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Les coûts liés à l’immobilisation au port des conteneurs

Section 1. La spécificité des actifs de la chaîne transactionnelle

1.4. Les coûts provoqués par les contraintes temporelles de la chaîne

1.4.2. Les coûts liés à l’immobilisation au port des conteneurs

Tout d’abord, l’analyse des coûts d’immobilisation des conteneurs et de reconfiguration de la chaîne provoqués par les contraintes temporelles et le besoin de synchronisation est un exercice difficile puisque, d’une part, ces coûts ne sont pas généralisables et, d’autre part, les armateurs sont réticents à les communiquer. Malgré cette difficulté, nous avons identifié et estimé les coûts provoqués par les retards des conteneurs à partir des informations collectées lors de nos entretiens et des rapports publiés par les armateurs, les autorités portuaires et les opérateurs de services intermodaux.

Le non-respect des contraintes temporelles de la chaîne implique une rupture et donc une immobilisation au port non prévue des conteneurs. Or toute immobilisation d’un conteneur représente un coût pour les armateurs et exige une réorganisation de la chaîne. Idéalement, les conteneurs doivent toujours être remplis et faire partie d’une chaîne de transport, c’est-à-dire circuler en permanence. Pour déterminer la spécificité temporelle de la chaîne en termes de coûts, il faut rapporter les frais d’immobilisation dans le port au nombre de conteneurs arrivant et partant en retard et qui ratent les correspondances avec les autres étapes de la chaîne.

Les frais d’immobilisation par conteneur varient selon le port, le nombre de conteneurs et le nombre de jours. Les ports exigent des armateurs de payer des frais d’immobilisation lorsque des conteneurs restent stationnés dans leur parc de conteneurs. Ces frais varient en fonction des services offerts (électricité, surveillance, etc.) et du nombre de terminaux et du trafic de chaque port33.

Le tableau 10 recense les frais d’immobilisation par type de conteneur que les armateurs doivent payer aux ports. Ces données ont été communiquées par les autorités portuaires et sont à prendre avec recul dans la mesure où les armateurs négocient annuellement

avec les entreprises prestataires de services portuaires le montant de ces frais. Cette négociation repose, principalement, sur le volume que les armateurs traitent dans le port. Malheureusement, aucun armateur n’a souhaité communiquer le montant qu’atteignaient ces frais d’immobilisation par port. A ce propos, ils affirmaient que le montant était très proche de celui communiqué par les autorités portuaires (annexe 14).

Tableau 10. Frais journalier d’immobilisation par type de conteneur et par port (2005)

Port Nombre de jours gratuits Nombre de jours Conteneur de 20 pieds Conteneur de 40 pieds Conteneur 20 pieds frigorifique Conteneur 40 pieds frigorifique 1- 20 30 ! 60! 90 ! 100 ! Anvers 5’ + 20 60 ! 120 ! 180 ! 200 ! 1- 3 33 ! 45 ! n.c n.c Brême 4ª + 3 33 ! 55 ! 100 ! 110 ! 1- 5 22 ! 31 ! n.c n.c Le Havre 3¤ + 5 30 ! 55 ! 66 ! 66 ! 1- 5 20 ! 40 ! n.c n.c 5- 10 40 ! 80 ! 62 ! 72 ! Rotterdam 3¤ + 10 40 ! 80 ! 101 ! 117 ! 1- 4 45 U$ 45 U$ 225 U$ 225 U$ 5- 9 95 U$ 95 U$ 386 U$ 386 U$ New Yorkº 4 + 10 245 U$ 245 U$ 386 U$ * 386 U$ *

Source : Frais d’immobilisation fournis par les autorités portuaires

Notes :’ Week-end et jours fériés exclus ; ª Dimanche exclu ;¤ A partir du jour suivant l’arrivée au port ; ° Plus 50% le week-end et jours fériés ; * Plus 40U$ par jour pour l’électricité ; n.c. : non communiqué

33 A ce sujet, le lecteur peut consulter l’ouvrage de Stopford (2002 p 82-84) et de Blauwens et al. (2002

Nous constatons que les frais sont assez divergents. Par exemple, l’immobilisation d’un conteneur de 40 pieds pendant 3 jours est gratuite dans tous les ports à condition que ce ne soit pas pendant le week-end et les jours fériés. Cependant, si le conteneur de 40 pieds est immobilisé 5 jours, l’armateur paye 45 dollars (soit environ 57 euros) au port de New York, 45 euros à Brême, 80 euros à Rotterdam, et 62 euros au Havre tandis qu’au port d’Anvers c’est gratuit34. Ou encore, si le conteneur reste immobilisé 20 jours, le port de New York devient encore plus coûteux que les ports européens, avec des frais de l’ordre de 2 370 dollars (soit 3 026 euros). Au port de Rotterdam, l’immobilisation d’un conteneur de 40 pieds pendant 20 jours est de 1 160 euros, tandis que pour la même période, l’armateur paye 900 euros à Anvers, 850 euros à Brême et 815 euros au Havre35.

Ces coûts peuvent devenir assez importants si nous considérons que le volume de conteneurs en retard est de 30 682 EVP dans le sens Ouest et de 28 091 EVP dans le sens Est. Toutefois, l’estimation des coûts de l’immobilisation des conteneurs se heurte à une difficulté méthodologique dans la mesure où les effets d’un retard varient selon le nombre de conteneurs, de jours et du port où les conteneurs sont immobilisés. Le nombre de situations possibles est infini36 : chacun des 4050 EVP de Maersk-Sealand,

arrivant en retard aux Etats-Unis peut rester immobilisé un certain nombre de jours différents des autres et dans un port différent37.

