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Chapitre 1 L'étude d'une trajectoire universitaire : éléments de problématique

1.3 Un regard externe

avec des conduites sociales élémentaires. Cette dernière constatation tranche quelque peu avec son affirmation initiale que l'institutionnalisation ne doit pas être confondue avec la légitimité, puisque des éléments illégitimes tels que le crime organisé, la corruption et la fraude peuvent être institutionnalisés (Jepperson, R. L. « Institutions, Institutional Effects... », art. cit.)

61 Le cas de la papetière Tembec, où les travailleurs, en chômage depuis un an,

décident d’investir dans l’achat de l’entreprise devant la menace de sa fermeture, a ainsi constitué une forme de partenariat exemplaire, marquée par la protection des emplois, le partage des profits et la participation des travailleurs à de nombreux comités paritaires (Legendre, C. « Technologie, politique de gestion et dynamique des rapports sociaux organisationnels dans trois papetières au Québec » , Sociologie et sociétés, vol. XXIII, n° 2, p. 199 – 215; Legendre, C. « L’entreprise post-moderne : nouvelles technologies, réorganisation du travail et participation des salariés dans une industrie moderne traditionnelle », Actes du colloque international franco-québécois sur les perspectives de recherche en relations industrielles, Québec : Université Laval, p. 571 – 613). Toutefois, ce partenariat devait amener un affaiblissement du syndicat, amené à faire des concessions pour éviter le risque de perte d’emplois, lesquelles, s’ajoutant à un traitement désavantageux pour les employés plus jeunes, eurent pour effet la remise en cause de la légitimité syndicale et de vives tensions internes parmi le personnel (Lapointe, P.-A., « Partenariat et participation syndicale à la gestion – Le cas de Tembec », Relations

industrielles/Industrial Relations, 2001, vol. 56, N°4, p. 770 – 798).

62 Gurvitch, G. « Le concept de structure sociale », Cahiers internationaux de

Comme le souligne la définition de Doray et Lapointe citée ci-dessus, l'institutionnalisation d'un organisme, en tant que processus qui mène à son existence et à sa reconnaissance, peut impliquer une appréciation par des acteurs ou des organisations « extérieurs ». Cette caractéristique s'applique tout particulièrement à la Télé-université, dont la trajectoire, pendant la période étudiée, est tout entière marquée par la recherche de l'acceptation du projet institutionnel par l'Université du Québec et le gouvernement du Québec, se traduisant par l'octroi de lettres patentes.

La prise de décision publique dans le cycle de vie d'un organisme intervient la plupart du temps à cinq moments principaux : l'élaboration des politiques et programmes —incluant la définition de l'agenda politique—, leur adoption, la budgétisation, l'implantation effective de ces politiques et programmes et l'évaluation de leurs impacts63. Si la distinction entre ces moments est généralement facile à

établir, elle est par contre moins nette lorsque la vie de l'organisme n'est que partiellement régulée par la prise de décision publique : ainsi, dans le cas de la Télé- université, créée par l'Université du Québec en vertu de sa loi constitutive, la demande de lettres patentes touche plusieurs de ces dimensions. Tout d'abord, parce que la politique de formation à distance prévalant au moment où la demande est présentée s'incarne dans une structure non encore existante, cette demande touche à la phase d'implantation d'une politique64. Mais parce que les principes qui animent la

demande diffèrent sensiblement de ceux qui fondaient cette politique à l'origine65, elle

touche également à la phase de formulation —ou de reformulation— d'une politique.

63 Bellavance, M. Les politiques gouvernementales - Élaboration, gestion et évaluation,

Montréal : Les Éditions Agence d'Arc Inc., 1988; Anderson, James E. Public Policymaking - An Introduction, Second Edition, Boston, Toronto : Houghton Mifflin Company, 1994.

