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Les hybrides : un ensemble de mécanismes complémentaires

Section 1. La grille d’analyse des structures de gouvernance proposée par la théorie des coûts de transaction

1.3. Les structures de gouvernance hybrides

1.3.3. Les hybrides : un ensemble de mécanismes complémentaires

Ménard (2004b) propose d’analyser les hybrides comme un ensemble de mécanismes complémentaires. Pour cela il faut prendre en considération trois dimensions :

1) Identification des hasards contractuels

Les hasards contractuels qui perturbent les transactions viennent : de la dépendance bilatérale ; des problèmes de mesure (observabilité) ; des conditions qui changent avec le temps ; des défaillances du système de droits de propriété ; des défaillances de l'environnement institutionnel.

Réduire les hasards contractuels exige des formes hybrides une sélection des partenaires rigoureuse et une définition de clauses de sauvegarde pour empêcher les comportements opportunistes tout en préservant les parties autonomes.

Les contrats sont un instrument limité pour contrôler les hasards contractuels qui entourent les formes hybrides5, mais leur rôle est crucial dans la coordination des partenaires pour cinq raisons :

5 Les contrats ont des limites à cause des asymétries d’information et des contraintes de sauvegarde

i. Le nombre de parties à l'accord

Les accords bilatéraux sont plus faciles à contrôler mais une forte dépendance apparaît. En revanche, les accords multilatéraux ont une gestion plus compliquée mais permettent les comparaisons entre les partenaires. Ce benchmarking est un instrument puissant pour contraindre l'opportunisme, comme c’est le cas dans les franchises.

ii. La durée

Les contrats des structures hybrides sont de courte ou de longue durée et renouvelables automatiquement. La relation existant entre durée et intensité de la coordination renforce la relation contractuelle entre les partenaires.

iii. Les engagements

Les engagements portant, généralement, sur la qualité et la quantité sont observables. Les hybrides favorisent la vérification des tâches et la standardisation des processus de production ou distribution afin de réduire les coûts de contrôle et de surveillance.

iv. Clauses d'adaptation (flexibles et fixes)

Les clauses flexibles n'impliquent pas toujours une renégociation, mais tout changement des clauses implique une adaptation du contrat. Lorsque la spécificité des investissements et l’incertitude sont faibles, les partenaires peuvent préserver les clauses originelles du contrat. Les clauses d'adaptation sont importantes à cause du moindre rôle du système des prix.

sont standards et non pas spécifiques à la transaction. Contrairement à ce que la théorie de l'agence prédit les contrats ne tiennent pas compte des caractéristiques spécifiques de chaque partenaire.

v. Les contrats sont incomplets

Les contrats sont incomplets et susceptibles d’être perturbés par des comportements opportunistes. Les contrats des hybrides ont des clauses formelles (otages financiers, cautions, investissements spécialisés garantissant les engagements réciproques) et, plus fréquemment, des clauses informelles (réputation, entretiens de la relation ou confiance). La confiance est une façon de réduire l'opportunisme lorsque les contrats sont incomplets (Zucker 1986 ; Eccles, 1989).

Ainsi, face aux hasards contractuels, les hybrides économisent les coûts liés aux contrats, contrairement aux structures intégrées qui impliquent des coûts administratifs, tout en réduisant les comportements opportunistes des partenaires autonomes.

2) Protection et distribution de la quasi-rente

Les firmes travaillent en partenariat à cause des motivations résultant du partage de la quasi-rente et de la complémentarité des actifs (Madhok et Tallman 1998). La quasi- rente résulte de la complémentarité et de l’interdépendance des actifs spécifiques des partenaires. Il y a une dimension contractuelle dans le partage des rentes dans la mesure où les règles de partage sont spécifiées dans le contrat. Cependant, en présence d’incertitude, les contrats ne peuvent pas tout prévoir et les risques de comportements opportunistes ex-post à la rédaction des contrats apparaissent. De la sorte, les hybrides sont confrontés à la difficulté de savoir ex-ante le montant résiduel à partager, afin d’éviter les conflits.