Malgré cette infinité de situations, en reprenant les coûts d’immobilisation par port (tableau 10), la part de conteneurs en retard (graphique 4) et le volume de conteneurs

34 Le montant à payer pour le stationnement d’un conteneur de 40 pieds pendant 5 jours est calculé ainsi :

au port de Brême (3 jours * 0!) +(2 jours * 45!) = 90! ; au port du Havre (3 jours * 0!) + (2 jours *31!) = 62! ; au port de Rotterdam (3 jours * 0!) + (2 jours * 40!) = 80!; au port de New York (4 jours * 0$) + (1 * 45$) = 45$ * 1,2768 = 57! où 1,2768 est le taux de change !/$ du 31 juillet 2006.

35 Le montant à payer pour le stationnement d’un conteneur de 40 pieds pendant 20 jours, et sans tenir

compte des majorations lors des week-ends, est calculé ainsi : par exemple au port de New York (4 jours * 0$) + (4 jours * 45$) + (5 jours * 95$) + (7 jours *245$) = 2 370$ * 1,2768 = 3 026 ! où 1,2768 est le taux de change !/$ du 31 juillet 2006 ; au port de Brême (4 jours * 0!) + (3 jours * 45!) + (13 jours *55!) = 850! ; au port du Havre (3 jours * 0!) + (5 jours *31 !)+ (12 jours *55!) = 815! ; au port de Rotterdam (3 jours * 0!) + (5 jours * 40!) + (7 jours * 80!) = 1160! ; au port d’Anvers (5 jours * 0!) + (15jours *60!) = 900!.

36 5*4 PRODUIT de 20^4050 = " ; en supposant que les conteneurs partent d’un des 5 ports pour arriver

dans un des 4 ports restants et que le retard est compris entre 1 et 20 jours.

37 1,8% des retards vers les Etats-Unis sur le total de 225 004 EVP de l’armateur Maersk correspondent à

acheminés par les armateurs (chapitre 1 section 1.4) nous pouvons estimer les conséquences du retard en termes de coûts d’immobilisation des conteneurs. Le tableau suivant montre les coûts que les armateurs doivent payer en supposant que les conteneurs immobilisés sont standards et de 40 pieds et que la durée de l’immobilisation dans les ports est de 5, 7 ou 10 jours38. Le calcul pour une période inférieure à 5 jours n’est pas nécessaire car cette durée est gratuite dans tous les ports.

Ainsi, si les conteneurs de l’armateur APL arrivent en retard au port de Brême et que l’interconnexion entre l’étape maritime et terrestre n’est plus possible, le coût des contraintes temporelles s’élève à 507 000 euros, 734 000 euros ou 1 076 000 euros selon que l’immobilisation dure soit de 5, 7 ou 10 jours. Si la rupture de la chaîne a lieu au port de Rotterdam, ce coût s’élève à 414 000 euros, 745 000 euros ou 1 241 000 euros, pour les mêmes périodes.

Certes ces chiffres correspondent à une situation précise dans laquelle l’ensemble de conteneurs par armateur sont de 40 pieds et la durée de l’immobilisation dans les ports est de 5, 7 ou 10 jours, mais ils montrent que les frais d’immobilisation à payer lorsque les conteneurs doivent stationner dans les ports à cause d’un retard sont conséquents en termes pécuniaires ainsi qu’en termes du nombre de conteneurs en retards. Rappelons que les chargeurs peuvent rompre la relation contractuelle avec l’armateur si les délais de livraison ne sont pas respectés.

Les armateurs ont donc intérêt à éviter toute immobilisation des conteneurs. Nous allons voir dans le chapitre 3 comment l’organisation de la chaîne permet de maîtriser les coûts liés aux contraintes temporelles.

38 Nous allons voir dans la section 2 de ce chapitre que les conteneurs sont immobilisés en moyenne 7

jours dans les ports. Les calculs de ce tableau suivent la méthodologie expliquée dans les notes de bas de pages 33, 34 et 35.

Conteneurs en retard Jours d'immobilisation au port de…

Armateur Sens Anvers (000 euros) Brême (000 euros) Le Havre (000 euros)

Ouest Est 5 7 10 5 7 10 5 7 10 Maersk-Sealand 4050 2893 868 1215 1736 709 1027 1505 448 767 1244 Hapag-Lloyd 3053 3499 1050 1470 2100 857 1242 1820 542 927 1505 MSC 2755 2532 760 1064 1519 620 899 1317 393 671 1089 CP Ships 2611 2824 847 1186 1695 692 1003 1469 438 748 1214 P&O-Nedlloyd 2117 2107 632 885 1264 516 748 1096 327 558 906 Evergreen 1952 2107 632 885 1264 516 748 1096 327 558 906 APL 1664 2068 621 869 1241 507 734 1076 321 548 889 OOCL 1369 1678 503 705 1007 411 596 872 260 445 721 ACL 1190 1328 399 558 797 325 472 691 206 352 571 ICL 1096 1015 304 426 609 249 360 528 157 269 436

Armateur Sens Rotterdam (000 euros) New York (000 dollars)

Ouest Est 5 7 10 5 7 10 4050 2893 579 1042 1736 1114 1883 3038 Hapag-Lloyd 3053 3499 700 1260 2100 840 1420 2290 MSC 2755 2532 506 912 1519 758 1281 2066 CP Ships 2611 2824 565 1017 1695 718 1214 1958 P&O-Nedlloyd 2117 2107 421 758 1264 582 984 1588 Evergreen 1952 2107 421 759 1264 537 908 1464 APL 1664 2068 414 745 1241 458 774 1248 OOCL 1369 1678 336 604 1007 377 637 1027 ACL 1190 1328 266 478 797 327 553 893 ICL 1096 1015 203 365 609 301 509 822