64 La politique de formation à distance est énoncée dans la réponse donnée par le

gouvernement en 1984 aux propositions de la Commission d'étude sur la formation des adultes, qui prévoit la création d'une Société de formation à distance, chargée de coordonner les actions des commissions scolaires et des collèges, à laquelle la Télé- université est invitée à s'associer. Cette structure n'avait cependant pas vu le jour en 1992 : il faudra attendre en fait 1994 pour assister à la création du Comité de liaison en formation à distance (CLIFAD), dont le rôle se borne à une concertation entre les commissions scolaires, les collèges et la Télé-université.

65 Alors que la politique de 1984 définissait le développement de la formation à

distance dans une perspective de suppléance et de complémentarité à la formation en établissement, la demande à l'étude prévoit précisément que la Télé-université soit libérée de l'obligation qui lui était faite jusqu'alors par l'Université du Québec d'intervenir de façon supplétive, et puisse au contraire offrir ses programmes sans contrainte.

De plus, comme cette prise de décision concerne l'approbation du programme et des activités d'un organisme ayant effectivement fonctionné depuis une quinzaine d'années, elle a également trait à la gestion de la formation à distance au niveau universitaire, ainsi qu'à sa budgétisation. Enfin, cette prise de décision est également l'occasion d'une évaluation des activités et des impacts de la Télé-université, organisme créé à titre expérimental, mais dont l'évaluation n'eut jamais lieu auparavant. Ainsi cette prise de décision est-elle, d'une part, marquée par l'analyse des besoins de formation universitaire à distance et des supports ou oppositions au projet présenté, typique de la phase d'élaboration, et, de l'autre, par l'évaluation de la performance de cet organisme en regard des résultats escomptés lors de la définition du projet —ainsi que des autres résultats obtenus—, typique de la phase d'évaluation; de ce fait, elle est également caractérisée par un regard rétrospectif sur le mode d'implantation et de gestion qui a prévalu jusqu'alors66.

Il y a cependant plus que cette situation un peu particulière et propre aux caractéristiques de l'Université du Québec, où la préoccupation envers l'analyse des besoins et la définition des priorités chevauche la planification de moyens d'action et l'évaluation de leur efficacité. Il est vrai que la préoccupation de rationalité est manifeste dans l'élaboration, la gestion et l'évaluation des politiques gouvernementales : dans un premier temps, il s’agit rechercher une combinaison optimale des valeurs et normes sociales à atteindre, des besoins et problèmes auxquels répondre, des instruments et moyens d'action disponibles, ainsi que des ressources humaines, financières et matérielles; puis vient la mise en œuvre, marquée par la recherche de l’efficacité; le troisième temps est celui de la mesure de la performance effective des moyens mis en œuvre dans le contexte de l'évolution de l'environnement et des stratégies des acteurs mis en cause67. Toutefois, le processus

par lequel cette rationalité est mise en œuvre est rarement aussi systématique. Comme l'a montré Lindblom, la prise de décision publique est souvent caractérisée

66 En effet, la réalisation des politiques publiques ne procède pas, la plupart du temps,

d'une succession d'étapes, comme le suggère le modèle de l'action rationnelle. Elle est au contraire caractérisée par l'entremêlement de trois processus —l'émergence, la formulation et la mise en œuvre—, parce qu'en pratique, « il y a constamment des réinformations par rétrovision ou anticipation d'un processus à l'autre », qui ont été comparées à des « flux tourbillonnaires » (Lemieux, V. L'étude des politiques publiques, Sainte-Foy : Presses de l'Université Laval, 2002, p. 21; Monnier, É. Évaluations de l'action des pouvoirs publics, Paris : Économica, 1992, p. 87)

67 Pour une présentation modélisée de ces trois phases, ainsi qu'une revue de la

par une approche pragmatique dans laquelle la définition des buts à atteindre est étroitement liée à l'analyse de l'action à entreprendre, tandis que le choix de la politique à mettre en œuvre dépend du degré de consensus qu'elle suscite —et non de ses qualités intrinsèques—, et que l'analyse des effets de la politique, de même que celle des alternatives politiques, est réduite au minimum68. Étant donné la complexité

des problèmes à traiter et l'incapacité d'en maîtriser toutes les données, le recours à des stratégies permettant de les analyser sous une forme simplifiée s'impose, afin de permettre des choix soigneusement calculés69.

