentes —Lucienne Robillard— laquelle nous renvoya à son sous- ministre de l'époque110.

Bref, notre démarche a reposé sur la confrontation de multiples sources : documents écrits, interprétations livrées par les principaux acteurs de l'histoire de la Télé-université, données statistiques disponibles, de même que la confrontation de nos analyses avec les explications livrées dans les documents vidéo ayant servi à constituer l'histoire officielle de la Télé-université et les interprétations proposées dans l'ouvrage présentant les vingt-cinq ans de l'Université du Québec. Cette

108 Près de la moitié des interviewés ont ainsi choisi de débuter l'entrevue par une

introduction assez longue leur permettant de situer leur point de vue de façon générale, avant de répondre aux questions posées.

109 Robert Després était également président de l'Université du Québec lors des

premières années de la Télé-université.

110 Il s'agissait de Pierre Lucier, que nous avions interrogé à titre de président du

intersubjectivité nous apparaissait le moyen le plus sûr pour limiter les risques de biais propres à notre situation particulière.