C’est pourquoi les hybrides adoptent des composantes observables et des mécanismes formels pour protéger et distribuer les rentes :

i. Les composantes observables, telles que les redevances à payer en fonction des ventes au franchiseur, sont un moyen de rendre les clauses contractuelles exécutoires (Lafontaine et Raynaud 2002).

ii. Mécanismes de contrôle et de distribution de la rente6 :

! La réputation, dans la mesure où les transactions sont fréquentes et que les contrats sont renouvelables. Dans les hybrides la notion de « credible commitment » est complétée par celle de « menace crédible ».

! Le partage de la rente peut se faire par des stratagèmes de négociations tels que la négociation ex-ante sur les prix et ex-post sur les quantités ou encore la participation d’un arbitre.

! Autorité formelle dans laquelle les délégués déterminent comment seront réparti les gains produits par la coopération. Il s’agit de créer un « joint committee » spécifique à l'accord.

3) Autorité privée

L’autorité privée est le troisième mécanisme caractérisant les hybrides. Dans un contexte de contrats incomplets et d’incertitude, les hybrides ont besoin de préserver la coordination pour que la relation soit opérationnelle et stable. Pour cela, les hybrides adoptent des mécanismes leur permettant de coordonner les activités, d’organiser les transactions et de résoudre les problèmes et conflits qui surviennent. Ces mécanismes peuvent être interne à l'arrangement mais ils peuvent trouver leur légitimité dans l'environnement institutionnel (en tant que règles du jeu). Ménard (2004b) propose deux mécanismes :

6 Ménard (2004 p20) signale que cette liste n’est pas exhaustive et qu’elle correspond aux mécanismes les

plus étudiés. L’adoption de ces mécanismes dépend du degré d'incertitude : plus celle-ci est forte plus le mécanisme choisi est formel.

i. Des restrictions dans les contrats (horizontales et verticales)

Elles délimitent le domaine d'action autonome des partenaires. Ceci est associé souvent à des restrictions de la concurrence (restrictions verticales) mais il s’agit en fait de restrictions facilitant la coordination (Rey 1994a et b ; Tirole 1986).

ii. Agences administratives privées

L'autorité est un élément central des hybrides (Ménard 1996, 2000). L’entité spécifique créée par l’organisation hybride indique que ces organisations ne s’ajustent ni par le système des prix ni par le commandement. Les hybrides préfèrent les entités privées et évitent le recours à des tierces parties (Williamson 1985). L'entité qui incarne l’autorité dans les formes hybrides est crée mutuellement et intentionnellement par les partenaires pour coordonner le comportement des partenaires, arbitrer et faciliter la prise de décisions.

Le degré de centralisation des autorités dépend du degré de dépendance et de la complexité du contexte (Dwyer 1988, Park 1996). Ménard cite quatre mécanismes de coordination allant du plus faible au plus fort : la confiance (Palay 1985) ; le réseau relationnel (Ouchi 1980) ; le leadership (Pisano 1990) ; les joint-ventures (Raynaud 1997). La confiance est la plus proche de la structure de marché et les joint-ventures les plus proches de la hiérarchie.

En somme, la gouvernance des hybrides ne relève ni des traits spécifiques des relations de marché ni des dispositifs propres à l’organisation hiérarchique. Les structures hybrides ont des mécanismes précis afin de répondre à des transactions particulières dans des contextes incertains. L’identification des mécanismes propres aux structures hybrides permet d’esquisser un ordre ou une typologie de la diversité d’arrangements de ce type. Cette typologie permet de déterminer l’efficacité de celles-ci à réduire les coûts des transactions.

La littérature maritime traite tous les accords de coopération entre armateurs « d’alliances » (Song et Panyides 2002 p186). La distinction entre ces accords est d’ailleurs évitée par les experts. Nous allons voir, grâce à cette grille, que chaque accord est particulier et différent des autres. Cette analyse est nécessaire afin de vérifier l’alignement des structures de gouvernance sur les attributs des transactions.

Section 2. La diversité de structures de gouvernance encadrant