La description du modèle de la rationalité procédurale élaborée par Simon expose les raisons du recours à une telle approche : incapacité cognitive des décideurs à planifier de longues séquences d'action étant donné la complexité de l'environnement, tendance à déterminer des niveaux d'aspiration pour chacun des buts poursuivis et à travailler de façon séquentielle plutôt que simultanée, préférence pour un comportement visant à atteindre les buts poursuivis de façon correspondante aux aspirations, plutôt que de façon optimale70. Étant donné ces contraintes, la prise de

décision suppose que l'attention du décideur soit d'abord activée, qu'il dispose d'un mécanisme lui permettant de générer des alternatives, qu'il puisse obtenir des données sur l'environnement et qu'il soit en mesure de tirer des conclusions à partir de ces données71. Rationnelle dans ses intentions, la prise de décision est donc limitée dans

son exercice : cette constatation, qui a joué un rôle essentiel dans l'analyse de l'administration publique et dans celle de l'élaboration des politiques publiques, a été d'une importance particulière dans l'étude des organisations gouvernementales, dont les comportements apparaissent marqués par la rationalité limitée de leurs acteurs, notamment en termes d'espaces d'attention limitée, de routine et d'identification des

68 Lindblom, C. E. «The Science of "Muddling Through" », Public Administration

Review, Vol. 19, 1959, p. 79 - 88.

69 Lindblom, C. E. « Still Muddling, Not Yet Through », Public Administration Review,

Vol. 39, 1979, p. 517 - 526.

70 Prolongeant la réflexion de Simon, March distingue pour sa part la rationalité

contextuelle, qui a trait au contexte des décisions, la rationalité des jeux, qui résulte des intérêts des individus, la rationalité des processus, qui parfois l'emporte sur celle des contenus des décisions, la rationalité adaptative, qui traduit l'adaptation des préférences aux fluctuations de l'environnement, la rationalité sélectionnée, qui découle de la construction sociale des rôles et des habitudes de fonctionnement, et la rationalité a posteriori, qui permet de justifier les choix après-coup (March. J. « Bounded Rationality, Ambiguity and the Engineering of Choice », Bell Journal of Economics, N° 9, 1978, p. 587 - 608).

71 Simon, H. A. Administrative Behavior, New York : MacMillan, 1957; Simon, H. A.

acteurs aux valeurs et croyances propres aux diverses composantes de l'organisation, que Simon désigne par le terme d'identification organisationnelle. Ainsi, les nombreuses études du comportement des organisations publiques montrent que les recherches y sont incomplètes et non-optimales, que les décideurs ne se bornent pas à choisir parmi des alternatives, mais les génèrent eux-mêmes et que les problèmes ne sont pas donnés au point de départ mais doivent être définis; de même, les solutions ne sont pas élaborées en réponse aux problèmes mais y préexistent, et les choix sont basés sur des buts disproportionnés et mal intégrés72. Ces études ont porté sur des

objets divers, qu’il s’agisse des processus de budgétisation —marqués par des changements graduels, conformément à la description de Lindblom, mais aussi par des changements occasionnels radicaux—, des routines organisationnelles, différentes selon les types de demandes, et de la définition des agendas politiques, c'est-à-dire les processus par lesquels l'attention des décideurs est orientée vers la résolution de certains problèmes plutôt que d'autres, ou encore du rôle joué par les acteurs capables d'attirer l'attention des décideurs73. Mais toutes ces études donnent

du décideur public une image fort différente de celle proposée par la théorie du choix rationnel. Plutôt que de considérer l'ensemble des facteurs de la décision, il choisit plutôt de n'examiner que les aspects qui lui apparaissent caractériser la structure du problème, ignorant les autres informations disponibles; il effectue rarement les calculs nécessaires pour choisir entre plusieurs options, même quand leur nombre est restreint; il est vulnérable aux illusions cognitives et au recadrage (« framing »), notamment quand des descriptions des options possibles lui sont présentées de façon à influencer son choix; il traite l'information en fonction de règles de cohérence interne, quitte à traiter différemment les gains et les pertes; il a beaucoup de difficulté à trouver des compromis, lorsqu'il poursuit des buts multiples; il a de la difficulté à structurer la situation de prise de décision, ce qui le rend vulnérable à des redéfinitions radicales; il ne recherche pas de nouvelles informations en cas de situation incertaine; et il a tendance à s'identifier à ses choix antérieurs en situation de prise de décision répétée, ce qui l'amène à une attitude conservatrice74.

