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Section 2. La méthodologie utilisée : une analyse qualitative

2.2. Application de cette méthodologie

2.2.2. Les sources pour la construction de notre étude de cas

Afin de recueillir les informations nécessaires pour répondre aux questions de recherche que cette thèse a pour objectif de traiter et d’analyser les attributs des transactions et les caractéristiques des structures de gouvernance, nous avons mené une analyse qualitative en Europe et aux Etats-Unis en suivant la méthode de collecte d’information par entretien décrite ci-dessus.

29 entretiens directifs ont été réalisés à partir de questionnaires à questions d’opinion et de faits ouvertes et fermées auprès de 34 armateurs, opérateurs ferroviaires, opérateurs intermodaux, chargeurs et autorités réglementaires. L’annexe 14 présente l’ensemble des entretiens effectués. Ces entretiens avaient pour objet de recueillir des informations permettant d'appréhender chaque étape de la chaîne de transport de bout en bout ainsi que d’analyser les attributs des transactions, le choix des structures de gouvernance pour coordonner ces chaînes et le rôle de l’environnement réglementaire. Nous avons conduit les entretiens de sorte à favoriser les explications afin d'obtenir une description précise et complète de l'activité des différents intervenants de la chaîne de transport.

La durée des entretiens est en moyenne d'une heure et demie et 62% ont été enregistrés. Les cassettes audio et les enregistrements numériques des entretiens ont été remis à l’Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (INRETS) qui a financé, à travers une allocation de recherche, la réalisation de cette thèse.

Pour éviter la prise de notes lors des entretiens nous avons choisi d'enregistrer et de transcrire les entretiens15. Ainsi, le questionnaire est rempli à partir de la transcription de l'entretien. Bien que cet exercice soit lourd en temps, en moyenne quatre heures pour un entretien de 90 minutes, il nous a permis pendant l'entretien de rester attentif et de relancer l'interlocuteur, de ne pas perdre des informations en prenant des notes ; et à posteriori de revenir plusieurs fois à la source d'information, de faire une lecture plus

15 Nous avons toujours demandé l'accord de notre interlocuteur. Nous avons remarqué que la présence du

magnétophone est quelques fois gênant au cours des premières minutes de l'entretien. C'est pourquoi les premières questions portaient sur des sujets qu'ils connaissent bien comme leur entreprise.

précise des entretiens, de faire écouter à d'autres experts les entretiens en cas de doute sur la validité des arguments avancés par nos interlocuteurs.

Il n’existe pas une taille idéale de l’échantillon lors d’une étude de cas, c’est sa représentativité, son homogénéité et sa précision qui font qu’un échantillon soit satisfaisant (Yin 2003). Nous estimons ces entretiens représentatifs dans la mesure où les armateurs interviewés transportent 50% du trafic transatlantique. Parmi les armateurs interviewés, se trouvent les deux plus importants en termes de part de marché sur ce trafic (environ 11% chacun). Nous avons aussi interviewés des armateurs ayant un part de marché moyenne, de l’ordre de 5 à 6%, et des « petits » armateurs ayant une part de 1%. Notre échantillon se compose d’armateurs faisant partie d’accords de coopération horizontaux ainsi que d’armateurs « indépendants », c’est-à-dire des armateurs qui opèrent de façon individuelle sur ce trafic. Nous allons aborder ces accords dans le chapitre 3 de cette thèse.

Les chargeurs qui composent notre échantillon sont ceux ayant des relations commerciales avec les Etats-Unis et l’Europe et qui ont une demande annuelle supérieure à 10 000 EVP dans la mesure où c’est au-delà de ce volume que les chargeurs achètent des services de carrier-haulage. Avec un volume inférieur, les chargeurs préfèrent négocier avec des commissionnaires car les besoins de transport ne sont pas les mêmes. Compte tenu du nombre important de chargeurs qui remplissent ces conditions, nous avons interviewé, en plus des entretiens menés auprès de 5 chargeurs, le porte-parole de l’association européenne qui représente le plus grand nombre de chargeurs. L’objectif était d’avoir une vision complète de cette profession.

S’agissant des opérateurs intermodaux, deux transporteurs ferroviaires américains sur trois opérant sur la côte Est et offrant le service de transport intermodal ont été interviewés. De plus, 3 opérateurs intermodaux américains, appelés Intermodal

Marketing Companies (IMC), ont également accepté de répondre à nos questions. Ces

deux opérateurs ont une part de marché d’environ 45% du trafic intermodal de conteneurs aux Etats-Unis. En outre, nous avons interviewé le porte-parole de l’association américaine des IMC afin d’avoir une vision d’ensemble de cette activité.

