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1.1. L’arabe classique

L’arabe classique (AC) est la langue du Coran associée à une religion, l’Islam. Elle occupe la place la plus prestigieuse de par son statut historique et religieux, acquérant ainsi le statut de variété haute (Youssi, 1995). L’arabe classique est une langue essentiellement écrite et utilisée uniquement dans des contextes formels religieux ou politiques (Benzakour, 2002). Cependant, ce n’est pas une langue de communication spontanée, ni au Maroc, ni dans aucun pays musulman, et ce n’est pas non plus une langue maternelle. Elle est pourtant la référence dans les pays arabes, puisque les variétés dialectales ont été établies à partir de celle-ci. L’arabe classique, se référant au Coran pour en fixer la norme, s’est coupé de toute évolution et est resté figé dans sa sacralité. Quitout (2001, p. 61) explique que pour le locuteur arabe, l’arabe classique est « la langue de référence et l’outil d’ancrage

symbolique dans le patrimoine culturel arabo-musulman » et « aux yeux des nationalistes, comme aux yeux des intégristes, le moyen de lutte contre l’aliénation linguistique et culturelle exercée par l’Occident à travers ses langues et notamment le français ». De fait, la

sacralisation de l’arabe classique et le figement qui en résulte l’ont conduit à être en décalage avec le monde moderne. D’autres variétés, l’arabe standard et l’arabe médian, plus vivantes et plus fonctionnelles coexistent autour de l’arabe classique (Benzakour, Gaadi, & Queffélec, 2000).

1.2. L’arabe standard moderne et l’arabe médian

L’arabe standard moderne1 (ASM), respectueux de la norme issue de l’AC est plus

ouvert à l’évolution que ce dernier (Benzakour, 2002). Le lexique de l’AC a été adapté de manière à pouvoir répondre aux exigences de communication technique et culturelle. Suite à l’indépendance du Maroc, une politique d’arabisation s’est mise en place et une simplification

1 L’arabe standard moderne peut être trouvé sous diverses appellations selon les auteurs. Ainsi, Quitout (2001) parlera d’arabe

de la langue arabe a dû être envisagée pour permettre de s’adresser à l’ensemble de la population. C’est sous cette impulsion qu’est né l’arabe standard moderne. C’est en quelque sorte une version simplifiée de l’AC qui est enseignée dans les écoles coraniques. L’ASM est la langue officielle de l’État. Pourtant, ce n’est pas une langue maternelle. Pour tout arabophone, l’ASM est acquis en milieu scolaire, en superposition à l’arabe dialectal (langue maternelle). L’ASM est décrit comme une « lingua franca » (Al-Huri, 2015; Bourdereau, 2006) permettant de communiquer quelle que soit la nationalité ou le dialecte natif des individus. D’autre part, c’est la langue qui est utilisée dans les médias, à l’oral et à l’écrit, dans les administrations et les communications formelles au Maroc et dans tout le monde arabe (Quitout, 2001).

L’arabe médian est une autre variété d’arabe, variété intermédiaire qui se situe entre l’ASM et l’arabe dialectal. Elle est utilisée à l’oral, constituant une variété basse de l’ASM, et une variété haute de l’arabe dialectal. Cette variété intermédiaire, empruntant le stock lexical de l’ASM et la morphosyntaxe du dialectal (Nissabouri, 2005), a conduit Youssi (1983, 1995) à parler de triglossie pour caractériser la situation marocaine et non plus, comme cela est souvent évoqué pour la langue arabe, de diglossie.

1.3. Les dialectes marocains

L’arabe dialectal est la langue maternelle de tout individu arabophone. Les dialectes sont différents en fonction du pays et de la région. Les dialectes marocains sont représentés dans la Figure 1 ci-dessous :

Concernant le Maroc, on distingue l’arabe dialectal marocain (AM), appelé « darija », des dialectes berbères (ou amazigh). La darija est la langue maternelle des marocains qui ne sont pas berbérophones. L’arabe dialectal est ainsi la langue de communication orale de la vie quotidienne, mais n’a aucun statut officiel. Elle est d’ailleurs évincée de l’enseignement scolaire bien qu’elle soit la langue d’intercompréhension, parlée et comprise par tous. En effet, l’AM a le statut de langue véhiculaire entre arabophones et amazighophones (ou berbères). Bien qu’évincée de l’école, « cette langue a gagné énormément en prestige […] la

darija a gagné du terrain sur plusieurs plans : de l’éducatif au religieux, du privé au public, de l’artistique au culturel, du politique au virtuel » (Ziamari & De Ruiter, 2015, p. 4). En effet, la

darija commence à être utilisée dans la presse écrite et au travers des nouvelles technologies, contribuant ainsi à sa promotion (Miller, 2012).

Figure 1 Illustration de la répartition géographique des dialectes marocains.

Le dialecte arabe est la darija, les dialectes berbères ou amazigh sont le Techelhit, le Tamazight et le Tarifit (sur la carte Zenatiya).

L’amazigh, devenue « une » langue officielle du Maroc suite à la constitution de 2011 (Messaoudi, 2013) compte trois variétés : le Techelhit, parlé dans les hautes montagnes de l’Atlas, de l’Anti-Atlas dans le Sud et la vallée du Souss, le Tarifit (Zenatiya sur la carte Figure 1, p. 36), parlé essentiellement au Nord du Maroc, et le Tamazight, utilisé dans l’Atlas central (Messaoudi, 2013; Quitout, 2001; Ziamari & De Ruiter, 2015). Selon Zerouali (2011) l’amazigh est parlé par 60% de la population. L’enseignement de cette langue a d’ailleurs été introduit dans certaines écoles primaires à partir de la rentrée de septembre 2003 (El Amrani, 2013) avec un objectif de globalisation.

1.4. Les langues étrangères au Maroc

Le français a une place singulière dans le contexte linguistique marocain. Langue officielle de 1912 jusqu’à l’indépendance du Maroc en 1956, le français n’a pas de véritable statut aujourd’hui au Maroc. Cependant la langue française demeure, malgré la politique d’arabisation qui a été mise en place au lendemain de l’indépendance, une langue socialement valorisée, la langue de l’élite marocaine. Le français est alors un instrument majeur de sélection et de promotion scolaire, sociale et professionnelle au Maroc (Bourdereau, 2006). Elle est de fait la première langue étrangère. Elle représente la modernité, la promotion sociale et économique (Benzakour et al., 2000). Présente dans l’administration et dans l’éducation, elle jouit d’un statut privilégié. Elle est enseignée quelques heures par semaine en tant que langue étrangère dans les établissements publics, alors que dans les établissements privés c’est la langue d’enseignement, c’est-à-dire que les cours sont dispensés en français.

Nous devons également noter la présence de l’espagnol et de l’anglais bien que ces deux langues tiennent une place mineure dans le paysage linguistique marocain (Quitout, 2001) en comparaison aux différentes variétés d’arabe et au français.

Implications de la situation sociolinguistique dans le système