72 Pour un revue de ces études, voir Jones, B. D. « Bounded Rationality », Annual

Review of Political Science, Vol. 2, 1999, p. 297 - 321.

73 Voir notamment Jones, B. D. Reconceiving Decision-Making in Democratic Politics -

Attention, Choice, and Public Policy, Chicago : The University of Chicago Press, 1994; Baumgartner, F. R., Jones, B. D. Agendas and Instability in American Politics, Chicago : The University of Chicago Press, 1993; Kingdon, J.W. Agendas,

Alternatives and Public Policies, New York : HarperCollins College Publishers, 1995.

Aux limites cognitives du décideur s'ajoutent donc celles qui résultent de la manipulation des informations par des acteurs intéressés par un certain type de décision. Dans son analyse classique de la crise des missiles de Cuba, Allison souligne ainsi que le processus de recherche de solution fut avant tout un processus de moindre insatisfaction, que les solutions présentées correspondaient aux plans préalables des diverses organisations administratives représentées dans le comité de crise, qu'elles avaient été structurées à l'avance en fonction de leurs capacités et de leurs objectifs, s'opposant à la recherche d'une solution originale et faisant du processus décisionnel non le fruit d'une délibération, mais d'un jeu politique où s'intègrent des pressions contradictoires75. Cette manipulation n'est cependant pas

seulement le fait de situations d'urgence telles que celle analysée par Allison, mais peut également survenir lors de processus de prise de décision routiniers, lorsque les décideurs tentent rationnellement de concilier l'atteinte d'objectifs multiples et sont susceptibles de changements d'opinion radicaux, selon les arguments qui leur sont présentés76. Ceci s'explique notamment par l'importance du vote dans la

vie politique77 :

The basic theme running throughout the social-choice literarture is one of instability. When voters are allowed to have heterogenous (multidimensional) interests, their efforts to pursue these interests through majority-rule voting—which may involve them in shifting coalitions, in vote-trading, in opportunistic reneging on arguments, and the like—generally fail to

75 Allison montre qu'un des points cruciaux de la délibération concernait la possibilité

d'effectuer une attaque aérienne chirurgicale, qui reçut l'avis négatif des militaires au moment où le président semblait s'orienter dans cette direction, même si des études subséquentes devaient montrer que leurs craintes étaient nettement exagérées. En fait, les experts de l'armée de l'air n'avaient jamais envisagé cette solution et

préféraient une attaque massive. Leur blocage dans cette position dure amena le changement de stratégie que l'on sait, avec le choix du blocus maritime. (Allison, G. The Essence of Decision - Explaining the Cuban Missiles Crisis, Boston : Little Brown, 1971).

76 Jones montre ainsi que le changement du vote à la Chambre des Représentants

dans le dossier du Supercollider était lié à la préoccupation des Représentants de réduire le déficit et de stimuler la croissance économique, ainsi qu'à leur incapacité à maîtriser toutes les données de ce dossier, ce qui les rendait vulnérables à la façon dont les informations étaient fournies (Jones, B. D. « A Change of Mind or a Change of Focus ? », Reconceiving Decision-Making in Democratic Politics…, op. cit., p. 78- 102).

77 Moe, T. M. « Political Institutions : The Neglected Side of the Story », Journal of

yield equilibrium social choices, and in fact may yield choices that cycle over the entire outcome space.