Nous avons rencontré des difficultés pour rencontrer les opérateurs intermodaux européens. Beaucoup n’ont pas accepté d’être interviewés et de répondre au questionnaire par d’autres moyens proposés (téléphone, internet ou courrier). En fait, il s’agit de nouveaux entrants qui craignent de dévoiler leurs « stratégie » et d’admettre publiquement, face à leurs concurrents, les difficultés qu’ils rencontrent dans cette activité émergente. Nous avons pu, tout de même, obtenir 4 entretiens avec des opérateurs opérant en France et Belgique. Nous allons voir par la suite comment nous avons complété les informations sur ces agents.

Enfin, l’environnement institutionnel étant un élément essentiel dans notre analyse, deux entretiens ont été menés auprès des autorités européennes réglementaires. Le nombre réduit d’entretiens auprès du réglementeur s’explique par le fait que la Commission européenne exprime ses opinons et décisions au travers de nombreuses publications et communications publiquement accessibles : elle limite en conséquence sa communication externe.

L’annexe 14 rassemble l’ensemble des entretiens réalisés. Ce matériel est présenté de façon « brute » afin de préserver l’authenticité des explications et réponses de nos interlocuteurs. Nous ne citons pas le nom des personnes interviewées dans la mesure où nombre d'entre elles ont accepté de répondre à nos questions à la condition que la confidentialité de leur identité soit respectée. Toutefois, une brève introduction présente l’objectif de l’entretien et situe l’activité de l’entreprise et l’entreprise elle-même dans notre recherche.

Notre recherche empirique se fonde également sur l’analyse des contrats. Comme cela a été dit, les contrats sont utilisés comme une source d’information par la TCT (Masten 1988 ; 1999). L’autorité réglementaire américaine du transport maritime (la Federal Maritime Commission), nous a donné accès à 50 contrats, parmi lesquels 11 correspondent à des structures de gouvernance observées et qui encadrent la transaction maritime sur le trafic transatlantique. C’est-à-dire que nous avons tous les contrats qui encadrent toutes les structures de gouvernance observées pour la coordination de la

transaction maritime dans notre recherche empirique. Bien que ces contrats soient déposés auprès de l’autorité américaine, leur contenu concerne également les flux desservant les ports européens. L’ensemble de ces contrats se trouve dans les annexes 1 à 11. Nous allons faire référence à leur contenu tout au long de cette thèse, particulièrement dans le chapitre 316.

Les 39 contrats restant encadrent des structures de gouvernance qui ne sont plus valides, qui ne concernent pas l’Europe et qui portent sur la coopération horizontale entre armateurs dans des activités terrestres aux Etats-Unis. Grâce à l’ensemble des contrats nous avons pu étudier le choix organisationnel des armateurs pour coordonner le segment maritime. De plus, disposer des contrats sur les activités terrestres et intermodales que les armateurs peuvent entreprendre aux Etats-Unis, mais non en Europe car c’est interdit, nous a permis de mieux comprendre les modalités de coopération de cette activité ainsi que ces effets sur le développement de l’intermodalité.

Enfin, des dossiers de presse ont été réalisés à partir des publications faites par des entités officielles spécialistes dans les statistiques des transports (MARAD, EUROSTAT, BTS, IMO) ; des cabinets d’études reconnus dans le milieu des transports (Dynamar, Drwery, Fairplay International Shipping) ainsi qu’à partir de la presse spécialisée (Containerisation International, American Shipper, Lloyd's Shipping Economist ; Lloyd's List) et des rapports d’activités et publications des armateurs et opérateurs intermodaux. Ces dossiers de presse ont une triple utilité dans notre recherche empirique. Premièrement, ils nous ont permis d’acquérir une connaissance des secteurs du transport maritime et du transport intermodal qui sont particulièrement techniques et complexes. Deuxièmement, ces dossiers ont permis de combler les vides laissés par la réticence des opérateurs intermodaux européens à être interviewés, à

16 Avec l’accord de la FMC, nous avons fait don de l’ensemble de ces contrats à The Contracting and

Organizations Research Institute (CORI) de l’Université de Missouri. Ce centre dispose depuis 2000

d’une « bibliothèque de contrats » à des fins académiques et sous la direction de Michael Sykuta, Ronald Coase, Robert Lawless et Stephen Ferris.

répondre au questionnaire et à autoriser la consultation de leurs contrats. Enfin, ces dossiers ont permis également de suivre les décisions organisationnelles et opérationnelles des entreprises qui interviennent tant dans la coordination des chaînes de bout en bout que des réseaux maritime et intermodal.

Les contrats, les entretiens et les dossiers de presse sont donc les trois principales sources à partir desquelles nous avons construit notre étude de cas. Chacune de ces trois sources nous a permis de corroborer les éléments ressortant des autres et d’avoir une description précise de cette activité technique dans la quelle les intervenants sont nombreux et leurs décisions interdépendantes. Grâce à ces sources nous avons pu mener notre analyse transactionnelle des chaînes de transport de conteneurs. La section suivante présente notre étude de cas.

Section 3. Notre étude de cas : Les chaînes de transport de