De façon similaire, l'analyse des processus de prise de décision relatives à des équipements scientifiques coûteux qui font appel à de multiples expertises techniques permet de constater que chacun des groupes d'acteurs impliqués et intéressés par la prise de décision tente de faire prévaloir son point de vue tout au long du processus —de la définition du problème et de la nature de la solution à mettre en œuvre jusqu'au choix des modalités d'implantation du programme et à celui des solutions techniques proprement dites, en passant par la composition des comités— ; elle montre également que l'influence exercée peut sortir du cadre du débat scientifique pour toucher une logique plus proprement politique78. Dans ce contexte, la nature du

processus décisionnel apparaît particulièrement complexe, puisque le gouvernement est défini comme un réseau d'organismes et de ministères relativement autonomes, tandis que la communauté scientifique est perçue comme composée de groupes différents contrôlant chacun un domaine ou un champ de responsabilité bien précis et qui peuvent être présents au sein même des organismes et ministères du gouvernement ou participer au processus décisionnel via différents comités. L'analyse de la décision repose alors sur l’examen du travail des comités, dans leur façon de traiter les demandes et de justifier leur ligne de conduite selon leurs politiques établies79.

78 Ainsi, le projet de construction du Tokamak de Varennes, lancé suite à une initiative

de chercheurs québécois, reçut tout d'abord un accueil nettement défavorable de la part des fonctionnaires fédéraux, mais n'en fut pas moins poursuivi dans un

perspective d'élargissement aux scientifiques des autres provinces canadiennes, suite aux pressions exercées par le ministre québécois de l'Industrie et du Commerce —qui soulignait le « retard » du Québec dans le domaine de la

recherche— auprès du ministre d'État aux Sciences et à la Technologie. De même, lorsque le programme fut retenu, sans toutefois être financé, les chercheurs

québécois accusèrent le gouvernement fédéral de discrimination à l'endroit des chercheurs francophones. Dans le contexte de l'élection récente du Parti québécois, le projet fut réévalué et classé «hautement prioritaire», tandis que le gouvernement fédéral acceptait de financer le programme proposé, alors que les décideurs publics penchaient auparavant en faveur de sources d'énergie non nucléaires et étaient très hésitants face aux coûts énormes du programme proposé. (Trépanier, M. La construction du Tokamak de Varennes - Anatomie d'une décision en matière de “big science”, Thèse de 3e cycle, Montréal : Université de Montréal, septembre1989).

79 Krige, J. « Decision-making at the science-government interface : some general

comments », Appendix 13.2, in Hermann, A., Krige, J., Mersits, U., Pestre, D., History of CERN, Vol. I : Launching the European Organization for Nuclear

Research, Amsterdam, North-Holland, 1987, p. 506 - 508.(Cité par Trépanier, M. La construction du Tokamak de Varennes..., op. cit., p. 29).

Toutefois, une telle représentation du processus de prise de décision apparaît trop limitée à Trépanier qui, suivant l'argument de Krige, propose un modèle d'analyse d'un autre type80 :

Compte tenu de ceci, nous croyons que le moyen le plus sûr d'éviter une reconstruction des événements qui soit trop rationnelle consiste à prendre pour objet non pas

la décision en tant que telle, mais plutôt le processus

décisionnel. Dans les analyses guidées par le modèle de la décision rationnelle, l'aspect temporel de la décision est chaque fois négligé. L'étude est alors menée comme si, à un moment précis, l'ensemble des acteurs concernés s'étaient réunis pour décider de la totalité du problème (ou de la demande) alors sous examen.

On conviendra de la justesse de cette critique du modèle de la prise de décision rationnelle qui empêche notamment de discerner l'influence des événements d'ordre politique, et on reconnaîtra qu'il est sans doute plus approprié de décrire la prise de décision en matière de « big science » comme le fruit d'un ensemble de micro-décisions à l'occasion desquelles des acteurs —variables tout au long du processus, inégaux dans leur degré d'information et leur capacité d'influence et animés par des rationalités multiples— choisissent parmi des alternatives limitées en nombre et dont la qualité est inégale, soit au sein de comités, soit par lobbying. Toutefois, ce qui est vrai dans une situation de prise de décision où interviennent de